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La politique chinoise de l'administration Bush après la répression place Tiananmen : l'interdépendance peut-elle apaiser les tensions politiques ? 1989-1993

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par Nicolas Le Guillou
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 1 Science Politique - Relations Internationales spécialité Sécurité & Défense 2014
  

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Chapitre 3 : Les premiers éléments de la rivalité sino-américaine

Cette dernière section répond à un besoin de revenir aux sources historiques de la relation sino-contemporaine actuelle tant étudiée. A notre humble avis la période post-Tiananmen, riche de complexité, a posé les principaux jalons de la relation actuelle. La crise ayant généré un climat d'incertitude, il fallut instaurer un nouvel équilibre dans les rapports. Par conséquent, étudier les premières années post-guerre froide des rapports sino-américains c'est quasiment anticiper les futures pierres d'achoppement des décennies 1990 à 2010. Du même coup cela permet de mettre en lumière ce que théorise l'interdépendance complexe à savoir l'absence de hiérarchie des enjeux et leur diversification dans les politiques globales.

Section 1 : L'éternelle problématique des Droits de l'Homme

Bien que G. Bush n'y portât pas suffisamment attention aux yeux des représentants du Congrès américain, la problématique devint un écueil durable de la relation dès les premières années post-Tiananmen. En réalité la question était traitée par l'administration Bush mais de manière assez secondaire, une fois que l'objectif de préservation des intérêts vitaux était atteint350. Pour les Américains, deux considérations précèdent leur intérêt à défendre cette cause : morale et pragmatique. En défendant moralement les principes des Droits de l'Homme les Américains défendent et diffusent leurs valeurs. De façon plus réaliste, une Chine en proie à la répression n'est pas profitable aux investisseurs américains351. Conjoncturellement, avec la fin de la Guerre froide la défense des Droits de l'Homme s'est présentée aux Etats-Unis comme le successeur de l'anti-communisme dans l'arsenal idéologique américain352. Nous l'avons vu, cette problématique sera d'ailleurs reliée aux enjeux commerciaux avec les volontés du Congrès de conditionner le statut MFN à l'amélioration des droits humains en Chine353. La question se posera de nouveau sous le

350 Un certain nombre de rapports du département d'Etat témoignent de l'importance de la problématique des droits de l'Homme dans la politique chinoise de l'administration Bush. Cf U.S. DEPARTMENT OF STATE, « Human Rights Issues - 23rd of April 1991 », Digital National Security Archive, China and the U.S., 3p.

351 HARDING Harry, A Fragile Relationship: The United States and China since 1972, op. cit. p. 340.

352 DITTMER Lowell, « Chinese Human Rights and American Foreign Policy: A Realist Approach », art. cit., p. 422.

353 Une note du Congrès rappelle ainsi les conditions d'attribution du statut ainsi que ses bénéficiaires dans le camp des pays communistes. S'agissant de la RPC, le rapport indique des conditions plus précises (notamment plus de liberté et

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mandat de Clinton. Tout au long des années 1990 les Etats-Unis teinteront donc leur politique chinoise d'une dimension humanitaire via deux approches : une engagée (engagement constructif sous George Bush père), une autre plus punitive, procédant d'une manipulation du caractère asymétrique de l'interdépendance afin d'intimider Pékin354. La RPC elle-même se servira d'un assouplissement dans ce domaine pour donner du crédit à ses ambitions. Ainsi en 2000, fut libéré un dissident connu, Wei Jingshen juste avant que Pékin dépose sa candidature pour accueillir les futurs jeux olympiques355. Le spectre des Droits de l'homme s'élargira progressivement356, du niveau individuel avec la question des dissidents, très présente pendant les années 1990357, à un niveau plus large, celui des groupes (cas du problème des exportations chinoises produites à partir du travail forcé) jusqu'à plus récemment concernant une zone géographique entière avec le Tibet.

Section 2 : La structure du commerce sino-américain en question

Un autre facteur d'inquiétude devenu aujourd'hui un réel défi pour les Américains concerne la structure du commerce bilatéral sino-américain dont la balance commerciale est nettement déficitaire du côté américain. Cette situation émergea timidement dès le tournant des années 1990. En effet entre 1987 et 1991 le commerce bilatéral sino-américain progressa considérablement : les indications chiffrées chinoises affichant une augmentation de 7,8 milliards de dollar à 14,2 milliards et les chiffres américains une expansion de 10,4 milliards à 25,3 milliards soit un accroissement de 143%358. Parallèlement, les exportations de chacun des deux pays augmentèrent (réserve faite de l'année 1990 dû aux sanctions américaines). Alors que la balance commerciale était quasi nulle en 1985, entre 1989 et 1992 le déficit commerciale américain tripla passant de 6,2 milliards de dollar de déficit à 18 milliards en 1992. La Chine devenait le plus important marché américain à l'export dans le monde totalisant près de 200 000 emplois américains359. Washington souleva assez rapidement la question du déficit commercial avec la Chine très vite devenu le plus important après

de respect des droits de l'Homme) : U.S. LIBRARY OF CONGRESS, « MFN Trade Status Who Has It and Why ? - June 1992 », Digital National Security Archive, China and the U.S., 4p. Voir Annexe 4 : Les conditions d'attribution du statut de la Nation la plus favorisée par les Américains, p. 97.

354 LAMPTON M. David, Same Bed, Different Dreams: Managing U.S.-China Relations, 1989-2000, op. cit. pp. 135136.

355 DITTMER Lowell, « Chinese Human Rights and American Foreign Policy: A Realist Approach », art. cit. p. 439.

356 M. David, Same Bed, Different Dreams: Managing U.S.-China Relations, 1989-2000, op. cit. p. 140.

357 JACQUET Raphaël, « Trois ans après Tian'anmen ... La situation des dissidents en Chine et à l'étranger trois ans

après les événements de Juin 1989 », Perspectives chinoises, n°4, 1992, pp. 22-29.
URL: /web/revues/home/prescript/article/perch_1021-9013_1992_num_4_1_1498, consulté le 12 avril 2015.

358 WANG Yangmin, « The Politics of U.S.-China Economic Relations: MFN, Constructive Engagement, and the Trade Issue Proper », art. cit. p. 456.

359 DITTMER Lowell, « Chinese Human Rights and American Foreign Policy: A Realist Approach », art. cit. p. 439.

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le Japon dans la section 301 du U.S. Trade Act360 qui invitait la Chine à élargir son marché afin de le rendre plus libre tout en achetant plus de biens américains. Pékin répondit en envoyant des délégations et en baissant ses tarifs d'importation sur 225 produits, ainsi qu'en ouvrant son secteur industriel à l'investissement étranger, et de manière général le secteur des banques, assurances et des finances361. Pour autant, en 1992 quelques mois avant l'élection, l'administration Bush réclama davantage de garanties d'ouverture de la part des Chinois.

En dépit de ces négociations, le déficit de la balance commerciale américaine avec la RPC ne cessa de s'approfondir pour atteindre des montants records : 342 milliards de dollar en 2014362.

Section 3 : Le retour de l'enjeu taïwanais

A cela s'ajouta dans les derniers moments du mandat de George Bush le retour de l'enjeu taïwanais, préfigurant la future crise du détroit de Taïwan dans la seconde moitié des années 1990. Alors que Reagan avait limité le commerce des armes avec l'île par la signature du communiqué conjoint du 17 Août 1982 et que Taïwan avait été marginalisé par la suite, le Président Bush, renversa 10 ans de politique américaine taïwanaise. A l'été 1992, l'administration américaine annonça en effet la vente à Taïwan de 150 avions de combat F-16 pour un montant de 6 milliards de dollar363. Plus qu'une simple vente d'armes, cette opération eut de profondes implications sur la relation sino-américaine. Un rapport de Robert G. Sutter (spécialiste de politique internationale) et de Wayne Morrison (analyste financier) datant du 1er Septembre 1992 dresse ainsi la liste de pour et de contre la vente de ces chasseurs. Parmi les arguments avancés, les négociations de ventes françaises du Mirage 2000 avec Taïwan, l'importance du déficit commercial avec Pékin, la perte d'emploi dans l'industrie de défense364. Sur ces recommandations d'experts, la coopération sino-russe se renforçant, attaqué sur sa politique chinoise conciliante, accusé de coopérer avec des dictateurs communistes pendant la campagne présidentielle, George Bush prit la décision de vendre ces F-16. Cela renforça assez logiquement l'antagonisme sino-américain : cette vente montra à Pékin que les Américains ne leur accordaient plus l'importance stratégique qu'ils concédaient auparavant. Immédiatement le ministère chinois des affaires étrangères Qian Qichen réagit en

360 WANG Yangmin, « The Politics of U.S.-China Economic Relations: MFN, Constructive Engagement, and the Trade

Issue Proper », art. cit. p. 457.

361 Ibid.

362 https://www.census.gov/foreign-trade/balance/c5700.html, consulté le 12/04/2015.

363 MANN James, About Face: A History of America's Curious Relationship with China, From Nixon to Clinton, op. cit. p. 268.

364 Tous les arguments pour et contre la vente de F-16 à Taïwan sont analysés par les deux experts mentionnés : cf. U.S. LIBRARY OF CONGRESS, « Taiwan U.S. Advanced Fighter Aircraft Sales--Pro and Con - 1st of September 1992 », Digital National Security Archive, China and the U.S., 10p. Voir Annexe 5: Expertise sur la vente des chasseurs américains F-16 à Taïwan, p. 100.

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menaçant les Etats-Unis qu'il y aurait de sérieuses conséquences. Pour autant, il n'y eut pas de sanctions immédiates. D'abord parce que l'administration Bush s'assura de compenser cet incident en ravivant la commission commune du commerce suspendue en 1989. D'autre part, parce que les dirigeants chinois étaient trop surpris d'un tel échange pour savoir comment y répondre et surtout, ils ne souhaitaient pas l'arrivée des démocrates, bien plus critiques à l'égard des Droits de l'Homme, à la tête des Etats-Unis. Selon les services secrets, Pékin réagit très probablement discrètement en vendant des missiles M-11 au Pakistan365.

Ce revirement diplomatique replaça donc Taïwan au coeur de la relation sino-américaine annonçant à l'avance la prochaine crise du détroit de Taïwan de 1995-1996. Bien que la liste ne soit pas exhaustive, ces trois éléments, Droits de l'Homme, balance commerciale et Taïwan, constituèrent des composantes majeures de la relation sino-américaine à venir, dont certains vestiges demeurent encore aujourd'hui. Ceci nous rappelle aussi combien les enjeux sino-américains se sont diversifiés sur la période post-Tiananmen au point de recouvrir des domaines de la politique mondiale extrêmement hétéroclites. Evaluons justement maintenant quel rapport entretient notre théorie précédemment explicitée au regard des faits qui viennent d'être énoncés.

Titre 3 : Conclusion partielle : l'interdépendance complexe, un juste équilibre entre la théorie et l'empirique ?

Ce dernier titre a vocation à livrer une synthèse partielle sur l'applicabilité de notre théorie choisie au regard de l'ensemble des faits qui ont été détaillés. Au cours de ces trois derniers chapitres nous relèveront donc ce qui nous a semblé le plus pertinent dans la méthode de R. Keohane et J. Nye tout en dégageant ses limites les plus frappantes. Enfin, les ultimes sections donneront une vision réactualisée de leur théorie.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote