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La communauté internationale face à  la crise libyenne: quel équilibre entre le droit d?ingérence humanitaire et la souveraineté des etats ?

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par Germain TOÏ
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Chapitre II : La souveraineté : un attribut non-absolue

Parmi les principes qui régissent les relations internationales figurent ceux de souveraineté, de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat et de non recours à la force. En matière d'opérations extérieures, ceux-ci sont en théorie autant de limites à l'action des Etats et des organisations internationales. Au cours de la décennie 1990, l'activité accrue de l'O.N.U. en matière d'opérations multinationales s'est accompagnée d'une certaine remise en cause de ces principes.

A cet effet, nous allons analyser les résolutions 43/ 131 et 45/100 de l'Assemblée Générale (Section I) puis voir la pratique des opérations de maintien de la paix (Section II)

Section I : Les résolutions 43/131 et 45/100 de l'Assemblée Générale de l'ONU : un nouvel ordre humanitaire ?

L'évolution récente du système international a largement favorisé l'adoption des résolutions 43/131 et 45/100. Lors de la guerre froide, les pays de l'Est, ainsi que les Etats du Sud, "jaloux" d'une souveraineté récemment et chèrement acquise, étaient majoritaires à l'O.N.U. et s'opposaient à tout projet visant à introduire, dans l'ordre juridique international, une règle favorisant la levée temporaire de leurs prérogatives. Et ceci même s'il agissait d'affirmer le droit de secourir à travers les frontières, les victimes des catastrophes et calamités de toutes sortes. La chute du bloc de l'Est, la décomposition de l'ancienne puissance soviétique, l'essor laborieux et mouvementé de la démocratie dans les pays du tiers-monde et d'Europe centrale, et surtout la reconnaissance internationale des pratiques des ONG (Organisation Non Gouvernementale) de l'urgence, ont peu à peu instauré un climat favorable pour l'adoption de ces deux résolutions.

Paragraphe I: Les résolutions 43/131 et 45/100 de l'Assemblée Générale de L'ONU sur l'assistance humanitaire

Nous nous attèlerons dans ce premier paragraphe à analyser les deux résolutions de l'Assemblée Générale de l'ONU relatives à l'assistance humanitaire

A. La résolution 13/131 de l'Assemblée Générale de l'ONU portant "Assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et autres situations d'urgences de même ordre"

La résolution 43/131 sur "l'Assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et autres situations de même ordre" a été adoptée le 8 décembre 1988. En proposant ce texte, la France poursuivait un double objectif. D'une part, la France voulait inclure l'assistance humanitaire dans la politique des Nations Unies en matière des droits de l'homme. D'autre part, elle voulait faire reconnaître par l'O.N.U. que les O.N.G. de l'urgence devaient bénéficier de facilités d'accès et d'intervention, comparables à celles qui sont actuellement accordées aux organismes de secours visés par les 04 Conventions de Genève de 1949 et les Protocoles additionnels de 1977 (droit de Genève) 28(*).

Le thème de l'urgence est au coeur de tout le préambule qui fonde le dispositif de la résolution. Après avoir affirmé que les catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre, ont des conséquences graves sur les plans économique et social de tout pays touché, l'ONU considère que le fait de laisser des victimes représente « une menace à la vie humaine et une atteinte à la dignité de l'homme. En raison de cette menace, l'urgence commande la rapidité d'intervention A ce propos les Nations Unies se déclarent convaincues que la rapidité permet « d'éviter que le nombre des victimes ne s'accroisse tragiquement ». Cette notion d'urgence, découle de l'idée que le libre accès aux victimes est une condition essentielle dans l'organisation des secours. Cet accès aux victimes ne doit donc être entravé ni par l'Etat touché, ni par les Etats avoisinants. Cependant, la résolution 43/131 ménage avec beaucoup de soins la souveraineté de l'Etat affecté par une catastrophe. L'Etat affecté se voit accordé le rôle premier dans l'initiative, l'organisation, la coordination et la mise en oeuvre des opérations de secours29(*). Ce point relève donc d'une lecture normale du principe de la souveraineté nationale, dont le caractère absolu n'est nullement remis en question ici.

Dès lors, si la résolution affirme dans son préambule (§ 11) qu'à côté de l'action des gouvernements et des organisations intergouvernementales « la rapidité et l'efficacité de cette assistance repose souvent sur le concours et l'aide d'organisations locales et d'O.N.G. agissant dans un but strictement humanitaire », si elle souligne l'importance de la contribution de ces dernières, les O.N.G. ne sont habilitées à intervenir qu'en second30(*). Et ce dans la mesure où l'Etat territorialement compétent n'est pas en mesure d'organiser l'aide, en raison même de la catastrophe. En dépit de ces restrictions, le principe de l'accès aux victimes est sans doute un élément fondamental de cette résolution. L'existence d'accessibilité aux victimes, définie dans la résolution 43/131, a été complétée par la résolution 45/100, adoptée le 14 décembre 1990.

B. La résolution 45/100 de l'Assemblée Générale de l'ONU portant "Assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et autres situations d'urgences de même ordre"

La résolution 45/100 apporte de nouveaux éléments à l'assistance humanitaire. Elle comporte des dispositions relatives à l'évaluation de l'ampleur des catastrophes. Il s'agit, par cette évaluation préliminaire, d'optimiser les secours en les adaptant autant que possible aux besoins réels des victimes, afin d'éviter des graves dysfonctionnements. Ceci nécessite une expertise neutre et rapide des besoins. La résolution propose donc la création d'un corps d'experts internationaux, à partir d'une liste fournie par les Etats. Ces experts internationaux vont être à la disposition du Secrétaire général des Nations Unies et seront mobilisables en permanence. De tels "couloirs d'urgence" ont été mis en place au cours des différentes opérations humanitaires récentes. Ainsi, des opérations de secours ont été déployées dans le nord de l'Iraq, au mois d'avril 1991, en faveur des populations kurdes. Sous le nom de "routes bleues" de l'O.N.U., ont été aménagées au dessus du 36ème parallèle, des couloirs de retour afin de permettre aux populations réfugiées de rentrer en toute sécurité chez elles.

Paragraphe II: L'apport de ces résolutions à l'ordre humanitaire international

La portée de ces deux résolutions est au fond très restreint. Il est vite apparue, que les notions de secours immédiat et d'accès aux victimes, ne faisaient pas encore l'unanimité au sein des Nations Unies, même si ces notions appartiennent au nombre des concepts fondamentaux de l'assistance humanitaire. Les pays en voie de développement ont été particulièrement peu enthousiastes à l'égard de ces résolutions. Ils redoutaient d'être les premiers et seuls Etats visés à terme par redéfinition du principe de la souveraineté nationale et une remise en cause de son exercice absolu. Par ailleurs, ces pays récusaient la notion même d'urgence.

Selon ces pays, avant de mettre en place des mécanismes de secours rapides, il conviendrait d'augmenter l'aide au développement, afin d'éviter ou d'atténuer l'apparition des situations de détresse. Toujours selon ces pays, l'aide d'urgence ne se suffit pas en elle-même et devrait être précédée des mesures préventives, visant notamment le renforcement d'un développement économique, social efficace et stable. De plus, les résolutions 43/131 et 45/100 ne fixent malheureusement pas le seuil de nécessité d'une action humanitaire. En outre, les résolutions n'apportent aucune solution au problème central de l'évaluation des besoins, si ce n'est avec la proposition de constituer une liste d'experts. D'importants obstacles se dressent lorsqu'un Etat susceptible de recevoir une aide, refuse de reconnaître l'existence des besoins humanitaires pour sa population, alors que les organisations intergouvernementales ou les O.N.G., voire des Etats étrangers, ont prouvé l'existence de ces besoins. Cette difficulté n'est ni abordée ni résolue par les textes des résolutions des Nations Unies. Les résolutions 43/131 et 45/100 sont donc très vagues, très imprécises sur les modalités de déclenchement et de conduite des opérations d'assistance en urgence. Au surplus, ces textes n'ont pas une valeur réglementaire.

Il s'agit des simples recommandations qui ne peuvent être assimilées à un nouveau droit, comme le représentant du Brésil auprès de l'O.N.U. l'a pertinemment rappelé après l'adoption de la résolution 43/131. Selon le représentant du Brésil, l'assistance d'urgence dans le cas des catastrophes, dont l'importance est indiscutable, ne saurait être considérée comme une obligation des Etats, des organisations non-gouvernementales et des organisations internationales, mais est un droit moral de solidarité internationale, qui se situe au dessus des clivages politiques. Seule une convention internationale aurait un caractère véritablement contraignant. La fonction essentielle du droit international est d'établir des compétences, de les attribuer et de les ordonner. Les résolutions de l'O.N.U. ne remplissent pas cette fonction qualificative et ne peuvent donc pas être considérées comme fondant des règles de droit.

En définitive, il apparaît fondamental de distinguer les deux questions du droit à l'assistance humanitaire et du droit d'ingérence. Il semble, à la lecture de ces résolutions de l'Assemblée générale, que l'on progresse vers la reconnaissance expresse d'un droit à l'assistance des populations civiles victimes de catastrophes naturelles et d'autres situations d'urgence. Une reconnaissance expresse du droit à l'assistance constituerait cependant un progrès important et souhaitable. Elle ne représente après tout qu'une concrétisation du droit à la vie et au meilleur état de santé possible que les Etats se sont engagés à favoriser dans plusieurs instruments internationaux. Il s'agirait d'une reconnaissance expresse d'un droit existant, mais qui faciliterait son respect effectif. Mais, comme on l'a vu à la lecture des résolutions de l'Assemblée générale, ce stade n'est pas encore atteint.

Via les résolutions 43/131 et 45/100, l'Assemblée générale des Nations Unies s'est implicitement attribué une compétence sur des questions qui relevaient jusqu'alors d'un espace de compétence strictement national. Ces résolutions peuvent être présentées comme le premier pas vers l'instauration d'un "droit d'assistance humanitaire", dans la mesure où la consécration des nouvelles normes passe par l'affirmation consensuelle de principes fondateurs.

Section II : Utilisation du Chapitre VII et maintien de la paix interne : opérations menées au nom de l'ingérence.

Malgré le principe de l'article 2§7 consacrant la non intervention par l'ONU dans les affaires intérieures d'un Etat, le CS n'hésite plus à s'immiscer dans les situations internes. La motivation des interventions de l'ONU en cas de menace contre la paix à l'intérieur d'un Etat peut être la violation des droits de l'homme, une violation grave du droit humanitaire ou la violation de la démocratie.

Paragraphe I: En cas de violation des droits de l'homme et de la démocratie dans un Etat

A. Cas de la violation des droits de l'homme dans un Etat

Les droits de l'homme font aujourd'hui l'objet d'une internationalisation progressive. Le CS (Conseil de Sécurité) a reconnu qu'une violation massive des droits de l'homme pouvait fonder sa compétence sur la base du Chapitre VII. Dans la résolution 68831(*) de 1991, Le CS a admis que « la répression des populations civiles irakiennes dans de nombreuses parties de l'Irak, a conduit à un flux massif des réfugiés vers des frontières internationales et à travers celle-ci à des violations de frontières qui menacent la paix et la sécurité internationales dans la région » Le caractère massif de la violation des droits de l'homme la transforme en un crime contre l'humanité et elle devient ainsi d'intérêt international. Dès lors, le comportement d'un Etat envers une partie de sa population n'est plus une affaire intérieure bien que la résolution 688 se réfère tout de même à l'article 2§7 de la charte. Les multiples violations des droits de l'homme dans l'ex-Yougoslavie ont aussi conduit le CS à les condamner dans la résolution 79232(*) (1992). A travers cette résolution, le CS exhorte les Etats membres à intervenir pour faciliter l'acheminement des secours aux victimes du conflit en Bosnie-Herzégovine et exige l'accès des organisations humanitaires aux camps d'internements crées dans la région. Dans le drame du Kosovo, il a visé par sa résolution 119933(*) (1998), « les informations faisant état de la multiplication des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, et (...) la nécessité de veiller aux respect des droits de tous les habitants du Kosovo »34(*).

Dans le cadre du Kosovo, l'OTAN est intervenu sans l'accord du CS. Les Etats membres de l'O.T.A.N. invoquent le non respect par la Yougoslavie des Résolutions 1160 (1998), 1199 (1998) et 1203 (1998) du Conseil de sécurité, les quelles qualifient la situation à Kosovo de menace contre la paix. Ensuite, ils mettent en avance l'argument selon lequel l'emploi de la force par l'O.T.A.N. n'est pas dirigé contre l'intégrité territoriale, l'indépendance politique de la Yougoslavie ou de toute autre manière incompatible avec les principes et les buts des Nations Unies. En plus, pour les Etats membres de l'O.T.A.N. le but de l'opération était de venir en aide à une population victime des violations graves des droits de la personne et du droit international humanitaire. Après, ils invoquent le fait que le Conseil de sécurité n'a pas adopté le projet de résolution présenté le 26 mars 1999 par la Russie, la Belarus et l'Inde condamnant l'action de l'O.T.A.N et exigeant l'arrêt des bombardements35(*).

Le CS a posé un principe d'accès aux victimes dans le respect des principes de neutralité et d'impartialité. De ce fait, l'ONU autorise les Etats à intervenir auprès des victimes en utilisant leurs forces armées si besoin est, pour fournir leur assistance directe, protéger les populations civiles ou rétablir un minimum de sécurité pour qu'elles retrouvent des conditions de vie normales.

B. Cas de violation de la démocratie

Pour organiser et garantir le bon déroulement des élections à Haïti, un groupe d'observateurs des Nations Unies fût créé en 1990. Elu Président le 16 décembre 1990, le Père Jean-Bertrand Aristide est renversé par un coup d'état militaire le 30 septembre 1991 et contraint à l'exil. Les sanctions décrétées par l'OEA puis par l'ONU (dans le cadre du chapitre VII) vont permettre la signature de l'Accord de Governors Island36(*) entre les autorités légitimes et les militaires au pouvoir. Par la suite, la MINUHA sera créée, mais les partisans des militaires empêchent le débarquement des premiers contingents, car les militaires ne désiraient pas quitter le pouvoir. Face au blocage de la situation, le CS va réagir en utilisant le Chapitre VII, pour adopter la résolution 940 (1994)37(*), permettant le recours à la force pour rétablir la démocratie. Elle  « autorise des Etats membres à constituer une force multinationale placée sous un commandement et un contrôle unifiés et à utiliser dans ce cadre tous les moyens nécessaires pour faciliter le départ d'Haïti des dirigeants militaires (...), et le prompt retour du président légitimement élu, ainsi que pour instaurer un climat sûr et stable qui permette d'appliquer l'Accord de Governors Island »38(*).

La résolution 940 contient plusieurs innovations. Elle se situe dans le prolongement des interventions décidées en Somalie ou au Rwanda. Le conseil de sécurité a décidé une action coercitive collective dans un conflit interne, en prenant en compte l'appel du Président Aristide. Usant de son pouvoir discrétionnaire, il a considéré la détérioration de la situation humanitaire et la multiplication des violations systématique des libertés civiles par le régime militaire comme critère d'une menace de la paix. Dans la résolution 841 (1993), le Conseil avait déjà constaté « des déplacements massifs de population, qui constituent des menaces graves à la paix et à la sécurité internationales ou aggravent les menaces existantes »39(*).

Plutôt que l'ignorance des principes démocratiques, ce sont les répercussions négatives de la méconnaissance de la démocratie dans l'ensemble de la région qui sont constitutives d'une menace contre la paix. L'innovation réside dans l'admission, pour la première fois, de l'usage de la force pour rétablir un régime politique démocratique. Pour le Conseil, la violation des accords de paix est constitutive d'un manquement des autorités militaires d'Haïti à la paix internationale. Bien que la résolution 940 souligne le caractère unique, complexe et extraordinaire de la situation en Haïti, ce qui appelle une réaction exceptionnelle, l'ONU est intervenue pour répondre à une situation humanitaire catastrophique et sauvegarder la démocratie, franchissant une étape supplémentaire pour maintenir la paix interne.

La présente intervention armée en Libye autorisée par la résolution 1973 de l'ONU s'inscrit dans le même cadre.

Paragraphe II: En cas de violation grave du droit humanitaire

Le maintien de la paix interne a également amené le CS à intervenir à titre humanitaire en Somalie et au Rwanda, où des violations graves du droit humanitaire s'étaient produites.

A. Cas de la Somalie: opération restore hope(1992)

Avec l'opération « rendre l'espoir » prévue par la résolution 794 (1992), le CS a mis en place une opération coercitive dans un Etat, n'ayant pas donné son accord , dans un but strictement humanitaire .Le caractère exceptionnel et unique de la situation en Somalie(la famine, la guerre civile et la disparition de l'Etat) relevé par le Conseil l'a amené à considérer que « l'ampleur de la tragédie humaine causé par le conflit en Somalie, qui est encore exacerbée par les obstacles opposés à l'acheminement de l'aide humanitaire, constitue une menace à la paix internationale ». La protection des convois humanitaires n'est pas confiée à des forces des Nations unies, mais à certains Etat membres sous couvert de l'ONU. En réalité, les Nations unies ont accepté la proposition des Etats-Unis d'envoyer environ 37 OOO soldats, pour remplacer les casques bleus de l'ONUSOM dans l'incapacité de remplir leur mission, consistant notamment à acheminer des secours humanitaires, du fait des pillages perpétrés par les factions rivales se disputant les oripeaux d'un Etat déliquescent. L'opération « Rendre l'espoir » a connu un succès mitigé. Malgré tout, l'intervention en Somalie a accru la convergence entre droit humanitaire et maintien de la paix.

B. Cas du Rwanda : opération « Turquoise » (1994)

Toujours en Afrique, en raison de la situation au Rwanda, et appelant une réponse urgente de la Communauté internationale, le Conseil de sécurité a constaté que « l'ampleur de la crise humanitaire (...) constitue une menace à la paix et à la sécurité dans la région » (résolution 929 (1994))40(*).En attendant le renforcement des effectifs de la MINUAR, il a autorisé une « opération multinationale (...) au Rwanda à des fins humanitaires », pour une durée temporaire de 2 mois. Dans les faits, l'opération « Turquoise », en raison de la carence de l'0UA, a été entreprise sous la responsabilité de la France, avec la participation symbolique de quelques contingents africains. Pour essayer de stopper une guerre civile ethnique, où le racisme n'est pas exempt entre les Tutsis et les Hutus, l'ONU se voit donc dans l'obligation de déléguer l'assistance humanitaire, le coût de la mise en oeuvre de l'opération étant à la charge des Etats participants. La résolution insiste bien sur le « caractère strictement humanitaire » de l'opération, qui n'est pas une force d'interposition entre les deux ethnies rivales. L'objectif est de « a) contribuer à la sécurité des personnes déplacées, des réfugiés et des civils en danger au Rwanda, y compris par la création et le maintien, là où il sera possible, de zones humanitaires sures ;b) assurer la sécurité et l'appui de la distribution des secours et des opérations d'assistance humanitaires » résolution 925(1994). Une zone humanitaire sûre a été créée et pour la protéger, ses soldats ont eu recours à la force comme le permettait la résolution 929 adoptée sur le fondement du chapitre VII sans pour autant empêcher la commission d'un génocide contre les Tutsis. Par contre, l'acheminement et la distribution de l'aide humanitaire a été facilités.

SECONDEPARTIE : La gestion de la crise par la communauté internationale : pourquoi l'intervention de l'OTAN

L'interdiction de l'ingérence dans les affaires intérieures et la prohibition du recours à la force sont avant tout la contrepartie et la garantie de l'exclusivité des compétences de l'Etat sur son territoire. Elle s'exprime en un devoir de non ingérence qui ne peut être remise en cause que par les mécanismes de sécurité collective (chapitre VII). Ainsi, malgré le principe de l'article 2§ 7 de la charte de l'ONU consacrant la non-intervention de l'ONU dans les affaires intérieures d'un Etat, le CS n'hésite plus à s'immiscer dans les conflits internes. Ses ingérences de l'ONU peuvent être motivées par la violation des droits de l'homme, les violations graves du droit humanitaire ou la violation de la démocratie. Pour ce fait, ces situations sont considérées comme menaces contre la paix et la sécurité internationale. La mobilisation de la communauté internationale autour de la crise libyenne et la qualification de celle-ci de menace à la paix et à la sécurité internationale par le CS de l'ONU a donner une dimension internationale à la crise qui, au départ, était une guerre civile.

Nous examinerons les raisons de l'intervention de l'OTAN en Libye (Chapitre I). Ensuite, nous nous pencherons sur le comportement des différends acteurs à la crise ainsi que sur les conséquences et les apports de solutions à la crise (Chapitre II)

Chapitre I: La problématique de l'intervention de l'OTAN en Libye

Si l'intervention humanitaire est relativement peu « traumatisante » pour la souveraineté étatique lorsqu'elle se limite à la fourniture de vivres, de médicaments, voire à l'envoi de personnel civils et compétents pour faire face à certaines situations de détresse, il en va très différemment si elle se traduit par un véritable recours à la force armée pour faire cesser des violations massives des droits de l'homme, dont un Etat se rendrait coupable vis-à-vis de sa population. L'atteinte à la souveraineté nationale sera alors flagrante. Il en résulte deux aspects : soit le rapport de force est tel que l'intervention militaire de certains Etats ayant la volonté et les capacités militaires de le faire sera possible en absence d'une résistance de la part de l'Etat visé comme l'actuelle situation en Libye, soit ces mêmes Etats ne voudront pas intervenir par peur de se voir infliger de lourdes pertes matérielles et civiles. Dès lors, le recours à la force armée sera tributaire des considérations politiques. Nombres d'Etats auront le sentiment qu'il y a « deux poids deux mesures » dans l'attitude du CS. Ce qui montre que l'action humanitaire ne peut être ni négocié ni conduite par des personnalités politiques sans qu'elle devienne captive des enjeux qui opposent les parties en conflit. Les relations entre le régime de Tripoli et les Etats membres de l'OTAN surtout les USA, la Grande Bretagne et la France ont toujours été belliqueuses en raison du refus de ce dernier de faire partie de l'US AFICOM, de son prétendu responsabilité dans les attentats de Lockerbie et du DC 10 UTA, ainsi que de sa volonté de freiner l'expansionnisme occidentale en Afrique.

L'OTAN et l'ONU sont toutes deux des organisations internationales attachées au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ont constitué le mandat des opérations de l'OTAN dans les Balkans et en Afghanistan, et défini le cadre de la mission OTAN de formation en Iraq. C'est le cas des opérations de maintien de la paix effectuées par l'OTAN sous l'égide de l'ONU en Ex-Yougoslavie. L'établissement de la zone d'exclusion aérienne imposée par l'ONU contre la Libye dans la résolution 1973, a été confié à l'OTAN sur la demande des USA et de la Grande Bretagne.

Il sera question pour nous d'analyser la crise libyenne (Section I) et de voir les raisons qui expliquent l'intervention de l'OTAN en Libye au regard de la résolution 1973 (Section II).

Section I: Analyse de la crise libyenne

La guerre civile libyenne de 2011 (ou révolution libyenne de 2011) est un conflit armé issu d'un mouvement de contestation populaire qui a débuté le 15  février  2011 en Libye. Elle s'inscrit dans un contexte de protestations dans les pays arabes. Contrairement aux révoltés tunisiens et égyptiens, les opposants au régime de Tripoli ne présentent aucunes revendications sociales mais n'exigent que le départ du guide de la révolution libyenne Kadhafi. Les principaux mouvements armés ont d'abord eu lieu dans des villes de Cyrénaïque (à l'Est) : El Beïda, Derna et surtout Benghazi ainsi que dans diverses autres localités dans une moindre mesure.

Dans un premier paragraphe, nous allons analyser les causes de la révolution et dans un second paragraphe faire ressortir les raisons qui expliquent le vote de la résolution 1973.

* 28 Le droit de Genève renvoie à la protection des civiles, des combattants blessés, des prisonniers de guerre. Cf Dr Eric Montcho-Agbassa, cours de droit de l'homme et droit international humanitaire P. 22

* 29 Art 2 de la résolution 43/131 « réaffirme également la souveraineté des Etats affectés et le rôle premier qui leur revient dans l'initiative, l'organisation, la coordination et la mise en oeuvre de l'assistance humanitaire sur leurs territoires respectifs ».

* 30 Consécration du principe de subsidiarité en vertu duquel l'Etat dont la population est victime d'une catastrophe, a la priorité des secours ; l'aide internationale n'intervient qu'à la double condition cumulative : son consentement et seulement si ses moyens s'avèrent insuffisants.

* 31 http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/688(1991)

* 32 http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/792(1992)

* 33 http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/1199(1998)

* 34 Paragraphe 13 du préambule de la résolution 1199 du 23 Septembre 1998

* 35 Droit international du maintien de la paix : Yves Petit LGDJ (librairie générale de droit et de jurisprudence) collection système 2000 P.53

* 36 http://agora.qc.ca/Documents/Haiti--Accord_de_Governors_Island_1993

* 37 http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/940(1994)

* 38 Article 4 de la résolution 940 du CS de l'ONU du 02 Août 1994

* 39 Paragraphe 9 du préambule de la résolution 841 du 16 Juin 1993 du CS

* 40 Paragraphe 10 du préambule de la résolution 929 du 22 Juin 1994

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote