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L'accès à la justice environnementale en droit international de l'environnement


par Yves-Ricky MUKALA NSENDULA
Université de Limoges  - Master 2 droit international et comparé de l'environnement  2019
  

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A. La Convention américaines des droits de l'homme

Adoptée le 22 novembre 1969 au Costa Rica, le Pacte de San José, entré en vigueur le 18 juillet 1978. Il est le principal instrument de protection des droits de l'homme dans la région, complétée par ses protocoles additionnels, notamment le Protocole sur les droits économiques, sociaux et culturels116. La Convention crée la structure du système interaméricain des droits de

116 Connu comme le Protocole de San Salvador, adopté en 1988.

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l'homme, formée par deux organismes chargés de surveiller l'exécution des obligations assumées par les Etats.

Les liens entre l'environnement et les droits de l'homme dans le système interaméricain peuvent se concrétiser par deux moyens différents : l'application directe du droit à l'environnement reconnu à l'art. 11 du Protocole de San Salvador par la reconnaissance de sa justiciabilité et la construction d'une dimension environnementale des droits de l'homme reconnus par la Convention américaine des droits de l'homme, y compris leur interprétation à partir du droit à l'environnement prévu à l'article 11 du Protocole de San Salvador dans le cadre d'une interprétation progressive et extensive de la Convention117. La première voie reste encore à développer, considérant que l'art. 11 du Protocole de San Salvador ne peut pas être directement invoqué lors d'une requête de violation des droits de l'homme, le droit à l'environnement dans le système interaméricain est un droit reconnu mais qui manque de concrétisation parce qu'il n'est pas justiciable118. En conséquence, la Cour interaméricaine a choisi la voie de la protection de l'environnement par ricochet et commence à développer une dimension environnementale de certains droits de l'homme consacrés par la Convention119.

Il faut noter que les rédacteurs de la Convention américaine ont en grande partie l'organisation originelle de la Cour et sa relation avec la Commission sur la structure du système européen de protection des droits de l'homme, tel qu'il existait dans les années 1960. Néanmoins, depuis ses tout débuts, le Tribunal de San José a développé une jurisprudence ainsi que des pratiques institutionnelles la séparant nettement de son homologue européen. Ces différences se trouvent particulièrement à cinq niveaux120. En premier lieu, il convient de rappeler que la Cour Européenne fut créée pour superviser un groupe de pays démocratiques où l'Etat de droit était une valeur acquise. En revanche la Cour interaméricaine vit le jour au coeur d'une situation différente, dans laquelle plusieurs Etats parrainaient eux-mêmes des crimes, ce qui permit au Tribunal de développer une doctrine fournie en matière de disparition forcée121. Le deuxième point a trait à l'évolution de la jurisprudence de la Cour interaméricaine en matière de réparations. Contrairement à celle de Strasbourg qui se contente généralement

117 Fernanda de Salles Cavedon-Capdeville, « L'écologisation du système interaméricaine des droits de l'homme : commentaire de la jurisprudence récente 2010-2013 », in Revue juridique de l'environnement, Volume 39, n° 3, 2014, p. 490.

118 Idem

119 Ibidem

120 Éric Tardif, « Le système interaméricain de protection des droits de l'homme : particularités, percées et défis », in La Revue des droits de l'homme, n° 6, 2014 disponible sur http://journals.openedition.org/revdh/962

121 Idem

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d'identifier les violations à la Convention européenne, et permettant à l'Etat fautif de remédier à la situation au moyen de compensation monétaire, la Cour interaméricaine émet régulièrement de longues listes d'actions que l'Etat doit entreprendre pour réparer les violations dont il est l'auteur122.

Un autre aspect distingue les deux Cours régionales, il s'agit de la supervision de l'exécution des arrêts. Dans le cadre européen, une fois émise, la Cour de Strasbourg est dessaisie du dossier, cédant sa place au Comité des ministres, un organe politique chargé de superviser la mise en oeuvre par l'Etat de la décision de la Cour. Par contre, en Amérique, c'est la Cour qui est chargé de superviser l'exécution de ses décisions en matière de réparation, et celle-ci émet une ordonnance enjoignant à l'Etat de faire rapport périodiquement de ses avancées à ce titre123. Enfin, il est à noter que dans les arrêts qu'elle émet, la Cour interaméricaine effectue une analyse approfondie de la preuve lui ayant été soumise, notamment pour pallier aux déficiences qui peuvent se présenter s'agissant de certains tribunaux nationaux124.

S'il est vrai que la Cour interaméricaine fait un travail de qualité dans la reconnaissance du droit d'accès à la justice en matière environnementale de manière particulière et du droit de l'environnement de manière générale, il faut cependant noter que la grande innovation en terme de proclamation et de reconnaissance du droit d'accès à la justice environnementale viens d'une convention régional qui s'inspirant des acquis de la Convention d'Aarhus et innove en allant au-delà de ce que sa devancière a déjà fait en termes de ce droit.

B. L'Accord régional sur l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement en Amérique du Sud et aux Caraïbes

Réunis à Rio de Janeiro, dix gouvernements de l'Amérique latine et des Caraïbes avaient émis le voeu de mettre en application le Principe 10 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement. Réaffirmant leur engagement sur l'accès à l'information, la participation du public et la justice en matière d'environnement125. Ils démontraient ainsi leur volonté de travailler sur un instrument régional de mise en oeuvre126 et c'est avec l'aide de la CEPL, comme secrétariat technique à la rédaction d'un tel engagement que commença la

122 Ibidem

123 Éric Tardif, Op. Cit.

124 Idem

125 Lire Bétaille, Julien (dir.), Op. Cit.

126 Idem

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confection du texte appelé à être un instrument régional de protection de l'environnement. Il s'agit du premier traité sur les questions environnementales dans la région.

Adopté le 4 mars 2018 à Escazù au Costa Rica, ce traité127 vise avant tout à combattre l'inégalité et la discrimination et à garantir le droit de toute personne à un environnement sain et à un développement durable, en portant une attention particulière aux individus et aux groupes vulnérables et en plaçant l'égalité au coeur du développement durable. Il s'agit d'un accord visionnaire et sans précédent, conclu par et pour l'Amérique latine et les Caraïbes, qui reflète les attentes, les priorités et particularité de la région. Il aborde des aspects essentiels de la gestion et de la protection de l'environnement dans une optique régionale et réglemente les droits d'accès à l'information, la participation publique et la justice dans des domaines aussi importants que l'utilisation durable des ressources naturelles, la conservation de la biodiversité, la lutte contre la dégradation des sols et le changement climatique, et le renforcement de la résilience face aux catastrophes128.

Dans le cadre d'une approche fondée sur les droits, cet accord reconnait les principes démocratiques fondamentaux et cherche à relever l'un des défis les plus importants que connait la région : le fléau de l'inégalité et une culture du privilège profondément enracinée. Par le biais de la transparence, de l'ouverture et de la participation, l'Accord contribue à la transition vers un nouveau modèle de développement et s'attaque à la culture inefficace et insoutenable des intérêts limité et fragmentés qui prévaut dans la région129. Il constitue une avancée en faveur du renforcement de la démocratie environnementale au sein de la région.

A première vue, l'Accord semble contenir des dispositions identiques à celles de la Convention d'Aarhus qui prévoit le droit d'accès à l'information, de participation aux processus décisionnels en matière d'environnement ainsi que celui d'exiger réparation si ces droits ne sont pas respectés. Toutefois, le texte d'Escazù contient plusieurs dispositions spécifiques à la région, par exemple sur la protection des défenseurs des droits de l'homme en matière d'environnement, et des personnes et groupes en situation de vulnérabilité130. Une autre

127 Non encore en vigueur, l'art. 22 par. 1 prévoit que l'Accord entrera en vigueur le quatre-vingt-dixième jour après le dépôt du onzième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion. A ce jour, seule la Guyane à déposer son instrument de ratification en date du 18 avril 2019.

128 Alicia Barena, Accord régional sur l'accès à l'information, la participation publique et l'accès à la justice à propos des questions environnementales en Amériques latines et dans les Caraïbes, Santiago, Nations Unies, 2018, p. 8.

129 Alicia Barena, Op. Cit., p.8.

130 Damien Barchiche, Elisabeth Hege et Andrés Napoli, « L'accord d'Escazù : un exemple ambitieux de traité multilatéral en faveur du droit de l'environnement », Iddi, Décryptage, n° 03/19, p. 2.

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spécificité du texte d'Escazù par rapport à la Convention d'Aarhus, concerne les garanties de l'accès à la justice qui n'est prévue que pour les violations des droits directement liés à l'objet de la Convention à savoir l'accès à l'information ou la participation ; dans l'Accord d'Escazù, ce pouvoir est beaucoup plus complet, puisqu'il garantit non seulement l'accès à la justice pour déni d'information ou impossibilité de participer au processus décisionnel, mais aussi pour « toute décision, action ou omission qui affecte ou pourra affecter de manière défavorable l'environnement ou contrevenir aux normes juridiques liées à l'environnement » (art. 8.2c)131.

L'Accord d'Escazù va plus loin sur plusieurs autres aspects, cependant dans certains domaines, il est moins précis, voire flou. Et laisse plus de marge de manoeuvre aux Etats que la Convention d'Aarhus, en particulier pour les catégories d'informations pour lesquelles un refus d'accès peut se justifier entrainant ainsi une variété des définitions sur ces catégories au niveau de chaque Etat.

L'Accord d'Escazù associe la protection de l'environnement à l'égalité et place cette dernière notion dans son préambule, au coeur du développement durable. Il s'inscrit pleinement dans l'esprit de l'Agenda 2030 pour le développement durable, adopté en 2015. Il est également un traité sur les droits de l'homme. Il est le premier dans le monde à inclure des dispositions sur les défenseurs des droits de l'homme en matière d'environnement. Cette première est loin d'être anodine dans une des régions du monde les plus touchées par les conflits sociaux-environnementaux et présentant un risque accru pour la vie et la sécurité des personnes et des groupes de personnes agissant en tant que défenseurs des droits de l'homme en matière d'environnement132.

131 Damien Barchiche, Elisabeth Hege et Andrés Napoli, Op. Cit., p. 2.

132 Idem, p. 3.

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2ème PARTIE : L'EXERCICE DU DROIT D'ACCES A LA JUSTICE EN DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT

Le simple fait de se contenter de déclarer, de proclamer des droits ne suffit malheureusement pas. C'est évidemment leur réalisation, leur exercice ou leur mise en oeuvre qui importe et cette dernière tâche demeure ardue. Le droit de l'environnement et le droit d'accès à la justice en matière d'environnement sont fréquemment proclamés et font l'objet, dans certains, d'un très large consensus, toutefois leur mise en oeuvre demeure dans biens de cas difficile.

D'où la nécessité d'analyser dans cette deuxième partie l'exercice du droit d'accès à la justice en droit international de l'environnement. Notre réflexion sera axée tour à tour sur l'exercice de ce droit devant le juge international (Chapitre 1) et sur les obstacles liés à l'effectivité de ce droit consacré par plusieurs instruments juridiques (Chapitre 2).

CHAPITRE 1. LE DROIT D'ACCES A LA JUSTICE EN MATIERE
D'ENVIRONNEMENT DEVANT LE JUGE INTERNATIONAL

Le juge joue un rôle fondamental dans le développement du droit international général et du droit international de l'environnement. Ces décisions sont souvent considérées comme des moyens auxiliaires de détermination de la règle de droit lorsque la norme est imprécise ou vague. Et par son action, il permet un renforcement de la norme en droit international. Le juge joue, par conséquent, un rôle important dans l'éclaircissement des normes du droit international de l'environnement et d'en dégager des obligations à la charge de l'Etat.

Le droit d'accès à la justice est un droit fondamental, qui s'avère primordial en ce qu'il constitue la condition sine qua non de l'effectivité des droits. Quoiqu'affirmé par plusieurs instruments régions de droits de l'homme ou du droit international de l'environnement, l'exercice de ce droit devant le juge est soumis à certains exigences, à savoir les conditions de recevabilité de requête par les juge internationales (Section 1) et une fois passée cette étape une question importante se pose : celles du comportement du juge dans la protection de l'environnement (Section 2).

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore