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La francophonie et son expression dans la poésie de Léopard Sédar Senghor


par Adou Valery Didier Placide Bouatenin
Université Félix Houphouet-Boigny  - Doctorat  2019
  

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2. UNE IDENTITÉ ACCULTURÉE

L'acculturation est un processus culturel impliquant quatre facteurs, selon John Berry, l'Assimilation, la Séparation, l'Intégration et la Marginalisation. Deux parmi ces facteurs peuvent être appréhendés pour expliquer l'identité acculturée chez Léopold Sédar Senghor : l'Assimilation et l'Intégration. Le processus d'acculturation découle également du contact avec un autre peuple. Cependant, nous ne pouvons vraiment pas parler d'assimilation chez Senghor dans le sens de John Berry.

La conception de l'assimilation de John Berry implique la renonciation totale de sa culture d'origine, tandis que chez Senghor, elle est d'une sorte de négociation. La seule possibilité d'appréhender l'identité acculturée de Senghor réside dans la conception de l'intégration. Il semblerait qu'en débusquant le grand nombre d'éléments de son identité sans renier aucun, et en les assemblant et les alignant, l'individu se fait une identité acculturée. C'est, peut-être, en cherchant la réponse à la question comment assimiler la culture de l'autre sans renier ma propre culture que celui-ci a eu l'idée de l'identité acculturée. De ce fait, l'acculturation chez tel individu serait le fait de s'imprégner de la culture de l'autre pour pouvoir s'imprégner de sa propre culture. Autrement dit, il ne s'agirait pas d'ingurgiter sans discernement les cultures des autres et d'abandonner radicalement sa propre culture. Cela semble justifier l'identité acculturée chez Senghor. Ce sont encore des hypothèses. Cependant, il ne faut pas écarter l'hypothèse que l'acculturation en Afrique est due à la colonisation.

L'identité acculturée est une identité perçue comme la somme des différents éléments et traits culturels issus de la rencontre de deux cultures diamétralement opposées. En fait, elle ne peut être qu'une identité de relation se construisant sans cesse à partir des liens qu'elle entretient avec d'autres identités.1192 Selon René Makounkolo et Daniel Pasquier, « la première théorie de l'acculturation a été proposée en 1918 par Thomas et Znaniecki »1193. À la suite des deux, Redfield Robert, Linton Ralph et Herskovits J. Melville ont défini l'acculturation en ces termes :

1192 Myriam LOUVIOT : Poétique de l'hybridité dans les littératures postcoloniales, op. cit., p. 80

1193 René MOKOUNKOLO, Daniel PASQUIER, « Stratégies d'acculturation : cause ou effet des caractéristiques psychosociales ? L'exemple de migrants d'origine algérienne », Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale 2008/3 (Numéro 79), p. 57

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Acculturation comprehends those phenomena which result when groups of

individuals having different cultures come into continous first-hand contact, with subsequent changes in the original cultural parterns of either or both groups.1194

Hormis les deux théories susmentionnées, celle de John Berry est la plus référencée.

L'acculturation chez Léopold Sédar Senghor consiste à maintenir les éléments de sa culture d'origine tout empruntant ceux de la culture de l'autre. John Berry a appelé cela l'intégration. Dans le sens senghorien, l'intégration est plutôt l'assimilation culturelle et non l'assimilation individuelle. Il faut assimiler la culture de l'autre sans se laisser assimiler, telle est la devise de Senghor. Avec lui, il faut comprendre que l'acculturation est une modification de sa propre culture, due au contact avec une autre culture. L'identité acculturée serait ainsi une identité comprise entre deux identités culturelles en contact, mieux une identité de relation, d'arrangement, surtout de concession.

Cependant, l'étude de l'acculturation est en grande partie liée au phénomène de l'immigration, ce qui signifie que l'identité acculturée est étudiée chez les sujets de l'immigration ou chez les auteurs de l'exil ou immigrants. Peut-on parler d'immigration chez Senghor ? Sans toutefois écarter l'hypothèse de l'immigration ou de l'exil, nous allons chercher à comprendre la manifestation de l'identité acculturée dans sa poésie. Pour ce faire, nous procédons à la superposition de quelques poèmes, à savoir « Porte dorée », « Tout le long du jour », « Le message », « Prière aux masques », « Que m'accompagnent koras et balafong » (Chants d'ombre), « Prière des Tirailleurs sénégalais », « Ndessé » (Hosties noires), et « Chants pour Signare » (Nocturnes).

(Porte dorée)

Mes regrets, ce sont les toits qui saignent au bord des eaux, bercés par l'intimité des bosquets

Moi dont le plus modeste taxi roule et chavire le coeur sur les hautes vagues de l'Atlantique

Qu'une seule cigarette fait tituber comme le marin à l'escale sur le chemin du port

Qui dis toujours aussi mal que le lointain écolier de brousse « Bonjour, Mademoiselle...Comment allez-vous ? (Po : 8)

(Tout le long du jour...)

Tout le long du jour, tout le long de la ligne

Par les petites gares uniformes, jacassantes petites négresses à la sortie de l'École et de la volière (Po : 11)

(Le message)

1194 Robert REDFIELD, Ralph LINTON et Melville J. HERSKOWITS, « Memorandum for the study of Acculturation », American Anthropologist, 38, 1936, p. 149 (L'acculturation est un ensemble de phénomènes qui résultent d'un contact permanent avec des groupes d'individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles culturels originaux de l'un ou de l'autre groupes (ou des deux groupes).)

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« Vous êtes docteurs en Sorbonne, bedonnants de diplômes « Vous amassez des feuilles de papier - si seulement des louis d'or à compter sous la lampe, comme feu ton père aux doigts tenaces ! (Po : 17)

(Prière aux masques)

Masques aux visages sans masque, dépouillés de toute fossette

comme de toute ride

Qui avez composé ce portrait, ce visage mien penché sur

l'autel de papier blanc

A votre image, écoutez-moi ! (Po : 21)

(Que m'accompagnent koras et balafong)

Je ne fus pas toujours pasteur de têtes blondes sur les plaines

arides

Pas toujours bon fonctionnaire, déférent envers ses supé-

rieurs

Bon collègue poli élégant - et les gants ? - souriant riant

rarement

Vieille France vieille Université, et tout le chapelet déroulé.

[...1

Lave-moi, de toutes mes contagions de civilisé.

[...1

Je n'amène d'Europe que cette enfant amie, la clarté de ses

yeux parmi les brumes bretonnes. (Po : 29-35)

(Prière des Tirailleurs sénégalais)

« Que nous goûtions la douceur de la terre la France « Terre heureuse ! où l'âpreté libre du travail devient lumineuse douceur. (Po : 68)

(Ndessé)

Ah ! me pèse le fardeau pieux de mon mensonge

Je ne suis plus le fonctionnaire qui a autorité, le marabout

aux disciples charmes.

L'Europe m'a broyé comme le plat guerrier sous les pattes

pachydermes des tanks

Mon coeur est plus meurtri que mon corps jadis, au retour

des lointaines escapades aux bords enchantés des Esprits. (Po : 79-80)

(Chants pour Signare)

Depuis longtemps civilisé, je n'ai pas encore apaisé le Dieu

blanc du Sommeil.

Je parle bien sa langue, mais si barbare mon accent !

[...1

Mon amour campagne rasée et quadrillée, pays blanc dont

je ne suis qu'un usager

[...1

Hier à l'église à l'Angélus, ont brillé ses yeux cierges mor-

dorant

Sa peau de bronze. Mon Dieu ! mon Dieu ! mais pourquoi

m'arracher mes sens païens qui crient ? (Po : 171-187)

Les huit textes ci-dessus ne laissent aucune trace de doute, car ils sont empreintes affectives du poète. Mieux, ils sont bien chargés d'affects.

Prenons pour point de départ des réseaux associatifs issus de la superposition, l'instruction occidentale, qui a été mise en évidence au chapitre un de la deuxième partie de ce

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travail, pour mieux expliciter l'identité acculturée chez Léopold Sédar Senghor. En effet, l'école occidentale n'avait qu'un seul but, celui de l'assimilation totale du Noir, celui d'assimiler totalement les Africains par la diffusion de la langue française et de faire d'eux les consommateurs de la culture française. L'instruction occidentale est, comme les missions chrétiennes et médecines, au nombre des moyens d'action essentiels de la politique assimilatrice de la colonisation et de la domination française ; et l'un des objectifs de cette instruction était, comme déjà dit, l'assimilation totale des peuples colonisés, car « assimiler une culture, c'est d'abord assimiler sa langue ».1195 À l'époque coloniale, on a instauré le symbole pour punir celui qui était pris en train de parler une autre langue à part le français, laisse entendre Mamadou Cissé :

En 1928, était promulgué un arrêté qui stipulait que le français est la seule langue en usage dans les écoles. Il est interdit aux maîtres d'utiliser des « idiomes » du pays entre eux ou avec les élèves, en classe ou en récréation. On instaura le « symbole » ou « signal » afin d'humilier les contrevenants.1196

Nous avons choisi les huit textes ci-dessus, du fait qu'ils ont une chance de laisser affleurer les processus inconscients qui permettent de mieux comprendre l'ambiguïté chez Senghor. En négligeant les liens syntaxiques et considérant les mots s'agréger d'eux-mêmes, selon leurs nuances affectives, nous obtiendrons des huit textes ce qui suit :

- L'instruction occidentale : le lointain écolier de brousse, à la sortie de l'École et de la volière, docteurs en Sorbonne, bedonnant de diplômes, des feuilles de papier, l'autel de papier blanc, arides de vos livres, bon fonctionnaire, bon collègue poli élégant, vieille Université, disciples charmés...

- L'assimilation (le civilisé) : une seule cigarette, qui dis toujours aussi mal que le lointain écolier, vieille France, les gants, mes contagions de civilisé, je n'amène d'Europe que cette enfant amie, la douceur de la terre de France, l'Europe m'a broyé, longtemps civilisé, je ne suis qu'un usager, je parle bien sa langue, pays blanc, à l'église, l'Angélus, sa peau de bronze...

- Le refus de l'assimilation : mes regrets, pas toujours pasteur, pas toujours bon fonctionnaire, lave-moi de toutes contagions de civilisé, Ah ! me pèse le fardeau pieux de mon mensonge, je ne suis plus le fonctionnaire, mon coeur est meurtri, mais pourquoi m'arracher ses sens païens qui crient ?

Ces réseaux associatifs groupant les idées suivantes : l'instruction occidentale, l'assimilation et

le refus de l'assimilation, montrent que Senghor a bel et bien vécu et expérimenté à la fois

1195 Jean-Paul WARNIER, La mondialisation de la culture, La Découverte, Paris, 2008, p. 8

1196 Mamadou CISSÉ, « De l'assimilation a l'appropriation : essai de glottopolitique senghorienne », Sudlangues, n°7, pp. 131-132

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l'assimilation linguistique et culturelle françaises. Mamadou Cissé s'inscrit dans cette logique, lorsqu'il dit :

Mais loin des lieux communs et cette image d'Épinal qui lui colle à la peau comme un cliché, la trajectoire du personnage vers « la défense et illustration de la langue française » est concomitante à une quête identitaire et à une recherche effrénée de repères. Il en est ainsi d'ailleurs de toutes les personnes de sa génération ayant vécu et expérimenté l'assimilation linguistique et culturelle1197.

Cette assimilation linguistique et culturelle est due à l'instruction occidentale. En effet, arraché trop tôt à son terroir natal, Senghor n'a pas eu d'éducation traditionnelle complète et notamment pas connu l'initiation traditionnelle ancestrale.1198 Il fut nourri à la sève nourricière de l'éducation et de l'initiation modernes européennes. Cependant, conscient de ce déracinement, selon nos réseaux associatifs, il refuse l'assimilation afin de préserver sa culture d'origine. Ce qui ne corrobore pas ses propos. En tant qu'homme ordinaire, il semble être favorable à l'assimilation à travers l'école occidentale. Pour lui, l'école occidentale ou coloniale avait pour rôle

[...] de former non des « Français moyens », mais des Négro-français, des hommes

modernes. Il est question d'assimilation active, de partir de l'Afrique noire pour y revenir enrichis de technique et de l'expérience de France1199.

Du point de vue senghorienne, l'assimilation dont il est question est de former des Négro-français, c'est-à-dire des hommes qui ne sont ni Africains ni Français, mais des Francophones. Ce type d'assimilation prête une confusion totale, raison pour laquelle, Daniel Kemajou, représentant du Cameroun à l'Assemblée de l'Union Française avait dit que

Le projet de M. Senghor prend hardiment parti, si j'ose dire, pour l'assimilation, quoi qu'il écrive le contraire. La moindre logique nous autorise à affirmer que cette assimilation est inévitable car celle des programmes d'enseignement et des méthodes entraîne fatalement une assimilation intégrale de l'individu.1200

Senghor lui répond indirectement en disant qu'« On pose, implicitement que l'enseignement public n'a d'autre que de former d'actif producteurs et de bons petits fonctionnaires soumis à leurs maîtres. »1201 En fait, Senghor y dénonce l'assimilation excessive, et prône une

1197 Idem., p. 131

1198 Étienne SMITH, « Senghor voulait qu'on soit tous des Senghor ». Parcours nostalgiques d'une génération de

lettrés, Vingtième Siècle. Revue d'histoire 2013/2 (N° 118), p. 95

1199 Rapport de M. Senghor, grand conseiller de l'AOF, député du Sénégal, 3 juin 1949, CAC 550641/8

1200 Journal officiel de l'Assemblée de l'Union Française, session du juillet 1948.

1201 Léopold Sédar SENGHOR, Liberté 1, op. cit., p. 10

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assimilation partielle. L'assimilation senghorienne veut que l'on soit, à la fois, plus assimilé à la culture française et plus enraciné dans sa culture d'origine. Il s'agit d'assimiler et non de se laisser assimiler : « trop assimilés et pas assez assimilés ? Tel est exactement notre destin de métis culturels ».1202

Pour exprimer concomitamment l'assimilation et l'enracinement, il faut adopter une nouvelle stratégie. Cette nouvelle stratégie consiste à une construction et une déconstruction du discours colonial fondé sur l'assimilation totale et intégrale. Il ne s'agit pas de se distinguer du reste de l'humanité au nom d'une illusoire authenticité nègre, au nom d'une identité figée, intangible et absolue, mais d'approprier les valeurs culturelles françaises et les intégrer aux valeurs culturelles africaines, car l'identité est par nature un chantier jamais achevé, un processus par essence composite, riche de plusieurs affluents et confluents.1203 Léopold Sédar Senghor asserte qu'elle est la greffe de celles-ci sur celles-là.1204

L'identité senghorienne est toujours question d'appropriation, d'adaptation, d'intégration et d'ouverture. Cette identité reflète ce que John Berry appelle intégration. En quête de cohérence et de l'affirmation de soi, Senghor y recherche les repères utiles dans sa culture d'origine et celle de l'autre (ici de la France) : « J'ai `'assimilé'' ceux-ci à ceux-là, `' acculturé'', comme vous le dites, ceux-là à ceux-ci. »1205 Pour lui, le Français doit se faire Nègre parmi les Nègres ; et le Nègre doit également se faire Français parmi les Français : « Tu t'es fait Nègre Jean-Marie parmi les Nègres »1206. En fait, il nous invite à nous construire une identité acculturée qui reflètera notre situation de métis culturel, pour dire juste, notre situation de Francophone (notre identité francophone/ identité négro-française). L'identité acculturée senghorienne est le fait d'assimiler sans être assimilé, le fait d'acculturer sans perdre notre spécificité. Dans l'entendement de Senghor, nous pouvons assimiler et demeurer nous-mêmes, authentiques, sans être forcément une copie de l'Occident. Nous devons être capables de nous accommoder des réalités culturelles, différentes des nôtres. Tel est le sens de l'identité acculturée chez Léopold Sédar Senghor : assimilation et adaptation d'une culture autre que la sienne tout en maintenant sa culture et son identité d'origine. Avec l'identité acculturée, Senghor veut en venir au métissage culturel. Ce qui semblerait une ambiguïté au départ n'est en réalité qu'une stratégie dialectique identitaire chez Léopold Sédar Senghor.

1202 Idem., p. 103

1203 David GAKUNZI, « le poète et la cité : Léopold Sédar Senghor », France-Fraternités, op. cit.

1204 Léopold Sédar SENGHOR, Liberté 1, op. cit., p. 103

1205 Léopold Sédar SENGHOR, « Dialogue sur la poésie francophone », op. cit., p. 388

1206 Cf. « Élégie pour Jean-Marie », Élégies majeurs, op. cit., p. 279

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L'individu, dans une situation d'acculturation, utilise plusieurs stratégies pour s'adapter à la nouvelle culture tout en maintenant sa culture d'origine. Parmi ces nombreuses stratégies, Senghor a opté pour une stratégie dialectique identitaire. La stratégie dialectique identitaire est un processus de réciprocité et d'échange des cultures en contact permettant à l'individu de conserver son identité et sa culture d'origine et de s'accommoder de la culture et de l'identité de l'autre. Mieux, elle est un processus aboutissant à l'expression de ses multiples identités en une seule identité. En fait, comme le souligne Edmond-Marc Lipiansky,

L'identité se construit dans une dialectique entre l'autre et le même, la similitude

et la différence. Cette dialectique se retrouve au plan de l'interaction entre les tendances à l'assimilation et les tendances à la différenciation.1207

De ce fait, l'identité acculturée chez Senghor relève d'un caractère dialectique, car il n'y a pas de rupture entre l'identité africaine et l'identité européenne, entre l'identité sérère et l'identité française. Ce sont plutôt deux pôles identitaires de la même personne. Cette identité acculturée, pour dire vrai, est l'identité francophone. En effet, cette identité francophone est la seule identité capable de traduire et d'exprimer, à la fois, l'identité africaine et l'identité européenne avec une tendance à l'assimilation et à la différenciation.

La stratégie dialectique identitaire consiste à faire un tri pour ne choisir que les valeurs occidentales que l'Afrique assimilera et en tirera profit, comme nous pouvons l'appréhender dans les propos de Senghor, ci-dessous :

En vérité, loin de rejeter brutalement, stupidement les valeurs de l'Occident européen, il fallait faire un tri par elles pour ne choisir que celles que nous pouvons assimiler, dont nous pourrions tirer profit. D'où ma formule : « Assimiler, non être assimilé »1208.

La stratégie dialectique identitaire, à cet effet, conduit à une identité acculturée, qui n'est rien d'autre qu'une assimilation dite partielle, et pour être juste une intégration, comme l'expose John Berry. Pour Senghor, cette identité doit justifier sa thèse de métissage. Ce qui caractérise l'identité acculturée et l'identité francophone, selon Senghor, est, bien sûr, le métissage :

L'idée est la même : au-delà d'un possible métissage biologique - qui était réel à

Gorée et Saint-Louis du Sénégal, mais là n'est pas l'important - il est question,

1207 Edmond-Marc LIPIANKSY, «Identité subjective et interaction», Stratégies identitaires. Paris, PUF, 1990, p. 188.

1208 Léopold Sédar SENGHOR, « Le français et les langues africaines », Liberté 5, Paris, Seuil, 1993, p. 243

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essentiellement, d'un métissage culturel. C'est ce sentiment communautaire qui prévaut dans toutes les rencontres francophones1209.

Et d'ajouter que la Francophonie réalise cette valeur du métissage culturel1210, que permet l'identité acculturée. Par l'identité acculturée, Senghor affirme être un métis culturel, car il s'est abreuvé à la fois à la culture africaine et à la culture française, autrement dit, un Négro-français. Pour être plus juste, nous disons que Senghor affirme, par l'identité acculturée, qu'il est Francophone. Il s'est acculturé les différentes cultures qui l'écartèlent, par une stratégie dialectique identitaire, pour se construire une nouvelle identité culturelle, ici, une identité francophone.

Deux facteurs ont permis d'expliquer l'identité acculturée chez Léopold Sédar Senghor : l'école coloniale et l'immigration (son séjour d'étude en France). En fait, l'élucidation de cette identité a mis l'accent sur l'instruction occidentale. Qu'elle soit en Afrique ou en France, l'instruction occidentale est en corrélation avec le séjour d'étude chez Senghor. Ce qui signifie qu'il s'agit en réalité d'un seul facteur dans l'appréhension de l'identité acculturée chez Senghor : l'instruction occidentale. Cette instruction a entraîné des changements dans la vie et dans la culture des colonisés à telle enseigne qu'ils ont pratiquement abandonné leurs valeurs culturelles, voire renié leur propre identité, estime Senghor :

Et la foule des boulevards, les somnambules qui ont renié leur identité d'homme

Caméléons sourds de la métamorphose, et leur honte vous fixe dans votre cage de solitude. (Po : 81)

Emmanuel Mounier confirme les propos de Senghor en disant que « la plupart des Noirs ont une honte d'être noirs, une honte secrète qu'ils ne font pas la leur, mais qui hante jusqu'à leur fierté. »1211 Cette honte d'être noir, Senghor l'a ressentie à un moment de sa vie, et cela s'explique, par le fait, que les Noirs ne savent plus ce qu'ils sont au juste. En effet, l'Afrique ne sait ce qu'elle est devenue depuis sa rencontre avec des peuples de civilisations différentes, surtout sa rencontre avec l'Europe. Elle n'a plus de cultures propres à elle, car la civilisation européenne a tout chamboulé plongeant l'Africain dans une déculturation totale.

1209 Léopold Sédar SENGHOR, « Pour un humanisme de la francophonie », Liberté 3, Paris, Seuil, 1977, p. 547 1210 Léopold Sédar SENGHOR, « De la Francophonie », op. cit.

1211 Emmanuel MOUNIER, Les oeuvres, Tome 3, Seuil, Paris, 1944-1950, p. 268

Les Africains ne savent plus s'ils doivent se considérer tantôt comme des Européens, tantôt comme des Africains. Ils ont une identité ambiguë. Ils cherchent, à cet effet, des stratégies identitaires pour exprimer leur situation de déculturation. Senghor, ayant compris, décide de revenir en Afrique, puiser les valeurs culturelles africaines et les intégrer aux valeurs culturelles occidentales. Il use de la stratégie dialectique identitaire pour se construire une identité acculturée. Avec l'identité acculturée, il n'était pas question d'un abandon, d'un rejet total des normes culturelles africaines et occidentales, mais d'une assimilation parfaite et partielle. Il s'agit d'incorporer la culture de l'autre dans sa culture. En fait, l'assimilation chez Senghor s'apparente à l'intégration chez John Berry. Il consiste à maintenir les valeurs culturelles de soi tout en empruntant celles de l'autre susceptibles d'être assimilées sans être assimilé.

Avec l'identité acculturée, Senghor justifie ainsi sa thèse de métissage, et asserte être non seulement biologiquement métis, mais de l'être culturellement. Cette identité acculturée va également corroborer sa thèse sur l'identité francophone. En effet, ce qui fonde l'identité francophone est le métissage, et Senghor veut qu'il soit biologique et culturel. Au-delà de ces considérations ou de ces assertions, Senghor affirme être un Francophone.

L'identité francophone est ce qui permet, selon Senghor, d'exprimer « notre authenticité de métis culturel »1212, ou de manifester notre identité culturelle et notre singularité pour communier avec l'universel sans jamais nous renier. Il n'est plus question pour un peuple quelconque, au sein de la Francophonie, d'exprimer son identité par le concept d'authenticité, mais par le concept d'acculturation, comme le veut Léopold Sédar Senghor : le dépassement de ses complexes pour s'approprier les valeurs culturelles de l'autre sans renier ses propres valeurs culturelles. L'identité acculturée, chez Senghor, est le fait d'exprimer son identité sérère, voire sénégalaise dans une identité française. Il est Négro-français, c'est-à-dire Francophone.

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1212 Léopold Sédar SENGHOR, « Le français, la langue de culture », op. cit. (loc. cit.), p. 843

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Après avoir découvert qu'il est un métis par les liens sanguinolents (liens sanguins) à travers la thèse de l'ancêtre portugais et des sangs mêlés, Senghor se veut une identité propre à lui. Pour cette raison, il se constitue une identité. Il adopte ainsi une stratégie dialectique identitaire pour se construire cette identité. En effet, il se rend-compte qu'il est au carrefour de deux cultures : la culture africaine et la culture européenne. Il se découvre être, à la fois, Africain et Européen. Il a également une parfaite connaissance des deux cultures. Il voulait vivre ces deux cultures et demeurer lui-même. Ce qui renvoie à l'identité de l'entre-deux.

L'identité de l'entre-deux est l'identité qui reflète la situation conflictuelle d'une personne à multiples identités, qui revendique son appartenance à toutes ses identités. Une personne de l'entre-deux est un métis culturel. Pour cette évidence, elle devient une conciliatrice, un trait d'union, une médiatrice entre deux cultures, entre plusieurs identités. Cependant, l'identité de l'entre-deux dépasse le cadre même de l'entre-deux culturel pour revêtir d'autres caractéristiques. Elle se meut en une identité acculturée.

L'identité acculturée, loin d'être un processus de déculturation ou l'identité d'une personne déculturée, est l'identité d'une personne décomplexée qui assume sa situation de l'entre-deux culturelle et qui l'exprime sans renier ni l'une ni l'autre. Avec l'identité acculturée, Senghor ne peut plus prétendre être un Africain ni un Européen dans un sens univoque. Senghor, c'est l'Afrique et l'Europe, et aussi la culture africaine et la culture européenne. Son identité reflète sa situation, celle de métis culturel. Cette identité lui permet d'exprimer son identité multiple, surtout de manifester son identité culturelle et sa singularité pour communier avec l'universel. Il ne s'agit pas d'exprimer de façon disparate ses multiples identités, mais de les focaliser, les concrétiser et les concentrer en un point pour que la diversité ne soit pas choquante. Il est question d'un accord, d'une diversité dans un accord harmonieux, d'une identité issue de plusieurs éléments identitaires de différentes cultures en contact. En se constituant une identité, Senghor exprime l'unité d'un sujet divisé1213, écartelé. Ce qui signifie que Senghor se retrouve non plus écartelé entre deux cultures ou deux identités aussi différentes que complémentaires. Son identité est l'unification de ce qui était divisé en lui ou de ce qui l'écartelait. D'où l'identité constituée.

L'identité constituée est le résultat complexe de la combinaison entre des cultures hostiles, dont l'une se veut supérieure à l'autre, et qui brise les barrières de la supériorité

1213 Dominique COMBE, Poétiques francophones, Paris, Hachette, 1997, pp. 134-135

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culturelle. Aucune culture n'est supérieure, toutes se valent et sont nécessaires à l'affirmation de soi. Senghor se présente alors comme un individu de l'entre-deux qui a une identité acculturée, poreux à toutes les cultures susceptibles d'être assimilées sans qu'il soit assimilé.

L'identité constituée chez Léopold Sédar Senghor est la face visible de l'identité francophone. Cette identité francophone est multiple, car elle est le résultat d'une rencontre culturelle, d'un facteur historique, linguistique et psychologique. En effet, l'identité francophone permet d'unir les éléments identitaires disparates de l'individu pour en faire un tout, par le biais d'un sentiment de continuité historique vécue. La langue dont parle l'individu n'aura rien à voir avec le français standard ; elle est une langue enrichie et fécondée. Cette langue est du français métissé, et le dénominateur commun, le trait culturel du Francophone. De façon psychologique, le Francophone n'est ni Français ni Africain, il est, à la fois, soi et l'autre. Il manifeste sa singularité et sa pluralité.

En s'appuyant sur l'identité acculturée de Senghor, nous pouvons affirmer que le Francophone est celui qui exprime la conciliation entre les valeurs culturelles africaines et les valeurs culturelles occidentales, et qui le manifeste peu importe sa nationalité ou d'où il vient. Mieux, le Francophone est ce métis biologique ou culturel qui parle français enrichi de particularismes linguistiques, et qui assimile la culture de l'autre sans jamais renier sa culture d'origine. Cette ébauche de notre part permet d'aborder la question véritable de l'identité francophone chez Léopold Sédar Senghor dans le chapitre suivant.

376

CHAPITRE III : L'IDENTITÉ FRANCOPHONE CHEZ
LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR

La plupart des personnes qui se disent Francophones sont celles qui pensent que le fait de parler français leur octroie le droit de posséder l'identité francophone, nous disent Laurence Arrighi et Annette Boudreau : « La plupart des francophones du monde ont été et sont encore aux prises avec l'idéologie du français unique »1214. Ces personnes oublient que l'identité francophone ne se limite pas seulement à la langue française. Le sentiment de parler la langue française sans particularismes fait qu'on a du mal à cerner l'identité francophone. À cet effet, elles affirment que

Le terme francophone peine encore plus à recouvrir une certaine acceptation de la diversité quand on en vient à traiter des particularismes linguistiques effectives des locuteurs. Face à celles-ci, la question de la pluralité achoppe. En effet, la conception de la langue unique est très forte dans la conscience des gens si bien que les différentes pratiques linguistiques des francophones ont tendance à être occultées au profit d'un discours visant à promouvoir une « saine », homogénéité, souvent subsumée à travers le vocable français international, versant incarné et contemporain de l'idéologie du standard.1215

En fait, elles oublient qu'il n'est plus question du français standard en Francophonie, mais d'un français fécondé et fécondant, et métissé. Dans le cas de cette étude, il s'agit du français africanisé.

Le problème de l'identité francophone se pose également à chaque fois que l'on demande : Pourquoi écrivez-vous en français ? Pourquoi parlez-vous français ? Vous n'êtes pas Français et puis vous vous exprimez bien en français ? Selon Laurence Arrighi et Annette Boudreau, ce sont des questions symptomatiques du fossé entre les locuteurs du français hors de France et les Français. Ces questions ont tendance à mettre d'un côté les Français, c'est-à-dire les authentiques, et de l'autre côté les voleurs de langue1216, les métèques, les non-Français. C'est pourquoi, l'identité francophone est autant questionnée, voire rejetée, puisqu'elle est

1214 Laurence ARRIGHI et Annette BOUDREAU, « La construction discursive de l'identité francophone en Acadie ou comment être francophone à partir des marges ? », Minorités linguistiques et société 3 (2013) : 80-92, p. 89

1215 Idem., p. 85

1216 Cf. Jean-Louis JOUBERT. Allusion au titre de son ouvrage Les voleurs de langue. Traversée de la Francophonie littéraire, Éditions Philippe Rey, Paris, 2006, 190 p.

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toujours suspectée de mettre d'un côté les Français, locuteurs légitimes, et de l'autre côté les autres qui le sont moins1217.

Le Francophone est l'autre qui n'est pas Français et qui parle français ; le Francophone est également l'autre et le Français qui font usage commun de la langue française. Confusion totale. Et, l'identité francophone devient source de discrimination. Léopold Sédar Senghor n'a pas échappé aux questions symptomatiques. Avoue-t-il en ces termes :

Mais on me posera la question : « Pourquoi, dès lors, écrivez-vous en français ? » Parce que nous sommes des métis culturels, parce que si nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, que notre message s'adresse aussi aux Français de France et aux autres hommes, parce que le français est une langue « de gentillesse et d'honnêteté. »1218

D'après les dires de Senghor, le Francophone serait un métis culturel. Le métissage est le fondement même de l'identité francophone. Métissage qui, pour Senghor, doit être, à la fois, biologique, culturel, voire linguistique. N'y a-t-il pas d'autres paramètres à prendre en compte dans l'appréhension de l'identité francophone chez Senghor ? Si oui, quels sont alors ces nouveaux paramètres ?

L'identité francophone est une valeur à garder contre le danger menaçant de l'uniformisation, puisqu'elle est unité dans la pluralité. Elle est, également, une force organisatrice de l'être, une chance vers la connaissance de l'autre et aux autres, parce que le moi devient inséparable de l'autre. Elle est aussi ontologique, car elle concerne le sens de l'être. Elle est instrumentale, dans la mesure où elle fournit au Francophone les moyens de s'adapter au monde. Elle n'a rien de figé dans sa manière. Mieux, l'identité francophone ne se fige jamais autour de caractères et de valeurs échappant complètement aux enjeux sociaux du moment. Elle est une conscience de soi en tant que parlant français. Nous pouvons dire que l'on acquiert l'identité francophone lorsque l'on prend conscience que cette identité est la volonté de faire concilier l'ipséité et l'altérité chez soi.

Cependant, nous sommes également conscient qu'il y a une diversité de français. En fait, les Francophones parlent tous la même langue qui est le français, mais avec des particularismes propres à chaque Francophone. Cette langue est en constante reproduction, car en se renouvelant, elle se réinvente et se transforme. Comme elle, l'identité francophone se renouvelle en se construisant à travers l'action, elle n'est pas statique. Elle est l'identité-refuge.

1217 Laurence ARRIGHI et Annette BOUDREAU, « La construction discursive de l'identité francophone en Acadie ou comment être francophone à partir des marges ? », op. cit., p. 85

1218 Léopold Sédar SENGHOR, Postface d'éthiopiques, op. cit. (loc.cit.), p. 164

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En effet, l'identité francophone semble être l'identité de ces nombreuses personnes qui ne savent pas ce qu'elles sont au juste. Prises entre deux cultures qu'elles ne veulent point abandonner ni nier, qu'elles veulent valoriser, ces personnes sont obligées de se résigner en se réfugiant à travers une identité capable de traduire sans complexe cet entre-deux identitaire. Senghor le confirme en disant que

Déjà, le 15 avril 1789, dans les Très-humbles Doléances et Remontrances des habitans (sic) du Sénégal aux citoyens français tenant les états généraux, des Négro-Africains se proclamaient, sans complexe, « Nègres » et « Français ». Nous disons aujourd'hui francophones.1219

Selon Senghor, le Francophone est celui qui proclame à la fois être Nègre et Français. Cette appréhension de l'identité francophone de notre part peut être sujet à caution, cependant elle reflète la situation identitaire de Léopold Sédar Senghor. D'ailleurs, il nous dit avec certitude qu'il est francophone : « [...] je suis francophone [...] ».1220 L'identité-refuge est l'identité qui permet d'unifier les différents traits et caractéristiques identitaires chez un individu écartelé et divisé.

L'identité francophone, c'est plus que la langue française fécondée et fécondante. Ce sont des valeurs qui fondent cette identité. Senghor a donné ces valeurs à travers les définitions de la Francophonie. Lorsqu'il dit que la Francophonie est un Humanisme intégral, il insinue par-là que le Francophone est un humaniste. Et, quand il affirme également que la Francophonie est culture, il acquiesce le fait que le Francophone est un homme de culture. Ce sont des valeurs certes, mais qui participent grandement de l'identité Francophone. Nous tentons de les mettre en évidence, dans ce chapitre, pour apporter notre modeste contribution au débat déjà entamé sur l'identité francophone. Cela signifie qu'au travers de la poésie senghorienne, nous allons aborder la question identitaire humaniste d'une part, et culturelle d'autre part.

La lecture des poèmes de Senghor montre que le poète ne se dissocie pas de l'homme, et qu'il développe les notions telles que la solidarité, la tolérance (le pardon), le respect de la personne humaine, l'attachement à la diversité des cultures. En plus, il a tendance à se définir poète. Aussi, semblerait-il que l'identité culturelle est, sans doute, le leitmotiv de Senghor, comme le souligne Adou Bouatenin :

De ce fait, nous pouvons affirmer que la question de l'identité culturelle a été le

leitmotiv de la poésie senghorienne [...] L'identité culturelle francophone a toujours

1219 Léopold Sédar SENGHOR, « Pour un humanisme de la francophonie », op. cit., p. 280 1220 Léopold Sédar SENGHOR, Liberté 3, op. cit. (loc. cit.), p. 183

été le leitmotiv de Senghor, et ses poèmes ne sont que le support adéquat et manifeste pour matérialiser son concept aussi cher.1221

Comme toute identité, l'identité francophone se conçoit à partir de l'autre, du regard de l'autre. On est Francophone, parce que l'autre nous préoccupe, parce que l'autre est un homme comme nous, parce que l'autre n'est pas Francophone, parce qu'on veut s'identifier à l'autre. L'homme est le centripète de la Francophonie, selon Léopold Sédar Senghor :

En Francophonie, il s'agit toujours de l'Homme : à sauver et à perfectionner,

intellectuellement avec Descartes, moralement avec Pascal, intégralement avec Teilhard.1222

Mieux, dit-il, pour connaître l'autre, il faut s'identifier à lui. Il dit à cet effet que

Vouloir la justice pour les autres, c'est auparavant, penser dans les pensées des

autres pour s'identifier aux autres. Ce qui est un moyen efficace de connaissance réciproque.1223

Chez lui, l'homme équivaut à la culture. En fait, il dit : « J'ai l'habitude de dire que, comme chef d'État, j'ai toujours pensé que l'Homme, c'est-à-dire la Culture, était au commencement et à la fin du Développement. »1224

Dans l'imaginaire francophone chez Senghor, l'homme et la culture en sont des préoccupations. Ils en sont la raison même de la conception senghorienne de la Francophonie. Pour mettre à nu l'identité francophone chez Senghor, le plan de notre réflexion se dessine de lui-même, de tout ce qui est dit ci-dessus ; ainsi nous allons nous pencher successivement sur l'identité humaniste et sur l'identité culturelle. Pour cette présente analyse, nous recourons à la psychocritique.

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1221 Adou BOUATENIN, La poétique de la Francophonie, op. cit., p. 12 et p. 14

1222 Léopold Sédar SENGHOR, « La francophonie comme culture », loc. cit., p. 139

1223 Léopold Sédar SENGHOR, « Pour un humanisme de la francophonie », Liberté 3, op. cit., p. 284 1224 Léopold Sédar SENGHOR, Notre librairie, n°81, op. cit., p. 106

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