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Le temps dans la justice pénale au Togo.


par Solim Aimée SONDOU
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2018
  

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Section II : L'insuffisante réglementation de la prescription des peines en droit pénal togolais

En droit pénal, la peine est un châtiment, une punition, une sanction que prévoit la loi et qu'inflige le tribunal dans le double but de prévenir et de réprimer l'infraction188. Quand un certain temps c'est-à-dire un délai fixé par la loi s'est écoulé depuis la condamnation, sans que le ministère public ait fait exécuter la peine, une dispense définitive de la subir se produit en faveur du condamné : les peines sont prescrites et ne peuvent plus être subies189.

184Gian-FrancoRaneri,,ibidem.

185 GUISLAIN (V.), « Sujet de grand oral : L'imprescriptibilité de l'action Publique », LegaVox.fr, 06/12/2014, p.1.

186 COQUIN (C.), Deux aspects de l'évolution du concept d'oubli en droit pénal, Arch. Pol. crim 1998, n°20, p.37. 187MIHMAN, (A.) op. cit., N°257, p.289.

188PICOTTE (J.), Juridictionnaire Recueil des difficultés et des ressources du français juridique, réalisé pour le compte du Centre de traduction et de terminologie juridiques, 8 février 2018, p. 2182.

189 CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 9e ed, Paris, PUF,2011,

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 46

Au Togo, le législateur a réglementé la prescription des peines, mais elle demeure incohérente, au regard des règles qui la régissent (§.1) et présente également des inconvénients (§.2)

§.1- L'incohérence des règles de prescription des peines consacrées

Les règles de prescription des peines consacrées en droit pénal togolais sont incohérentes en raison de l'absence de clarification de la notion de prescription des peines par le législateur(A). Cette incohérence résulte également de l'insuffisant délai imparti à la prescription des peines et à l'absence d'imprescriptibilité des peines relevant des crimes les plus graves (B).

A- L'absence de clarification de la notion de la prescription des peines par le législateur Qu'est-ce que la prescription des peines ? Au Togo, le législateur n'a pas clarifié cette notion. Un constat se dresse : nulle part dans les Code pénal et procédure pénale, ne figure la définition de la prescription des peines. Est-ce un oubli de la part du législateur ou c'est fait à dessein ? La notion de prescription des peines est difficilement saisissable par le droit positif. Cette situation est de nature à semer la confusion dans l'esprit des justiciables. Cet état de choses crée donc un vide juridique. Elle ne permet pas de cerner et de comprendre ce qu'est la prescription des peines. C'est ce qui nous amène à émettre ces interrogations : quand peut-on parler de la prescription des peines ?

A l'instar du législateur togolais, les législateurs ivoirien et béninois ne clarifient pas non plus la notion de la prescription des peines. On en déduit que ces législations ont du mal à cartographier la prescription des peines.

Le mutisme du législateur sur la clarification de la prescription des peines laisse entrevoir un constat : certains justiciables peuvent être amenés à la confondre avec la prescription de l'action publique.

Il est difficile de cerner la notion de prescription des peines parce qu'elle reste indéfinie. Le législateur qui est censé indiquer la voie aux acteurs du monde judiciaire n'a pas eu une telle hardiesse. Cette inertie du législateur qui est une lacune de la loi pénale, constitue un handicap pour les acteurs du monde judiciaire.

L'absence de clarification de la notion de la prescription des peines par le législateur, révèle sa défaillance à dessiner clairement les contours de ladite notion. En conséquence, sa défaillance peut avoir pour corollaire l'impossibilité pour les justiciables d'apprécier la prescription des peines puisqu'il ne les informe pas utilement.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 47

Il est du devoir du législateur de définir clairement la prescription des peines en vue de faciliter son appréhension dans la pratique. Définir la prescription des peines suppose sa détermination par une formule précise.

Parler de clarté dans la définition de la prescription des peines, renvoie à la netteté, à l'absence d'ambiguïté, à l'intelligibilité ou encore à la simplicité dans la définition. La seule existence d'un texte sera insuffisante ; il faut que ce texte soit d'une qualité nécessaire pour sa bonne application par le juge.

En outre, la Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans son arrêt du 24 avril 1990190, a défini les deux composantes de la qualité de la norme pénale à savoir, la prévisibilité et l'accessibilité.

La prévisibilité renvoie aux exigences constitutionnelles de clarté et de précision de la loi. En d'autres termes, le citoyen à la lecture de la loi, doit connaître les actes et les omissions engageant sa responsabilité pénale. Tandis que l'accessibilité, tend à assurer une information préalable suffisante des justiciables. Le citoyen doit pouvoir prendre connaissances des règles applicables afin d'être prévenu des conséquences de son comportement.

Lorsque les prévisions du législateur manquent de clarté ou prêtent à confusion, très souvent, le juge appelé à appliquer la loi en cas d'infractions, en fait une interprétation et une application différente. L'interprétation de la loi parait souvent fantaisiste et partisane191. L'une des illustrations de cette application inexacte est révélée par la célèbre affaire Bistel ; affaire dans laquelle le tribunal correctionnel de Bruxelles décida que l'introduction frauduleuse d'un mot de passe constituait un écrit et donc, un faux ; alors que la cour d'appel de Bruxelles considéra qu'il s'agissait en réalité de l'interception indue d'une communication.

Le Code pénal prévoit la sanction des infractions à travers des délais de prescription des peines. Ces délais sont inadaptés aux exigences contemporaines de répression des infractions. Ils sont donc insuffisants en raison de leur caractère abrégé et de l'absence d'imprescriptibilité des peines relevant des crimes les plus graves.

B- Le caractère abrégé des délais de la prescription des peines et l'absence d'imprescriptibilité des peines relevant des crimes les plus graves.

En droit pénal, la prescription de la peine correspond à une durée au-delà de laquelle il n'est plus possible de mettre une condamnation pénale à exécution. Le point de départ de Ce délai est la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive.

190C.E.D.H. 24 avril 1990, Kruslin et Huvig c/ France, D. 1990, p. 353, note PRADEL J.

191 MATADI NENGA (G.), La question du pouvoir judiciaire en RDC : Contribution à une théorie de réforme, thèse, édition Droit et Idées nouvelles, Kinshasa, 2001, p. 201.

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Le délai de prescription des peines est de vingt-cinq (25) années révolues pour les peines criminelles192, cinq (05) années révolues pour les peines correctionnelles193 et deux (02) années révolues pour les peines contraventionnelles194. Il faut rappeler qu'il s'agit d'une évolution en matière criminelle car, le délai en vigueur dans le Code de procédure pénale était de vingt (20) années révolues pour les peines criminelles195. Par contre, les autres délais n'ont pas été modifiés. Les délais de prescription des peines, se révèlent courts en raison de la nature des infractions et du temps du jugement.

En droit pénal français, le délai de prescription des peines prononcées pour un délit est prorogé de cinq (05) à six (06) années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive196. Les peines prononcées pour un crime se prescrivent par vingt (20) années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive197. Le Code pénal et le Code de procédure pénale français prévoient pour certains crimes, un délai de prescription dérogatoire de trente (30) ans198.

Au Togo, les délais de prescription aussi bien pour les crimes que les délits sont standards pour ces deux catégories. Aucune disposition dérogatoire n'est envisagée. Pourtant certaines infractions de par leur gravité devraient être soumises à des régimes dérogatoires. C'est le cas, des crimes les plus graves à savoir, le crime de génocide, les crimes de guerre les crimes contre l'humanité et le crime d'apartheid. Le législateur a rendu ces crimes imprescriptibles en matière de l'action publique. Mais il n'en est pas de même en matière d'exécution des peines. Il a tout simplement gardé le silence. Faut-il dans ce cas considérer cela comme une imprescriptibilité des peines inhérentes aux crimes les plus graves suscités ou non ? En droit pénal français, le législateur a par contre pris le soin de rendre imprescriptibles les peines prononcées pour les crimes contre l'humanité199 tout en leur consacrant un alinéa distinct200. Le législateur togolais n'a donc pas prévue l'imprescriptibilité des peines pour les crimes les plus graves.

Pourquoi le législateur n'a-t-il pas daigné rendre imprescriptibles les peines des infractions relevant des crimes graves en raison de leur impact néfastes sur la société ? Il s'agit d'un vide juridique qui est de nature à compromettre la crédibilité de la justice pénale.

192Art. 105 CPT

193Art. 106 CPT et Art. 538 CPPT

194Art.106 CPT et Art. 539 CPPT

195Art. 537 CPPT

196Art. 133-3 al. 1.CPF

197Art. 133-2 al. 1.CPF

198Art.133-2 al. 2.CPF

199Art. 211-1 à 212-3CPF

200Art. 133-2 al. 3 CPF

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La prescription des peines consacrées par le législateur présentent réellement des incohérences. A ces incohérences, s'ajoutent des inconvénients.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille