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Le temps dans la justice pénale au Togo.


par Solim Aimée SONDOU
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2018
  

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CONCLUSION PARTIELLE

Les problèmes posés par la lenteur de la justice pénale togolaise ne sont pas rédhibitoires. En effet, comme l'a martelé la Cour Européenne des Droits de l'Homme, le délai de résolution d'un litige ne dépend pas uniquement de la plus ou moins grande diligence du juge, mais également du comportement des parties et de la complexité juridique du litige304.

La célérité de la procédure ne dépend pas du comportement d'un seul des acteurs du procès305. Pour une justice pénale dans un délai raisonnable, les acteurs doivent incontestablement juxtaposés leurs actions.

Afin de trouver le juste temps pour une justice répressive efficace au Togo, on ne saurait aménager le temps pour parvenir au traitement des affaires pénales dans un délai raisonnable sans réformer la prescription en matière pénale.

302 KODJO (G. G.), Reflets du Palais N° 46, octobre 2017, « Aidez-nous à mieux vous servir » p.2.

303 Reflets du Palais N° 28, septembre 2015, « Célérité et qualité : la bonne mesure » p.2.

304 CEDH, 24 octobre 1989, H. c/ France, RFDA 1990, p. 203, note O. DUGRIP et F. SUDRE, LPA 28 février 1990, p. 12, note L. RICHER.

305 CHOLET (D.), La célérité de la procédure en droit processuel, Paris, thèse, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 466, 2006, pp. 150 et s.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 77

CHAPITRE II

LA NECESSITE DE REFORMER LA PRESCRIPTION EN

MATIERE PENALE AU TOGO

Héritier du droit français, le droit pénal togolais a toujours admis le principe de la prescription en matière pénale à l'antipode des pays de Common Law qui l'excluent. La jurisprudence française considère la prescription comme une règle d'ordre public et le juge doit veiller à son respect. La prescription en matière pénale au Togo suscite des interrogations variées en raison de ses imperfections. En effet, les règles légales et jurisprudentielles qui régissent aussi bien la prescription de l'action publique que la prescription des peines sont peu à peu devenues inadaptées aux attentes de la société et souffrent aujourd'hui d'une incohérence et d'une instabilité préjudiciables à l'impératif de sécurité juridique. Il incombe dès lors au législateur national de réformer la prescription en matière pénale.

La réforme est définie comme des mesures prises ou des changements apportés pour affermir, améliorer et consolider une situation donnée. Ainsi, le droit positif togolais relatif à la prescription en matière pénale nécessite d'être reformée.

Quelles sont les innovations qu'il faut apporter pour combler les insuffisances constatées au niveau des textes de lois afin de rendre perfectible la prescription en matière pénale ? Aussi, quel équilibre peut-on établir entre la nécessité de poursuivre et de sanctionner les infractions à la loi pénale afin de pouvoir mettre un terme au trouble causé à la société par celle-ci et la volonté d'oublier les agissements commis par le délinquant, assurant par-là même l'impunité de ce dernier ?

Si le droit pénal togolais qui incrimine et qui punit est évolutif, il est évident que la fonction du temps apparaît essentielle dans l'application qui en est faite. En matière pénale, la prescription est un mode général d'extinction du droit de poursuivre et du droit d'exécuter une peine.

Réformer la prescription en matière pénale revient à « assurer un meilleur équilibre entre l'exigence de répression des infractions et l'impératif de sécurité juridique et de conservation des preuves, principalement en allongeant les délais de prescription de l'action publique en matière criminelle et correctionnelle, tout en unifiant ces délais avec ceux de la prescription

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 78

de la peine, et en consacrant, précisant et encadrant les règles jurisprudentielles relatives aux causes d'interruption et de suspension de la prescription »306

Pour un droit de la prescription en matière pénale moderne et cohérent, il est opportun que le législateur réforme aussi bien la prescription de l'action publique (section I), que la prescription des peines (section II).

Section I : Une réforme plus efficace de la prescription de l'action publique en droit pénal togolais

Pour réformer la prescription de l'action publique en droit pénal, il est important d'étudier la nécessité de préserver ce principe (§.1), tout en songeant à le revaloriser (§.2).

§.1- La préservation du principe de la prescription de l'action publique

La prescription de l'action publique est un impératif qui existe pour imposer une limite à la possibilité d'engager des poursuites pénales. Cependant elle reste une institution discutée dans la mesure où si certains ont proposé son maintien, d'autres par contre estiment qu'elle doit être abolie307. L'étude de la prescription en droit pénal permet de constater qu'elle doit être maintenue. La préservation de la prescription de l'action publique passe par une analyse de ses fondements (A), et de ses critiques (B).

A- Les fondements du maintien de la prescription de l'action publique

Le maintien de la prescription de l'action publique en droit pénal se justifie par une double acception. Il s'agit des fondements traditionnels et des principes du droit contemporain.

S'agissant des fondements traditionnels au maintien de la prescription de l'action publique, ils sont de trois ordres.

D'abord « l'intérêt de la paix et la tranquillité sociale », ce fondement social de la préservation de la prescription de l'action publique entraine la cessation des poursuites après un certain délai. La prescription de l'action publique répond donc à des considérations évidentes de bonne administration judiciaire. Avec le temps, l'impact de l'infraction sur la société s'atténue, et ses effets sont oubliés308, la paix sociale se rétablit d'elle-même et il ne serait pas nécessaire de recourir à la sanction pénale309. Dans cette perspective, le Professeur

306Circulaire du 28 février 2017 présentant les dispositions de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale.

307 LARGUIER (J), note sous CA Rouen,12 juillet 1954, D.1955, J.p.261.

308 Voir COSTAZ, « Le droit à l'oubli », Gaz ; Pal. 1995, t2, Doctrine, p.961

309FOURMY (V.), Le désordre de la prescription de l'action publique, Master de Droit Pénal et Sciences Pénales, UNIVERSITÉ PARIS II PANTHÉON-ASSAS, 2011, p.21.

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BOULOC, affirmait qu' « au bout d'un certain temps, mieux vaut oublier l'infraction qu'en raviver le souvenir »310.

Ensuite, on a le « dépérissement des preuves ». En effet, l'écoulement du temps trop long, mène à des preuves souvent fragilisées. En d'autres termes, les indices ou les traces matériels disparaissent et les témoignages tant à charge qu'à décharge deviennent plus fragiles. Ce qui accroît de ce fait le risque d'erreur judiciaire311. A juste titre, HELIE affirmait qu' « il y a lieu de présumer que les indices des crimes, comme ceux de l'innocence, se sont peu à peu effacés, qu'ils ont peut-être entièrement disparus, que la vérité n'apparaît que voilée ou altérée, que les juges, statuant sur des éléments mutilés par le temps n'arriveraient à un jugement qu'en s'appuyant sur des erreurs312 Ce qui oblige dès lors à renoncer à l'exercice de l'action publique.

Enfin, la prescription apparaît comme « la sanction de la négligence de la société ou du ministère public à exercer les poursuites ». Elle est la sanction de la négligence des autorités judiciaires qui n'ont pas été capables d'agir en découvrant l'infraction et en identifiant l'auteur dans un délai raisonnable. La société a pour tâche de poursuivre les délinquants. Lorsqu'elle s'abstient d'agir, elle subit selon PRINS « les inconvénients de son inertie ou de son impuissance »313. A cet effet, Mme Dominique-Noëlle COMMARET, avocat général à la Cour de cassation, soulignait : « parce que tout temps mort excessif laisse présumer le désintérêt de la victime ou du ministère public et leur renoncement, dans un système marqué par le principe d'opportunité des poursuites, la prescription apparaît nettement comme la réponse procédurale apportée à l'inaction ou l'oubli, volontaire ou involontaire »314.

Par ailleurs, il faut relever les principes du droit contemporain en faveur de la conservation de la prescription de l'action publique. Ils sont doubles.

En fait, la notion de procès équitable implique en particulier le recours à un système de preuve rigoureux tel que l'exige article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La prescription de l'action publique se fonde également sur le droit pour chacun d'être jugé dans un délai raisonnable, imposé aussi bien par l'article 9, paragraphe 3 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques que par l'article 7 de la Charte africaine

310 BOULOC (B.), Procédure Pénale, Dalloz, Coll. Précis, 22ème ed, 2010, N°203, p.173.BOULOC, Procédure Pénale, Dalloz, Coll. Précis, 22ème ed, 2010, N°203, p.173.

311 JACOBS (A.).), « La prescription en matière pénale », in , Formation Permanente C.U.P-U.., Liège, 1998, p.115-155

312 HELIE (F.), Traité de l'instruction criminelle ou théorie du Code d'instruction criminelle, Paris, 2ème ed., T.III, 1860, N°675 et s. cité par A.MIHMAN, op. cit., N°257, p.290.

313 PRINS (A.), Science pénale et droit positif, Bruxelles : Bruyant- Christophe, Paris : A. Marescq 1898, § 960. 314COMMARET (D.-N.), « Point de départ du délai de prescription de l'action publique : des palliatifs jurisprudentiels faute de réforme législative d'ensemble », Revue de science criminelle, 2004.

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des droits de l'homme et des peuples faisant partie intégrante de la Constitution de la IVème République du Togo de 1992 révisée par les lois de 2002.

La conservation de la prescription de l'action publique dans l'arsenal juridique togolais est impérative. Toutefois, « Il en ressort que la prescription de l'action publique n'apparaît plus tant comme une « loi sociale » qui justifierait une règle de droit mais plutôt comme une règle de droit, fondée par le souci de tenir, à l'intérieur de la justice pénale, un quadruple équilibre :- un équilibre entre le droit à la sécurité et celui du procès équitable ;- un équilibre entre le droit des victimes d'obtenir réparation après une déclaration de culpabilité de l'auteur d'une infraction et celui de chacun d'être jugé dans un délai raisonnable ;- un équilibre entre la mise en oeuvre des moyens techniques d'élucidation des infractions, en constante évolution et la nécessité de délimiter le champ du travail de la police, de fixer des priorités pour éviter la paralysie, la dispersion des moyens, l'arbitraire de choix laissés aux forces de police ;- et enfin, un équilibre entre les différents foyers de sens de la peine, entre le rappel de la loi et la défense de la société d'une part qui n'impliquent pas la prescription et le sens éducatif, le principe de proportionnalité, la nécessité et l'utilité de la peine qui eux la justifient »315

En définitive, « Le choix de maintenir la prescription de l'action publique peut être fait en raison de ce que des arguments adaptés aux réalités contemporaines la fondent parfaitement. Mais aussi parce que l'institution de la prescription apparaît, à bien des égards, comme une pièce logique d'un système juridique et le choix de sa suppression ne permet pas de trouver dans ce contexte juridique et culturel les mécanismes nécessaires qui s'y substitueraient »316.

Il ressort de ces fondements que le coupable est le véritable gagnant. C'est ce qui motive d'ailleurs GARCON à définir la prescription comme « le privilège pour le coupable de n'être plus poursuivi lorsqu'une certaine durée s'est écoulée »317.

Toutefois, ces fondements de la préservation de la prescription de l'action publique font l'objet de critiques.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry