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Le rapport des enseignants aux langues nationales, en tant que médiums et matières d’enseignement, dans l’éducation bilingue au Burkina Faso.


par Bouinemwende Wenceslas ZOUNGRANA
Université sciences humaines et sociales /Lille 3 - Master 2 Recherche 2014
  

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2.2 L'éducation bilingue comme alternative à la problématique de l'introduction des langues nationales dans l'éducation

2.2.1 Typologie de l'éducation bilingue

Selon Hamers et Blanc (1998), cités par Yameogo (2004 : 28), l'éducation bilingue se définit comme une « intervention pédagogique dans laquelle, dans des proportions variables, simultanément ou consécutivement, l'instruction est donnée dans au moins deux langues dont

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l'une est généralement la première langue de l'élève ». Comme on peut le deviner, l'intérêt dans une telle approche pédagogique pour Hamers et Blanc est la prise en compte de la langue première de l'enfant dont le rôle dans les apprentissages est défini ici par Mitrofanova et Decherieva (1987) cités par Ilboudo (2009 : 47) :« La langue maternelle d'un individu étant celle qu'il maîtrise le mieux, dans laquelle il est le plus à l'aise pour exprimer avec précision ses pensées et comprendre ses interlocuteurs, l'enseignement le plus efficace sera précisément celui qui est dispensé dans cette langue .»

Pour sa part, Skutnabb-Kangas (1981 : 121) propose une définition qui insiste plutôt sur la nature des moyens que sur le but. Ainsi, pour lui, «le terme éducation bilingue renvoie donc au langage d'instruction et requiert qu'au moins deux langues soient utilisées comme moyens d'instruction dans des matières autres que les langues elles-mêmes. Ce terme n'est pas destiné à être appliqué au but de l'éducation mais aux moyens »7. Il est rejoint dans ce sens par Baetens Beardsmore (2000) qui invite à la prudence quant à l'utilisation de la terminologie d'éducation bilingue ou multilingue. Selon lui, l'un des critères sur lesquels s'accordent les spécialistes pour caractériser l'éducation bilingue c'est sa capacité à « employer une seconde langue comme véhicule de matières non linguistiques » ; partant de ce constat, il en déduit que « les programmes scolaires où ne figurent que des cours de langue, aussi intensifs soient-ils, n'entrent pas en ligne de compte puisqu'il s'agit d'un programme unilingue qui ne permet que rarement d'atteindre un niveau de compétence élevée en langue seconde » (2000 : 1)

Fort de ces définitions, de nombreuses typologies ont été proposées à nos jours pour caractériser l'éducation bilingue :

- Ainsi, Mackey (1979), l'un des pionniers dans les recherches sur l'éducation bilingue a proposé une catégorisation qui prend en compte les domaines d'usages de la langue (le pays, la région, l'école ou le foyer), l'orientation des politiques linguistiques (bilinguisme national, communautaire ou individuel) et les critères d'organisation des programmes ; tous ces éléments coordonnés le conduisent à identifier plus de 90 types de pratiques dites d'éducation bilingue.

- D'autres auteurs également, tels Skutnabb-kansas (1981) ou Baetens Beardsmore (2000) élaborent des catégorisations qui varient en fonction des milieux et des politiques linguistiques.

7 C'est nous qui traduisons de l'anglais au français.

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Compte tenu de l'importance du nombre des modèles d'éducation bilingue, nous ne retiendrons ici que les formes les plus représentatives et les plus significatives pour nous, à savoir les programmes de submersion, le bilinguisme transitionnel et de maintien linguistique.

-Les programmes de submersion

Les programmes d'éducation bilingues dits de submersion constituent un type de scolarisation plutôt monolingue. De l'avis de Hamers & Blanc (1983) cités par Nikiema (2004 : 7), il s'agit de la « scolarisation d'un élève par une intervention pédagogique utilisant une langue autre que sa langue maternelle ; cette scolarisation est généralement organisée pour les locuteurs natifs de cette autre langue et de ce fait ne tient pas compte de la langue maternelle de l'élève ». L'idée sous-jacente à cette pratique pédagogique est que le contact permanent avec la langue d'accueil permet son apprentissage et qu'à l'inverse l'usage de la langue maternelle, même minime constitue un frein à l'acquisition de la langue majoritaire. C'est un modèle pratiqué dans les pays de grande immigration comme le Canada mais c'est surtout le type d'éducation pratiqué dans l'enseignement classique des anciennes colonies en Afrique et particulièrement dans l'éducation classique au Burkina Faso.

- Les programmes transitionnels

A la différence du modèle de submersion, « un programme de transition est un programme dans lequel les enfants de langue minoritaire dont la langue nationale n'est pas de statut élevé sont instruits initialement dans leur langue maternelle pendant quelques années et dans lequel la langue maternelle est enseignée comme si elle n'avait pas de valeur intrinsèque, mais uniquement de valeur instrumentale » Skutnabb-Kangas (2000), cité par Lezouret et Chatry-Komarek (2007 : 59). Ce modèle vise principalement l'acquisition et la maîtrise de la langue seconde ; de ce fait, l'instruction dans la langue première de l'élève s'arrête dès lors qu'on estime qu'il a les compétences nécessaires pour poursuivre ses études dans la langue d'accueil. Selon Nikiema (2004 :7), « L'objectif et le résultat du recours à ce modèle d'instruction restent cependant les mêmes que ceux du modèle de submersion, à savoir : l'assimilation à la culture et le monolinguisme dans la langue d'instruction ». Il n'est donc pas ce qu'il y a de plus recommandable en matière d'éducation bilingue.

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- Les programmes de maintien linguistiques

Le modèle d'éducation bilingue dit de maintien « utilise à la fois une langue minoritaire et une langue majoritaire pendant toute la durée de l'éducation de la minorité linguistique » (Garcia, 1997, cité par Ilboudo, 2009 : 50). Ce type de programme accorde une large plage aussi bien à l'apprentissage de la langue seconde que de la langue première de l'apprenant durant tout le cursus scolaire de l'élève.

Malgré la diversité des options, les spécialistes s'accordent aujourd'hui à reconnaître que toutes les formes d'éducation bilingues peuvent se regrouper en deux tendances : le bilinguisme soustractif et le bilinguisme additif : « le bilinguisme additif est un état de bilingualité dans lequel l'enfant a développé ses deux langues de façon équilibrée et a pu, à partir de son expérience bilingue, bénéficier d'avantages sur le plan de son développement cognitif ; cet état se retrouve surtout lorsque les deux langues sont valorisées dans l'entourage socio culturel de l'enfant ». Ce modèle s'apparente, en référence à notre description ci-dessus mentionnée, au modèle de maintien. A l'opposé, le bilinguisme soustractif est un « état de bilingualité dans lequel l'enfant a développé sa seconde langue au détriment de son acquis en langue maternelle » Hamers et Blanc (1987) cités par Ilboudo (2009 : 48) ; on reconnaît naturellement en ce modèle le bilinguisme de submersion ou celui de type transitionnel. Nikiema et Kabore-Paré (2010 : 35) en concluent que « les modèles d'enseignements additifs sont ceux dits vraiment bilingues en ce sens que la LM (langue maternelle), comme moyen d'enseignement, n'est jamais supprimée ; On vise un très bon niveau dans la langue maternelle et également un bon niveau dans la langue officielle ».

Compte tenu de la multiplicité des approches de l'éducation bilingue, on peut se demander quelles sont les choix de modèles qui ont été opérés dans l'expérience d'éducation bilingue au Burkina Faso.

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L'éducation bilingue au Burkina Faso

2.2.2.1 La genèse de l'éducation bilingue

Faisant l'historique de la naissance de l'éducation bilingue au Burkina Faso, Ilboudo (2009) identifie deux étapes clés qui ont milité en faveur du développement de l'école bilingue ; il s'agit de la reforme de l'éducation de 1979 et de l'expérimentation de la méthode d'Apprentissage de la Langue Française à partir des Acquis de l'Alphabétisation initiée en 1992 et connue sous le nom de méthode ALFAA.

- La réforme de 1979

Suite à une analyse critique de la situation de l'éducation en 1979 qui a révélé de nombreux dysfonctionnements, le gouvernement voltaïque (à l'époque) a engagé une réforme du système éducatif visant notamment l'introduction des trois principales langues nationales (mooré, dioula, fulfuldé) comme médium d'enseignement au même titre que le Français. Malheureusement, cette expérimentation sera de courte durée car elle sera interrompue en 1984, une année après l'avènement de la révolution burkinabè, sans justification et alors même que les évaluations intermédiaires avaient prouvé que les écoles bilingues avaient de meilleures performances que les écoles classiques dans des disciplines clés telles que le français, les mathématiques, les sciences d'observation et l'histoire géographie. Selon Ilboudo (2009), l'interruption brutale de cette expérimentation a contribué à créer une méfiance vis-à-vis de l'école bilingue chez les parents d'élèves qui ont eu le sentiment que leurs enfants ont été traités comme des « cobayes ». Exclus du système classique mais convaincus de la performance de leur innovation, il était nécessaire que les initiateurs du projet trouvent un cadre plus favorable pour poursuivre leur expérimentation et prouver son intérêt. Ce terreau favorable, ils le trouveront dans l'éducation non formelle.

- La méthode d'apprentissage de la langue française à partir des acquis de l'alphabétisation (méthode ALFAA)

La méthode ALFAA est née en 1990 de l'initiative d'une association d'alphabétisation dénommée Manegbzanga (développement pour tous) ; désireux d'aider ses membres à accéder au français, elle aurait soumis le projet à son partenaire principal, l'OSEO, qui en collaboration avec des enseignants et des chercheurs en linguistiques ont mis au point, en

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1993, la méthode ALFAA. L'objectif de cette méthode est d'aider des adultes déjà alphabétisés dans leur langue nationale à acquérir un niveau de français équivalent à celui d'un élève du cours moyen en 150 jours. Au regard du succès de cette expérimentation qui a été étendue à tout le pays, l'association a souhaité qu'elle soit adaptée aux enfants âgés de 9 à 14 ans qui ont dépassé l'âge d'être recrutés dans le système classique tout en n'étant pas assez grands pour rejoindre le groupe des adultes. D'après Ilboudo (2009), c'est à partir de là que serait venue l'idée de créer des écoles d'éducation bilingue adressée à cette frange de la population. La mise en pratique de cette initiative connaîtra trois phases de développement :

Il y a d'abord la phase pilote qui va de 1994 à 1998 : au cours de cette période, l'OSEO, en partenariat avec l'association Manegbzanga, va non seulement mettre en oeuvre son plan d'apprentissage du français aux jeunes de 9 à 14 ans mais profitera aussi de l'occasion pour reprendre l'expérimentation qui avait été arrêtée en proposant un programme de scolarisation complète bilingue langue nationale-Français. Cette expérimentation sera confortée par les résultats jugés satisfaisants de la première promotion présentée au Certificat d'Etudes Primaires ; en effet, alors que le taux de la moyenne nationale de succès au Certificat en cette année 1998 était de 48,60%, l'école bilingue a obtenu un taux de succès de 52,83% (Ilboudo, 2009). Ce résultat va conduire l'expérimentation de l'école bilingue à sa seconde phase.

La seconde phase va de 1998 à 2002 : devant le succès inattendu de l'école bilingue, le Ministère de l'Enseignement de Base va s'impliquer plus profondément dans cette innovation ; cette seconde phase voit l'alignement de l'âge de recrutement dans les écoles bilingues à celui des écoles classiques, c'est-à-dire (7-8 ans), l'extension géographique et linguistique de l'expérimentation pour prendre en compte les principales langues nationales. L'un des signes majeurs de l'implication du Ministère de l'Enseignement de Base dans le projet d'éducation bilingue à cette période est la publication de la lettre circulaire (N°2002-098/MEBA/SG du 18 juin) de l'année 2002 autorisant les parents et les écoles qui le souhaitent à demander la transformation des écoles classiques de leurs localités en écoles bilingues (cf. annexe n°1).

La dernière phase qui va de 2003 à nos jours voit la poursuite de l'extension géographique et linguistique de cette innovation pédagogique ; en plus de l'Etat, d'autres partenaires s'engagent aux côtés de l'OSEO : c'est le cas de l'enseignement catholique mais aussi d'autres organismes financiers tels que la Coopération Suisse au Développement (Ilboudo, 2009). Au cours de cette dernière phase de son développement, l'éducation bilingue

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a réussi également à compléter son dispositif de continuum éducatif en créant les espaces d'éveil éducatif (3E) pour les plus petits (3 à 6 ans) et les collèges multilingues spécifiques (CMS) pour le post-primaire (13 à 16 ans).

Il faut noter que si la formule d'éducation bilingue soutenue par l'OSEO a réussi à s'imposer et à créer un partenariat avec le MENA, d'autres formules d'éducation bilingue sont restées dans le secteur non formel et poursuivent leurs activités : ce sont entre autres les centres Banmanuara, les CEBNF (Centre d'Education de Base Non Formelle, etc.. Nous utiliserons de ce fait le concept d'éducation bilingue pour désigner la formule d'éducation bilingue OSEO-MENA.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore