WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le rapport des enseignants aux langues nationales, en tant que médiums et matières d’enseignement, dans l’éducation bilingue au Burkina Faso.


par Bouinemwende Wenceslas ZOUNGRANA
Université sciences humaines et sociales /Lille 3 - Master 2 Recherche 2014
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CONCLUSION

Le choix que nous avons fait de nous pencher sur le rapport des enseignants aux langues nationales utilisées comme médiums et matières d'enseignement a été motivé par le constat des difficultés qu'éprouvent le système éducatif bilingue à s'étendre selon le rythme et les espaces tels qu'envisagés par ces concepteurs et les autorités en charge de l'éducation au Burkina Faso.

Face aux nombreuses hypothèses qui sont aujourd'hui mises en avant pour expliquer cet état de fait, à savoir la situation de diglossie que connait le Burkina Faso ou la surévaluation du succès et de l'adhésion à l'éducation bilingue par l'OSEO, nous avons voulu savoir comment les enseignants, au-delà de toutes ces conjectures, se situaient par rapport à ce système éducatif ? Sont-ils influencés par les effets de la diglossie, sont-ils réticents ou convaincus de l'efficacité des langues nationales à servir de médium et de matières d'enseignement ?

Pour répondre à ces questionnements, nous sommes partis de l'hypothèse que les enseignants étaient plutôt réticents sur la pertinence et l'efficacité du système éducatif bilingue ; nous avons ensuite cherché à vérifier cette hypothèse à travers trois axes de recherches : leur rapport aux langues nationales, leur rapport au rôle disciplinaire des langues nationales utilisées comme médiums et matières d'enseignement et enfin leur rapport à l'éducation bilingue de façon générale, dans sa situation présente et à venir.

Les données que nous avons recueillies à travers les enquêtes quantitatives et qualitatives réalisées sur le terrain, auprès des 131 individus de notre échantillon, nous ont ensuite permis de procéder à une analyse descriptive et explicative du rapport des enseignants à l'éducation bilingue. Au regard de nos hypothèses, les résultats obtenus peuvent paraître surprenants :

- sur le plan de leur rapport aux langues nationales, il ressort que les enseignants témoignent d'un intérêt certain pour les langues nationales en raison de la maîtrise et de l'investissement dont elles sont l'objet ; toutefois, on ne peut manquer de souligner que c'est un intérêt qui est beaucoup plus guidé par les besoins du métier d'enseignant bilingue plutôt que par une conviction personnelle.

- En ce qui concerne le rapport aux langues nationales utilisées comme médium et matières d'enseignement, les résultats ne permettent pas d'affirmer que les enseignants sont sous le coup de la diglossie comme nous l'avions supposé ; même s'ils admettent que

113

l'utilisation des langues nationales comme disciplines d'enseignement entraine des effets néfastes sur les apprentissages, ou qu'elle a besoin d'être perfectionnée sur certains plans, ils reconnaissent malgré tout leur efficacité et leurs performances sur le plan didactique.

- Enfin, par rapport à l'intérêt scolaire et social de l'éducation bilingue en elle-même, les enseignants se montrent convaincus mais inquiets de la manière dont est gérée cette innovation pédagogique et plus précisément de son avenir.

En conclusion de tous ces constats, nous osons affirmer que notre hypothèse de recherche qui stipulait que les enseignants sont réticents vis-à-vis de l'enseignement bilingue est partiellement confirmée ; elle est confirmée dans la mesure où les enseignants sont effectivement réticents, mais partiellement car cette réticence ne porte pas sur la capacité des langues nationales à servir de médiums et de matières d'enseignement mais sur les aspects structurels et organisationnels.

Au-delà et en conséquence de ces résultats, notre recherche nous motive à approfondir deux questions essentielles : le positionnement des autorités à qui les enseignants reprochent leur manque d'engagement et leur indécision vis-à-vis de l'éducation bilingue et la question des interférences qui revient de façon récurrentes dans les difficultés d'ordre didactique liées à l'éducation bilingue :

-La position des autorités

A l'examen des propositions faites par les enseignants pour permettre un meilleur essor de l'éducation bilingue, il apparait que ce qui préoccupe les enseignants c'est moins la question des objets d'enseignement liés à l'utilisation des langues nationales comme médium et matières d'enseignement que la gestion de l'innovation pédagogique elle-même ; cela rejoint largement la conclusion à laquelle nous étions parvenus dans nos résultats, à savoir que si les enseignants sont réticents vis-à-vis de l'éducation bilingue, ce n'est pas en raison de l'inefficacité des contenus d'enseignement mais bien plus à cause de son mode de fonctionnement. Tout fonctionne comme si les autorités en charge de l'éducation étaient encore indécises sur le sort de l'éducation bilingue, comme s'il subsistait des non-dits qui les empêchent d'avoir les coudées franches pour agir. Bamogo résume en quelque sorte ce malaise :

« Depuis le début de l'implantation de l'école bilingue jusqu'à maintenant, tous les ministres qui sont passés étaient d'accord, réellement convaincus de la nécessité de faire

114

le bilingue ,
· mais pourquoi jusqu'à présent ils ne font rien, pourquoi ça ne fait que régresser? Ça régresse mais ça ne progresse pas ,
· s'il y a des écoles qui renoncent et qui repartent dans le classique là, c'est que ça régresse ,
· mais ils ne vont jamais le dire officiellement ».

Cette indécision est-elle liée au fait que les autorités ne croient pas réellement à l'efficacité de l'éducation bilingue, à la question de la diversité des partenariats et enjeux financiers évoqués par Cheron (2008) ou est-ce simplement parce qu'ils auraient senti que ce système éducatif ne correspond pas aux besoins de la population ?

Sur cette dernière question, Nanema (2009) avait déjà montré que contrairement aux affirmations de l'OSEO, certaines communautés ne choisissaient pas l'école bilingue par conviction mais parce qu'elles avaient besoin d'une école ; dans le même ordre d'idées, nous avons parfois senti, à travers les discours des enseignants, que les préoccupations des parents pour l'éducation de leurs enfants pouvaient être en décalage avec les contenus de l'éducation bilingue. Dans le contexte de la mondialisation, certains parents semblent plus portés à offrir à leurs enfants des chances de maîtriser les langues parlées à l'échelle internationale que locale. Cette situation qui renvoie d'une certaine manière à la diglossie est bien décrite par Sayoré ; parlant des hésitations de l'Etat et des parents, il disait :

« Chacun veut que son enfant parle correctement le Français ,
· dès le CP1 même avant le CP2, on veut que quand le tonton va venir qu'il puisse quand même dire : "tonton ça va ?". "D nâ n mâana wana ?"14, on n'a pas le choix ! Voilà pourquoi on ne parle pas mooré avec les enfants à la maison ,
· quelqu'un qui ne veut pas qu'on parle mooré à son enfant, est-ce que ce « gars » là va aller inscrire son enfant dans une école bilingue ? Ce n'est pas possible ! »

Ce décalage de certains bilinguismes avec la réalité avait déjà été dénoncé par Castellotti, Coste et Moore (2001 : 102) en ces termes :

« La réflexion en didactique des langues qui raisonne encore essentiellement sur l'apprentissage d'une langue étrangère en relation avec une autre considérée comme maternelle s'inscrit en décalage à la fois des situations de plurilinguisme de plus en plus complexes que marque l'expression des circulations économiques, culturelles et

14 Expression en langue nationale mooré qui signifie : « Comment allons-nous faire ? »

115

professionnelles et des nouveaux besoins d'apprentissages, dès l'école de non plus une mais plusieurs langues étrangères plus ou moins proches ».

L'idée émise par la Ministre de l'Education Nationale d'introduire l'enseignement de l'anglais au primaire, alors même que la question des langues nationales n'est pas encore résolue, n'est-elle pas d'une certaine manière une prise de conscience de ce décalage ? (cf Burkina 24, quotidien en ligne du 10/02/2014).

Tout bien considéré, il nous semble que pour lever les réticences des enseignants sur l'avenir de l'éducation bilingue et motiver leur engagement, cette posture des décideurs politiques et plus particulièrement, ceux en charge de l'éducation au Burkina constitue une piste de recherche à entreprendre.

- La question des interférences

Dans un domaine plus strictement didactique, il est apparu, au regard de nos résultats, que les interférences constituaient le handicap principal lorsqu'il s'agit de procéder au transfert des apprentissages des langues nationales au Français. Mackey (1982 : 48) définit l'interférence comme suit : « par interférence nous entendons l'utilisation des éléments d'une langue dans le discours d'une autre langue ; cela comprendra, dans notre contexte, la manifestation des caractères de la langue première sur le parler et les écrits des apprenants de la langue seconde ». Dans le contexte de l'éducation bilingue au Burkina Faso, les interférences portent notamment sur l'influence des effets des langues nationales sur le Français, au point que cela constitue parfois une source de complexe pour les élèves bilingues qui hésitent à parler en présence de leurs camarades des écoles classiques. A ce niveau, et pour rassurer les enseignants et les parents d'élèves, nous estimons également qu'un travail didactico-linguistique portant notamment sur les contenus d'enseignement dans les écoles bilingues pourrait être envisagé afin d'anticiper et d'atténuer les effets de ces interférences sur les enseignements et les apprentissages.

116

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand