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2.1.2 Les intérêts des anciennes colonies
Le second obstacle à l'utilisation des langues
nationales dans l'éducation serait lié aux pressions
exercées par les anciennes métropoles sur leurs ex-colonies.
Nikiema (2011) soutient que dans toutes les anciennes colonies, la langue de la
métropole est restée la langue officielle des Etats ; plus
encore, ces anciennes métropoles seraient plus soucieuses de faire
rayonner leurs langues, à travers des organisations telles que la
Francophonie pour ce qui concerne la France ou le Commonwealth dans le cas de
la Grande Bretagne, que de développer les langues nationales africaines.
La réalité c'est que ces anciennes puissances coloniales voient
d'un mauvais oeil toute promotion des langues nationales en ce sens qu'elles
pourraient constituer une menace pour le monopole de la langue officielle. Face
à ce jeu d'intérêts des puissances coloniales dans la
problématique de l'usage des langues, Erny (1977 :140) invite les pays
africains à faire preuve de méfiance et de discernement dans
l'acceptation des aides extérieures qui leur sont proposées car :
« quand les grandes puissances cherchent à placer leur langue,
leur culture, leur idéologie ou leur technologie, les
bénéficiaires apparaissent comme de simples moyens au service de
projets d'expansion qui les dépassent, et on se soucie finalement fort
peu de leurs besoins ». Et cela aurait pour effet direct de
contraindre les pays africains à promouvoir une éducation qui se
trouve être en inadéquation avec les réalités et les
besoins du terrain. Dans son livre « Eduquer ou périr » (1990
: 99), le professeur Joseph Ki-Zerbo abonde dans le même sens que Erny
(1977) quand il s'interroge sur l'adéquation du système scolaire
importé d'Europe à la culture et à la
réalité sociale des populations africaines : « Veut-on
d'une éducation, pâle photocopie du modèle « gaulois
» ou de cette éducation qui met l'homme debout et lui donne sa
vraie stature ? » s'insurge-t-il. Selon Ki-Zerbo (1977), le
système scolaire africain dans sa situation actuelle est loin des
réalités socioculturelles et économiques dans lesquelles
vivent les populations africaines ; et cette inadéquation est
liée au fait qu'on ne fait que ressasser les programmes scolaires
reçus de l'époque coloniale. Pour lui, cette inadéquation
serait, en outre, à la base des nombreux échecs à la
scolarisation car, dit-il, « le système éducatif des
sociétés africaines n'est pas seulement en retard sur celui des
pays industrialisés ; il est surtout en contradiction avec les besoins
vitaux alimentaires et élémentaires des dites
sociétés » (1990 : 17). Si le système
éducatif africain ne tient pas compte de ces impératifs, il
pourra bien implanter des écoles en Afrique mais « ce serait
l'école en Afrique et non l'école africaine » (1990 :
92).
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L'inadéquation du système scolaire classique,
c'est aussi la thèse défendue par Paul Taryam ILBOUDO (2009),
l'un des promoteurs de l'école bilingue au Burkina. Selon lui,
l'école classique est inadaptée et déracinante car elle ne
s'est jamais intégrée à la société et de ce
fait, coupe l'élève de son environnement. Une des
conséquences de cette inadéquation se vérifie dans le
constat que les diplômés ou non diplômés qui sortent
de ce système éducatif n'arrivent pas à s'intégrer
dans leur milieu et à utiliser les acquis de leur scolarisation.
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