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Les employés de maison dans le droit social.


par IBRA NDOYE
Ecole Nationale d'Administration Sénégal Dakar - Brevet de l'ENA 2009
  

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REPUBLIQUE DU SENEGAL

Un Peuple- Un but- Une foi

PRIMATURE

Ecole Nationale d'Administration

E.N.A.

 

MEMOIRE DE FIN DE FORMATION

 
 
 
 

LES EMPLOYES DE MAISON

DANS LE DROIT SOCIAL

 
 
 

Présenté par :

 

M. Ibra Ndoye

Division administrative

Section Travail et Sécurité Sociale

Cycle A Promotion : 2007/ 2009

Sous la Direction de :

 

M. Pierre Marie Coly

Inspecteur du Travail et de la Sécurité Sociale Directeur des Ressources Humaines de S D V

 

I

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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l existerait un peu plus 80 000 employés de maison au Sénégal, composés majoritairement de domestiques, d'après l'enquête statistique nationale sur le travail des enfants de Juillet 1993. C'est dire que l'ensemble des foyers sénégalais au niveau des zones urbaines, Dakar plus particulièrement, reste le plus grand pourvoyeur d'emplois, et non l'Etat, comme beaucoup le pense. En effet les effectifs au niveau de la Fonction Publique tourneraient autour de 70 000 personnes.

Ce recours à la main-d'oeuvre domestique dans beaucoup de foyers, même les moins nantis, tend à se généraliser ; et il n'est pas rare de voir des maisons où coexistent deux, voire trois « bonnes » sans compter les services du gardien. Ce phénomène trouve son explication dans l'amélioration notoire du statut des femmes au cours des deux dernières décennies qui ne se contentent plus de rester au foyer. Elles deviennent de vrais acteurs économiques, qu'elles soient instruites ou non, avec le fardeau des tâches ménagères pris en charge par d'autres mains plus ou moins expertes. Dans cette optique, il est paradoxal que d'autres personnes, les employés de maison, qui aspirent eux aussi, au même titre que leurs employeurs à s'émanciper à travers un emploi qui a besoin d'être reconsidéré et réhabilité, en soient les victimes expiatoires.

Par ailleurs, l'importance du nombre d'individus qui s'adonne à ce travail d'employé de maison, qui devrait être un facteur de promotion et de stabilisation de l'emploi cache mal les drames, les conflits, le caractère informel, bref la précarité, qui est l'une des caractéristiques des rapports de travail entre employeurs et employés de maison. Il est bon de signaler que le corps des gens de maison s'est largement massifié à la faveur de l'exode rural avec le flux important de filles et de jeunes femmes qui ont embrassé la profession. Trois causes fondamentales sont à l'origine de cet exode. D'abord un déficit d'aménagement du territoire qui a vu des centres tels que Dakar, St Louis, Thiés... devenir des pôles urbains florissants émerger au détriment de zones rurales tournées exclusivement vers des activités agropastorales. Ensuite, nous avons assisté à un déclin de l'agriculture avec l'échec de « la révolution verte » qui devait sanctionner la Nouvelle

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Politique Agricole (NPA) des années quatre-vingt. Enfin, il y'a eu la désaffection d'une importante frange de la population du circuit scolaire classique à cause de la longueur du cursus qui n'aboutit pas toujours à un travail rémunérateur. Cet exode, devons nous le rappeler, a surtout un caractère saisonnier car ponctué par de nombreux retours au village à l'occasion de fêtes ou de cérémonies, ce qui du reste participe à la complexification des relations de travail. Dans sa tentative de comprendre les raisons de cette migration, l'étude intitulée « Mbindaan sans mbindou : les petites bonnes à Dakar »1 abonde dans le même sens quoique se focalisant davantage sur les manifestations de cette triptyque. Primo, l'absence d'activités rémunératrices au village pour la prise en charge de leurs besoins et ceux de leurs familles, secundo la difficulté pour leurs parents de vivre des revenus de la terre à cause notamment de la péjoration pluviométrique, tertio les mirages de la ville qui subsistent toujours. A l'origine, ce phénomène touchait essentiellement les hommes ; il a fallu plusieurs années pour que des femmes de plus en plus jeunes partent à « l'aventure » et deviennent de véritables soutiens de famille. Ainsi le flux migratoire touche de plus en plus de jeunes filles déscolarisées pour l'essentiel. A titre indicatif les statistiques de l'étude citée plus haut ont montré que 62,50 % d'entre elles sont non scolarisées chez les moins de 15 ans et 53,10 % le sont dans la tranche 15-18 ans. La demande de très jeunes filles sur le marché du travail s'explique dans un contexte de crise économique par son faible coût. Cette entrée prématurée de milliers de petites bonnes dans le marché du travail est perçue au niveau des autorités comme un problème crucial en ce sens que le Sénégal s'est engagé, dans le cadre du Programme Décennal pour l'Education et la Formation (PDEF) et des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) de promouvoir une éducation de qualité et sans discrimination qui devrait normalement impacter sur la qualité des ressources humaines. De surcroît, le Sénégal ayant ratifié la Convention n°138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi, appuie toutes les initiatives prises au niveau international pour l'abolition effective du travail des enfants notamment le Programme International pour l'Abolition du Travail des Enfants (IPEC). Ce plan d'action global de l'OIT pour l'éradication du travail des enfants a été mis en branle depuis 1992 après le constat de l'ampleur du mal au plan international, surtout en ce qui concerne les pays en développement. L'évaluation de la lutte2 dans le cadre du Programme

1 « Mbindaan sans mbindou » Les petites bonnes à Dakar, de UNICEF/ BIT/ ENDA et Gouvernement du Sénégal, Mars 1994.

2 African newsletter on Occupational Health and Safety 2000 pp. 32-35

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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IPEC durant plus d'une décennie a été à l'origine de l'inflexion notée en ce qui concerne l'approche. Il s'agit désormais de mettre l'accent sur la prévention du travail des enfants et non le retrait automatique d'enfants déjà engagés, difficilement récupérables. Cette approche se focalise notamment sur les causes principalement socioculturelles et économiques qui engendrent le travail des enfants. En attendant le rendez-vous du compte-rendu, on note déjà un léger éclairci. En effet, les dernières estimations3 de l'OIT révèlent que ce fléau ne toucherait plus que 217 millions d'enfants âgés de 5 à 17 ans à travers le monde, dont 165 millions auraient entre 5 et 14 ans. Parmi eux, 126 millions seraient victimes des pires formes de travail des enfants. Ce qui montre une légère baisse de l'ampleur du phénomène par rapport aux années précédentes. Cependant, il faut se garder de toute autosatisfaction car ce changement serait imputable, d'après plusieurs voix autorisées, à la proportion d'enfants engagés dans les travaux domestiques et agricoles non prise en compte, sans oublier les nombreuses naissances non déclarées à l'état-civil. Aujourd'hui, même si la lutte contre le travail des enfants n'est pas seulement l'apanage du BIT, on note à tous les niveaux un foisonnement d'institutions, d'organismes qui en font leur cheval de bataille, alors qu'il est de notoriété publique qu'aucune action isolée n'aura d'impact que si elle s'inscrit dans un plan d'action de niveau national. D'où l'urgence de mettre sur place une approche holistique de coopération, de consultation et de cohérence entre tous les acteurs engagés dans ce combat : d'une part la société civile, les autorités nationales, les employeurs, les syndicats, les familles et d'autre part l'UNICEF, la Banque Mondiale, l'OIT, le PNUD, les donateurs et les ONG nationales. Par rapport à cette lutte, il a été relevé dans ce document ACP-UE que durant ces dernières années, les efforts ont été malheureusement concentrés dans le secteur industriel formel, au détriment du secteur agricole qui emploie le plus d'enfants et le secteur domestique qui « dissimule » aussi le travail des enfants. En effet, l'aspect informel et la nature du travail permettent de « cacher » le travailleur aux yeux des autres. Les problèmes dans ce secteur sont accentués par les inégalités en termes de culture et de genre au sein de la société.

En ce qui concerne le Sénégal, le rapport sur le Programme national pour l'élimination de l'exploitation des enfants aux Sénégal (1998-2001) BIT/IPEC indique selon des enquêtes menées de 1993 à 1998 que 293 783 enfants âgés de 6 à 18 ans se trouvaient en situation de travail soit 15 pour cent de ce groupe d'âge. Le BIT a mis en place ce programme sous-régional dans huit

3 Document de Travail ACP-UE sur le Travail des enfants, 14 février 2008

autres pays d'Afrique de l'Ouest pour aider à la lutte contre le trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail. Il s'agit d'une part d'aider le gouvernement à travers ses structures compétentes et d'autre part les ONG dans l'adoption en amont de mesures préventives efficaces contre ce trafic. En aval, ces structures et ONG doivent envisager des mesures de réadaptation en faveur des victimes. Au Sénégal, les enfants habituellement engagés dans le processus de production travaillent principalement comme aides familiaux (78%), salariés (9%), apprentis (6%) et travailleurs indépendants (50%). IPEC4 indique en outre que de nombreuses filles sont employées comme domestiques ; elles sont 53 731 à être âgées de moins 18 ans, dont 20% ont 6 à 14 ans. La Commission sur l'application des Normes dans son rapport 2006 invite le gouvernement Sénégalais à lui faire connaître les mesures qu'il a prises et celles qu'il envisage pour mettre progressivement en harmonie la situation réelle du pays avec sa législation et la Convention. Par ailleurs, elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur la manière dont est appliquée la Convention et apprécierait, en particulier, la fourniture de données statistiques récentes relatives à l'emploi des enfants et des adolescents, des extraits de rapports des services d'inspections et des précisions sur le nombre et la nature des infractions relevées et les sanctions infligées. Malgré tous ces efforts déployés par les autorités étatiques en relation avec des partenaires aussi engagés les uns que les autres, le BIT, l'UNICEF, l'UNESCO, et d'autres organismes encore qui sont bien persuadés, comme le disait l'UNESCO dans son rapport de 1996 que « l'une des principales causes du travail des enfants reste leur non scolarisation », le phénomène ne fait que croître au vue du nombre d'enfants qui arrive dans le marché de l'emploi domestique au Sénégal. A cet égard, l'UNICEF préconise six mesures5 pour en venir à bout :

- l'élimination immédiate de l'emploi des enfants à des tâches dangereuses

- l'organisation d'un enseignement gratuit et obligatoire

- l'élargissement de la protection légale des enfants

- l'enregistrement de tous les enfants à leur naissance

- une collecte et un contrôle adéquats des données

- l'établissement de codes de conduite

En attendant la réalisation de cet ambitieux plan d'action, les employeurs à mille lieux de ce

branle-bas, alimentent consciemment ou inconsciemment le phénomène en employant le plus

4 Rapport Commission pour l'application des Normes 2005

5 Source http : // www. Droitsenfant.com/ travail. htm

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normalement du monde cette main-d'oeuvre tendre et corvéable, qui compte également des moins jeunes partageant tous le sort peu enviable d'employés de maison qui doivent hélas lutter davantage pour sortir de la zone que les sociologues du droit appelle l'infra-droit, c'est-à-dire un droit déprécié6, qui est une des facettes de la segmentation du marché du travail. Cependant, la branche d'activité de la domesticité connue sous le terme générique employé de maison ne comprend pas que des « bonnes » et « boys », le phénomène de reconversion aidant, on trouve notamment des lavandières-repasseuses, des baby-sitters effectuant toutes des tâches à la périphérie de la maison et qui sont assimilables à des employés de maison ; même si la conception qu'en a le texte réglementaire est plus restreinte.

La féminisation de ce secteur d'activité a débuté avec le départ des colons qui faisaient appel exclusivement aux « boys ». Cette perversion de la structure de la division du travail basée sur le genre n'a pas survécu à la fin de la colonisation car la répartition sexuelle du travail est bien ancrée dans les mentalités, la gestion des activités domestiques reste l'apanage des femmes.

Le législateur sénégalais avait très tôt senti la nécessité de codifier les relations de travail particulières, car individualisées, liant deux personnes physiques, ce qui déroge au contrat de travail plus classique entre une personne physique et une personne morale. C'est ainsi qu'un important dispositif législatif et réglementaire méconnu du grand public existe. Ainsi, il nous semble urgent d'en cerner les contours, de faire une sorte d'état des lieux, d'apprécier les enjeux, et surtout d'esquisser des solutions en rapport avec les prescriptions normatives pour un meilleur devenir de cette activité contribuant à l'harmonie et la quiétude de milliers de familles. Pour ce faire, nous nous proposons dans la suite de ce travail de recherche, axé autour de trois parties essentielles, de revisiter d'abord ce cadre juridique des employés de maison, ensuite à la lumière de l'analyse de leurs conditions réelles de travail en insistant sur certains aspects sociologiques qu'on ne peut éluder, de comprendre les raisons de la non application de ces dispositions réglementaires et enfin de voir les enjeux relatifs à cette question qui sont autant de défis interpellant les différents acteurs qui se préoccupent du sort des employés de maison. Et nous ne manquerons pas au terme de ce modeste travail de faire quelques propositions dans le double objectif de voir les employés de maison se concilier avec la législation sociale et leurs employeurs.

6 J. Carbonnier, Flexible droit, LGDJ, Paris 1979

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Le cadre juridique des employés de maison

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Chapitre I La typologie des emplois

Une certaine conception réductrice des employés de maison a fait penser, à tort bien sûr, que les domestiques constituaient à eux-seuls ce groupe. Il nous semble nécessaire à ce niveau d'insister sur le terme domestique. En effet, celui-ci est à mettre en rapport avec le type de services qu'ils rendent. Dans le contexte sénégalais, ils étaient communément appelés « mbindaan » qui signifie étymologiquement en wolof « qui ont l'habitude de passer des contrats »7. Cette appellation qui avait des relents péjoratifs, à vrai dire, a connu un glissement sémantique il y'a quelques années à la faveur d'une certaine évolution de la perception que les Sénégalais ont eu de ces travailleurs, surtout lorsque des cas d'abus autrefois tus ont ému l'opinion par la magie des média. Ainsi comme s'ils s'étaient passés le mot, le terme « mbindaan » est devenu désuet et fit place à celui de « jaanx ». Parallèlement à ce changement, le terme « bonne » qui était aussi usité en français et qui renvoyait à l'image de « bonne à tout faire » fit aussi sa mue.

Du reste, si ces travailleurs intervenant dans le cadre restreint du domicile sont qualifiés d'employés de maison, d'autres épithètes sont censées les désigner : gens de maison, travailleurs domestiques, employés à domicile, femmes de ménage voire employés familiaux. La notion même de domicile en droit mérite qu'on s'y attarde un peu. Certes l'Inspection du Travail s'applique à toutes les situations d'emploi, mais dans la pratique, le domicile privé est en dehors du champ d'application des inspecteurs du Travail. Cela est d'autant plus vrai que l'article 16 de la Constitution sénégalaise est sans équivoque lorsqu'il insiste sur le caractère inviolable du domicile. Elle dispose plus loin qu'on ne pourra porter atteinte à cette inviolabilité que pour parer à un danger collectif ou pour protéger des personnes en danger de mort. En France l'impossibilité

7 « Mbidaan sans mbindou » les petites bonnes à Dakar, Mars 1994.

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des inspecteurs du travail de contrôler les employeurs particuliers est beaucoup plus explicite. L'article L 611-8 du Code du Travail dispose que « les inspecteurs ne peuvent pénétrer dans les locaux habités qu'après autorisation des personnes qui l'occupent », ce qui rend inopérant le contrôle sur le travail des employés de maison. A l'inverse, le droit de visite à toute heure des établissements où sont occupés des travailleurs jouissant de la protection légale que l'article L. 197 du Code du Travail confère aux inspecteurs ne souffre d'aucune restriction. Nous reviendrons plus loin sur les incidences de cette situation.

Il faudrait dans la même lancée faire la distinction entre le travail domestique proprement dit qui correspond à des services rendus à la personne à son domicile ; des services de la vie quotidienne : travaux ménagers, gardiennage et des services à la famille : garde d'enfant, pour ne citer que ceux-là et le travail à domicile qui est une des formes de télétravail engendrée par l'éclatement de la bulle technologique. En effet, ce dernier est souvent employé à tort à la place du travail domestique. Contrairement aux employés de maison qui exécutent leurs contrats au domicile de l'employeur, les travailleurs à domicile, au sens de la Convention n° 177 adoptée en 1996, exécutent les leurs partout ailleurs qu'au domicile de l'employeur. En effet, l'article 2 de ladite convention est univoque ; « le travail à domicile est un travail qu'une personne, désignée comme travailleur à domicile, effectue :

? à son domicile ou dans d'autres locaux de son choix, autres que les locaux de l'employeur ? moyennant rémunération en vue de la réalisation d'un produit ou d'un service répondant aux spécifications de l'employeur... ».

Cependant si le travailleur dispose d'un certain degré d'autonomie et d'indépendance dans son travail, il devient tout simplement un travailleur indépendant.

Pour en revenir aux employés de maison, le rapport général du BIT de 2004 intitulé : S'organiser pour plus de justice sociale8, faisait état du développement des emplois à domicile (domestiques) à l'échelle mondiale, qui est la résultante, d'après l'auteur, du déclin de l'Etat-Providence surtout par rapport aux bonnes et gardes d'enfants. Une autre explication serait l'entrée massive de la gent féminine dans le marché du travail qui a parachevé plusieurs décennies de lutte pour l'émancipation avec l'émergence d'emplois fortement féminisés dans les

8 C. I. T. 92eme session 2004

secteurs de l'éducation, la santé et les services. Par conséquent, les employés de maison se sont substitués à ces femmes qui étaient convaincues que leur libération passait par la conquête du marché du travail. Donc, c'est tout normalement qu'elles engagent des travailleurs pour s'occuper de leurs biens, de leur intérieur et d'êtres qui leur sont chers, ce qui du reste rend complexes de prime abord, les relations de travail dont le premier fondement reste la confiance.

Même si les domestiques sont notoirement plus connus dans le registre des emplois à domicile, ils ne sont pas les seuls comme on l'avait signalé dans l'introduction. En effet, l'article premier de l'arrêté N° 974 du 23 Janvier 1968 commence par identifier les gens de maison. Ce sont, dit-il, « tous les salariés embauchés au service d'un foyer et occupés de façon continue aux travaux de la maison ». Compte tenu des relations de travail modernes, on peut dégager la typologie suivante basée sur le contenu des postes :

1. LA BONNE OU BOY DEBUTANT(E)

Il ou elle ne justifie pas encore de deux ans de pratique et s'occupe principalement des activités domestiques : travaux ménagers, repassage etc. Il (elle) peut également préparer les repas mais n'est pas autonome dans l'organisation du travail.

2. LA BONNE OU BOY SPECIALISE(E)

Il (elle) n'assure qu'une partie des travaux de la maison, notamment le lavage du linge. Cette catégorie comprend entre autres :

a. La bonne d'enfants

Elle garde les enfants au domicile des parents, s'occupe d'eux conformément aux directives des parents. Elle prépare leurs repas, lave leur linge etc.

Cependant la bonne d'enfant peut aussi être employée à d'autres tâches comme les travaux ménagers.

b. Le gardien logé ou non de maison d'habitation au service d'un particulier.

Ce secteur s'est beaucoup développé et formalisé par le biais des sociétés de gardiennage mais leur zone d'intervention dépasse le cadre du domicile. Avec l'émergence de la sous-traitance, il intervient également dans les secteurs public, parapublic et privé.

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3. LA BONNE OU BOY AVEC UNE CERTAINE EXPERIENCE

Il (elle) est chargé(e) de l'exécution de l'ensemble des travaux courants d'intérieur ; il (elle) justifie de plus de deux ans de pratique.

4. LE BOY CUISINIER OU LA BONNE CUISINIERE

Il (elle) assure l'ensemble des travaux d'intérieur y compris la cuisine courante.

4. LE CUISINIER OU CUISINIERE QUALIFIE(E) DE MAISON

Comme son nom l'indique, il ou elle s'occupe pour l'essentiel de faire la cuisine pour un ménage de taille réduite.

6. LE CUISINIER OU CUISINIERE QUALIFIE(E) DE NIVEAU SUPERIEUR

Il ou elle assure également la cuisine pour un ménage comprenant cette fois-ci plus de huit personnes. La qualification est souvent acquise après plusieurs années de pratique.

7. LE MAITRE D'HOTEL

C'est la catégorie la plus élevée au niveau des employés de maison. L'appellation ne renvoie pas forcément à un emploi exécuté dans un hôtel, mais plutôt dans un domicile privé. Par contre le titre de maître d'hôtel est acquis après une formation initiale sanctionnée par un diplôme ou au moins une formation continue permettant au salarié soit d'obtenir un titre qualifiant, soit de valider et de perfectionner ses acquis professionnels au cours de sa carrière.

La nomenclature des emplois à domicile fait apparaître un personnel aux tâches variées qui monnaye son savoir-faire dans l'intimité de nos familles. Adapté au contexte Sénégalais, surtout avec la crise économique, il n'est pas rare de voir l'émergence d'employés touche-à-tout beaucoup plus « compétitifs ». Par rapport à la tendance qu'ont les employeurs à recruter un seul employé qui s'occupe de toutes les tâches domestiques, linge, repassage, cuisine, courses, garde d'enfants plutôt que deux ou trois spécialisés, la réglementation leur octroie cette possibilité avec le boy ou la bonne cuisinière, censé(e) assuré(e) l'ensemble des travaux intérieurs pourvu que la durée légale du travail ou celle jugée équivalente soit respectée. L'importante charge de travail qui peut en résulter nous emmène à nous interroger sur le cadre normatif international, en l'occurrence les conventions de l'OIT et national, avec les lois, règlements ou accords professionnels régissant les modalités d'emploi et de travail des employés de maison.

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Chapitre II Le cadre juridique des

employés de maison

Le cadre juridique des employés de maison est constitué d'un ensemble de textes pris au niveau international et national qui réaffirme les principes de base que l'OIT promeut depuis sa création en 1919, à savoir, essentiellement le respect par tous les états des droits économiques et sociaux en ce sens que le travail joue le double rôle de facteur d'intégration et de progrès social, donc de développement économique. Ce cadre est censé codifier les relations de travail, fixer pour les parties contractantes leurs obligations, leurs moyens juridiques d'intervention... Par conséquent, l'Etat, en sa qualité de pierre angulaire du tripartisme Etat-employeur-travailleur, doit jouer pleinement son rôle d'arbitre en contrôlant l'application de la législation sociale par tous, travailleurs et employeurs pour la réalisation de la justice sociale. Ce cadre juridique est constitué de sources d'origine externes et internes.

I. Les sources externes

A. Les conventions internationales

Le Sénégal est devenu membre de l'OIT depuis 1960 ; à ce titre, il a ratifié les conventions les plus essentielles (prioritaires et fondamentales). Celles-ci de par leur portée et leurs caractéristiques tendent à devenir une législation sociale internationale. A cet égard, elles édictent des seuils minimaux en matière sociale qui s'érigent en référence ou en une source d'inspiration pour les législations nationales. Rappelons que les conventions de l'OIT signées, ratifiées et publiées par le Sénégal entrent dans l'ordonnancement juridique et l'engagement pris de manière formelle doit se matérialiser sur le terrain glissant des relations de travail.

En ce qui concerne les employés de maison, au niveau international, aucune convention ni recommandation de l'OIT ne les vise expressément. Cette omission qu'il ne faudrait pas interpréter comme un désintérêt à l'égard de ces travailleurs est contrebalancée par les nombreuses prises de position de l'organisation en leur faveur. C'est ainsi que tous les rapports globaux du BIT concernant les quatre catégories de droits fondamentaux, à savoir le droit de grève et de négociation9, la lutte contre le travail forcé10, la lutte contre le travail des

9 BIT : votre voix au travail, Genève 2000, pp 33-34

enfants11, l'absence de discrimination12, présentent les travailleurs domestiques comme un des groupes qui souffrent nettement d'un déficit de droits. Ces droits sont doublement bafoués pour les employés de maison migrants qui souffrent le martyr dans beaucoup de pays dans le monde. Cette main-d'oeuvre, dont le lot quotidien reste le travail forcé, l'absence de dispositions relatives à leurs droits dans de nombreux pays, voire même l'esclavage est à l'origine de la Convention n° 97 sur les travailleurs migrants de 1949 révisée et complétée par la Convention n° 143 sur les travailleurs migrants de 1975. En réalité, même le Sénégal n'est pas épargné par le phénomène des domestiques migrants, le journal Walf Quotidien13 relayait une affaire de trafic d'employées de maison sénégalaises vers le Liban déjouée par la Division des Investigations Criminelles (DIC) et ayant fait l'objet d'un rapport de la Direction de la Sûreté du Territoire (DST) transmis à la Présidence. L'affaire consistait en un recrutement de « bonnes » sénégalaises devant être placées dans des foyers au Liban moyennant 300 à 400 000 FCFA de leur part. Heureusement pour elles que l'affaire a échoué, car le plus dur les attendait au bout du voyage.

Pourtant dans un article de Anne-Marie El Hage du 10 Avril 2008 repris par le même journal et paru dans le site all africa.com, la journaliste est revenue largement sur la situation difficile des plus de 100 000 femmes étrangères employées de maison au Liban dont 34 322 seraient des Africaines, d'après les chiffres officiels. Parmi elles, on note des Ethiopiennes, de loin la plus importante communauté, des Malgaches, des Camerounaises, des Togolaises, des Nigérianes, des Ivoiriennes et aussi des Sénégalaises qui seraient au nombre de 47. Mais qu'est-ce qui pousse ces Africaines à s'expatrier au pays du Cèdre ?

Parmi les raisons avancées, on évoque bien sûr la pauvreté, le besoin de bien gagner leur vie, en tout cas mieux qu'elles ne le feraient dans leurs pays, pour les Africaines francophones on note l'absence de barrières linguistiques et enfin les chrétiennes y peuvent librement pratiquer leur religion.

Malgré tous ces atouts qui rendent attractifs la « destination » Liban pour ces vaillantes dames, tout n'y est pas rose, comme l'atteste un document du Fonds des Nations Unies pour la population de 2006 à propos de l'exploitation des employées domestiques ; les réseaux qui

10 BIT : halte au travail forcé, Genève 2001, pp 31-32

11 BIT : un avenir sans travail des enfants 2002, pp 32-34

12 BIT : l'heure de l'égalité au travail 2003, pp 21-22

13 Walf Quotidien, vendredi 19 Décembre 2008, p 3

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l'alimentent dit-il, ne font ni plus ni moins que de vendre l'espoir et voler les rêves, ce qui malheureusement n'a pas fait tarir ce « fleuve puissant mais silencieux » que représente la migration des femmes.

Certes, la signature d'un contrat de travail en langue arabe, le seul valable, se fait devant le notaire. Il fixe le salaire mensuel à 135 $ et évoque la nécessité pour l'employée de bénéficier d'une chambre individuelle. Cependant dans la réalité, les horaires de travail, la qualité et la quantité des tâches, les jours de congés, les contacts avec la famille du pays d'origine et avec les compatriotes sont laissés à la discrétion de l'employeur. C'est juste pour dire que pour beaucoup le rêve se transforme rapidement en cauchemar. En effet, certaines d'entre elles se plaignent d'être payées en retard voire pas du tout, d'autres d'une surcharge de travail qui n'est ponctuée par aucune pause même pas le repos hebdomadaire. Les moins chanceuses ne dorment pas assez, sont maltraitées physiquement ou verbalement et sont enfermées par leurs patrons de peur qu'elles ne s'enfuient. D'ailleurs, l'article évoque la situation de six bonnes Sénégalaises emprisonnées, car dans ce pays, les domestiques dont les papiers ne sont pas en règle ou qui y entrent illégalement sont détenues. C'est ainsi que outre les Sénégalaises, 380 Ethiopiennes, 4 Nigérianes et 2 Camerounaises croulent en prison pour l'une ou l'autre des raisons mentionnées plus haut.

Pourtant on sent que dans ce pays aussi les choses commencent à bouger grâce à l'action de la presse locale et étrangère qui ne cessent de dénoncer les conditions de travail des employées de maison. C'est sous ce rapport qu'un responsable de Caritas Liban, Najla Chahda estime que : « les cas de maltraitance semblent en nette diminution 14». Notons également que l'OIT s'est beaucoup investie dans ce pays pour de meilleures conditions de travail pour les employées de maison migrantes. Elle a poussé le gouvernement libanais à mettre en place un comité chargé de rédiger un projet de loi visant entre autres l'unification des contrats de travail, l'établissement de fiches de paie uniformisées et légalisées par l'administration libanaise. Mais comme le pense la journaliste, les avancées sont très lentes à cause de la crise que traverse le pays.

Nous avons crû devoir insister sur la situation des employées de maison migrantes en général, Africaines en particulier, pour montrer comme l'affirmait le rapport global de l'OIT, le déficit de droits dont elles sont victimes ici et ailleurs et que l'OIT n'a jamais cessé de se soucier du sort

14 Site web all africa. com, les fortunes diverses des employées de maison Africaines, 10 Avril 2008

des employées de maison, pas celles migrantes seulement. Néanmoins la question d'une convention de l'OIT sur le travail domestique « reste un besoin urgent »15. Ce besoin est non seulement pressant à cause des 100 millions d'actifs qu'il compte de par le monde, mais aussi que l'idée d'un instrument spécial pour réglementer les conditions d'emploi de la main-d'oeuvre domestique, en à croire le bulletin du Fonds de Solidarité pour les luttes de libération sociale dans le tiers monde, a été soulevée pour la première fois en 1936. Depuis lors le nombre de travailleurs et travailleuses a crû de manière exponentielle avec la privatisation des services publics qui a généré une importante demande de main-d'oeuvre domestique à l'échelle mondiale. Cette idée émise depuis 1936 ne s'est pas encore concrétisée car d'après Mme Budin : « Il n'aurait pas fallu attendre 72 ans pour voir le Conseil d'administration de l'OIT envisager de mettre les travailleurs et travailleuses à l'ordre du jour de la CIT si les hommes avaient représenté la majorité des domestiques ». Elle concluait en disant que l'un des principaux enjeux de cette question reste en soi, la dimension genre.

En attendant la prise d'un instrument formel, spécifique aux travailleurs domestiques, par l'OIT, on peut tout de même citer une brassée de conventions qui leurs sont applicables, même si elles ne les concernent que de manière incidente. Nous avons notamment :

? La Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948), ? La Convention n° 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective (1949),

? La convention n°138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi (1973), qui doit être au moins égal à quinze ans correspondant à celui de la fin de la scolarité obligatoire.

Le respect de cette convention est l'un des plus grands défis de l'Etat Sénégalais en ce sens que rien que dans le secteur du travail domestique le programme IPEC avait recensé

en 2005, 53 731 jeunes filles âgées de -18 ans dont 20% étaient âgées de 6 à 14ans.

? La Convention n°111 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession (1958),

? La Convention n°29 sur le travail forcé (1930). Cette convention vise à lutter contre le travail forcé quelque soit ses oripeaux actuels car il n'y a qu'un pas entre lui et l'esclavage. Comme on a eu à le voir plus haut les employées de maison migrantes en son souvent victimes.

15 Barbara Budin (UIAT), SOLIFONDS, Bulletin d'information n° 57 Avril 2008

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? La Convention n°102 sur les normes minima en matière de sécurité sociale (1952). Elle consacre le principe de la solidarité et la justice sociale dans le monde du travail par l'instauration de prestations pour faire face aux risques encourus par les travailleurs et leurs familles.

? La Convention n°81 sur l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce de 1947 qui constitue l'une des pièces-maitresses de tout ce dispositif. Elle insiste sur la nécessité de lui octroyer des moyens humains, matériels et juridiques suffisants pour mener à bien ses missions, sans quoi elle sera confinée dans un rôle purement statique voire attentiste dans des relations de travail où l'abus et l'arbitraire sont monnaie courante.

Naturellement, l'esprit de ces importantes conventions applicables aux employés de maison transparaît de manière plus explicite dans la législation sénégalaise.

II. Les sources internes

B. La Constitution

La Constitution sénégalaise, dans son préambule réaffirme son adhésion aux principes et droits fondamentaux contenus dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, la Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes, la Convention relative aux droits de l'enfant et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de 1981 surtout par rapport aux droits économiques et sociaux. C'est dire que cette Constitution renferme des dispositions qui accordent ces droits inaliénables à tous les travailleurs y compris les employés de maison.

L'article 8, l'article 9 et l'article 25 de manière plus explicite reconnaissent respectivement aux travailleurs la liberté syndicale, le droit au travail, énoncent les peines encourues par les auteurs d'entraves volontaires à l'exercice de ces droits, le droit d'organisation, le droit de grève, la mission des délégués du personnel, la sécurité dans les lieux de travail et l'absence de discrimination dans le cadre du travail.

En principe la Constitution renvoie aux lois et aux règlements par rapport aux modalités d'exercice des droits énoncés dans la loi fondamentale. Le cadre législatif sénégalais fournit une base solide qui permet l'instauration de conditions d'emploi et de travail décentes pour les employés de maison, respectueuses de tous les principes et droits fondamentaux évoqués ci-dessus.

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C. Les textes législatifs

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? La loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du Travail ne mentionne pas explicitement les employés de maison, le champ d'application des dispositions de l'article L2 relatives au contenu du mot travailleur au sens du Code est assez large pour inclure cette catégorie d'employés.

« Est considéré comme travailleur, quels que soient son sexe et sa nationalité, toute personne qui s'est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous l'autorité et la direction d'une personne physique ou morale publique ou privée ».

C'est ainsi que nous avons diverses dispositions applicables aux employés de maison concernant par exemple la durée du travail, les repos, les permissions, la rémunération etc.

? La loi 73-37 du 31 décembre 1973 portant Code de la Sécurité Sociale qui institue un régime de protection sociale au profit des travailleurs salariés, en vertu de la Convention 102. Ce régime comprend :

- une branche de prestations familiales

- une branche de réparation des accidents de travail et de maladies professionnelles

- éventuellement toute autre branche de sécurité sociale qui sera instituée ultérieurement.

Ce régime est exclusivement géré par la Caisse de Sécurité Sociale.

? La loi 75- 50 du 18 mars 1975 relative aux institutions de prévoyance sociale qui accorde aux travailleurs salariés et à leurs familles, en vertu des conventions collectives ou des contrats individuels des avantages destinés à compenser les risques sociaux de toute nature.

En application de ces lois, d'autres textes d'ordre réglementaires ont été pris.

D. Les règlements

En sus de beaucoup de règlements pris en application de la loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du Travail, d'autres décrets et arrêtés concernent de manière spécifique les gens de maison :

? Le décret 75-455 du 24 avril 1975 qui rend obligatoire pour tous les employeurs et pour tous les travailleurs l'affiliation à un régime de retraite. Celui-ci est censé servir une

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allocation :

- aux anciens salariés ayant cotisé au moins un an

- aux veufs, veuves et orphelins d'un salarié ou d'un retraité décédé.

Signalons qu'il existe au sein de l'IPRES, une branche exclusivement destinée aux gens de maison incluse dans le régime général.

? L'arrêté ministériel n° 7301 MFPT/ DTSS/ TMO du 17 mai 1963 (cf. journal officiel du 22 juin 1963 page 835) rend obligatoire la déclaration d'engagement de tout travailleur domestique sur un imprimé de déclaration de mouvement de travailleur. Ces imprimés réglementaires sont disponibles dans les librairies et papeteries.

La déclaration doit être adressée dès la fin de la période d'essai à l'inspecteur du travail du ressort, contre récépissé sur le dernier exemplaire conservé par l'employeur. Il est recommandé d'établir cette déclaration en quatre exemplaires afin de pouvoir en adresser un exemplaire à la Caisse de Sécurité Sociale contre récépissé ou sous pli recommandé.

? L'arrêté ministériel n° 974 du 23 janvier 1968, la référence juridique de base à ce jour, en ce sens qu'il fixe les conditions générales et les modalités d'emploi des gens de maison. Celui-ci a été modifié par l'arrêté n° 3006 du 20 mars 1972 et celui n° 10117 du 12 septembre 1975, par l'arrêté n°1610 du 7 février 2000 et enfin par l'arrêté n° 1036 du 9 avril 2002. Ce texte réglementaire constitue l'une des principales références juridiques de la branche d'activité de la domesticité dans la mesure où il expose dans les moindres détails les droits et obligations des employés de maison.

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Chapitre III Les Conditions générales

d'emploi et de travail des gens de maison

I. L'engagement

A. Forme et modalité d'engagement

Au Sénégal, l'engagement du personnel domestique est libre et s'opère selon les mêmes règles applicables aux autres catégories de travailleurs. Cependant la question relative au contrat se pose ; ne les appelle-t-on pas « Mbindaan » ?

La réponse nous est fournie par le Code du travail en son article L. 31 qui précise qu'à l'exception du contrat à durée déterminée et du contrat d'engagement à l'essai qui doivent être constatés par écrit, la forme que prendra tout autre contrat de travail dépendra de la volonté des parties. Cela veut dire en clair que le contrat à durée indéterminée qui reste le droit commun en matière de contrat peut être conclu verbalement ou par écrit ; ce dernier étant fondamentalement un moyen de preuve qui présente l'avantage d'être très utile en cas de litige, étant donné que les termes du contrat seront vérifiables. Cependant le contrat de travail se prouve en l'absence d'écrit par tous moyens admis : témoignage, aveu, serment, documents dans le cadre de l'exécution du contrat.

Rappelons que la formalité de l'écrit n'est que le dernier mouvement du contrat de travail qui vient couronner la relation qui existait déjà dés que les parties tombent d'accord sur la prestation à fournir, sur le salaire sans oublier le lien de subordination juridique.

Le décret 63-118 MFPT/DTSS du 19 février 1963 fixant les formes et modalités d'établissement du contrat de travail et de l'engagement à l'essai nous expose en détails le contenu du contrat de travail. Celui-ci doit comporter obligatoirement les énonciations suivantes : l'identité des parties, le sexe, la date et le lieu de naissance, la filiation, le domicile et la nationalité du travailleur, le lieu de travail (le domicile de l'employeur dans ce cas-ci), la nature et la durée du contrat, la qualification et la catégorie du travailleur, le salaire et ses accessoires etc.

Ce texte réglementaire mentionne aussi une rubrique relative aux clauses particulières convenues entre les parties dont le but est d'anticiper sur tout différend pouvant survenir dans l'exercice du

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contrat. Elle énonce :

- L'horaire mensuel et l'horaire hebdomadaire de travail

- Toutes précisions utiles sur la prise effective du repos hebdomadaire (le dimanche ou, d'accord parties, un autre jour, ou deux demi-journées dans la semaine).

- L'indication des avantages en nature dûment chiffrés lorsque les repas ou le logement sont fournis.

- Si l'employé est logé par l'employeur, la liste nominative des membres de sa famille autorisés à loger avec lui, le cas échéant.

En sus des conditions de forme que doivent revêtir les contrats « précaires », ceux qui dérogent au droit commun, le contrat d'engagement à l'essai, le contrat à durée déterminée, le contrat du travailleur remplaçant un autre travailleur dont le contrat est suspendu, dont le non respect entraine leur requalification en contrat à durée indéterminée, nous avons également d'autres conditions de validité requises. D'abord le consentement du travailleur qui ne doit souffrir d'aucune ambiguïté, le travail forcé étant banni en vertu des dispositions de l'article L. 4 du Code du Travail, ensuite la licéité de la cause et de l'objet du contrat, et enfin sa capacité à contracter conformément aux prescriptions relatives à l'âge minimum d'admission à l'emploi.

A noter également que le contrat de travail ne lie ni plus ni moins que deux personnes, à savoir l'employé exclusivement personne physique et l'employeur qui peut être une personne physique ou morale ; il est également conclu pour une durée limitée.

Par rapport à ses modalités, l'article 4 du décret 63-118 tout comme l'article 2 de l'arrêté 974 insistent sur l'importance de la visite médicale d'embauche à la charge de l'employeur qui loin d'être une formalité, est en fait une obligation qui en cas d'inaptitude annule purement et simplement le contrat. En effet, le certificat médical délivré par un médecin du lieu d'embauchage doit attester expressément que « le travailleur est physiquement apte à satisfaire aux obligations relatives à la nature et au lieu de travail stipulés au contrat ».

Le primat du contrat écrit se retrouve à nouveau dans l'obligation qui est faite aux employeurs de déposer tout contrat de plus de trois mois à l'Inspection du Travail du ressort avant tout commencement d'exécution pour qu'elle puisse en vérifier la conformité aux prescriptions légales et son respect par les parties.

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Enfin, lorsque l'engagement nécessite l'installation de l'employé de maison hors de sa résidence habituelle, cet engagement doit être constaté par écrit soumis au visa de la Direction Générale du Travail et de la Sécurité Sociale.

B. L'engagement à l'essai

Aux termes de l'article L.36 du Code du Travail, il y'a engagement à l'essai lorsque l'employeur et le travailleur, en vue de conclure un contrat définitif verbal ou écrit, décident au préalable de s'« essayer ». Le premier pourra apprécier la qualité des services et le rendement du travailleur qui aura l'occasion d'avoir une idée sur ses conditions de travail, de vie, de rémunération.

Si l'employeur choisit de soumettre le travailleur à une période d'essai il ne pourra le faire que dans les délais prescrits nécessaires pour mettre à l'épreuve le personnel engagé, à savoir, au maximum un mois pour les débutants et quinze jours pour les autres. Comme noté plus haut, la durée exacte de la période d'essai doit être fixée par écrit au moment de l'engagement. Il peut être inclus dans le corps d'un contrat définitif. A la question de savoir comment le travailleur sera rémunéré durant cette période, l'article 12 du décret 63-118 répond que ce dernier doit être payé au taux de la catégorie professionnelle dans laquelle il a été engagé. L'article 11 du même décret précise que la poursuite de la relation de travail à l'expiration de la période d'essai, sans l'établissement d'un nouveau contrat, équivaut à la conclusion d'un contrat à durée indéterminée prenant effet à la date du début de l'essai.

Le contrat d'engagement a ceci de particulier qu'il peut cesser à tout moment par la volonté de l'une ou l'autre des parties sans préavis, ni dédommagement, sauf dispositions expressément prévues au contrat.

II. La durée du travail

La durée du travail sera analysée en fonction des heures normales et des heures effectuées en deçà de celles-ci, étant entendu que les employés de maison sont soumis à un régime d'équivalence.

A. Horaire normal

Le principe de la durée légale du travail de 40 heures par semaine reste l'une des plus belles conquêtes du monde du travail ; il est consacré par l'article L. 135 du Code du Travail qui dispose que « dans tous les établissements visés à l'article L. 3, la durée légale du travail ne peut

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excéder 40 heures par semaines. Cependant, l'article 4 du décret 70-183 du 20 février 1970 fixant le régime général des dérogations à la durée légale du travail a prévu un régime d'équivalence pour les préposés à certains travaux. Il s'agit d'une durée de présence supérieure à la durée légale mais réputée équivalente à celle-ci en raison du caractère intermittent de l'activité. C'est ainsi que les employés de maison en raison des arrêts et temps morts inhérents à cette profession, la durée des services des employés de maison est fixée à 260 heures par mois en vertu de l'article 13 de l'arrêté 974 correspondant par référence à un travail effectif mensuel de 173 H 33. Ainsi, l'employé de maison qui effectue moins de 60 heures par semaine mais plus de 40 heures percevra le salaire normal de sa catégorie.

Par contre conformément aux dispositions de l'article 4 du décret 70-183 du 20 février 1970, lorsque la durée de présence de l'employé de maison soumis à l'équivalence de 260 heures de présence par mois correspondant à 173 heures 33 minutes de travail effectif, est inférieure à 40 heures par semaine les heures de présence sont assimilées à des heures de travail effectif et rémunérées comme telles.

B. Les heures supplémentaires

A la question de savoir si les employés de maison ont droit aux heures supplémentaires qui constituent une autre dérogation à la durée légale du travail, la législation répond par l'affirmative. L'article 138 du Code du Travail précise que : « les heures effectuées au-delà de la duré légale hebdomadaire, ou de la durée considérée comme équivalente, donneront lieu à majoration de salaire ». En d'autres termes, pour les employés de maison, les heures supplémentaires sont décomptées à partir de la 61e heure et rémunérées comme suit :

- De la 61e à la 68e heure, 1/173,33 du salaire mensuel majoré de 10 % pour chaque heure. - Au-delà de la 68e heure, 1/173,33 du salaire mensuel majoré de 35 % pour chaque heure. - Les heures effectuées le jour de repos hebdomadaire sont majorées de 50 %

Bien que le texte ne le précise pas, il s'agit vraisemblablement dans ce dernier cas des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 61e heure, cette fois-ci sans aucune distinction de niveau de majoration.

Les heures ci-dessus sont celles prescrits par l'article 14 du décret 974 du 23 janvier 1968. Cependant, les parties peuvent s'entendre pour appliquer les taux prévus par la Convention

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Collective Nationale du 27 mai 1982 qui sont beaucoup plus favorables, mais qui ne peuvent en aucun cas s'imposer aux employeurs dans le secteur de la domesticité. Ceux-ci se présentent comme suit :

- 15 % de majoration pour les heures effectuées de la 61e à la 68e heure ; - 40 % de majoration pour les heures effectuées au-delà de la 68e heure ;

- 60 % de majoration du taux pour les heures supplémentaires effectuées le jour de repos hebdomadaire ou pendant les jours fériés.

Lorsqu'il s'occupe exclusivement à des opérations de gardiennage ou de surveillance, l'employé logé dans la maison d'habitation dont il a la garde, ou à proximité de celle-ci, est soumis à une présence continue de jour et de nuit. En revanche, il a droit à un repos hebdomadaire de 24 heures consécutives et d'un congé annuel payé de deux semaines en sus du congé légal. Cette présence continue équivaut dans les conditions indiquées à 40 heures de travail effectif.

C. Le repos hebdomadaire

L'article L. 147 du Code du Travail dispose que : « le repos hebdomadaire est obligatoire. Il est au minimum de vingt-quatre heures consécutives par semaine. Il a lieu en principe le dimanche. Néanmoins, il peut être fixé d'accord parties un autre jour ou à raison de deux demi-journées dans la semaine d'après l'arrêté 974.

III. La rémunération

A. Echelle des salaires hiérarchisés

Le salaire, contrepartie du travail, est un élément fondamental du contrat de travail à cause de la double fonction qu'il joue : il a un caractère juridique en tant que contrepartie du travail et un caractère alimentaire puisque c'est la principale source de revenu du travailleur qui lui permet de subsister, pour ne citer que ceux-là. En pratique le salaire se négocie l'essentiel c'est qu'il soit au moins en conformité avec le SMIG qui représente le salaire-plancher dont l'employé de maison peut prétendre. L'employeur devra donc le considérer comme le salaire minimum de référence. Il varie en fonction de l'ancienneté et de la catégorie professionnelle de l'employé.

L'article 8 de l'arrêté 974 fixant les salaires minima correspondant aux différentes catégories professionnelles de la branche d'activité des gens de maison a été abrogé et remplacé par l'arrêté 10117 du 12 septembre 1975 car son application aurait pu poser problème dans la pratique. A

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titre d'exemple, le maître d'hôtel qui est à la 7eme catégorie aurait gagné au moins le SMIG majoré de 100 %. L'arrêté de 1975 remit les pendules à l'heure avec un certain flou en disposant que : « le Ministre chargé du Travail fixe par arrêté... les salaires minima correspondant aux catégories professionnelles ... de manière que l'échelle des salaires minima hiérarchisés des domestiques et gens de maison corresponde à celles définies par les conventions collectives au profit des travailleurs des niveaux de qualification des diverses branches d'activité comparables aux catégories professionnelles des domestiques et gens de maison ».

Toutefois il reprend les dispositions relatives à l'indemnité de 5 % du salaire de base dont bénéficient les domestiques et gens de maison de la 1ere à la 5eme catégorie lorsque le nombre de personnes vivant habituellement sous le toit de l'employeur est supérieur à 5.

Ce processus de révision à la hausse de la rémunération des employés de maison va se renforcer davantage avec l'arrêté 1609 du 7 février 2000 qui a été lui-même modifié par celui n° 1036 du 9 avril 2002 qui est intervenue suite à l'augmentation généralisée des salaires dans le secteur privé par décision n° 00 061 du 24 janvier 2002. L'arrêté de 2002 fixe les échelles de salaire suivantes en fonction des catégories professionnelles :

Catégorie

Description

Salaire
horaire
(FCFA)

Indemnité s'il y'a
plus de 5 habitants
sous le toit familial

Salaire mensuel (FCFA)

1e catégorie

Boy ou bonne débutant ou avec moins de 2 ans de pratique.

226,800

5 % du salaire de base

39 550

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2e catégorie

Boy ou bonne n'assumant

qu'une partie des travaux de la maison notamment le lavage du

linge. Cette catégorie
comprend, entre autres :

-La bonne d'enfant ;

-Le gardien, logé ou non, de maison d'habitation au service d'un particulier.

232,030

5 % du salaire de base

40 225

3e catégorie

Boy ou bonne d'enfants avec plus de 2 ans d'expérience et

chargé d'exécuter l'ensemble

des travaux courants
d'intérieur.

246,933

5 % du salaire de base

42 800

4e catégorie

Boy cuisinier ou bonne assurant

l'ensemble des travaux
d'intérieur y compris la cuisine courante.

247,569

5 % du salaire de base

42 911

5e catégorie

Cuisinier ou cuisinière qualifié de maison.

248,997

5 % du salaire de base

43 158

6e catégorie

Cuisinier ou cuisinière qualifié

de popote de plus de 8
personnes.

286,723

Non attribuée

49 697

7e catégorie

Maître d'hôtel.

290,081

Non attribuée

50 300

A noter que les employés de maison âgés de moins de 18 ans subiront sur les salaires de l'adulte, les abattements suivants en vertu de l'article 9 de l'arrêté 974 :

- de 14 à 15 ans : 50 % - de 15 à 16 ans : 40 % - de 16 à 17 ans : 20 %

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- de 17 à 18 ans : 10 %

B. Les majorations du salaire

1. INDEMNITE SPECIALE POUR SURCHARGE DE TRAVAIL

Comme mentionné au tableau, les employés classés de la 1ere à la 5eme catégorie bénéficient d'une indemnité pour charge de travail égale à 5 % du salaire de base de la catégorie, lorsque le nombre de personnes vivant habituellement sous le toit familial de l'employeur est supérieur à cinq.

2. PRIME D'ANCIENNETE

Les employés de maison ont droit, comme tout autre salarié, à une majoration de salaire pour ancienneté. L'ancienneté se calcule à partir de l'embauche. Aux termes de l'article L.70 du Code du Travail, les congés de maternité, les congés payés, les absences pour maladies dûment constatées par un médecin agrée, durée limitée à six mois pouvant être prorogée jusqu'au remplacement du travailleur, les absences du travailleur, autorisées par l'employeur en vertu de la réglementation, de la convention collective ou d'accords individuels, la période d'indisponibilité résultant d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle entrent dans le calcul de l'ancienneté. Le pourcentage de majoration a été présenté ainsi qu'il suit par l'arrêté 974 du 23 janvier 1968 :

? 3 % du salaire de base minimum de la catégorie du salarié, après 3 ans de présence ; ? 5 % du salaire de base minimum de la catégorie du salarié, après 5 ans de présence ;

? 1 % par année du salaire de base minimum de la catégorie du salarié, de la 6eme à la 15eme année incluse.

Nous estimons qu'il faut substituer à ces taux ceux prévus par la Convention Collective Nationale en son article 45 qui sont nettement plus favorables, mais qui tout de même ne s'imposent pas aux employeurs. Ils se présentent comme suit :

? 2 % du salaire minimum de la catégorie du salarié, après 2 ans de présence effective et 1 % par année de présence en sus, jusqu'à la 25eme année incluse.

3. PARTICIPATION AUX FRAIS DE TRANSPORT

L'article 21 de l'arrêté dit bien que : « l'employé recruté hors du lieu d'emploi ou déplacé de

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ce lieu par l'employeur durant l'exécution du contrat, aura droit au paiement de ses frais de voyage ». Il s'agit en fait de ce qu'on appelle couramment les indemnités de déplacement. Il se pose par ailleurs la question de savoir si les employés de maison peuvent prétendre au paiement de la prime de transport, telle que prévue par la Convention Collective en son article 46 qui en fixe les modalités. Etant donné que cette participation a été fixée par décision de la commission mixte paritaire, elle ne s'impose pas aux employeurs de personnel domestique qui comme toujours n'ont pas pris part aux négociations.

Par ailleurs, le travailleur effectuant par ses propres moyens des déplacements fréquents et habituels dans l'exécution de sont contrat se verra allouer une indemnité compensatrice de transport.

4. LES AVANTAGES EN NATURE

Certains avantages qui ne s'imposent pas à l'employeur dans la mesure où ils ne sont pas obligatoires peuvent être accordés à l'employé de maison. S'il est autorisé à prendre ses repas ou loger chez l'employeur, ces avantages en nature sont alors considérés comme un salaire en nature. L'employeur peut donc les déduire de son salaire net. C'est ce que dit l'article 11 de l'arrêté 974 et la valeur de ces avantages est fixée d'accord parties dans la limite des taux prévus par la réglementation.

? Pour le logement

Lorsque le travailleur est logé par son employeur, celui-ci peut retenir, par jour, une somme équivalant à une demi-heure du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG = 209,10 F CFA)

Quelle que soit sa rémunération, le travailleur logé par son employeur ne peut se voir retenir mensuellement, que :

209,10/ 2 x 30 = 3136,5 F CFA

? Pour la nourriture

Lorsque la nourriture est assurée au travailleur par l'employeur, celui-ci peut retenir par jour, une somme équivalant à :

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- deux fois le taux horaire minimum agricole garanti (SMAG = 182,95 F CFA) pour une ration journalière (deux repas) ou ;

- une fois le taux horaire minimum agricole garanti (SMAG) pour un seul repas.

Quelle que soit sa rémunération, le taux maximum de la contre-valeur de la nourriture fournie, susceptible d'être retenue sur le salaire de l'employé est de :

- pour une ration journalière : (182,95 x 2)= 365,9 par jour soit (182,95 x 2) x 26 = 9.513 FCFA par mois (sur la base d'une semaine de travail de 6 jours)

- pour un seul repas : 182,95 par jour soit (182,95 x 26 = 4.757 FCFA) par mois (sur la base d'une semaine de travail de 6 jours.

5. AUTRES AVANTAGES SUPPLEMENTAIRES

Ceux-ci ne dépendent que du bon vouloir de l'employeur. Cependant même si rien ne l'y oblige, il est assez fréquent que les travailleurs perçoivent une indemnité de cherté de vie et une prime de panier. Ladite indemnité d'un montant forfaitaire de 3000 FCFA était allouée à l'ensemble des travailleurs pour faire face à la vie chère dans les années 1990 ; il reste à savoir si elle est intégrée dans les salaires actuels. Quand à la prime de panier, elle pourra être accordée au travailleur dans les conditions suivantes :

Montant - 3 fois le montant du SMIG pour chaque heure travaillée

Conditions - que le travailleur effectue au moins six heures de travail de nuit (entre 22

heures et 5 heures) ou ;

- que le travailleur ait accompli dix heures ininterrompues, ou ;

- que le travailleur ait effectué trois heures en plus de son horaire normal.

Exceptions La prime n'est due, en aucun cas, si l'employé :

- la perçoit en nature, ou ;

- travaille comme gardien concierge

C. La périodicité de la paie

L'employé est payé chaque mois, et à date fixe, en principe le dernier jour du mois. A la demande de l'employé, le salaire pourra être payé chaque quinzaine. C'est ce qu'on retient des dispositions de l'article L.115 du Code du Travail. Par ailleurs, les paiements mensuels

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devront être effectués au plus tard 8 jours après la fin du mois de travail qui donnent droit au salaire et les paiements à la quinzaine au plus 4 jours ou 2 jours après la fin de la quinzaine qui donne droit au salaire. Néanmoins, le paiement du salaire doit se faire selon certaines modalités.

D. Les exigences de forme

Aux termes de l'article L.116 du Code du Travail, tout paiement doit faire l'objet d'une pièce justificative dite bulletin de paie dressée et certifiée par l'employeur et remise au travailleur au moment du paiement. Le double du bulletin de paie établi par polycopie carbone fait office de registre de paiement sur lequel émarge le travailleur à l'occasion de chaque paiement.

En cas d'absence de bulletin, il est présumé de manière irréfragable que le travailleur n'a pas été payé, à moins que l'employeur puisse fournir une preuve contraire sous forme écrite.

IV. La suspension du contrat de l'employé A. Le congé payé annuel

1. LE CONGE PRINCIPAL

Les employés de maison ont droit au congé dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les autres salariés. L'article 19 de l'arrêté 974 tout comme les articles L. 148 et suivants du Code du travail consacrent leurs dispositions à la jouissance et aux modalités du congé payé.

Le droit de jouissance au congé est acquis après une période minimale de service effectif, appelée période de référence, égale à 12 mois. L'année de service effectif c'est la période de 12 mois entre la date d'embauche ou de retour du congé précédent jusqu'au dernier jour qui précède le départ pour le nouveau congé (y compris la période d'essai).

La durée du congé principal se calcule à raison de 2 jours ouvrables par mois de service effectif, soit 4 semaines calendaires par année de service effectif. Précisons que le jour ouvrable s'entend comme tout jour de la semaine, du lundi au samedi, à l'exception du dimanche, du jour de repos hebdomadaire qui le remplace, ou des jours fériés chômés. Tandis que le mois de service est un mois de travail de date à date, soit 24 jours de travail (selon un horaire hebdomadaire de travail sur 6 jours), soit 20 jours de travail (si l'horaire est réparti sur 5 jours) ou 22 jours de travail (si l'horaire est réparti sur 5,5 jours).

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S'il est vrai que le droit de jouissance au congé est acquis après une période minimale de service effectif de12 mois, les parties peuvent s'entendre sur un report de celui-ci qui peut être cumulé sur une période maximum de 3 ans sous réserve d'un congé de six jours ouvrables à prendre obligatoirement chaque année. Ils peuvent également s'entendre sur le fractionnement du congé, l'une des fractions devant toujours être égale à 12 jours.

Notons au passage que la prise du congé ne pourra être remplacée par une indemnité compensatrice qu'en cas de rupture ou d'expiration du contrat. Le congé principal peut être majoré notamment en fonction de l'ancienneté ou pour enfants à charge.

2. LES CONGES SUPPLEMENTAIRES

L'employé bénéficie d'un congé additionnel payé dans les cas suivants : ? Pour ancienneté

La durée du congé principal est augmentée d'un jour ouvrable par période de cinq ans de service chez le même employeur.

? Au titre de la maternité

- La mère de famille aura droit à un jour de congé payé supplémentaire par année pour chaque enfant à sa charge de moins de 14 ans enregistré à l'état-civil. Cette disposition légale est complétée par celles de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle en son article 55 qui posant la condition de l'accomplissement de la période de référence dispose que les femmes salariées bénéficient de :

- deux jours de congé supplémentaires par enfant à charge si elles ont moins de vingt et un ans au dernier jour de la période de référence ;

- deux jours de congé supplémentaire par enfant mineur à charge à compter du quatrième si elles ont plus de vingt et un ans au dernier jour de la période de référence.

? Cas particulier du gardien- concierge

Les travailleurs logés dans l'établissement ou à proximité de l'établissement dont ils ont la garde et astreints à une durée de présence de 24 heures continues par jour, sous réserve d'un repos de 24 heures consécutives par semaine, ont droit à un congé annuel payé de deux semaines en sus du congé légal.

3. CAS DES EMPLOYES DE MAISON DONT LES CONGES NE COÏNCIDENT PAS AVEC CEUX DE LEURS EMPLOYEURS

Ce cas concerne généralement les employés au service d'employeurs expatriés qui passent leurs congés annuels hors du territoire sénégalais, pour des durées supérieures à celles de leurs employés.

Dans une telle situation, il peut être envisagé la rupture pure et simple du contrat ou le maintien à l'employé, d'accord parties, de tout ou partie de sa rémunération durant l'absence prolongée de l'employeur. Le Code du Travail penche pour cette seconde option lorsqu'il dispose en son article L.154 que : « lorsque le maintien en activité d'un établissement n'est pas assuré pendant un nombre de jours dépassant la durée fixée pour la durée des congés légaux annuels, l'employeur est tenu, pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant cette durée, de verser aux travailleurs une indemnité qui ne peut être inférieure à l'indemnité journalière de congés payés ».

L'inconvénient de la première solution est que l'employeur risque, à son retour de congé, de ne pas trouver son employé. De plus, il pourrait s'exposer au paiement de dommages et intérêts, si la rupture du contrat n'était pas faite selon la procédure légale (paiement de l'indemnité de préavis notamment).

L'autre solution consiste à maintenir au salarié, sous forme « d'indemnité d'attente », tout ou partie de son salaire pour la période comprise entre la fin de ses congés et la date de retour de son employeur, ce qui donne à ce dernier plus de chance de retrouver son employé. Mais on peut toujours s'interroger sur la validité de l'accord conclu dans ce cas, lorsque l'indemnité d'attente correspond à une fraction seulement du salaire. Les tribunaux ne se sont pas encore prononcés à notre connaissance sur cette pratique.

B. Rémunération du congé

Les congés sont rémunérés au moment où ils sont pris. L'employeur doit verser au travailleur, au moment de son départ en congé, une allocation égale à 1/12eme des sommes perçues par le travailleur au cours de la période de référence, à l'exclusion des indemnités ayant le caractère de remboursement de frais, des prestations en nature liées accessoirement à l'emploi. En d'autres termes, les retenues éventuellement opérées au titre de la ration journalière et du logement entrent

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dans la base de calcul de l'allocation de congé.

C. Les absences

L'article 16 de l'arrêté 974 est très explicite par rapport aux absences et sonne comme un avertissement sur les conséquences encourues par l'employé en s'absentant sans motif ; « l'employé ne peut s'absenter sans autorisation ou justification », dit-il. Il ajoute également que : « Toute absence non autorisée ni justifiée, renouvelée au cours de la même mensualité, peut être considéré comme un abandon du travail justifiant la rupture du contrat sans indemnité ni préavis ». Cependant, des absences de divers ordres avec ou sans salaire, déductibles du congé ou non, sont accordées au travailleur sous certaines conditions.

1. LES ABSENCES DE COURTE DUREE

Elles sont justifiées par un évènement grave et fortuit dûment constaté, intéressant directement le foyer du travailleur (tel qu'incendie de l'habitation, déménagement involontaire, accident ou maladie grave du conjoint, d'un ascendant ou descendant vivant avec lui) qui n'entrainent pas la rupture du contrat de travail, seulement sa suspension, sous réserve que l'employeur soit avisé au plus tard dans les quatre jours qui suivent l'évènement et que la durée de l'absence soit en rapport avec l'évènement qui l'a motivée. A la question de savoir si celles-ci sont rémunérées, le silence des textes, notamment l'article 18 de la Convention Collective, porte à croire que l'employeur n'est pas tenu de verser le salaire dans ces cas-là.

2. LES PERMISSIONS EXCEPTIONNELLES

Dans la limite de 15 jours par année, selon l'article 18 de la Convention Collective que nous préférons substituer aux 10 jours de l'arrêté 974, sous réserve que l'employeur donne son assentiment car les dispositions de la CCNI ne s'imposent pas juridiquement, l'employé peut demander des permissions exceptionnelles, sous certaines conditions, non déductibles du congé réglementaire et n'entrainant pas de retenue de salaire lors des évènements ci-après :

Mariage du travailleur

3 jours

Mariage d'un de ses enfants, d'un frère ou d'une soeur

1 jour

Décès d'un conjoint ou d'un ascendant en ligne directe

4 jours

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Décès d'un ascendant en ligne directe d'un frère ou d'une soeur

2 jours

Décès d'un beau-père ou d'une belle-mère

2 jours

Naissance d'un enfant

1 jour

Baptême d'un enfant

1 jour

Première communion

1 jour

Hospitalisation d'un conjoint ou d'un enfant du travailleur

1 jour

Conditions d'octroi :

? L'employé a six mois d'ancienneté ;

? L'obtention d'une autorisation écrite préalable de l'employeur ;

? L'absence est à justifier par la présentation de pièces d'état-civil ou d'une attestation délivrée par une autorité administrative qualifiée le plus tôt possible, et au plus tard, huit jours après l'évènement.

Prolongations :

? Si l'évènement se produit hors du lieu d'emploi et nécessite un déplacement, les délais peuvent être prolongés d'accord parties mais cette prolongation ne sera pas rémunérée.

3. ABSENCE POUR MALADIE ET ACCIDENT NON PROFESSIONNELS

Les absences justifiées par l'incapacité résultant de maladie et d'accident non professionnels ne constituent pas une cause de rupture du contrat de travail dans la limite de six mois, ce délai peut être prorogé jusqu'au remplacement du travailleur.

Pendant ce délai, au cas où le remplacement s'imposerait, le remplaçant devra être informé par écrit du caractère de son emploi. Lorsque la maladie du travailleur nécessite un traitement de longue durée, le délai de six mois prévu à l'alinéa 1er du présent article, sera porté, compte tenu de l'ancienneté du travailleur à huit mois pour les travailleurs comptant de sept à quinze ans d'ancienneté et à dix mois au-delà.

Formalités à accomplir :

? la maladie doit être constatée par un médecin dans les 48 heures

? Sinon, sauf cas de force majeure, le travailleur doit avertir son employeur du motif de son absence dans un délai de six jours suivant la date de l'accident ou de la maladie. Cet avis est confirmé par un certificat médical à produire dans le délai d'une semaine. L'employeur pourra toujours faire procéder à une contre-visite par un médecin de son choix.

D. Les jours fériés

La loi 74-52 du 4 novembre 1974 relative à la fête nationale et aux fêtes légales modifiée par la loi 83-54 du 18 février 1983 et la loi 89-41 du 26 décembre 1989 prévoit certaines fêtes civiles ou religieuses comme fériés. Ce sont :

Le 4 avril (Fête Nationale)

Le 1er janvier

Pâques

Lundi de Pâques

L'Ascension

La Pentecôte

Lundi de Pentecôte

Le 1er mai (Fête du Travail)

Korité

Le 15 août (Assomption)

Tabaski

Le 1er novembre (Toussaint)

Le 25 décembre (Noël)

Maouloud

La Tamkharit

En règle générale, ni la veille ni le lendemain d'une fête légale ne sont considérés comme jours fériés. Exceptionnellement, quand la Korité et la Tabaski tombent un dimanche, le lundi suivant est férié.

Jours fériés chômés : Au Sénégal, tous les jours fériés sont chômés (ce sont des jours de repos). Cependant, la loi prévoit spécifiquement que le personnel domestique doit travailler lorsque les besoins de l'employeur le requièrent.

Jours fériés chômés et payés : Les jours fériés, chômés et payés ne sont pas travaillés et n'entrainent pas de réduction de salaire. Il s'agit de : la Fête Nationale, la Tamkharit, la Fête du Travail. Pour ceux-ci également, la loi prévoit de manière spécifique que le personnel domestique doit travailler sur demande de l'employeur au risque de s'exposer à des sanctions disciplinaires.

V. La discipline

A travers le lien de subordination juridique, c'est à l'employeur qu'est dévolu le pouvoir d'organisation du travail mais aussi le pouvoir de sanction disciplinaire car l'employé qui ne respecte pas les obligations découlant du contrat commet une faute dont la persistance et la

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gravité peuvent mener à la rupture du contrat. Car on n'oublie souvent que dans l'exercice de son contrat, l'employé n'a pas que des droits ; Il est bel et bien tenu de respecter les obligations suivantes :

? d'exécuter de manière consciencieuse le travail, objet du contrat ; ? d'éviter les manquements liés aux négligences et maladresses ;

? de se soumettre au pouvoir de direction de l'employeur et à son autorité ; ? de respecter les prescriptions disciplinaires

A. Comment sanctionner les fautes de l'employé

Même si la confiance est fondamentale dans la relation entre l'employé et l'employeur, ce dernier peut avoir à sanctionner les éventuelles fautes de son salarié. La sanction se présente le plus souvent sous forme de lettre, mais elle peut belle et bien être orale.

Le type de sanction varie en fonction de la gravité de la faute et la sanction doit toujours être proportionnelle à la faute commise. Il existe cinq types de sanctions applicables au personnel aux termes de l'article 16 de la CCNI :

- la réprimande, l'avertissement verbal ou écrit, la mise à pied disciplinaire d'un à trois jours, la mise à pied conservatoire de quatre à huit jours et le licenciement.

Mais l'appréciation de la gravité de la faute reste néanmoins subjective, faute de définition légale.

B. Les différents types de fautes

La faute doit avoir été commise dans le cadre du travail du salarié. Selon sa gravité, elle peut ou non entrainer son licenciement. On distingue plusieurs types de fautes :

? La faute légère

Ce type de faute ne donne pas lieu, en principe, à un licenciement. Il peut s'agir de retards sans conséquence pour l'employeur ou d'une infraction occasionnelle à une interdiction mentionnée ou non dans le contrat. Une mise au point orale entre l'employeur et l'employé est souvent suffisante pour éviter que ce genre de faute ne se reproduise.

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? La faute grave

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Il n'y a pas de texte législatif qui définit la faute grave. Elle relève souvent de cas particuliers. En cas de désaccord sur la gravité de la faute, seuls les tribunaux pourront apprécier le degré de la faute. On peut cependant en donner quelques exemples : vols, refus de s'acquitter d'une tâche prévue dans le contrat de travail...

? La faute lourde

C'est une faute grave commise avec l'intention de nuire. Dans certains cas, l'employeur peut même poursuivre le salarié devant une juridiction pénale. Il est en droit de le licencier sans préavis et sans indemnité. Il n'est pas obligatoire d'avoir donné un avertissement au salarié avant de sanctionner une faute lourde car elle est suffisamment grave pour constituer par elle-même un motif valable de rupture de la relation de travail.

VI. La rupture du contrat de travail

Les règles régissant la rupture de travail varient selon le type de contrat entre les parties : le contrat à durée déterminée ou le contrat à durée indéterminée.

A. Le contrat à durée déterminée

En vertu de l'article L. 48 du Code du Travail, il ne peut être mis fin à un contrat à durée déterminée avant terme que dans trois cas :

- La faute lourde

- L'accord des parties constaté par écrit

- La force majeure

La méconnaissance par l'employeur de cette règle donne droit au travailleur à des dommages et intérêts. Lorsque le C.D.D. arrive à terme, l'employeur n'a pas l'obligation de le renouveler. Cependant, lorsque les relations contractuelles ne se poursuivent pas à l'issue dudit contrat ou lorsque le travailleur est licencié avant la fin du contrat, celui-ci a droit à une indemnité égale à 7% du montant de la rémunération totale brute due au travailleur pendant la durée du contrat.

A titre exceptionnel, cette indemnité n'est pas due dans les cas suivants :

- L'employé de maison refuse d'accepter la conclusion d'un contrat à durée indéterminée

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pour occuper le même emploi ou un emploi similaire assorti d'un salaire au moins égal. - En cas de rupture du contrat avant terme due à l'initiative du travailleur ou à sa faute lourde.

- Toute absence du travailleur non autorisée, ni justifiée, renouvelée au cours de la même mensualité, peut être considérée comme un abandon de poste justifiant la rupture du contrat sans indemnité.

B. Le contrat à durée indéterminée Fin du contrat

Lorsque le contrat de travail est conclu entre les parties pour une durée indéterminée, chacun a le droit d'y mettre fin sous réserve des règles sur le préavis et les formes de licenciement.

Nécessité d'un préavis

En vertu de l'article 4 de l'arrêté 974 du 23 janvier 1968, celui qui prend l'initiative de la rupture doit la notifier à l'autre partie par écrit, 8 jours à l'avance. L'article L. 50 de la loi 97-17 du 1er décembre 1997 insiste quant à lui sur l'obligation de mentionner le motif de la rupture dans la notification. Deux heures par jour, pendant les heures de travail, à l'exclusion des heures de repos, doivent être accordées durant cette période à l'employé de maison pour lui permettre de chercher un nouvel emploi. Ces deux heures, rémunérées, seront prises alternativement, un jour au choix de l'employé, un jour au choix de l'employeur à défaut d'accord entre les intéressés.

En cas d'inobservation du préavis, la partie responsable de la rupture devra verser à l'autre une indemnité égale au montant des appointements en espèces et en nature correspondant à la durée du préavis.

Exceptions

- L'employeur n'est pas tenu de verser l'indemnité de préavis en cas de faute lourde imputable au travailleur.

- Si le licenciement survient sans préavis mais pour un motif légitime, ce licenciement sans ne peut être considéré comme abusif, mais le tribunal peut toujours accorder une indemnité pour sanctionner l'inobservance des règles de forme.

- Dans le souci de protéger la maternité, la loi permet à la femme enceinte de rompre son

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contrat de travail sans préavis et sans avoir de ce fait à payer une indemnité de rupture du contrat.

- Pendant la période d'essai, chaque partie pourra prendre sa liberté sans préavis.

- Le travailleur licencié qui se trouve dans l'obligation d'occuper immédiatement un nouvel emploi peut aviser l'employeur de cette obligation et quitter l'établissement avant l'expiration du délai du préavis sans avoir à payer d'indemnité.

Attention ! Si la rupture du contrat intervient pendant le congé du travailleur, l'indemnité compensatrice de préavis est doublée.

A noter que le domestique saisonnier cessant ses services en fin de saison, conserve pendant un an la priorité d'embauche chez le même employeur et dans la même catégorie d'emploi saisonnier. Passé ce délai, la priorité d'embauche continue à lui être réservée pendant une seconde année, mais son réengagement peut être précédé d'un essai ou d'un stage probatoire d'une durée n'excédant pas un mois pour les débutants et quinze jours pour les autres.

C. L'indemnité de licenciement

Selon les termes de l'article 5 de l'arrêté 974, l'employé licencié après une année de service a droit à une indemnité pour chaque année de service :

- Pour les 5 premières années, 20 % du salaire mensuel du dernier mois.

- Pour la période entre la 5eme et la 10eme année incluse, 25 % du salaire mensuel du dernier mois.

Exemple

Fatou a été engagée le 15 juin 1989. Le 1er août 2000, alors qu'elle gagnait 300 FCFA l'heure, soit 48 000 FCFA/mois ; elle a été licenciée (après plus de 10 ans de service). Son indemnité de licenciement sera calculée de la façon suivante :

- 20

- 25

% x 48 % x 48

000= 9 600 x 5 (années) 000= 12 000 x 5 (années)

?

?

48

60

000 ; et 000 ; et

- Pour la période au-delà de la 10eme, 30 % du salaire mensuel du dernier mois.

- 30 % x 48 000= 14 400 x 45/365 (année) ? 1 800.

Total indemnité = 109 000 F CFA

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D. Dommages et intérêts pour rupture abusive

Toute rupture abusive du contrat peut donner lieu à des dommages et intérêts qui ne se confondent ni avec l'indemnité de préavis, ni avec l'indemnité de licenciement. Plus particulièrement, les licenciements sans motifs légitimes, les licenciements motivés par les opinions du travailleur, son activité syndicale, son appartenance ou sa non appartenance à un syndicat déterminée, sont jugés abusifs. C'est la juridiction compétente qui constatera l'abus par une enquête sur les causes et circonstances de la rupture du contrat, notamment la véracité du motif évoqué par l'employeur. La jurisprudence permet de sérier les motifs de rupture selon qu'ils sont légitimes ou non.

1. LES MOTIFS LEGITIMES

- Le vol avéré de même que la tentative de vol constitue une faute de nature à entrainer la perte de confiance et la rupture du contrat de travail.

- Le refus d'obtempérer à une demande légitime de l'employeur.

- Le salarié profère des menaces et insultes à l'égard de son employeur plusieurs fois et a fait l'objet de plusieurs avertissements.

- L'absence injustifiée, car l'article 16 de l'arrêté 974 précise que l'employé ne peut s'absenter sans autorisation ni justification, surtout au cours de la même mensualité, ce qui est considérée comme un abandon du travail.

- Le fait pour un gardien de nuit de dormir allégrement et profondément sur les lieux de travail malgré les avertissements répétés de l'employeur constitue une faute lourde justifiant la rupture du contrat de travail.

- L'incompatibilité d'humeur

- Certaines situations personnelles de l'employeur (perte d'emploi, baisse significative de revenus, décès du conjoint...).

- Le déménagement ne constitue un motif de licenciement que si l'employé refuse de suivre l'employeur, mais il doit d'abord lui en faire la proposition.

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- Le licenciement pour accident ou maladie n'est admis que si celui-ci entraine une inaptitude au travail, constatée médicalement.

Attention ! Le fait qu'un licenciement soit légitime ne libère pas nécessairement l'employeur de l'obligation de donner le préavis et l'indemnité de licenciement à moins que le travailleur ait commis une faute lourde.

2. LES LICENCIEMENTS ABUSIFS

- Licenciement fondé sur le motif d'essai alors que la lettre d'embauche prévoyait un contrat de travail sans période d'essai.

- Dans certains cas, la demande de modification du contrat de travail par l'employeur sans motif légitime peut équivaloir à un licenciement abusif.

- Licenciement d'un travailleur victime d'un accident ou durant la période de suspension de son contrat, en prétextant d'autres motifs inexacts.

- Licenciement de la femme enceinte durant la suspension de son contrat selon les dispositions de l'article L. 143 dernier alinéa.

3. AUTRES OBLIGATIONS EN CAS DE RUPTURE DU CONTRAT

a. Remise du certificat de travail

A l'expiration du contrat, l'employeur doit remettre au travailleur, au moment du départ, un certificat indiquant exclusivement la date de son entrée, celle de la sortie, la nature et les dates des emplois successivement occupés ainsi que la catégorie de la convention collective (si elle existe) dont le travailleur relève.

b. Paiement du salaire dû

En cas de rupture du contrat de travail, le salaire, les primes et les indemnités de toute nature dus au travailleur au moment de la rupture doivent être payés dès la cessation de service.

A travers le formalisme qui accompagne la procédure de rupture du contrat de travail, le législateur vise bien entendu à protéger le travailleur contre quelque abus que ce soit de la part de l'employeur. Cependant, une autre protection existe, cette fois-ci contre les aléas de la vie, accident du travail, la maternité, la maladie, par la fourniture de revenus supplémentaires. C'est là l'économie du régime de Sécurité Sociale.

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Chapitre IV La protection sociale

Selon le principe posé par les dispositions régissant l'Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal, le Code de la Sécurité Sociale et le décret n° 75-895 du 14 août 1975 portant organisation des institutions de prévoyance maladie, le personnel domestique permanent a le droit de bénéficier des prestations fournies par les organismes sociaux, à savoir la Caisse de Sécurité Sociale, l'IPRES et les IPM. Les employeurs utilisant le service de ce personnel sont donc tenus d'affilier celui-ci auxdits organismes et de se conformer à toutes les obligations découlant de cette affiliation (versement des cotisations, déclaration des accidents de travail, déclaration de cessation d'activité en cas de rupture du contrat de travail etc.).

I. La Caisse de Sécurité Sociale

La participation du travailleur aux branches de sécurité sociale a été rendue obligatoire. Les cotisations au titre de prestations familiales, des accidents du travail et des maladies professionnelles sont à la charge de l'employeur. Il doit calculer ses cotisations selon trois paramètres :

? L'assiette de cotisation : les cotisations sont assises sur le montant global des rémunérations et assimilés, à l'exclusion des éléments ayant un caractère de remboursement de frais (primes de transport, indemnités de salissure...)

? Le plafond des salaires : on appelle plafond de salaire le montant au-delà duquel les cotisations ne sont pas dues ; Il est de 63 000 francs par mois et par salarié. Le plancher est égal au SMIG (salaire interprofessionnel garanti égal à 36 243 FCFA).

? Les taux des cotisations : les taux de cotisations varient selon les branches :

- 7 % (taux uniforme) ? prestations familiales

- 1 %, 3 %, 5 % (selon l'activité principale de l'entreprise) ? accidents du travail et maladie professionnelles.

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A. Accidents du travail

En cas d'accident ou de maladie à caractère professionnel, un travailleur peut subir des lésions pouvant engendrer une incapacité temporaire ou permanente. Dans l'éventualité où le travailleur subit un tel dommage, la Caisse de Sécurité Sociale lui versera des indemnités à titre de salaire et de frais pour son traitement.

Obligation de l'employeur

Il est tenu de verser 1 % de l'ensemble des rémunérations ou gains perçus par le travailleur en contrepartie ou à l'occasion d'un travail, à l'exception des frais professionnels, des indemnités représentatives de frais et des prestations familiales.

Versements

Trimestriellement dans les 15 premiers jours du mois suivant le trimestre de travail.

Sanction

Le non respect des délais entraine une majoration de retard de 10 % par mois ou fraction de mois de retard.

B. Prestations familiales

Le versement des cotisations à la Caisse de Sécurité Sociale par l'employeur donne droit à plusieurs formes d'allocations, notamment, des allocations familiales pour des enfants à charge, des allocations de maternité et prénatales, ainsi que des indemnités journalières de congé de maternité.

Obligation de l'employeur

Il est tenu de verser 7 % de la même assiette que pour les cotisations d'accidents de travail. L'échéance des versements ainsi que les sanctions sont les mêmes que pour les accidents du travail.

? Cas pratiques

- Cas n° 1 : Fatou Fall est employée de maison et perçoit un salaire mensuel de 28 750 FCFA.

La cotisation à verser est calculée ainsi qu'il suit :

Accidents du travail : 36 243 F x 1/ 100 = 362 F

Prestations familiales : 36 243 F x 7/ 100 = 2 537 F

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Total des cotisations dues pour le mois : 2 537 F + 362 F = 2 899 F

- Cas n°2 : Souleymane Diouf est jardinier dans une représentation diplomatique et perçoit un salaire mensuel de 39 500 FCFA.

La cotisation à verser est calculée ainsi qu'il suit :

Accidents du travail : 39 500 F x 1/ 100 = 395 F

Prestations familiales : 39 500 F x 7/ 100 = 2 765 F

Total des cotisations dues pour le mois : 2 765 F + 395 F = 3 160 F

C. Le congé de maternité

Conformément aux dispositions de l'article L. 143, alinéa 1 du Code du Travail, « toute femme a le droit de suspendre son travail pendant quatorze semaines consécutives, dont huit semaines postérieures à la délivrance ». Il ajoute plus loin que : « pendant cette période, la femme enceinte a droit à un régime spécial d'assistance en vue d'assurer à la fois sa subsistance et les soins nécessités par son état, dans les conditions prévues par la législation de la sécurité sociale, notamment la loi 73-37 du 31 Juillet 1973 portant Code de la Sécurité Sociale en son article 24 et suivants.

Qui peut en bénéficier ?

La femme salariée en état de grossesse peut bénéficier d'indemnités journalières de congé de maternité pendant la durée du congé de maternité qui ne peut excéder :

- 6 semaines avant la date présumée de l'accouchement

- 8 semaines après l'accouchement

- 3 semaines maxima de prolongation en cas de maladie résultant de la grossesse ou des couches.

Que faut-il faire ?

Au moment du départ en congé de maternité, l'intéressée doit remplir une demande d'indemnités journalières fournie par la Caisse de Sécurité Sociale et y joindre :

? Une attestation de travail signée par l'employeur

? Un certificat médical de grossesse

? Une attestation d'arrêt de travail pour congé de maternité signée par l'employeur ? Le dernier bulletin de salaire

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En cas de prolongation du congé de maternité, il faut :

> Fournir un certificat médical précisant que la prolongation est en rapport avec la grossesse ou les couches

> Une attestation de non reprise de travail signée par l'employeur

Au moment de la reprise du travail

> Fournir une attestation de reprise de travail signée par l'employeur A combien s'élèvent-elles ?

Elles s'élèvent à la totalité du salaire effectivement perçu lors de la dernière paie, à l'exception des primes ou indemnités ayant un caractère de remboursement de frais.

Quand sont-elles payées ?

> Soit par période de 30 jours

> Soit à l'expiration des 6 semaines avant l'accouchement > Soit à l'expiration des 8 semaines après l'accouchement > Soit à l'expiration du congé supplémentaire

II. Le régime de retraite (IPRES)

En fait l'IPRES gère deux régimes de retraite selon la répartition par la technique des points :

? Le régime général de retraite (R.G.R.), en faveur des salariés régis par le Code du Travail et des agents non fonctionnaires de l'Etat, des collectivités et des établissements publics ; il intègre la section des Employés de maison et des travailleurs occasionnels.

? Le régime complémentaire des cadres (R.C.C.) en faveur des salariés cadres définis par une convention collective.

Les travailleurs sont obligatoirement affiliés au régime général, le régime complémentaire est réservé aux cadres. Les cotisations au titre des régimes de retraite sont réparties entre employeurs et employés. La quote-part due par l'employé est donc prélevée sur le salaire du travailleur par son employeur.

Obligation

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Pour la quote-part du travailleur, un taux de cotisation est assis sur le salaire et les accessoires du salaire, à l'exception des frais professionnels, des indemnités représentatives de frais et des prestations de la Caisse de Sécurité Sociale.

Le taux est actuellement fixé par le Conseil d'Administration de l'IPRES. Il est actuellement de 14 % et, est réparti entre l'employeur pour 8,4 % et le travailleur pour 5,6 %. Les cotisations sont assises sur le salaire plafonné du salarié. Le salaire maximum soumis à la cotisation est de 256 000 CFA.

Les adhérents, c'est-à-dire les employeurs doivent notifier à l'IPRES, dans un délai maximum d'un mois, toutes modifications (changements d'adresse, départ ou embauche de personnel, cessation d'activité (temporaire ou définitive, etc.).

Versement

L'employeur assure le reversement de la cotisation totale (salarié et employeur) trimestriellement et au plus tard le 10 du mois suivant l'échéance pour l'employeur.

Sanction

En cas de non respect des délais, les cotisations font l'objet d'une majoration de 5 % par mois ou fraction de mois de retard jusqu'à concurrence de 50 % du plafond des sommes dues.

III. Le régime de la maladie

La cotisation à un régime de maladie n'est pas obligatoire pour les parties à un contrat de travail.

Cependant, celles-ci peuvent décider d'adhérer à un régime de maladie dont la prise en charge est assurée au moyen d'une affiliation à une Institution de Prévoyance Maladie (IPM) approuvée.

Obligation

La cotisation est fixée à 6 % rapportée au salaire mensuel du travailleur (tel que défini pour les prestations familiales ou accidents du travail). Elle est répartie également entre l'employeur et le travailleur. Le salaire maximum soumis à cotisation est de 60 000 FCFA.

Quid des impôts sur les salaires ?

Les employeurs ont également l'obligation de s'acquitter des impôts dus sur le montant des rémunérations (impôts à la charge du salarié retenus à la source et contribution forfaitaire à la charge des employeurs). Ils doivent aussi en principe procéder au dépôt annuel de la déclaration

des salaires versés.

Les textes en vigueur ne prévoient pas en effet d'exonération au profit des gens de maison, ni de dispense de déclaration en faveur des employeurs.

En ce qui concerne le paiement des impôts, il peut intervenir dans les quinze premiers jours qui suivent la fin de chaque trimestre civil, dès lors que le montant des retenues exigibles ne dépasse pas 20 000 FCFA par mois.

Comme nous avons eu à le voir tout au long des développements précédents, le législateur sénégalais a été assez clairvoyant pour légiférer dans une branche d'activité assez complexe, et ce depuis 1968, avec la prise de l'arrêté 974, qui a été plusieurs fois modifié pour adapter ses dispositions au nouveau contexte socioéconomique. Les personnes physiques employeurs ont de quoi s'en tenir pour être à cheval sur les prescriptions légales ; nul n'étant censé ignorer la loi. Dans cette optique, on est en droit de se demander si les pratiques sociales africaines telles que le placement d'enfants en famille d'accueil qui deviennent fatalement des travailleurs « bénévoles », superposées à la course effrénée à l'emploi salarié en ville dans le secteur du travail domestique qui se meut selon ses propres modalités, qui a ses propres réalités, ont-elles pu s'accommoder au formalisme légal ? Autrement dit est-ce que les employeurs, tout comme les employés de maison s'acquittent comme il se doit de leurs obligations légales et contractuelles ? Est-ce que ces travailleurs à part entière et non entièrement à part, même s'ils se soustraient à l'attention du public dans l'intimité de nos maison pour exécuter leur contrat, ont toute la protection que des travailleurs tout court peuvent attendre du droit social ? Tel sera l'objet de la deuxième partie de notre étude. Il s'agira, à la lumière d'un travail de terrain de mettre les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles à l'épreuve de la pratique dans le contexte actuel.

LE TRAVAIL DOMESTIQUE : ENTRE

PRINCIPES ET REALITES

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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Chapitre I Les conditions réelles de

travail des employés de maison

« Nous sommes debout du matin au soir, sans répit, avec beaucoup de corvées et de difficultés. Nous bénéficions rarement de jours de fête. Nous subissons des injustices de la part des employeurs et de leurs familles. Nous gagnons peu d'argent par rapport à notre charge de travail. Nous ignorons nos droits, mais nous savons qui nous sommes ».

Ce témoignage résume à lui seul le grand hiatus existant entre les belles prescriptions textuelles et les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés les employés de maison dans l'exercice quotidien de leur activité. Cependant, il faut tout de même saluer la clairvoyance du législateur sénégalais lorsqu'il entreprit de normer sur la base de textes législatifs et réglementaires l'activité domestique si l'on sait que le rapport global de 2000 de l'OIT intitulé « Votre voix au Travail » a noté que dans de nombreux pays les employés de maison sont exclus de la législation du travail et qu'on ne leur reconnaisse pas le droit de se syndiquer. Par voie de conséquence, cette activité est marginalisée, passée sous silence à tel point que les employés domestiques n'ont pas encore tirés profit des nombreuses conquêtes sociales engrangées par leurs homologues d'autres secteurs d'activités. Pourtant il ne suffit pas d'être spécialiste du droit social pour constater l'écart net qui existe entre les prescriptions légales et la pratique ; tout observateur averti, ne serait-ce qu'à travers la presse peut se faire une opinion là-dessus. Le trafic d'employées de maison sénégalaises vers le Liban, l'affaire opposant des employées de maison à la famille de Youssou Ndour, l'affaire de la bonne retrouvée morte chez son employeur Libano-syrien, pour ne citer que

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ces affaires qui ne sont pas que des faits divers ayant fait les choux gras de la presse, sont symptomatiques du malaise, du mal-être et même du mal-vivre des employés de maison au Sénégal. Est-ce que l'Etat en tant que de garant de la paix sociale a le droit de laisser faire, de se tenir à l'écart lorsque les présomptions de violations des droits de ces travailleurs sont récurrentes ? Est-ce que les employeurs sont conscients que leurs conditions d'emploi sont aux antipodes de celles édictées par la réglementation ? Est-ce que les employés eux-mêmes savent qu'il y'a des textes de loi qui régissent leur activités ? Voilà autant de questions que nous ne manquerons pas d'aborder dans la suite de ce travail. En attendant d'y revenir, par souci d'objectivité qui caractérise tout travail qui se veut scientifique, nous nous sommes attelés à revisiter les conditions réelles des employés de maison par un travail de terrain sous forme d'enquêtes avec des groupes d'employés sur leurs conditions de travail. Les puristes regretteront sûrement qu'on s'en tienne à une cueillette de données axée principalement sur une écoute de groupe et non par questionnaires individuels. Ce choix qui n'est pas fortuit s'explique par des limites techniques en ce sens que notre cursus universitaire et professionnel ne nous permet pas de prétendre à l'exactitude statistique dont serait nantie une étude de la Direction de la Statistique. Néanmoins, les données statistiques de l'étude intitulée Mbidaan sans mbindou seront sollicitées chaque fois que de besoin afin de procéder à une analyse sans complaisance des conditions de travail des employés de maison.

I. L'engagement

Le préalable à l'embauche reste la rencontre entre la demande et l'offre de travail qui se fait selon des canaux propres à la société sénégalaise que le support des nouvelles technologies de l'information de même que le développement de l'audiovisuel et de la presse écrite n'ont presque pas influencé. Au même titre que dans d'autres secteurs, le travail domestique est fortement touché par la crise économique qui pose des problèmes d'absorption de la forte main-d'oeuvre qui vient tenter sa chance en ville, ce qui reste jusqu'à présent la principale réponse face au dénuement des campagnes. A. Gassama revenant sur l'importance de ces chercheuses d'emploi affirme que : « le nombre de domestiques à la recherche d'emploi semble être égal ou supérieur à celui des domestiques en poste et l'accès à l'emploi devient de plus en plus problématique pour les postulantes dont nous pouvons noter le désarroi à travers les techniques de recherche d'emploi ». En tirant les conséquences de cette situation, elle ajoute : « Elles constituent une armée de réserve qui contribue à faire baisser les prix de leurs services déjà peu valorisés à

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cause de leur affectation au rôle féminin16 ». Plusieurs études statistiques ont montré qu'au Sénégal la pauvreté affecte plus les ménages ruraux qu'urbains, et davantage les femmes que les hommes. Par conséquent, l'offre de travail qui ne cesse de croître a entrainé dans son sillage deux phénomènes ; à savoir la dégradation des conditions de travail et la difficulté de trouver du travail.

A. La recherche d'emploi

Le système de placement en famille d'accueil qui rendait la frontière entre les relations marchandes et non marchandes ténues et qui ne cadrait pas forcément avec les attentes des filles à cause du caractère bénévole du travail a perdu du terrain pour laisser la place à une véritable opportunité économique. C'est dire qu'on est passé du modèle familial au modèle marchand. A en croire les résultats du questionnaire17, le système de recommandation d'une tierce personne reste l'une des principales modalités de recrutement avec 21,2% des enquêtées. Nous avons également dans une moindre mesure la rencontre avec une patronne de la même ethnie qui a la magie d'instaurer des relations de confiance mutuelle.

A ces modes de recherche relationnelle viennent s'ajouter d'autres beaucoup volontaires tels que le porte à porte et le regroupement dans certains lieux stratégiques de Dakar dans l'attente d'éventuels employeurs. C'est le cas au rond point Liberté 6, au Point E, à la rue Amadou Assane Ndoye etc.

La première méthode que certaines fustigent car mettant l'employeur en position de force pour le marchandage requiert beaucoup de patience et de persévérance comme l'a affirmé une fille :

« Dés notre arrivée à Dakar, nous nous levons le matin pour aller de porte en porte chercher du travail. Au départ, c'est difficile car les gens ne sont pas accueillants. Quelquefois à peine tu ouvres la bouche pour parler qu'on te claque la porte au nez. Au premier moment je me demandais comment on pouvait trouver du travail dans ces conditions. J'avais honte de continuer.

Le soir après avoir raconté tout ce que j'avais enduré dans la journée, mes copines se mirent à rire. Je croyais qu'elles à leur tour se moquaient de moi. Non c'était pour me dire que cela se

16 Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184

17 Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p.25

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passait comme ça et qu'il fallait insister. Le lendemain, je repris le chemin avec plus de volonté que la veille et une femme me demanda de rentrer dans la maison. Elle me posa des questions sur mes compétences et mon salaire.

Rapidement nous sommes tombés d'accord sur 8 000 FCFA le mois avec un repas le soir car je ne devais pas passer la nuit. Elle me demanda de commencer séance tenante (il était 10h 30 mn). Je lui proposai d'attendre le lendemain pour que je puisse amener ma tenue de travail. Elle me dit alors que dans ce cas je ne voulais pas travailler et que je pouvais laisser tomber.

Consciente du risque de ne pas trouver du travail rapidement, je commençai sans attendre et elle fit sortir le linge de toute la famille qui semblait être accumulé depuis longtemps ; Toute la journée et même le lendemain, je fis le linge. Malgré tout je suis restée avec la dame ».

Le regroupement au niveau des lieux stratégiques répertoriés comporte des avantages aussi bien que des inconvénients. Certes il est plus aisé de rester debout ou assis en attendant le potentiel employeur qu'un besoin urgent presse, ce qui donne le sentiment d'être en position de force, mais là s'arrête la comparaison. En effet, il se pose une question de concurrence sans merci entre les filles qui peuvent se regrouper par grappes de plus de cent guettant l'oiseau rare. Certaines n'hésitent pas à allier les deux méthodes de recherche d'emploi pour maximiser leur chance comme l'a affirmé une des filles rencontrées : « Actuellement, nous qui sommes ici, cherchons toutes du travail. C'est impossible d'en trouver. Nous sommes là depuis quinze jours ; Le matin on passe de maison en maison pour arriver en ville à midi. Ici (le lieu de regroupement) c'est presque pour se reposer. Avant, il paraît que les patrons venaient chercher des domestiques ici, mais maintenant on en trouve partout. On reste presque comme ça jusqu'à 16 heures, après les gens commencent à rentrer. On ne mange pas ; le soir, ce sont nos voisins qui nous aident à manger. Certaines d'entre nous ont été à l'école jusqu'en troisième secondaire. On ne trouve rien et c'est difficile de baisser les bras car les parents restés au village ne peuvent pas se prendre en charge, à plus forte raison nous qui avons également beaucoup de besoins : les effets vestimentaires, le loyer etc. ».

Un article publié dans PressAfrik.com et repris par l'Observateur18 abonde dans le même sens :

« Au rond point Liberté 6, elles sont plus d'une centaine de domestiques. Elles attendent

18 Observateur N° 1580 du Mardi 30 décembre 2008 p. 4

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d'éventuelles clientes ou client en cette fin de mois de décembre. Ndeye Diouf, la vingtaine dépassée est de ce lot. De retour à Dakar depuis une semaine à Dakar, cette native de Khombole (région de Thiés) espère trouver du travail. « J'ai eu à discuter avec des clientes, mais on a pas pu trouver un accord sur la rémunération. Le salaire (35 000 FCFA) que je demande semble trop élevé selon les clientes. Elles me proposent entre 20 000 et 25 000 alors que je dois payer le courtier, ma location et satisfaire mes besoins », argue Ndeye Diouf. Pour ce montant, elle dit ce qu'il est capable d'apporter à son employeur : « Je suis capable de gérer toute seule une maison », explique t- elle.

Le courtier dont parle la jeune fille est un homme d'une quarantaine d'années. Il reçoit les clients ou clientes et discute avec eux, En fonction des besoins exprimés mais aussi des tâches à faire, il met en rapport ce client avec l'une de ses protégées. A coté de celles qui sont au rond point Liberté 6 entrain d'attendre, d'autres préfèrent se déplacer de porte en porte... ».

Le courtier dont il est question dans l'article de presse est une sorte d'intermédiaire ayant une certaine notoriété et aussi une certaine emprise sur ses protégées qu'il met en relation avec les employeurs moyennant une commission. Pour chaque recrutement au niveau du regroupement, l'employeur paie 2 000 FCFA sur le champ plus la commission que l'embauchée donne au courtier dés qu'elle reçoit son premier salaire. Michelle Diallo, la cinquantaine sonnée, que ses protégées appellent affectueusement Tata Michelle refuse de parler dans un premier temps avec un « membre de l'administration » car, dit-elle, elles n'avaient vu personne de ce service lorsqu'elles ont eu un sérieux différend avec la famille du célèbre chanteur Youssou Ndour, qui avait d'ailleurs défrayé la chronique. Il a fallu moult arguments pour qu'elle accepte de délier sa langue : « Notre ainé c'est le vieux Samaké qui officie ici depuis 1974 ; il n'y a jamais de contrat écrit, tout ce que nous réussissons à avoir c'est le numéro de téléphone de l'employeur, son adresse ou l'adresse du chef de quartier, les patrons rechignent à donner une copie de leur carte d'identité. Ainsi nous pouvons faire le suivi post-embauche et la médiation surtout en cas de conflits : salaire non versé, coups et blessures, accusation de vol etc. Il n'est pas rare que l'affaire atterrisse à la police ou à la gendarmerie pour contraindre les employeurs à respecter leur engagement », dit-elle. Elle ajoute d'un air ferme : « Moi, je n'abandonne jamais les filles que je place dans le pétrin, il y'a des choses que je ne tolère pas venant des employeurs ».

B. Les stratégies de marketing

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Comme mentionné plus haut, beaucoup d'employeurs recrutent leurs employées par l'entremise d'une tierce personne qui s'érige en garante de la bonne moralité de l'employée. Cela se conçoit dans un contexte de méfiance vis-à-vis de l'autre, celui qu'on ne connaît pas, en milieu urbain. Cette psychose sécuritaire est alimentée par le développement d'actes incivils et violents qui ont entamé la charpente de valeurs telles que la solidarité et le sens de l'hospitalité qui étaient quelques uns des caractères dominants de la société africaine. Ce climat difficile n'a pas empêché les employés domestiques de développer des stratégies pour décrocher un bon contrat qui soit plus ou moins conforme à leurs attentes, à l'issue du marchandage. La première règle de ce face-à- face connue de tous dans le milieu est : « de ne surtout pas se laisser impressionner ni faire preuve de timidité ou de faiblesse devant l'employeur ».19

D'une manière générale, les salaires des employés domestiques décroissent du centre ville et des quartiers résidentiels aux quartiers populaires de la proche et lointaine banlieue. C'est dire que les salaires versés à Rufisque, Pikine, Guédiawaye sont plus faibles qu'aux Parcelles Assainies, aux HLM qui à leur tour sont moindres qu'à Nord Foire, Sacré Coeur et Almadies. La conséquence en est que la recherche de travail est sélective et se fait selon l'hypothèse tout à fait valable que les ménages les plus aisés payent mieux que les autres. C'est pourquoi, les filles logeant ou habitant Yeumbeul, Thiaroye, Pikine ne préfèrent pas travailler à coté de chez elles mais vont jusqu'au centre-ville pour pouvoir gagner plus.

Cette catégorisation des employeurs sénégalais a été également notée dans l'étude conjointe BIT/ UNICEF/ ENDA. Les employés de maison distinguent « les grands patrons », des « moyens patrons » et des « petits patrons ». Cette hiérarchisation prend en compte outre le critère géographique, le standing du logement. A la base se situe le troisième groupe qui regroupe à la fois des employeurs des quartiers populaires et ceux ayant des revenus faibles et des familles nombreuses.

A coté des employeurs sénégalais, nous avons les employeurs libano-syriens, ceux ressortissant de pays africains et les employeurs expatriés. De prime abord, ceux-là appliquent la législation dans une certaine mesure car leur statut d'étranger (beaucoup de libano-syriens ont la nationalité

19 Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p.25

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sénégalaise) fait que le non-respect de la loi leur soit préjudiciable en cas de conflit. Si beaucoup d'expatriés appliquent scrupuleusement la législation, nous reviendront, ce n'est pas le cas de tous les libano-syriens même si quelques uns font souvent des contrats et délivrent des bulletins de paie. En revanche, ils sont réputés exigeants par rapport à l'exécution des tâches ; toute perte est déduite du salaire. Cette communauté qui n'emploie pas de petites filles, recherche des employés ayant une certaine instruction donc sachant lire et s'exprimer en français. Une fille ayant travaillé avec des libano-syriens a livré ce témoignage :

« Une des difficultés que j'ai vécue personnellement, et souvent rencontrées par les filles, est celle-ci : je travaillais chez une libanaise. Un jour, elle m'a informée qu'elle allait recevoir ses beaux-parents qui venaient de la France. Que cela entrainerait un surcroît de travail. Donc, elle allait m'augmenter ; je gagnerais donc 30 000 F CFA / mois et elle me demandait de descendre dorénavant à 20 h. Au départ de ses beaux-parents, apparemment satisfaite de mon travail, elle m'a encore augmentée 5 000 F CFA. Elle possède deux maisons et emploie 5 « janx » (jeune fille domestique). Un jour, je repassais ses habits. Il y'avait « les pantalons-gaine là ! » (body), en le repassant, je l'ai brûlé. Elle avait acheté ce pantalon à 15 000 F CFA en France. Elle m'a dit de le rembourser, par mensualités de 5 000 F CFA. J'ai accepté. Et j'ai continué à travailler pour elle pendant trois mois. Elle m'a toujours remis des reçus quand je percevais mon salaire. Elle devait partir pour quelques temps en France. Elle m'a dit que normalement, elle devait me verser des droits. Quand tu fais le linge pour elle, elle compte devant toi les morceaux que tu dois laver. Quand tu as fini de laver et de repasser, elle recompte les habits ».

A l'exception de celles qui s'occupent des bébés et ayant resté longtemps avec la famille, les personnes qui travaillent avec les Libano-syriens passent rarement la nuit chez leur employeur. L'emploi dans ce milieu est plutôt stable et il n'est pas rare de voir une domestique en activité dans une famille transmettre cet emploi à sa soeur, sa fille.

Autre son de cloche chez les employeurs sénégalais qualifiés de « petits patrons » qui sont à l'origine de beaucoup de maux dans la profession en ce sens qu'ils peinent à verser le salaire normalement, à assurer une prise en charge médicale, à respecter les tâches définies à l'embauche, à nourrir convenablement leurs employés. Cette classe moyenne naguère prospère aujourd'hui rétrogradée et fortement prolétarisée subit de plein fouet les coups de boutoir de la crise économique qui a entrainé dans son sillage la cherté de la vie.

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Après toute ces considérations socio-économiques survient le marchandage qui se fait rarement sur la base du salaire minimum réglementaire mais dépend intimement du standing de la maison : une maison à étage étant censée comprendre une charge de travail plus importante, du nombre d'enfants, du nombre de personnes vivant sous le toit, de la prise en charge de la nourriture, du fait que l'employé loge chez son patron ou rentre en fin de journée et enfin de la gestion des principales tâches : le linge, la vaisselle, la cuisine et le ménage. On assiste de plus en plus à une spécialisation des employés qui choisissent une ou deux tâches au plus ; le ménage moins contraignant est apprécié du fait qu'on dispose de plus de temps libre que la cuisine qui requiert qu'on reste un peu plus tard. Il existe également d'autres tâches annexes telles que l'aide à la préparation des repas, les innombrables courses pour toutes la famille, le fait de s'occuper des bébés et certaines sont même sollicités pour le petit commerce (vente de sachets d'eau, de crème...)

C. Le contrat de travail

L'entretien mené avec des employés de maison au niveau des lieux de regroupement vient confirmer les résultats des recherches menés dans ce sens. Il démontre de façon manifeste qu'en ce qui concerne le contrat de travail, l'absence d'écrit est la chose la plus commune. Il s'agit donc d'un contrat oral aux clauses imprécises qui s'arrête souvent au montant du salaire, les autres tâches déclinées à l'embauche pouvant grossir une fois ce cap franchi. Certains employeurs essaient même de renégocier le salaire sous divers prétextes ultérieurement comme l'a affirmé cette jeune femme originaire de la région de Fatick :

« Les Wolofs, quand tu viens négocier avec eux, elles acceptent toutes les conditions que tu poses : des rémunérations de 15 000 F CFA ou plus. Après accord, elles te remettent tout leur linge sale. Une fois que tu as tout lavé, elles te confient tous leurs travaux ménagers. Après avoir effectué toutes ses tâches, elles t'appellent et te disent que leur mari trouve la rémunération trop élevée. Et elles te demandent de réduire le tarif à 10 000 F CFA ou même 8 000 F CFA. Si tu ne veux pas, elles te renvoient, et promettent de te payer le travail que tu as déjà effectué pour elles, tout en sachant qu'elles ne le feront pas ».

Cependant, il faut se garder de généraliser car certains employeurs, malgré l'absence d'écrit, sont soucieux de leurs conditions de travail et discutent avec elles lorsqu'elles commettent des erreurs

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dans leur travail. Un subterfuge trouvé dans le milieu consiste à se faire assister d'une tierce personne, le courtier une ainée ou une amie pour que l'employeur ne puisse pas revenir sur les clauses du contrat plus tard.

II. La durée du travail

L'une des plaintes les plus courantes des employés de maison reste l'importante charge de travail qui dépend de l'humeur de la patronne. Cela est accentué par la subordination à l'ensemble des membres de la famille qui ne se prive pas pour demander des services et la taille des familles même si le nombre de familles mononucléaires augmente. Les recherches menées à cet égard présentent un tableau peu reluisant.

A. Des « bonnes » à tout faire ?

Les tâches quotidiennes des domestiques sont diverses et variées. Certains ménages, compte tenu de leur taille (la moyenne nationale étant de 8,7 personnes par ménage20 ont plusieurs employées à leur service, entre les lesquelles les tâches sont réparties.

Les horaires sont dans l'ensemble supérieurs aux normes édictées dans les textes réglementant le travail des enfants : chez les 15-18 ans, 51,9 % effectuent entre 9 et 11 heures de travail par jour et 17,2 % en font plus de 12 heures ; seuls 15,6 % font entre 6 et 8 heures. Celles qui passent la nuit débutent leur journée entre 5h 30 et 6 h du matin et finissent souvent au coucher des employeurs.21

Quant aux plus de 18 ans, 47 % font tous les travaux, 22,7 % tout sauf la cuisine et 16,7 % s'occupent des enfants. Le matin, les horaires ne sont toujours respectés par celles qui ne logent pas chez l'employeur. De même que les employeurs respectent rarement les horaires légaux. Dans la journée, très peu sont celles qui ont droit à un moment de repos, ne serait-ce qu'une petite pause comme le font tous les autres travailleurs. Beaucoup ne voient pas d'un bon oeil que leur employé fasse la sieste, ce qui est le comble de la paresse aux yeux des patronnes. Lors de l'entretien beaucoup ont regretté le fait que certaines dames ne lèvent pas le petit doigt dans la maison, même pour boire elles se font servir.

Celles qui passent la nuit peuvent être sollicitées à tout moment de la nuit, c'est ce qu'a déploré

20 Direction de la Statistique du Sénégal : enquête sur la situation des enfants travailleurs, enquête des ménages, 1993

21 Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p. 28

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une jeune fille qui travaillait pour une Béninoise aux Parcelles Assainies et qui a fini par quitter car ne pouvant plus supporter les caprices de son employeuse : « Ma patronne avait pris la fâcheuse habitude de me réveiller la nuit au-delà de 22 heures, lorsqu'elle revenait de ses cours, pour que je lui épluche des oignons alors que je dormais puisqu'elle ne m'autorisait pas à regarder la télé. C'était juste un prétexte pour me créer des histoires car comme lui avait suggéré son mari, elle pouvait préparer son omelette toute seule ». Par rapport au début de la journée de travail, elle ajoute : « la journée commence souvent à 6h du matin pour ne finir qu'au-delà du diner. Durant la pénurie de gaz, on me réveillait bien avant 6h pour chauffer de l'eau de bain de la petite avec un fourneau... », dit-elle avec résignation.

Face aux nombreuses plaintes de surcharge de travail, il serait intéressant de voir comment se présente la situation par rapport aux dispositions relatives à la rémunération en général et aux heures supplémentaires en particulier.

B. Quid des heures supplémentaires ?

Il ressort de ce qui a été dit sur l'importance de la charge de travail que le décompte des heures supplémentaires pourrait un tant soit peu améliorer la condition des employés de maison. Malheureusement, il n'a été mentionné nulle part la prise en compte de ces heures dans la rémunération. Le forfait versé habituellement qui n'est en rien proportionnel au volume de travail ne souffre d'aucune hausse. Au contraire, certaines patronnes sont promptes à retenir les jours non travaillés même si c'est une absence pour maladie. Il faut savoir que conformément à l'article 4 du décret 70-183 du 20 février 1970 fixant le régime général des dérogations à la durée légale du travail, les gens de maison sont soumis à un régime d'équivalence que l'arrêté 974 du 23 janvier 1968 fixe à 60 heures par semaine réputées correspondre à 40 h. Ce qui veut dire que les majorations ne seront décomptées qu'au-delà de la 61eme heure. Généralement les intéressés eux-mêmes ne réclament pas des heures supplémentaires ; tout ce qu'ils veulent c'est que leur aspiration au repos soit prise en compte et surtout que le salaire conclu soit payé intégralement et à date échue.

III. La rémunération

A. Des salaires en hausse ?

La rémunération que l'employeur consent à verser dépend de plusieurs facteurs dont les plus

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essentiels sont : « le statut social du travail domestique, l'âge, le sexe, la situation matrimoniale, la résistance à l'effort (la corpulence), l'expérience... mais c'est également, à travers les coutumes, les normes sociales, les pressions des groupes sociaux que nous arrivons à comprendre la formation des prix22 ». La cartographie des rémunérations, en fonction de la structure des quartiers qui est un élément important de la recherche de travail, fait apparaître des zones à risque où les conflits sont susceptibles de subvenir pour défaut de versement ou versement irrégulier du salaire. C'est le cas de certains quartiers populaires et périphériques durement affectés par la désindustrialisation, avec ses conséquences en termes de perte d'emploi et de diminution du pouvoir d'achat qui fait que certains engagements ne peuvent être tenus que difficilement. Car, mieux vaut le dire toute suite, toutes les familles qui font appel à une main-d'oeuvre domestique salariée n'en n'ont pas toujours les moyens. Ce facteur économique, conjugué à une mauvaise volonté, est la cause directe des retards et du fractionnement du salaire que certaines de nos interlocutrices ont déploré, et dont ils n'ont pas beaucoup d'emprise, en raison de l'importance de l'offre dans cette branche dont nous avons parlé dans les développements précédents.

Les entretiens ont montré que les salaires ont subi une hausse face à la cherté de la vie mais ils ne se présentent pas de manière homogène, mais prennent en compte les déterminants salariaux mentionnés plus haut. Ils se présentent comme suit au niveau de Dakar- ville :

? 20 000 F CFA pour les petites filles de 15, 16 et 17 ans.

? 30 000, 35 000, 40 000 avec un plafond de 60 000 F CFA pour les plus expérimentées ayant donc une certaine ancienneté incluant le transport et les repas pour un travail important comme par exemple le ménage d'une maison à étage du rez de chaussée en haut quotidiennement. Il a été même noté des contrats de 65 000 F CFA, certes rarissimes, pour des conditions de travail analogue.

Peuvent être considérés comme complément du salaire les avantages en nature dont l'employé bénéficie le plus souvent gratuitement de son employeur tels que : le repas du soir, l'utilisation de certains de ses biens, à savoir : savon, eau, les repas servis à celles qui passent la nuit et le logement etc. Par rapport à cette rémunération complémentaire, il faut noter que rares sont les

22 Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, p. 171-184

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employeurs qui font des retenues à ce titre, même s'ils arrivent dans certains cas que le petit-déjeuner ne soit pas fourni, ou qu'il soit en quantité insuffisante.

D'après les entretiens, le règlement des salaires est un vrai casse-tête pour les employés de maison. Si au niveau des zones résidentielles, les salaires tombent au plus tard le 5 du mois de travail, tel n'est pas le cas dans les quartiers populaires. Malgré le fait qu'on n'y trouve les salaires les plus modiques, ceux-ci sont payés souvent avec retard et de manière fractionnelle. Les retards atteignent parfois 3 à 4 mois. Dans ce cas, il faut l'intervention du courtier, d'un parent pour que l'employeur s'exécute, c'est souvent le cas à la veille du retour au village. Les moins chanceuses qui ne peuvent pas grand-chose devant l'incurie de leur employeur se remettent à Dieu. C'est le cas d'une fille rencontrée à Liberté 6 qui a déclaré avoir travaillé pendant un an moyennant un salaire de 50 000 CFA pour un couple. Malheureusement, elle n'a été payée qu'une fois en plus d'une avance de 15 000 CFA. Elle est restée pendant tout ce temps « par dignité » selon elle. La dame prétextait le fait que son mari, un ancien maire fût déchu. Elle court toujours pour recouvrer les 150 000 FCA qu'on lui doit.

Généralement, ce sont les femmes qui gèrent les employés de maison depuis l'embauche. Elles négocient le salaire, fixent les tâches à faire et naturellement versent les salaires que le mari leur donne. C'est ce qui explique souvent le reproche qu'on leur fait de détourner la paie à d'autres fins, de verser le salaire de manière fractionnée souvent à l'insu du mari. Les hommes sont censés être de meilleurs employeurs que leurs compagnes et les cas de retard de salaire sont rares avec eux.

B. Le bulletin de salaire

Parler de bulletin de salaire dans ce secteur est considéré comme une provocation car beaucoup ne voient pas l'utilité du bulletin de paie, ce qui importe c'est que lui salaire soit versé. L'entretien à montrer que dans la plupart des cas, il n'y a ni bulletin, ni décharge et ni même aucune signature pour attester du versement, ce qui ne manque pas de poser d'énormes difficultés au cas où l'employé nie avoir été payé rapport à la présentation d'éléments de preuve. Le législateur sénégalais a été très explicite par rapport à l'obligation pesant sur l'employeur de fournir une pièce justificative appelée bulletin de paie devant accompagner le versement du salaire à tel point qu'en cas de litige y afférant, l'article L. 117 du Code du Travail dit que le non-

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paiement est présumé tant que l'employeur n'est pas en mesure de fournir le registre de paie dûment émargé par le travailleur. Par conséquent, même si l'analphabétisme reste un frein par rapport a la prescription légale, au vu du nombre important d'employeurs et d'employés illettrés, il est tout à fait possible que l'employeur se débrouille pour tenir un cahier où émarge le travailleur chaque mois pour que tous les deux soient à l'abri de mauvaises surprises. Par ailleurs, on peut se demander si les employeurs respectent les dispositions relatives au repos, qui reste l'une des principales doléances des travailleuses domestiques.

IV. Les cas de suspension du contrat

A. Le repos hebdomadaire et les jours fériés

La législation est très stricte à propos du repos hebdomadaire qui est obligatoirement de 24h consécutives par semaine, accordé en principe le dimanche. Cependant, la spécificité de ce secteur d'activité fait qu'il peut être pris un autre jour ou à raison de deux demi-journées. De manière générale, le respect de cette disposition se fait de manière mitigée. En à croire les résultats des entretiens, tout dépend de l'humeur des patrons, de leur « humanisme ». La question du repos hebdomadaire se pose de deux manières selon qu'on loge chez l'employeur ou que l'on rentre le soir. Même si quelques uns qui ne logeaient pas chez le patron ont déclaré qu'il leur arrivait de ne pas travailler le dimanche, la tendance qui se dessine est ce qu'on appelle dans le jargon, « le système des 15 jours » c'est-à-dire 1 jour de repos par quinzaine très usité dans les deux cas par les employeurs. Ce jour précieux est consacré, pour celles vivant chez l'employeur, à rendre visite aux parents et amies du même village, rompre avec l'isolement et papoter sur leurs conditions de travail.

Il faut noter que les filles ne viennent jamais de manière isolée en ville mais elles le font à travers un circuit bien huilé entretenu par des « recruteurs », qui sont de purs produits du milieu, des natifs du village établis en ville qui descendent jusqu'au village pour alimenter la machine. Du fait du caractère temporaire de l'activité, il est toujours possible de faire des permutations et de nouveaux placements. C'est ainsi que les filles qui viennent sont placées sous l'autorité de soeurs, de tantes et d'oncles qui reconstituent en ville l'espace familial et l'univers villageois. Par

conséquent, on constate une phosphorescence de mouvements associatifs basés sur
l'appartenance à un même terroir contribuant à l'entraide et au développement du village d'origine. Tous ces aspects apparaissent à travers ce témoignage :

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« Nous nous retrouvons le soir avec les garçons du village dans le même quartier. Chaque samedi, nous organisons des soirées pour trouver de l'argent pour la caisse de notre association. Avec ça, on prépare nos voyages pendant les fêtes ou à l'approche de l'hivernage pour ceux qui doivent rejoindre les parents pour les travaux champêtres.

Egalement, nous cotisons pour la construction du foyer des jeunes du village et nous donnons quelque chose cette année pour l'école du village. Ce sont les garçons qui assurent notre « surveillance en ville». Quand nous avons des problèmes (paiement, accusations de vols...), ce sont eux qui nous défendent ».

Nous percevons à travers cette confession le rôle crucial que joue le repos à travers l'immersion dans un milieu affectif et amical qui permet de puiser la force morale nécessaire pour faire face aux nombreuses tribulations liées à l'activité domestique. Et pourtant beaucoup d'employeurs persistent à leur denier ce droit au repos si fondamental.

Les employeurs ont à peu près la même réticence par rapport au chômage des jours fériés ; cependant, l'importance de grandes manifestations culturelles et des fêtes religieuses telles que la Tabaski, la Korité, Pâques qui se passent en famille, ont eu raison de cette mauvaise volonté. Mais il se pose toujours des conflits car les employeurs ont tendance à les remplacer très vite alors que pour beaucoup ce sont les seules opportunités de retour au village. Aujourd'hui beaucoup n'hésitent pas à rester longtemps pour conserver leur emploi :

« C'est difficile de partir comme tu veux. Il est très facile de se faire remplacer car il y'a trop de bonnes qui chôment. Nos patrons ne se soucient même pas de notre place. Une fois que tu quittes, c'est fini. On renonce souvent à partir car une fois que tu gagnes bien ta vie, tu cherches à maintenir ta place ».

« Partir au village ! Non ! Nous restons presque deux à trois ans car les patrons n'attendent pas. Nous ne sommes pas comme vous qui avez des congés et qui avez des permissions. Si on part, personne au niveau de la famille ne fera le travail et tout de suite on te remplace par une autre. Souvent quand on quitte, c'est pour aller chercher ailleurs. C'est pourquoi nous restons et envoyons quelque chose à la famille ».

« Durant les fêtes de Tabaski, Korité, nous allons au village, mais nous revenons juste après. Car nos patrons ne nous attendent pas. D'ailleurs, ça c'est pour nous qui habitons à coté de Dakar.

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Mais pour nos amies du même quartier qui sont des Diolas et des Sérères de Fatick ou Thiés, c'est difficile de partir ».

« La Casamance, c'est trop loin ; une fois que tu es là-bas, tu ne retournes pas vite, car quelquefois ça coïncide avec l'hivernage et il faut aller dans les rizières. Mais maintenant les parents commencent à nous laisser longtemps. On y va quand les frères doivent entrer dans le bois sacré ou pour certaines à l'occasion de décès ».

« Nous avons une association de tous les ressortissants de notre village, et nous organisons des voyages à l'occasion des fêtes religieuses ou de grandes cérémonies traditionnelles au village. Sinon nous rentrons presque tous à l'approche de l'hivernage, si les parents nous obligent à venir pour les travaux champêtres ou pour le mariage ».23

Ces différents témoignages permettent de percevoir l'importance du lien ombilical liant les employés à leur milieu d'origine qui est en fait l'une de leurs principales préoccupations. Ce lien tend de plus en plus à se distendre, cela d'autant plus que les employeurs rechignent à respecter les dispositions relatives aux congés.

B. Le congé principal

Rendu obligatoire par l'article L. 148 du Code du Travail qui dispose que le travailleur a droit à 2 jours ouvrables de congé par mois de travail, à la charge de l'employeur, à condition que celui-ci totalise au moins 12 mois de travail effectif, correspondant à la période de référence.

Le caractère saisonnier de l'emploi au Sénégal qui intéresse 40 % chez les hommes et contre 48 % chez les femmes,24 rend la prise de congé presque impossible pour beaucoup. Cependant, l'article L151 du Code du travail prévoit ce cas de figure avec le versement de l'indemnité compensatrice en lieu et place du congé. Ces retours périodiques se font surtout à la veille de l'hivernage pour les besoins de l'agriculture qui se fait de manière extensive avec une très faible mécanisation ; de ce fait elle est dévoreuse de main d'oeuvre. D'autres occasions de retour restent les manifestations culturelles et les fêtes religieuses ou familiales qui sont des sortes de grand'messes de tous les fils et filles du terroir. A noter que ces retours, même s'ils subsistent toujours se font sur des périodes plus longues, deux à trois ans, à cause notamment de la

23 Mbindaan sans mbindou, mars 1994, annexe 2 p. 44

24 2eme Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages (ESAM) DPS/ 2004

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dislocation de la filière arachidière et de la grande volonté de sauvegarder leurs emplois, car comme le disait une fille : « si on quitte c'est pour après chercher ailleurs, les patrons n'attendent pas... ».

Par rapport à la prise de congé, elle n'est effective que chez quelques rares privilégiés au service d'employeurs expatriés qui font souvent coïncider ces congés avec leurs vacances. L'écrasante majorité pense même que les congés payés sont l'apanage des autres travailleurs, « ceux qui travaillent dans les usines et les bureaux » disent-elles, « nous ne sommes pas comme vous qui avez des congés et des permissions. Si on part, personne au niveau de la famille ne fera le travail et tout de suite on te remplace par une autre ». Ce caractère incontournable de la travailleuse domestique au sein de nos familles pose la question de sa véritable place, est-ce qu'elle doit se

substituer totalement à la maîtresse de maison ou doit-elle effectuer des tâches
complémentaires ?

En principe, sauf dans de rares cas, la complémentarité doit être de rigueur, sinon on risque de tomber dans les schémas de type « bonnes à tout faire » corvéables alors que le mode de traitement allant dans le sens de la reconnaissance de leur apport fait défaut. Ces modes de traitements qui dépendent du niveau d'intégration peuvent être de manière décroissante inclusifs, exclusifs, stigmatisants voire dégradants25.

On peut même se poser la question à savoir si les complaintes sont fondées car 72,6 % des employeurs considèrent leurs domestiques comme faisant partie intégrante de la famille26. Pourtant la situation exprimée lors des réunions de groupes ne corrobore pas ces dires. Pour la majorité, les rapports sont de types maître à servante « bonne à tout faire », (situation reconnue par 17,7 % seulement des employeurs). Lesquels se traduisent par des traitements discriminatoires dont les plus courants sont les suivants. Les employeurs refusent de partager le repas familial avec leurs employées qui mangent dans la cuisine ou dans une autre pièce, alors que dans beaucoup de cas ce sont elles-mêmes qui ont cuisiné, les très jeunes domestiques déplorent le mépris dont elles font l'objet de la part des enfants de l'employeur confortés par l'attitude des parents qui donnent souvent raison à leurs enfants, pour celles qui logent chez l'employeur, la marginalisation se fait sentir le soir, où il ne leur est permis de regarder la

25 Entretien avec M. Mamadou Ndiaye, Coordonnateur Enda Graf Golf Sud Dakar.

26 Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p. 32

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télévision. Si la possibilité leur est accordée, elles doivent prendre garde à se tenir à l'écart de la famille. Deux autres doléances sont relatives à l'espace exigu qui leur est attribué, aussi bien pour le repos que pour le rangement des effets vestimentaires et de manière générale la manie qu'on les employeurs de les accuser, la plupart du temps injustement, de vol.

Cependant il existe bel et bien des employeurs qui donnent aux termes « faisant partie intégrante de la famille » tout son sens, ce qui se traduit par une prise en charge médicale, des cadeaux en nature et en espèces. Cette assistance est particulièrement appréciée en cas de grossesse.

C. Le congé de maternité

L'enquête a montré que tous les statuts matrimoniaux (célibataires, mère-célibataires, mariées, divorcées et veuves) se retrouvent chez la population étudiée. Néanmoins, le statut de célibataire qui concerne 75 % d'entre elles chez les 15 à 18 ans est le plus fréquent, ce qui les expose à des grossesses précoces. Au demeurant, la proportion de grossesses chez elles restent assez élevée, ce qui pose la question de leur prise en charge durant la période de congé de maternité par la Caisse de Sécurité Sociale comme tous les autres travailleurs, car l'attitude bienveillante de l'employeur durant cette période et même ses cadeaux, ne sont en rien équivalents à la prise en charge médico-sociale de la Caisse. Mais la question de fond reste le défaut d'immatriculation dont elles font l'objet de la part de leurs employeurs, en violation de la loi 73-37 du 31 Décembre 1973 portant Code de la Sécurité Sociale qui institue un régime de protection sociale au profit des travailleurs salariés dont le personnel domestique permanent, à travers l'octroi de prestations telles que les indemnités journalières de congé de maternité, les prestations familiales... Il n'est pas rare de voir certaines cacher leur état pour travailler et garder leur source de revenus, beaucoup d'employeurs n'hésitant pas à les licencier dès l'apparition des premiers signes.

V. Les motifs de rupture du contrat

Absa Gassama disait à propos des travailleuses domestiques : « Ne jouissant que d'une liberté formelle et étant obligées de travailler, les domestiques s'engagent très vite mais n'hésitent pas à rompre leurs contrats tacites, non écrits et peu avantageux, dès qu'elles trouvent de meilleures conditions de travail ou une rémunération plus élevée27 ». Cela montre d'une part, la substituabilité qui existe dans les segments aux niveaux de qualifications faibles caractérisés par

27 Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, p. 171-184

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les bas salaires et d'autre part, l'existence de griefs formulés de part et d'autre qui ont tendance a mettre fin aux contrats prématurément.

En d'autres termes, s'il arrive souvent que les employeurs licencient leurs domestiques sans coup férir, ce pouvoir est quelque peu contrebalancé par le recours de celles-ci à la démission dans les mêmes conditions, sauf qu'ici l'employeur peut user du moyen de pression que constitue le salaire en le versant tardivement, dans le meilleur des cas.

« Vous savez nous ne pouvons rien contre celles qui nous emploient. Elles sont des patrons ou connaissent les circuits mieux que nous. Si on les emmène à la police parce qu'elles ne nous ont pas payé, elles vont nous laisser là-bas.

Dès que tu fais la plus petite faute, elles te grondent, et si ça va loin, elles te mettent à la porte en te demandant de cesser le travail et de revenir à la fin du mois pour être payée. Quelquefois, tu peux faire un mois à courir sans recevoir ton argent qui souvent t'est remis de manière fractionnée.

La seule voie de recours, c'est de faire venir le tuteur pour qu'il insiste. Parmi nos frères, il y'a des gens qui s'occupent du recouvrement. C'est vraiment facile de quitter son employeur parce que simplement, il ne peut pas payer ou il utilise ta paie pour autre chose et le mari l'emmerde au point qu'elle croit que tu es à l'origine de tout ça ».

« Moi, mon dernier contrat a pris fin parce que ma patronne m'a accusée de vol. Un jour, de retour d'une cérémonie d'une de ses copines, elle à déclaré avoir perdu 7.500 FCFA qui étaient sous l'oreiller. Rapidement pendant que je faisais la vaisselle, elle s'agrippa à moi pour me demander l'argent. Je déclarais n'avoir rien vu et tout de suite elle prit la décision de m'emmener à la police.

Nous nous y sommes rendues et après les explications, le policier nous a demandé de repasser en m'invitant de venir avec mon tuteur car j'avais 17 ans. Ainsi prenait fin mon contrat. Par la suite on lui a demandé de bien chercher chez elle ».

Aujourd'hui, avec la grande mobilité verticale et ascendante dans le secteur, les exigences des employeurs sont telles qu'elles ont de moins en moins de temps pour former des domestiques, elles recrutent directement des filles expérimentées, si leurs moyens le permettent. En effet, il y'a lieu de souligner la formation qualifiante que dispensent les employeurs sans aucune contrepartie en ce qui concerne des aptitudes particulières, le contenu des tâches n'étant pas homogène diffère d'une famille à l'autre. Cet aspect ressort

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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dans ce témoignage : « Si on te confie des travaux, c'est à toi de voir si tu as toutes les aptitudes requises ; tu es libre de refuser. Si on te confie des tâches que tu ne sais pas faire, il faut le dire pour qu'on te l'apprenne. C'est comme la cuisine, il existe plusieurs façons de la faire. Chaque femme a sa manière particulière ».

Cette valeur ajoutée difficilement quantifiable à l'actif des employeurs qui n'intègre aucune clause de fidélité est à la base de la mobilité professionnelle, puisqu'elle est réinvestie dans la recherche d'un meilleur emploi comme l'a affirmée A. Gassama : « les compétences s'acquièrent par apprentissage et par cumulations d'expériences, dans les familles urbaines. Le cumul de savoir-faire et de savoir-être permet aux travailleuses de passer des familles employeuses les plus modestes à celles qui peuvent offrir un salaire plus élevé, d'où l'instabilité des domestiques, surtout en période de tension du marché. A la stabilité des bas salaires, la travailleuse domestique semble préférer l'instabilité provoquée par la recherche d'un salaire élevé28 ». Plus loin, elle mentionne les principales causes de rupture des contrats : « Parmi celles-ci, nous pouvons noter la maladie et les conflits liés aux horaires et à l'ampleur du travail. Nous trouvons également des motifs stratégiques comme les départs pour trouver un meilleur emploi ou des motifs plus graves comme le harcèlement sexuel29 ». Les témoignages recueillis confortent cette thèse et ajoutent d'autres motifs non moins importants.

A. Les raisons avancées par les employées de maison

Diverses raisons sont avancées mais les plus importantes sont les suivantes :

- Salaire insuffisant, fractionné ou non perçu

- Disputes fréquentes

- Maladies

- Grossesses

- Traitements dégradants

- Jalousie excessive des patronnes

- Mariages

En ce qui concerne les employeurs les causes de rupture sont diverses, mais celles-ci sont

28 Ibidem p. 62

29 Ibidem p. 63

plus fréquentes.

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B. Les motifs de licenciement

- L'incompétence

- Le vol (la perte de confiance)

- Les absences répétées

- Les grossesses

- La paresse

- La maladie

- Le (long) séjour au village

Ainsi, comme nous venons de le voir, les motifs de rupture sont variés et souvent sujets à contestation par l'autre partie, mais les voies de recours ne mènent pas plus loin qu'au poste de police que d'aucuns estiment être de connivence avec les employeurs. Par conséquent, la procédure de règlement des conflits individuels gérée par l'Inspection du travail est parfaitement ignorée, sauf dans les segments restreints impliquant des employeurs expatriés ou libano-syriens.

VI. L'état du contentieux dans ce domaine

A ce niveau, il faut rappeler que les conflits (qui ne peuvent être qu'individuels dans ce secteur d'activité) survenant à l'occasion du contrat sont pris en charge, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, non pas par la police, mais par l'Inspection du Travail et de la Sécurité Sociale et par les tribunaux du travail en vertu des dispositions des articles L 241 et L 229 du Code du Travail.

Cependant, beaucoup de différends concernant des employés de maison sénégalais et la catégorie d'employeurs mentionnée plus haut ont été effectivement pris en charge par l'Inspection régionale du travail de Dakar avec des fortunes diverses. Ces recours portés devant l'inspection du travail sont moins le résultat d'une nouvelle conception du rôle de l'inspection du travail de la part des employés de maison que l'action de syndicalistes véreux , qui se préoccupent plus de commissions que du respect des droits des travailleurs domestiques.

A. A l'inspection régionale

De nombreux conflits individuels ont été réglés avec succès et ont fait l'objet de procès-verbaux de conciliation de janvier 2008 à février 2009.

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Les réclamations ont généralement porté sur la prime de transport, le défaut de bulletin de salaire, la non prise de congé, l'indemnité de congé, l'indemnité compensatrice de congé, la prime d'ancienneté, la régularisation aux institutions de prévoyance sociale, les rappels différentiels de salaire, la non prise du repos hebdomadaire. Pour les cas où la relation de travail ne s'est pas poursuivie, les chefs de réclamation ont porté sur des dommages et intérêts, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de congé et la remise du certificat de travail.

Plus de la majorité des 55 cas répertoriés durant cette période intéressaient des domestiques travaillant pour le compte d'employeurs non sénégalais ayant bafoué les droits de leurs employées pour l'une ou l'autre des raisons évoquées ci-dessus.

Ils se répartissent de manière inégale selon les mois comme on peut le voir sur le tableau.

Mois

Nbre

conciliation

Mois

Nbre

conciliation

Mois

Nbre

conciliation

janvier

(2008)

2

juin

4

novembre

2

février

1

juillet

6

décembre

6

mars

4

août

0

janvier

0

avril

9

septembre

2

février

9

mai

2

octobre

8

 
 

Cependant, l'exercice des bons services de l'Inspection régionale de Dakar s'est souvent heurté à l'incivilité et la mauvaise volonté de certains employeurs de régler les conflits à l'amiable. En effet ; ce ne sont pas moins de 26 procès-verbaux de non-conciliation qui ont été dressés et transmis au tribunal du travail, de janvier à décembre 2008, d'après le tableau ci-dessus :

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présenté par Ibra Ndoye

 
 
 
 
 
 

Mois

Nbre p.-v.

Mois

Nbre p.-v.

Mois

Nbre p.-v.

janvier(2008)

1

mai

4

septembre

1

février

2

juin

0

octobre

5

mars

3

juillet

0

novembre

3

avril

4

août

1

décembre

2

B. Au tribunal régional

Au niveau du tribunal du travail, la procédure de règlement des conflits individuels est à peu près la même qu'à l'inspection du travail, puisque la tentative de règlement à l'amiable y est également une formalité substantielle. L'article L. 251 du Code du Travail que : « lorsque les parties comparaissent devant le président du tribunal du travail, il est procédé à une tentative de conciliation ». C'est seulement en cas d'échec que le président déclare ouverte la phase contentieuse. Malheureusement, cette phase est caractérisée par la lourdeur de la procédure qui peut si elle perdure porter préjudice au requérant ; d'autant plus que les jugements rendus en dernier ressort et les arrêts de la cour d'appel sont susceptibles de recours devant la chambre sociale de la cour suprême. C'est pour dire comme le dit l'adage un mauvais accord vaut mieux qu'un bon procès. Cependant, l'on doit se garder à l'étape de l'inspection du travail d'entériner un accord susceptible de porter atteinte aux intérêts irréfragables du travailleur.

A noter qu'en cas d'urgence, la formation de référé peut permettre d'abréger les délais au niveau du tribunal.

Chaque année de nombreux procès-verbaux de non conciliation sont transmis au tribunal du travail par l'inspection régionale du travail et de la sécurité sociale, dont elle ignore la suite qui leur sera réservés. En effet il n'y a à ce jour aucun feedback en direction de l'inspection, ce qui dénote de l'absence de collaboration entre ces deux maillons du système. Par ailleurs, la réglementation sur le travail domestique que nous avons revisité dans la première partie connaît une application marginale au Sénégal ; d'où la nécessité de voir dans ce qui suit les principales causes de cette situation qu'on peut qualifier de paradoxale.

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Chapitre II Les principales causes de la

non application des dispositions légales

En Afrique, il n'y a pas eu de droit du travail pendant une bonne partie de la colonisation, et des drames comme « la traite négrière et le travail forcé étaient même une négation du droit du travail30 ». Ce ne fut finalement qu'après les années trente et surtout à la fin de la seconde guerre mondiale que les premières bribes de législations virent le jour. Cette lente évolution arriva à terme en ce qui concerne les pays francophones en 1952 avec le Code du travail d'outre-mer, largement inspiré des textes métropolitains. Est-ce que ce n'est pas cette référence initiale qui a engendrée des écarts entre le droit et le fait comme beaucoup d'auteurs le pensent ?

Ousmane Oumarou Sidibé est de ceux-là ; il soutient que la cause de ces écarts est liée aux deux conceptions différentes qui subsistent toujours en Afrique. D'une part la conception, décalée de la réalité selon laquelle, il existe un cadre formel des relations de travail englobant une minorité de travailleurs, les salariés des villes qui usent de leurs droits à la négociation collective et à l'action revendicative à travers la grève et la protestation. D'autre part, le second modèle correspondant davantage aux réalités africaines puisqu'il concerne à la fois les travailleurs du secteur formel et du secteur non structuré, agriculteurs, artisans, commerçants etc. Malheureusement, les Codes du Travail ne tiennent compte que des travailleurs du cadre formel, classique, plus proches des réalités des pays du Nord. Ce qui milite en faveur de la thèse selon laquelle, « le formalisme excessif des textes inadaptés au contexte africain, ajouté à l'insuffisance notoire des administrations du travail sur le plan logistique et organisationnel font que l'essentiel du monde du travail échappe en pratique à la législation du travail 31». En ce qui concerne les employées de maison, cette exclusion de fait du champ des relations sociales est accentuée par de nombreuses particularités propres à l'activité domestique.

I. Un contrat de type particulier

30 Ousmane Oumarou Sidibé, réalités africaines et enjeux pour le droit du travail, Afrilex 2000/00

31 Ibidem

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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La première particularité du contrat des gens de maison c'est que dans l'écrasante majorité il n'y a pas de contrat, comme on a eu à le constater lors de nos entretiens. Tout au moins, tout ce qu'il y'a c'est un contrat oral dont les clauses sont imprécises se limitant souvent au montant du salaire. L'oralité qui reste un grand trait de notre civilisation subsiste dans plusieurs domaines et relègue toujours l'écrit au second plan. Cet héritage culturel conjugué à l'analphabétisme endémique chez les femmes, malgré les percées notoires du Programme Décennal pour l'Education et la Formation avec ses composantes accès, qualité et gestion, éloigne de plus en plus le voeu de voir l'adoption de contrats écrits. En dépit des efforts importants réalisés dans le cadre des campagnes d'alphabétisation, seuls 37,8% des adultes (âgés 15 ans et plus), ont la capacité de lire et écrire dans une langue quelconque. C'est dire que le fléau de l'analphabétisme persiste encore surtout chez les femmes avec plus de 70%, d'après les chiffres de 2005 repris dans le DSRP II. Par conséquent l'absence de contrats écrits coule de source ; aucune des parties n'en perçoit la pertinence étant donné que pour établir un contrat de travail il faut au moins savoir lire. Même l'absence de contrat n'entame en rien la validité de la relation de travail, « la preuve de son existence pouvant être apportée par tout moyen32 » il se pose le problème du respect des clauses orales du contrat, le respect de la parole donnée auquel nos anciens tenait beaucoup n'a plus la même importance de nos jours.

Une autre particularité est à rechercher dans les parties en présence, qui sont toutes deux exclusivement des personnes physiques ; l'employeur et le travailleur unis par un lien de subordination fortement personnalisé que le premier exerce sur le second. Cette ascendance démesurée de l'employeur s'explique par la dépendance matérielle33 voire l'assujettissement de l'employé ; celle-ci est accentuée et devient même psychologique lorsque l'employé est logé par son patron. Le caractère invisible du travail domestique rend difficile toute organisation des travailleurs domestiques en vue de revendiquer leurs droits. La conséquence en est, et cela reste la troisième singularité, que le taux de syndicalisation est très faible car l'isolement rend difficile la constitution de syndicats tout comme l'établissement de contacts entre eux.

En outre, la cohabitation avec l'employeur entretient chez le travailleur domestique l'idée qu'il « fait partie de la famille », situation ambiguë dans laquelle la frontière entre les relations

32 Loi 97-17 du 1er Décembre 1997, article L. 32

33 BIT : S'organiser pour plus de justice sociale, rapport du directeur général (Genève, 2004)

professionnelles et les relations affectueuses n'est pas clairement tracée, si bien qu'il est difficile à l'employeur de reconnaître les droits de son employé et à ce dernier de les faire valoir34. En d'autres termes, le travail domestique « occupe aujourd'hui une zone floue entre les relations marchandes et les relations non marchandes »35

Enfin, on peut noter le silence de la législation qui s'est fait sentir dans ce secteur plus que dans tout autre au nom du principe de non-ingérence de l'Etat dans la vie privée qui gêne surtout en ce concerne l'application qui passe forcément par un contrôle.

C'est ce caractère invisible de l'emploi domestique susmentionné qui fait dire qu'il « dissimule36 » ses travailleurs parmi lesquels on compte de nombreuses fillettes qui sont recherchées pour leur docilité, car n'ayant pas encore contracté « de mauvaises habitudes » comme l'ont affirmé certains employeurs et leur coût moindre. Malheureusement, ce travail réalisé à l'abri des regards indiscrets fait le lit de beaucoup d'abus graves tels que les violences physiques, le harcèlement sexuel et même des viols qui finissent rarement en justice car les victimes restent convaincues que la loi les déprotège. Sans compter qu'il est souvent difficile de fournir des preuves du fait que les membres de la famille de l'employeur ne vont jamais témoigner à charge contre leur père, tante ou soeur. A ces caractéristiques du contrat de travailleur domestique se sont ajoutés d'autres facteurs bloquants de divers ordres qui feront l'objet d'une étude minutieuse ci-après, lesquels ont tous contribué à son essor sans que l'encadrement juridique ne suive.

A. Des raisons socioculturelles

Conformément à une tradition répandue en Afrique, il n'était pas rare de voir des familles élargies, pauvres, « prêter » une ou deux jeunes filles à un parent citadin qui avait besoin d'un coup de main dans les tâches domestiques. En retour, ce dernier les soulageait des charges liées à la subsistance et à l'éducation qui est censée être de meilleure qualité en ville, dans la famille d'adoption. Cette pratique appelée aussi « confiage » se faisait dans un contexte où le rôle des filles et des femmes étaient limité à ceux d'épouse et de mère. C'est ainsi que les filles grandissaient avec leur famille d'accueil qu'elles connaissaient bien et étaient plus ou moins acceptées. Il se pose la question de savoir si on était bien en présence d'un contrat proprement dit,

34 Ibidem

35 B. Anderson, Migration policies and vulnerabilities of domestic workers, Hong Kong fév. 2003 p. 16

36 Document de travail ACP-UE sur le travail des enfants, 14 février 2008

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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on est tenté de répondre par la négative du fait du caractère ambigu de la relation, lié au fait que le placement de la fille dans une famille d'accueil visait d'une part à préparer la jeune fille à ses futures tâches de maîtresse de maison, d'autre part il relevait d'un processus de socialisation37. De surcroît, la fille qui s'intégrait bien dans sa famille d'accueil en devenait un membre, ce qui excluait toute revendication ou réclamation au risque de se voir « renvoyé ». Face à l'incertitude relative aux rapports de type familial et ceux de simples échanges marchands chez les employeurs, nous pouvons constater que « plus le salaire est élevé moins on traite les domestiques comme des membres de la famille38 ». Néanmoins, dans d'autres cas l'adulte qui accueillait la fille jouait le double rôle de tuteur et d'employeur paradoxalement, ce statut hybride ne la mettait pas à l'abri d'éventuelles maltraitances, d'autant moins que le non respect de ses droits était mis sur le compte de l'éducation et de la socialisation.

Plus tard, avec le développement de l'exode rural suite aux vagues de sécheresse du début des années quatre-vingt qui ont eu pour conséquence le dépeuplement des campagnes, il a été noté un important flux migratoire saisonnier de jeunes des deux sexes qui était l'unique réponse face aux nombreuses contraintes de la campagne. C'est ainsi que des jeunes filles sans moyen et même sans aucune qualification parvenaient à se procurer un revenu synonyme de nouvelles perspectives dans la vie. Cette nouvelle opportunité économique qui s'offrait à des milliers de jeunes filles a progressivement sonné le glas de l'assistance ménagère intrafamiliale, sans transition, ce qui augurait de l'impréparation dans laquelle les employeurs étaient pour s'acquitter de manière adéquate des nouvelles obligations qui pesaient sur eux. D'autant plus que le déséquilibre dans la relation de travail employeur-employé en défaveur de ce dernier, s'accentue dans le travail domestique, le transfert de main-d'oeuvre se faisant des ménages pauvres vers les foyers riches. Bref, c'est une nouvelle division du travail qui s'instaure entre des citadines souvent éduquées et femmes migrantes dont l'emploi tout comme les conditions de travail sont souvent précaires.

B. Précarité de l'emploi

D'abord il faut dire qu'on choisit rarement d'être domestique, mais c'est à la suite de problèmes tels que la négligence des parents qui prive les enfants de leurs droits fondamentaux ou de drames familiaux (décès du père qui subvenait aux besoins de la famille, divorce, décès du

37 « Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes à Dakar, mars 1994

38 Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184

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mari ; les hommes étant beaucoup plus âgés que leurs épouses) qui plongent les filles et jeunes femmes dans cette activité.

Dans ce même ordre d'idées, l'appartenance à une famille nombreuse dont le chef ne peut subvenir aux besoins primaires de sa progéniture est également considérée comme un facteur d'impulsion.

Il y'a également des facteurs d'attraction tels que la reproduction sociale et l'influence des pairs qui se sont opérés dans un contexte de mutation sociale. En effet, « le processus d'urbanisation a été à l'origine d'un changement social qui a modifié le rôle des femmes et des mères qui doivent à présent trouver des solutions pour s'occuper de leurs foyers et de leurs enfants39 ».

La précarité du travail domestique se mesure à l'aune du marché essentiellement informel où il s'échange, des termes des contrats implicites qui s'y nouent et enfin des motifs de rupture dont nous avions parlé dans les développements précédents.

L'examen des conditions de travail nous a permis de voir que les journées de travail sont longues et qu'il n'y a presque pas de congés hebdomadaires ni annuels. Et pis encore, il n'y a pas de congé de maternité ni de maladie. Par conséquent, la pénibilité du travail engendre une dégradation précoce de la santé.

Par ailleurs, on remarque aussi que « la rémunération du travail domestique est aussi affectée par le manque de prise en charge médicale, des risques du travail et de la vieillesse qui influent directement sur la reproduction et sur le travail des enfants qui prennent la relève en cas d'incapacité des parents, pour assurer la retraite ou pour améliorer le revenu, suivant le modèle de solidarité familiale des communautés domestiques40 ».

La seule note d'espoir réside dans le fait que le marché non qualifié des travailleuses domestiques se structure ; une identité professionnelle et des causes communes à défendre ensemble sont nées, bref une prise de conscience grosse de perspectives. Toutefois, la structuration du marché du travail domestique est loin d'être homogène, on n'y a noté une dichotomie ; ce qui vient confirmer la thèse défendue par les tenants de la segmentation du marché de l'emploi.

39 Travail domestique des enfants en Ouganda, Tanzanie, Zambie et au Kenya : bonnes pratiques innovantes pour le combattre, Dakar, BIT, 2007

40 Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184

C. La segmentation du marché de l'emploi domestique

La théorie de la segmentation du marché du travail si chère à P. B. Doeringer et M. J. Piore fait référence au mythe d'un système inégalitaire. Ainsi, on est non plus en présence d'un mais de deux marchés du travail. Sur le premier, on trouverait les emplois stables, relativement bien payés avec à l'appui une possibilité de carrière. Dans ce compartiment, les travailleurs sont nantis d'une certaine valeur ajoutée qui reste l'élément décisif. A contrario, sur le marché secondaire, on trouve des entreprises confrontées à des contraintes conjoncturelles et concurrentielles qui répercutent l'incertitude sur leurs salariés.

Une autre variante de cette segmentation au sein des grandes entreprises se manifeste par le dualisme qui permet de distinguer un marché interne où les salariés bénéficient de nombreuses garanties avec des perspectives de promotion, et un marché externe sur lequel retombent les contraintes de la flexibilité. C'est ainsi que par le biais de l'externalisation, le gardiennage et les services d'entretien sont effectués par des entreprises recourant à une main-d'oeuvre déprotégée.

Le marché du travail domestique41 au Sénégal n'échappe pas à cette donne, sauf qu'ici les segments sont multiples. « Nous avons pu remarquer que le groupe professionnel précaire des travailleuses domestiques est constitué de plusieurs segments caractérisés par le niveau de qualification et de salaire qu'il induit. Les segments aux niveaux de qualification les plus faibles connaissent les plus bas salaires et sont majoritaires dans les marchés les plus ouverts et les plus instables. Les segments avec un haut niveau de qualification sont les plus nombreux dans les marchés les plus fermés et les plus stables ».

Au Sénégal, dans ce segment plus qualifié où les emplois sont stables, on trouve les domestiques qui sont au service des employeurs expatriés ou Libano-syriens dans une certaine mesure, plus attentifs à la législation car échappant aux pesanteurs socioculturelles. La qualification passe, entre autres, par une certaine maîtrise de la langue française, de certains appareils électroménagers, une certaine ouverture d'esprit, des aptitudes culinaires. De ce fait, les traitements salariaux sont proches de ceux convoités, la protection sociale est garantie ; bref leurs compétences sont reconnues et valorisées. Cependant, il faut noter que ces segments, bien qu'échelonnés, ne sont pas cloisonnés, ce qui génère une certaine précarité de l'emploi étant donné que certaines travailleuses mécontentes de leur sort, sont à l'affût et n'hésitent pas à

41 Ibidem

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s'engager pour le compte d'un plus-offrant, car la non application de la réglementation, par delà les manifestations liées à la sociologie des professions, s'explique également par de multiples causes dont la vulnérabilité qui frappe ce groupe professionnel.

D. La vulnérabilité des employés de maison

Les travailleuses domestiques sont vulnérables en ce sens qu'elles sont entre l'enclume d'une réglementation qui peine à leur forger un statut véritable dans l'univers des travailleurs et le marteau du diktat des employeurs qui retardent encore leur aspiration à gagner leur vie avec dignité. Cette situation découle de la conjonction de plusieurs facteurs notamment leur situation de femmes (filles) migrantes issues du milieu rural, analphabètes ou déscolarisées dont l'unique espoir reste le louage de leur savoir-faire et leur savoir-être dans un marché du travail saturé, très ouvert car n'exigeant pas de qualification poussée, d'autant moins que c'est « un travail de femme 42». Cette vulnérabilité est accentuée par l'absence de leurs parents biologiques surtout chez les plus jeunes, et l'absence de réseaux de soutien à même de faire un lobbying à leur faveur, donc elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes. La non prise en compte du travail domestique dans beaucoup de pays, le fait qu'il ne peut pas encore se départir d'une dimension servile qui avait prévalu à une certaine époque, l'absence de protection sociale, bref tout ces « déficits de droits » sont liés à une question de genre : les femmes étant toujours victimes de discriminations nonobstant les campagnes tapageuses pour l'émancipation et la parité. On avait évoqué l'isolement, la dépendance et le cloisonnement qui caractérisent l'activité domestique qui font de ces travailleuses des proies faciles face à des employeurs malintentionnés en ce qui concerne des abus physiques, psychologiques, sexuels ou moraux. Le journal, Walf'Grand-place43 est revenu sur l'affaire opposant une domestique à son employeur, polygame vivant seul à Ouest-Foire, qu'elle a accusé de viol. Ce dernier l'avait trouvée au rond-point Liberté 6 et ils étaient tombés d'accord sur un salaire de 30.000 FCFA. Le plus grave c'est que ce monsieur est un récidiviste puisqu'il avait été condamné à six mois de prison ferme en septembre 2008 pour une accusation de viol sur une domestique. Dans cette seconde affaire, il a expliqué que c'étaient des rapports consentants pour flouer le tribunal. Des scandales pareils ne sont pas rares au niveau des familles employeuses mais l'on opte souvent pour le règlement à l'amiable ou la dénégation, ce qui rend la fourniture de preuve très ardue pour les victimes qui finissent par ne plus se perdre

42 Travail domestique des enfants en Ouganda, Tanzanie, Zambie et au Kenya, op cit p. 71

43 Walf'Grand-place, N° 1015, vendredi 24 avril 2009

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dans les dédales de la justice. C'est dire que quand une affaire s'ébruite, il y'en a des dizaines tues. Ainsi, il faudrait nécessairement qu'une structure d'assistance judiciaire soit mise en place pour que de tels abus cessent.

Ce n'est donc pas un hasard si l'on constate au niveau des domestiques une proportion élevée de mère-célibataires, de grossesses précoces et une forte propension à l'infanticide voire l'avortement clandestin car un enfant sur le dos ne rime pas avec un bon rendement dans le travail, si l'on se met à la place de l'employeur. Celles qui, malgré tout, trouvent du travail doivent se contenter d'un salaire dévalué. Peut-être qu'une éducation à la santé de la reproduction, sur la prévention du VIH serait tout à fait indiquée pour cette cible pour éviter ces déboires.

A coté des conditions de travail peu enviables, il faut souligner que les conditions de vie sont aussi déplorables. Plus de 3/4 des travailleuses domestiques logent par groupe de 11 personnes, en moyenne. Elles s'entassent dans des pièces mal aérées sommairement équipées, loin de sanitaires, sans accès directe à l'eau courante, dans des quartiers mal famés, puisque ce sont les seules habitations à portée de leurs maigres avoirs. C'est pourquoi beaucoup préfèrent habiter chez l'employeur, ce qui leur permet de faire des économies sur le transport, le loyer et la nourriture, même si le travail n'y connaît pas de répit.

En outre, s''il est vrai que le harcèlement sexuel est courant dans le monde fermé du travail domestique, il ne faudrait pas toujours jeter l'anathème sur les employeurs, car il existe de filles, une minorité je présume, qui sèment le trouble dans de paisibles ménages par des pratiques moralement détestables, si l'on en croit aux dires de Tata Michelle, une intermédiaire qui a pignon sur rue au rond-point Liberté 6. Cela nous emmène à nous interroger sur la connaissance des prescriptions légales incombant aux deux parties.

E. L'ignorance des droits et obligations liés à l'activité domestique

L'employée de maison n'a pas que des droits, même si beaucoup d'entre ceux qui lui sont reconnus par la législation sociale ne sont pas encore tombés dans son escarcelle, elle a aussi des devoirs. Ceux qui relèvent des clauses du contrat de travail, aussi implicites soient-elles, et des principes moraux qui doivent régir son comportement dans la gestion et le respect du bien d'autrui. Durant les entretiens, certaines ont insisté sur « le double rôle de domestiques et de gardiennes qu'elles jouent durant la journée, ce qui les expose à de nombreuses difficultés, car

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leur responsabilité est engagée pour tout dommage ou toute disparition 44». Ce qui leur vaut parfois d'être amenées au commissariat et interrogées sans ménagement.

Les domestiques doivent veiller à :

- S'acquitter consciencieusement de leur travail et à respecter les biens de l'employeur

- Ne pas outrepasser leurs prérogatives

- Ne pas mettre en péril l'équilibre des couples - Ne pas perturber l'harmonie familiale

Les employeurs ont beau détenir le pouvoir de direction, de sanction mais pourvu qu'ils s'acquittent normalement des obligations qui pèsent sur eux, ne serait-ce qu'en reconnaissant le rôle central que joue les travailleuses dans l'équilibre de leur foyer. « Nous aspirons aux mêmes idéaux que nos employeurs qui sont des femmes comme nous. Nous assumons les tâches domestiques, nous les libérons en leur donnant le temps de se mesurer à d'autres ou de monnayer leur talent pour que respect et admiration leur soient dus45 ». Par conséquent, il est aujourd'hui impérieux que :

- Les employeurs aient une meilleure considération de leurs employées de maison, et plus de respect pour elles.

- Les tâches et les horaires de travail tiennent compte de leurs capacités, de leurs compétences et de leurs aspirations légitimes.

- La parole donnée lors des négociations en vue d'établir le contrat de travail soit respectée.

II. Le caractère temporaire de l'activité Ce caractère découle de plusieurs facteurs :

A. La conception traditionnelle de l'activité

C'était une activité qui n'était qu'une parenthèse dans la vie de la jeune fille, en ce sens qu'elle lui permettait de gagner sa vie pour subvenir à ses besoins immédiats (habillement, nourriture etc.), à aider ses parents en attendant de trouver un mari et rentrer au village.

La finalité de ce « modèle marchand » était la même qu'avec le système du placement dans une famille d'accueil connu aussi sous le vocable de « prêt social ». Ce dernier, dont on a déjà parlé,

44 « Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes à Dakar, ENDA, 1993, p. 29

45 Ibidem

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consistait à transférer la responsabilité de l'éducation, de la socialisation qui incombait aux parents biologiques vers une tierce personne, souvent un parent. Dans les deux cas, le travail prenait fin avec le mariage et l'ex-employée rejoignait le domicile conjugal nantie d'une expérience durement acquise qu'elle va mettre à son propre profit.

B. Les conditions de travail difficiles

Aujourd'hui, celles-ci sont souvent caractérisées souvent par une certaine pénibilité à cause de la durée de la journée de travail, de l'absence de repos, de la non prise en charge de la maladie et de la maternité qui génèrent un surmenage physique et psychologique, bref une dégradation précoce de la santé qui mènent beaucoup vers une retraite anticipée tout aussi incertaine. Heureusement, le phénomène de la reproduction aidant, il arrive souvent que ces vaillantes dames encouragent ou obligent leurs enfants à suivre leur trace. Cela est d'autant plus facile que leur connaissance du milieu leur permet de placer leurs filles, nièces qui peuvent malheureusement être retirées de l'école si elles font l'affaire.

En réalité, cette retraite doit être relativisée car celles qui ne retournent pas au village se reconvertissent dans d'autres activités pour pallier la perte de revenu.

C. La mobilité verticale

Elle se traduit par une reconversion partielle ou totale dans une autre activité ; celle-ci dépend de plusieurs facteurs notamment l'âge, la situation matrimoniale, l'état physique de la personne. La reconversion partielle, puisque la sphère de travail reste la maison ou sa périphérie, se fait par des contrats de prestations de service qui concernent principalement le lavage du linge et le repassage une fois par semaine au profit de plusieurs familles, rétribués journalièrement ou mensuellement. Une femme reconvertie, qui s'est lancée dans ce « filon » évalue ses aspects positifs en termes d'autonomie, donc absence de lien de subordination fort, de temps de repos suffisant et de gains corrects. « Nous pouvons gagner autant ou plus pour un travail moindre » dit-elle. Seulement, le problème qui se pose reste la fidélisation des clients pour avoir d'importantes commandes. Mais il faut dire que la reconversion concerne aussi de jeunes filles avec peu d'expérience.

D'autres femmes choisissent d'être des pileuses ou vendeuses d'eau et opèrent dans les quartiers en construction. A celles-là s'ajoutent les intermédiaires ou courtiers qui encadrent et placent de

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jeunes domestiques aux niveaux des aires de regroupement moyennant commissions.

La reconversion totale se fait dans le secteur du petit commerce : vente de céréales, de couscous qui nécessite un petit capital. Cependant d'autres projets plus ambitieux tels que les salons de coiffure, la couture germent dans la tête de ces travailleuses car le travail domestique ne leur offre pas les opportunités dont elles ont rêvées.

D. Absence de perspectives d'avenir du travail domestique

Le contexte de crise économique durement ressenti par les familles employeuses qui s'est traduit par des conditions de travail difficiles n'a pas infléchi le flux migratoire qui alimente le marché qui a atteint son seuil de saturation. L'enquête publiée dans le DSRP2 a montré que les ménages ruraux sont plus pauvres que ceux urbains d'où ce phénomène d'appel d'air qui a fini par désorganiser les structures villageoises avec le départ des bras valides.

Par ailleurs, la saisonnalité de l'activité est un autre des traits particuliers du travail domestique au Sénégal.

E. La saisonnalité de l'activité

Elle empêche le passage à un stade de professionnalisation de l'activité, synonyme d'une marchandisation de services domestiques, stable qui romprait avec son informalité. Cette précarité « a plongé les relations entre employeurs et employées dans une crise latente qui affecte les femmes employeuses alors qu'elles comptent de plus en plus sur la participation des domestiques aux tâches ménagères pour pouvoir s'en libérer elles-mêmes46 ». Le marché a beau être saturé mais les départs cumulés durant certaines périodes telles que la saison des pluies sont synonymes de fluctuations du marché qui entrainent la diminution de l'offre. Néanmoins il faut relativiser l'impact de cette « morte-saison », car c'est le moment choisi par une autre catégorie de travailleuses à temps partiel pour prendre la relève. Il s'agit essentiellement d'élèves qui contrairement aux autres sont toujours dans le circuit scolaire et dont la principale motivation est de mettre de l'argent à de côté pour faire face aux futures dépenses scolaires : frais de scolarité, effets vestimentaires etc.

Au vu de tous ces aspects sociologiques qui empêchent l'appropriation des textes réglementaires

46 Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184

par les deux parties car n'étant pas en phase avec les us et coutumes du milieu, ce qui permet de tirer la conséquence suivante : «bien qu'il existe des textes de loi sur le personnel domestique, le marché de l'emploi reste « informel » et échappe largement aux régulations officielles47 ».

III. Des dispositions irréalistes

« La réglementation ne cadre pas avec les réalités socio-économiques ; si la situation perdure et, est tolérée, c'est parce que la masse s'y complait48».

Du coté des employeurs, on dénonce les prescriptions du droit social, car certains se disent aussi victimes d'écarts par rapport au SMIG par exemple, ou qu'ils sont étrangers à toute sorte de régulation car évoluant dans le secteur informel. Mais nous savons bien que cet argumentaire ne saurait prospérer, la loi étant impersonnelle et s'imposant à tous. Le SMIG (209,10 FCFA /heure) du fait qu'il remonte à 1996 est largement dépassé aujourd'hui, d'autant plus que, même le salaire conventionnel hiérarchisé du manoeuvre première catégorie, c'est-à-dire sans qualification est à 317,94 FCFA.

En outre, si la réglementation donne à l'employeur le droit de déduire du salaire de son employé la valeur de la nourriture et du logement, si ceux-ci sont fournis, force est de constater qu'il est de coutume chez la quasi-totalité des employeurs sénégalais d'accorder ces éléments du salaire indirect gratuitement. Cette prédisposition chez beaucoup d'employeurs est significative car elle montre que la loi, si elle va à l'encontre de nos valeurs culturelles a du mal à s'imposer. Ainsi, les salaires quelque modiques qu'ils soient pourraient même dépasser le salaire minimum si on évaluait toutes ces libéralités octroyées.

Craignant d'être perdantes si les employeurs mettaient en oeuvre cette prérogative, retenues fiscales et salariales, les intéressées elles-mêmes, paradoxalement doit-on dire, préfèrent le statu quo et militent plutôt pour une application progressive et non aveugle de la loi.

Malgré le fait que la pilule des salaires ne puisse pas encore être avalée par les employeurs, les autorités compétentes (le ministre du Travail par voie réglementaire) n'ont de cesse de rehausser les salaires des employés de maison. Ce fût le cas depuis la dévaluation du franc CFA où de nombreuses augmentations de salaires ont été consenties dans l'optique d'indexer les salaires sur le coût de la vie. De ce fait, les salaires minima prévus par l'arrêté ministériel n° 1609 du 7

47 Ibidem

48 Entretien avec Mamadou Ndiaye, coordonnateur ENDA Graf, Golf Sud Dakar

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février 2000 qui consacrait la dernière hausse enregistrée ont été revalorisés par celui n° 1036 du 9 avril 2002. Seulement, ces avancées sont d'autant plus incongrues que dans la pratique les salaires hiérarchisés prévus par l'arrêté 974 du 23 janvier 1968 ne sont pas respectés par la grande masse des employeurs qui semble anesthésiée ou dépassée par ces conquêtes virtuelles. Cela renforce le caractère irréaliste de ces dispositions réglementaires qui se heurtent à un mur d'incompréhension au soubassement culturel voire socioéconomique. Ainsi, on peut bien se demander pour qui cette réglementation est-elle faite ? Sûrement pas pour les seuls employeurs expatriés ou la poignée de sénégalais nantie qui y prête attention. L'indifférence des autres découle d'une ignorance des textes dont la teneur et la portée ne sont connues que des seuls spécialistes du droit du travail. Par conséquent, un large travail de sensibilisation doit être mené dans le cadre des stratégies à mettre en place par les différents intervenants qui se préoccupent du devenir des employées de maison qui aspirent aussi au mieux-être, à la dignité, pour une jouissance effective du fruit de leur labeur.

Autant, le dire toute de suite, cette lutte n'est pas gagnée d'avance et les employées auront à compter sur leurs principales alliées ... elles-mêmes, car ne sont-elles pas les mieux placées pour parler et agir pour la défense de leurs droits ?

Les défis interpellant les différents intervenants et

recommandations

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Chapitre I Les stratégies des acteurs pour

l'amélioration des conditions de vie et de

travail des employées de maison

I. Efforts d'organisation des travailleurs domestiques et actions en leur faveur

A. De la communauté au syndicat

1. DE TIMIDES DEBUTS

Malgré leur condition de vie et de travail, les employées de maison se sont organisées entre elles, par affinité ethnique (Diolas, Sérères, Wolofs), c'est-à-dire en fonction de leur lieu d'origine. C'est ainsi que nombreuses associations ont été mises en place, tournées essentiellement vers la gestion de situations d'urgence (décès, maladies, autres problèmes) mais également de modestes investissements au village (réfection salles de classes, réparation de forages etc.).

Elles vivent en groupes solidaires dans les quartiers populaires des grandes villes du pays. Cette vie communautaire obéit très souvent aux traditions du village. L'ainée joue le rôle de protectrice de toutes. Elle représente ses camarades auprès du propriétaire de la maison. C'est encore elle qui effectue la médiation en cas de conflit entre un membre du groupe et son employeur, son action est aussi décisive pour recouvrer un salaire non versé.

A l'origine, ces associations d'entraide par carré communautaire ne se focalisaient pas sur l'amélioration de leurs conditions de travail. Il a fallu le contact avec d'autres personnes ou groupes de personnes et structures pour mettre sur pied de manière formelle des associations

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pouvant transcender les clivages ethniques et régionaux qui prennent en charge la lutte pour de meilleures conditions de vie et de travail. L'association des « Dames de Coeur » s'est illustrée dans ce domaine.

B. L'association des Dames de Coeur

1. ORIGINE

Soucieux de participer au développement humain et à l'épanouissement des couches déshéritées, il a été créé cette association aux HLM grand Médine, conformément aux dispositions statutaires de la loi n° 61-09 du 15 janvier 1961. C'est une association de femmes unies et animées d'un esprit de bénévolat et d'entraide, apportant ainsi leur modeste contribution à l'amélioration des conditions de vie et d'existence des populations. Cette association a des objectifs d'ordre général, mais consacre une part importante de son action aux employées de maison.

2. OBJECTIFS

Entre autres objectifs, l'association vise à :

- Contribuer à l'émancipation sociale et à la formation civique des femmes,

- Lutter contre la pauvreté et l'analphabétisme,

- Sensibiliser les femmes sur des fléaux tels que le paludisme, le VIH/ Sida, les IST, les

viols et les harcèlements sexuels, les grossesses précoces, le refus de paternité,

l'avortement provoqué (sic)...,

- Offrir des formations aux membres dans des activités génératrices de revenus,

- Créer une mutuelle d'épargne et de crédits plus particulièrement pour les domestiques,

- Sensibiliser le grand public sur les droits des enfants,

- Contribuer à l'amélioration des instruments juridiques de protection de la femme et de

l'enfant.

Pour réaliser cet ambitieux programme, l'association compte sur plusieurs partenaires. 3. PARTENAIRES

Ce sont : ? Enda Tiers monde ? Tous les media confondus

? Le Ministère de la santé ? Les Daaras

4. ACTIVITES

L'association « Dames de Coeur » a eu à mener diverses activités touchant des domaines variés.

a. Aide et assistance aux talibés

A ce jour 20 (vingt) Daaras bénéficient du soutien de l'association qui concerne 1250 enfants.

b. Aide et assistance aux filles domestiques

Plus de 500 filles domestiques sont assistées, encadrées et suivies sur le plan sanitaire. Parmi celles-ci, certaines ont été prises en charge à cause des problèmes personnels qu'elles ont rencontrés dans le cadre de leur travail. C'est ainsi que deux bonnes émigrées, l'une au Liban et l'autre en Angola, ont été rapatriées et rétablies dans leur droit, sans oublier la prise en charge médicale d'une domestique engrossée par son patron qui a refusé la paternité.

En quinze ans d'existence, l'association a relevé une augmentation des abus liés au droit du travail et surtout la prédominance de l'exploitation sexuelle des employées de maison (viols, harcèlement sexuel etc.). Quarante-sept cas de grossesses non reconnues ont été signalés.

Dans la même veine, l'association s'active particulièrement autour de l'affaire M. D. qui est toujours pendante devant la justice.

Agée de 16 ans, M.D. est une employée de maison, fille d'employée de maison. Sa vieille mère travaille depuis 17 ans pour la famille Sarr au Parcelles Assainies comme lingère. Le chef de famille vit avec son frère et tous deux sont polygames. Le premier a 3 épouses, son frère en a deux. La dame travaille cinq jours sur sept pour la famille Sarr. Elle se fait aider par deux de ses filles toutes employées de maison, qui une fois revenues du travail, prêtent main forte à leur vieille maman. Un des fils de M. Sarr, à force d'harcèlement finit par engrosser la petite M. D. Interpellé sur les faits, le garçon refuse d'assumer son forfait au grand dam de la fille. Aujourd'hui, elle a accouché d'une petite fille qui n'aura peut-être pas la chance d'être reconnue par son père. L'association espère bien que la justice tranchera l'affaire en faveur de M. D.

Malgré les nombreuses contraintes, « Dames de Coeur » voit l'avenir avec confiance.

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

5. PERSPECTIVES

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- Construction et équipement d'un centre d'accueil pour enfants en situation difficile et filles domestiques,

- Formation des filles domestiques dans des activités génératrices de revenus,

- Parrainage des enfants talibés et appui des marabouts pour l'amélioration de leurs conditions de vie,

- Diversification des partenaires,

Ces actions notoires de l'association visent entre autres à regrouper les employés de maison pour qu'elles puissent aller en ordre serré dans le sens de poser leurs revendications. C'est d'ailleurs la raison d'être du syndicat des employés de maison.

C. Le syndicat des gens de maison

En vertu des dispositions des conventions 87 et 98 de l'OIT, portant respectivement sur les principes de liberté syndicale et de protection du droit syndical et du droit d'organisation et de négociation collective, qui soit dit en passant, font partie des huit conventions fondamentales, lesquels sont repris par la constitution sénégalaise en son article 25, le syndicat national des domestiques et gens de maison a été mis sur pied, et, est affilié à la CNTS. Son secrétaire général M. Aliou Tandian, est revenu sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés ; elles ont pour noms : « salaires non conventionnels, harcèlements sexuels, longues heures de travail, absence de bulletin de paie ». En outre, ce syndicat plus que tout autre, doit relever de nombreux défis à commencer par la massification qui reste le premier argument d'un syndicat alors que le recrutement se heurte à plusieurs écueils : le caractère hétérogène de ce groupe, son caractère informel, la faiblesse des niveaux de qualification, la répartition ethnique, géographique et l'analphabétisme. En sus de ces contraintes de nature socioculturelle, d'autres liés à l'exercice de la profession concourent à plomber la montée en puissance de ce syndicat. On peut citer pêle-mêle l'isolement, l'ampleur des heures de travail, la non appréhension du véritable rôle du syndicat, comme en atteste le faible nombre d'adhérents.

C'est pour inverser cette tendance défavorable que le syndicat a mis en place un centre de formation et une mutuelle. Il s'agira d'abord d'assurer la formation des membres dans le domaine

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de la teinture et de la couture. Ensuite, il leur permettra de connaître davantage leurs droits. Le centre se propose d'être un outil de vulgarisation à la disposition des employeurs pour leur fournir toutes les informations utiles sur les modalités d'embauche et les dispositions réglementaires. Le syndicat national des domestiques et gens de maison peut compter sur l'expertise de la CNTS pour atteindre ses objectifs, entre autres la massification. « C'est dans cette politique de rassemblement de tous les domestiques que nous essayons de renforcer les capacités de leurs différentes déléguées pour leur permettre d'accroître la sensibilisation » a déclaré Mme Fatou Binetou Yafa, présidente du comité national des femmes de la CNTS. En lui emboitant le pas, Mme Véronique Niouky, présidente des domestiques dit tout l'espoir qu'elle porte sur ce centre de formation, « la démarche est salutaire, elle permet la formalisation de notre travail et l'élimination des sévices auxquels nous sommes confrontées », ajoute-t-elle. C'est dire que beaucoup reste à faire pour que le syndicat des gens de maison occupe sa place dans l'univers syndical sénégalais.

Par rapport à la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle dont ce syndicat était signataire, déjà en 1982, elle dispose en son article premier, quatrième alinéa que « des annexes par branche ou groupe de branches professionnelles tenant compte des particularités de chaque branche, notamment en ce qui concerne les catégories professionnelles dans lesquelles sont classés les travailleurs seront conclus entre les employeurs et les travailleurs représentant les branches considérées ». Il n'a pas été donné de suite favorable à cette disposition, faute d'avoir une organisation patronale représentative. Par conséquent, les employeurs des gens de maison ne sont aucunement liés par ses dispositions qui sont plus favorables. De ce fait, le secteur domestique tout comme le secteur agricole sont déshérités par rapport aux autres secteurs régis par des annexes de la Convention Collective nationale interprofessionnelle. Il appartiendra au syndicat des gens de maison et d'autres qui suivront plus tard , à travers une action éducative d'envergure, de lobbying et de plaidoyer d'aboutir à moyen terme à une organisation forte susceptible d'infléchir dans le sens souhaité la situation des employés de maison. D'où la nécessité de faire appel à d'autres acteurs étatiques ou non qui par leurs actions contribuent à rendre l'avenir beaucoup plus radieux.

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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D. L'action des acteurs impliqués

1. LES ACTEURS ETATIQUES

a. Le Ministère de la Fonction Publique, du Travail et des Organisations Professionnelles

Il appartient à l'Etat de par ses fonctions régaliennes de veiller entre autres à la bonne tenue de l'ordre public social ou du climat social, comme on a coutume de dire à travers ses structures compétentes. Ce travail exaltant est dévolu à ce ministère à travers son bras armée, la Direction du Travail et de la Sécurité Sociale qui chapeaute les onze Inspections Régionales, toutes mises à contribution dans l'élaboration des projets de loi et de règlements dans le domaine social et le suivi de leur application, la prévention et le règlement des différends, pour ne citer que ces missions.

La loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail, déclinait ses ambitions dans l'exposé des motifs en ces termes ; il s'agit d'adapter le Code du Travail « aux réalités sociales et économiques de notre pays, en faire un vecteur dynamique de la croissance et assurer à notre pays un développement durable, dans l'équité et la justice ». Au nom du principe d'équité et de justice il doit davantage contribuer à changer les mentalités et les comportements par la dénonciation des abus et violation de toutes sortes. Contrairement à beaucoup de pays où les employés domestiques évoluent dans une zone de non-droit, les dispositions légales prévues par le ministère de tutelle sont une volonté manifeste du législateur sénégalais de mettre fin à l'illégalité, un engagement pour la justice sociale. C'est par des actions conjointes impliquant d'autres ministères que cette question transversale pourra être résolue.

b. Le Ministère de la Femme de La Famille et de l'Entreprenariat Féminin

Le Ministère de la Famille, de la Solidarité Nationale, de l'Entreprenariat féminin et de la Micro finance, en tant que point focal de la lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants développe des stratégies consistant à intervenir au niveau des zones de départ. Une étude menée dans le département de Nioro a permis de juger de l'ampleur du mal. Selon ses résultats, 42 % des 400 000 enfants recensés dans la rue y prennent leur départ pour s'infiltrer dans les différentes régions. Pis encore, 37 000 jeunes filles de 7 à 19 ans travaillent comme employées de maison. Fort de ce constat, la délégation ministérielle qui s'est déplacée sur Nioro s'est engagée à

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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mettre en oeuvre toutes les stratégies idoines pour rester en conformité avec la convention 182 de l'OIT dont l'un des principaux axes consiste à lutter contre la pauvreté et à protéger les enfants.

C'est pour soutenir cette lutte que le gouvernement italien a mis à la disposition du Sénégal, en décembre 2008, un fond d'urgence de 117 millions de franc CFA pour le financement d'une cinquantaine de microprojets en faveur des enfants et des familles vulnérables. « En touchant les familles vulnérables, nous touchons les enfants vulnérables. C'est dans ce cadre que des activités génératrices de revenus seront mises à la disposition des familles pour qu'elles fixent les enfants dans les foyers et éviter ainsi les travaux domestiques précoces, les abus et la mendicité », a confié le ministre de la famille.

Dans la même lancée, nous pensons que ce ministère pourrait s'investir davantage dans le conseil puis le financement de projets de reconversion d'employées de maison dans le maraîchage, la restauration, le commerce etc. Cependant, la question des employées de maison intéressent au premier chef d'autres acteurs qui se sont déjà illustrés sur la scène nationale.

2. LES ACTEURS NON ETATIQUES

a. Enda Tiers Monde

Environnement et développement du Tiers Monde peut-être considérée comme l'un des partenaires privilégiés des femmes en général et de la cause des travailleuses domestiques en particulier.

Un des axes stratégiques majeurs en chantier s'intitule : « l'égalité femmes! hommes, le genre en question ? », propositions pour susciter questionnements et débats, et croiser le regard de la diversité des visions, des acteurs et actrices d'Enda et de ses partenaires sociaux.

Enda a intégré la perspective de genre dans sa mission institutionnelle lorsqu'elle s'est rendue compte :

- de l'importance du travail invisible et gratuit des femmes (2!3 des heures travaillées dans le monde si l'on prend en compte les travaux domestiques et les soins à la famille non comptabilisés dans le PIB mondial,

- de la féminisation croissante de la pauvreté (70% des personnes vivant avec moins d'un dollar par jour sont des femmes),

- de l'injuste surexposition des femmes aux violences, aux mutilations, aux conséquences des conflits armés, aux MST, à tous les types de discrimination.

Des entités et programmes d'Enda mettent en oeuvre des actions en direction des femmes pour soutenir, valoriser, améliorer, transformer leurs activités notamment traditionnelles dans le domaine :

du micro crédit féminin (commerce, artisanat, agriculture...) de la santé communautaire et de la reproduction

soutien aux organisations féminines offrant des services à leurs communautés (jardins d'enfants, tontines, caisses de crédit, restaurants communautaires, coopératives, gestion d'équipements sanitaires, recyclage, maraîchage...)

Intervention auprès des femmes en situation vulnérable (travailleuses domestiques, filles de la rue).

Au niveau national, Enda a mis en place plusieurs programmes d'accompagnement des enfants travailleurs et d'organisation des travailleuses domestiques qui ont connu beaucoup des succès. On peut citer à titre d'exemple, la coordination des enfants travailleurs qui regroupe une dizaine d'associations (Dakar, St Louis, Kolda, Fatick), les caisses populaires des femmes, les mutuelles de santé féminines, la lutte contre la déscolarisation des filles et les mariages précoces. On peut également souligner les initiatives prises par des privées pour la professionnalisation de l'activité domestique.

b. Les GIE de placement

Dans le sillage de la première génération d'intermédiaires ou courtiers qui opèrent au niveau des aires de regroupement, a suivi une seconde génération à cols blancs plus soucieuse de rompre avec l'informalité et prônant la professionnalisation des relations de travail. Les techniques de recherche de travail consistant à faire du porte-à-porte ou l'attente au niveau de certaines places stratégiques portent de moins en moins leurs fruits, ainsi l'on se tourne vers des canaux plus modernes tels que la presse écrite avec les petites annonces. Cependant, les clients qui deviennent de plus en exigeants ne se fient plus aux annonces tout comme ils ne veulent plus recruter directement une personne dont ils n'ont aucune référence.

C'est justement pour combler ce vide que l'agence Oxo, sise à l'avenue Blaise Diagne, a été

mise sur pied, il y'a juste deux mois. Cette nouvelle agence de placement qui recrute dans tous les secteurs avec ou sans diplômes a fait des émules puisque une autre agence, Touch'Atout s'est lancée dans la même activité. Les secteurs dont il s'agit sont : le travail domestique, le gardiennage, la restauration, la fourniture de chauffeurs, les agents commerciaux etc.

Oxo a lancé sa première phase qui consistait à recueillir une base de données de personnes chercheuses d'emploi par une campagne agressive de publicité à travers divers canaux médiatiques. C'est ainsi que des prospectus ont été distribués dans tous les bus de Dakar (DDD). A l'issue de cette phase les objectifs escomptés ont été largement atteints puisque l'agence disposait d'un fichier de plus de 200 personnes.

Les fiches d'inscription individuelles permettent d'avoir les différents profils ; on y trouve la photo d'identité, le niveau d'instruction, la situation matrimoniale, les aptitudes, l'emploi souhaité, les prétentions salariales etc. Les frais de dossier s'élèvent à 2000 FCFA et la commission pour un placement simple est de 10 000 FCFA à la charge de l'employeur. La commission est beaucoup plus onéreuse pour un placement intérimaire car l'agence souscrit à une police d'assurance pour rembourser le client en cas de dommage, mais ici la relation devient tripartite ; le salaire étant versé indirectement par l'agence.

La clientèle de l'agence va des sénégalais ordinaires aux expatriés qui spécifient exhaustivement leurs besoins ; certains s'attachent même à des détails qui violent toutes les dispositions relatives à la non discrimination à l'embauche : ethnie, religion...

Un autre problème relevé est relatif au non respect du SMIG, car autant des employeurs proposent des salaires en dessous du SMIG, autant les employées elles-mêmes ne font pas de fixation sur le salaire-plancher, et prétendent parfois à des salaires de 30 000 FCFA alors qu'un employeur n'a pas le droit de payer en deçà du SMIG, même d'accord partie. Face à ce dilemme, l'agence appelle toujours les employeurs à se conformer à la réglementation tout comme elle les incite à déclarer leurs travailleurs aux institutions de prévoyance sociale (la Caisse de sécurité sociale et l'Ipres). Cependant, le directeur reconnaît que le salaire minimum au niveau de l'agence est de 30 000 FCFA.

Le travail de facilitation que fait l'agence sur la base des dossiers fournis se base sur des critères objectifs de compétence et il n'est pas rare qu'elle fasse des redressements, c'est-à-dire renégocier

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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des contrats plus avantageux sur la base du profil présenté. C'est le cas d'une fille bachelière qui cherchait un emploi domestique qui a été réorientée dans le secteur des services avec une meilleure rémunération.

Aujourd'hui, le succès de la première phase est tel que l'agence a du mal à satisfaire toutes les sollicitations de ses clients, alors que la deuxième phase va débuter bientôt avec des objectifs beaucoup plus ambitieux.

Ainsi, comme nous venons de le voir, la question d'un meilleur devenir pour les employés de maison implique différents acteurs à divers niveaux. Elle justifie la prise d'initiatives hardies que nous avons passées en revue plus haut et dont l'évaluation nous permettra de formuler des recommandations à la lumière de l'aspiration des parties et des exigences du travail décent.

Chapitre II Les nouveaux concepts de

l'OIT

L'action normative de l'OIT qui s'est manifestée pendant plusieurs décennies par la prise d'instruments, de conventions, recommandations et protocoles en l'occurrence, s'est orientée de plus en plus vers l'adoption de déclarations. Celles-ci traduisent de nouvelles préoccupations fondamentales pour l'OIT qui sont contenues dans la déclaration sur les principes et droits fondamentaux au travail et celle sur le travail décent dont l'objectif final reste la justice sociale pour tous.

I. Le défi de la justice sociale

Cette aspiration suprême de l'OIT passe par l'appropriation par tous de la Déclaration sur les principes et droits fondamentaux au travail et celle relative au travail décent.

A. La Déclaration sur les principes et droits fondamentaux au travail

Elle date de 1998 et consiste en une obligation «de respecter de bonne foi et conformément à la Constitution de l'OIT, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet desdites conventions», à savoir :

? La liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective (C 87 & C 98),

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

91

? L'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire (C 29 & C 105), ? L'abolition effective du travail des enfants (C 138& C 182),

? L'élimination de la discrimination en matière d'emploi (C 100& C 111).

Il demeure certain que la mise en oeuvre de la déclaration dans le monde du travail permettra de mettre en place les jalons d'une justice sociale essentielle pour assurer une paix universelle durable, dans la mesure où la croissance économique n'est pas une condition suffisante d'équité et de progrès social. Cependant, l'atteinte des objectifs demeure un sérieux challenge en général et particulièrement dans le domaine de l'activité domestique où beaucoup de conquêtes restent à faire.

C'est pour pallier cette difficulté que l'OIT a mis en place un mécanisme promotionnel relatif aux principes et droits fondamentaux au travail par l'assistance technique, le suivi annuel et la publication d'un rapport global quadriennal sur la prise en charge de chaque catégorie de principes et droit dans le monde. L'ampleur de la tâche et les résultats qui sont en deçà de ceux escomptés ont poussé l'OIT, huit ans plus tard à formuler une autre déclaration.

B. La déclaration sur le travail décent

« Le concept de travail décent a été formulé par les mandants tripartites de l'OIT comme un moyen d'identifier les priorités majeures de l'organisation et de moderniser son approche pour le 21eme siècle. Il est fondé sur l'acception du travail comme source de dignité personnelle, de stabilité familiale, de paix dans la communauté, de démocratie au service des peuples et de croissance économique qui augmente les possibilités d'emplois productifs et de développement de entreprises49 ».

Dans ce que l'OIT appelle l'agenda social, économique et politique pour le travail décent, qui doit être une sorte de tableau de bord, qui doit mobiliser à la fois les principales institutions du système multilatéral et les acteurs majeurs de l'économie mondiale, nous avons quatre objectifs stratégiques :

La création d'emploi pour lutter contre le chômage qui est à la base de la détresse sociale ;

La garantie des droits au travail, c'est-à-dire obtenir la reconnaissance et le respect des droits
des travailleurs. Tous les travailleurs, et en particulier les travailleurs défavorisés ou pauvres,

49 Travail, N° 57, septembre 2006, p. 5

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

92

ont besoin de représentation, de participation et de lois justes qui soient appliquées et servent véritablement leurs intérêts ;

L'extension de la protection sociale qui passe par la promotion de l'intégration et la productivité en s'assurant qu'hommes et femmes jouissent de conditions de travail sûres, qui leur accordent suffisamment de temps libre et de repos, qui prennent en considération les valeurs familiales et sociales, fournissent une indemnisation adéquate en cas de perte d'emploi ou de salaire et donnent accès à un système de soins appropriés ; et

La promotion du dialogue et la résolution des conflits pour les régler pacifiquement. Le dialogue social, impliquant des organisations de travailleurs et d'employeurs fortes et indépendantes, est primordial pour augmenter la productivité, éviter les conflits au travail, et construire des sociétés cohésives.

Comme nous allons le voir par la suite, les employés de maison ne veulent rien d'autre que des conditions de travail décentes conformément à leurs aspirations. Nous nous efforcerons enfin de formuler quelques recommandations dans l'optique d'un meilleur devenir pour les employés domestiques.

Chapitre III Aspirations des employés de

maison et recommandations

Ces aspirations ont été présentées le 1er mai 1994 où l'on vit pour la première fois les employées de maison manifester pour la reconnaissance de leurs droits et l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

I. la lutte s'organise A. Doléances

Dans leur cahier de doléances adressé à Monsieur le Président de la République du Sénégal, on pouvait lire : « Nous, employées de maison, venons faire part à Monsieur le Président de la République, nos doléances et propositions pour l'amélioration de nos conditions de travail.

Vu : - L'insécurité dans l'exercice de notre travail - Les abus dont nous sommes victimes, - Le peu de considération et de respect envers nos personnes, demandons :

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

93

-Une meilleure considération sur le plan humain et professionnel ; - Un cadre de vie et de travail décent ;

- Le respect par les employeurs des clauses négociées lors de l'engagement ;

- La consignation par écrit des accords et engagements avec les employeurs, afin d'engager un recours en cas de remise en en question de ces accords ;

- La fin des harcèlements et violence physique pour pouvoir travailler en paix ;

- Des horaires de travail respectueux des besoins de repos de notre organisme et de nos besoins d'éducation de base et de formation professionnelle ;

- Que nos tâches et responsabilités tiennent compte de notre âge et de notre force de travail ;

- Que nos salaires soient en réelle conformité avec les tâches et responsabilités assumées effectivement et qu'ils soient régulièrement payés et sans fractionnement ;

- Des congés annuels payés

- Que les employeurs et l'Etat nous prennent en charge en cas de maladie et surtout pendant et après une grossesse ;

- Des opportunités de formation et d'éducation de base pour accéder à d'autres emplois ;

- Des mesures de formation et d'accompagnement en vue de notre retour définitif au village. - Qu'on soit associé à la formulation de mesures en notre faveur.

B. Recommandations

Ce cri de coeur poussé pour la première fois il y'a 15 ans est resté un voeu pieux, autrement dit les doléances sont restées entières mêmes si des efforts notoires ont été réalisés par les employées de maison pour porter leur combat au grand jour. Cependant, au vu de l'ampleur de la tâche, seule une synergie d'actions pourra venir à bout des nombreuses difficultés d'ordre structurel, conjoncturel et socioculturel qui freinent les velléités de changement. Pour avoir prêté une oreille attentive aux plaintes et complaintes des employés domestiques durant ces mois de recherche, nous demeurons convaincus qu'ils méritent tout notre respect afin qu'ils retrouvent toute leur dignité. Les quelques recommandations que nous formulerons serons présentées sous forme de tableau pour une meilleure lisibilité. Il est évident que les mesures préconisées ci-

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

94

dessus n'ont pas la prétention d'être absolues quant à leur efficacité, ni exhaustives dans leur énumération.

Il s'agira de décliner les principaux objectifs à atteindre à moyen terme ainsi que les stratégies à adopter, lesquelles seront traduites en actions concrètes interpellant les différents acteurs.

OBJECTIFS

STRATEGIES

ACTIONS

ACTEURS

Développer une

politique socio-

économique à

l'endroit du monde
rural

Créer un

environnement propice au maintien

des populations-
cibles dans leur lieu d'origine

Baisser le flux

migratoire

Mise en place ou

redynamisation des
structures d'éducation ou de formation

L'organisation de loisirs,

d'activités récréatives et
d'animation Information et sensibilisation des parents

Pouvoirs publics

Associations locales

Partenaires au

développement

Associations d'employées ...

Améliorer les

conditions de travail des domestiques

Promouvoir une

nouvelle approche du travail domestique

Procéder au réexamen des textes régissant le travail domestique

Veiller ensuite à leur application effective

Eduquer et former les

domestiques sur les
procédures en cas de conflit

parents

Sensibilisation des

employeurs pour

l'allègement de la charge de

travail Limitation des
horaires au minimum requis

Adoption d'un code de

conduite des employeurs
en faveur du SMIG.

Formation et placement

des domestiques Relation

triangulaire employeurs/
gens de maison/ Agences de placement

Agences de

placement

Partenaires sociaux

Autres

associations concernées

Associations

d'employés de
maison

ENDA BIT

Ministère du

Travail

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

95

Améliorer les

conditions de vie

Influer sur les

conditions des
domestiques en milieu urbain

Promouvoir l'alphabétisation fonctionnelle

Faciliter l'accès à la formation

professionnelle

Les pouvoirs publics

doivent se soucier de cette

catégorie de travailleurs,

dans le cadre de la
politique de l'habitat

Financement des projets de reconversion

Meilleure organisation et structuration domestiques

Ministère de

l'habitat

Ministère de la femme

Ministère de

l'alphabétisation

ONGs

partenaires

Lutter contre le

Appliquer les

Large sensibilisation des

Ministère du

travail des jeunes filles

dispositions sur l'âge

parents

travail

domestiques

minimum d'admission

Politique de

Ministère de

 

à l'emploi

discrimination positive à

l'Education

 

Renforcer la politique

l'endroit des filles

BIT UNICEF

 

pour un meilleur accès puis maintien à l'école des filles

Bon maillage de la carte scolaire

Parents d'élèves Ministère de la

 
 
 

Femme

A

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

96

u terme de ce travail de recherche dont le fil d'Ariane a été une tentative de mieux comprendre les raisons de la disqualification, de fait, dont sont frappés les employés de maison du champ social, il nous a été donné de constater que les causes de ce « déficit de droit » tant au niveau national qu'international sont principalement d'ordre socioculturel et économique.

Au niveau international, le front de la résistance pour le respect des droits sociaux et de la dignité humaine s'organise, avec aux avant-postes les plus vulnérables d'entre les employés de maison, celles migrantes. Elles souffrent doublement d'autant plus qu'elles sont exposées au travail forcé, aux abus de toutes sortes.

Par exemple, à l'heure actuelle, 235 000 femmes immigrées travaillent comme employées de maison à Hong Kong, la plupart venant des Philippines et d'Indonésie. Tant dans leur pays qu'à Hong Kong, elles font l'objet d'une exploitation éhontée, principalement de la part des agences de recrutement.

Même en Suisse, pays modèle en matière de droits de l'homme en général et qui abrite le Bureau International du Travail (BIT), on y foule aux pieds les droits des travailleuses domestiques qui sont pour l'essentiel issues de l'immigration. Elles sont employées par des ménages privées, sans assurances sociales ni protection en cas de maladie ou d'accident.

C'est pour essayer de juguler ce mal un peu partout à travers le monde qu'une conférence internationale a été organisée du 8 au 10 novembre 2006 au Pays Bas. Cette conférence a été un tournant décisif au vu du nombre de participants et de la pertinence des thèmes débattus. En effet, elle regroupait quelque 60 représentants de syndicats d'employées de maison, d'associations et de réseaux régionaux, internationaux de travailleuses domestiques, du groupement Global Unions et d'ONGs de soutien du monde entier.

Les participants à ce forum ont exprimé leur indignation commune devant :

·

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

97

L'exploitation de nombreuses travailleuses domestiques à travers le monde, et particulièrement des travailleuses migrantes très vulnérables ainsi que des enfants qui font ce travail ;

· Le manque de reconnaissance de la contribution des travailleuses domestiques sans laquelle les sociétés et les économies ne pourraient fonctionner ;

· L'absence continue de la reconnaissance du travail des domestiques en tant que « travail » par les législations du travail de beaucoup de pays, ce qui prive ces travailleuses des droits et du respect qu'elles méritent.

Par conséquent, les participants exigent le travail décent pour les employées domestiques. Elles n'ont pas manqué de formuler des recommandations dont la première sera la constitution d'un groupe de travail intérimaire qui comprendra des membres du groupe leader de la conférence, plus des représentants des organisations de travailleuses domestiques de toutes les régions du monde. Les tâches de ce groupe de travail consiste entre autres à :

Explorer les besoins et le potentiel d'un réseau international de défense des droits des travailleuses domestiques, en prenant garde de ne pas reproduire les réseaux internationaux qui existent déjà, mais d'y apporter une valeur ajoutée ;

D'explorer, en collaboration avec le groupement « Global Unions », la possibilité d'obtenir une convention de l'OIT concernant les droits des travailleurs domestiques, qu'ils soient nationaux ou migrants.

De soutenir l'organisation des travailleuses à tous les niveaux local, national, régional et international, à travers :

= une plus grande implication des syndicats à tous les niveaux dans le soutien des employées de maison et de leurs organisations ;

= un inventaire des organisations de travailleuses domestiques ou de leurs groupes de soutien à travers le monde, afin de promouvoir leur visibilité, de se représenter l'ampleur de l'effort déjà entrepris en faveur de ces travailleuses domestiques, et d'encourager leur implication dans un réseau ;

= l'échange d'informations et de stratégies, par une plus grande implication exemple à travers un nouveau site Internet consacré aux droits des employées de maison ;

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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? un développement plus important de programmes de formation et d'éducation en faveur des groupes, syndicats, associations et réseaux d'employées de maison, et ce dans des domaines comme la définition de stratégies, l'organisation, l'accès aux fonds, la comptabilité, etc.

? un développement du potentiel de financement des organisations de travailleuses domestiques ;

? un mécanisme d'appel urgent dans les cas d'abus et d'exploitations extrêmes de travailleuses domestiques/employées de maison ;

? de plus amples recherches dans le rôle des travailleuses domestiques/employées de maison (y compris sur la vaste migration de personnes devenant des travailleuses domestiques) en tant que (a) soutien à la mondialisation néolibérale et (b) mécanisme de perpétuation de la discrimination basée sur le genre dans le travail ménager, afin d'aider à promouvoir le développement de politiques plus fortes aux niveaux international et national pour la protection des travailleuses employées de maison et de leurs droits.

Il faut bien comprendre que pour être efficace, la lutte des employées de maison doit s'inscrire dans un cadre sous-régional, régional voire global. En effet, le Sénégal, comme nous avons eu à en a parler dans la première partie, exporte de la main-d'oeuvre domestique essentiellement vers le Liban où leurs conditions de travail sont peu enviables, et où beaucoup de domestiques sans-papiers sénégalaises croupissent en prison. L'association Dames de Coeur s'est illustrée récemment malgré ses modestes moyens en rapatriant deux employées de maison, l'une du Liban et l'autre d'Angola.

Au niveau national, les entretiens menés çà et là au niveau des aires de rassemblement permettent de juger des conditions de travail préoccupantes des domestiques qui peinent à s'imposer aux yeux de l'opinion comme des travailleurs à part entière. Les droits inaliénables que leur confère la réglementation en vigueur sont ignorés parce que les employées de maison sont souvent jeunes, très jeunes même, analphabètes ou déscolarisées, de sexe féminin, déqualifiées et désunies incapables de se projeter dans l'avenir pour engager sérieusement la lutte. « La condition des bonnes est davantage compliquée par le milieu de travail : la famille, dans son intimité. L'évolution du monde ne s'est pas encore insinuée jusque dans les foyers et les attitudes. Le métier de domestiques est encore marqué par l'asservissement. Pourtant, la société actuelle, à

Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

99

travers différentes formes d'expression (chants, théâtre) ne cesse de dénoncer cette injustice et de réaffirmer que le travail domestique n'est ni une vie, ni un statut social mais un métier comme un autre50 ».

Mais comme on le dit souvent, les préjugés ont la vie dure et il faudrait qu'on dépasse l'étape des voeux pieux et des déclarations d'intention pour changer les mentalités. L'heure est à l'action comme l'ont compris la poignée de structures, organisations, associations caritatives qui s'investissent de manière directe ou indirecte pour le respect des droits des employées de maison. Il s'agit notamment du droit au travail décent et à une formation qualifiante pour pouvoir prétendre à d'autres emplois. Enda TM, l'association Dames de Coeur, l'Agence de placement Oxo sont toutes au coeur de l'action. On peut également citer toutes les réalisations d'autres structures non moins importantes qui opèrent au niveau des zones de départ en actionnant deux leviers ; à savoir, la lutte contre l'exode rural par des projets structurants et l'éducation par un système de parrainage d'enfants engagés dans le cycle primaire. Plan International, CARITAS Sénégal, le Centre Emmanuel etc. oeuvrent dans ce sens.

On est en droit de se demander si l'Etat sénégalais joue sa partition ? On ne saurait dire le contraire ; cependant on peut déplorer un certain attentisme des autorités compétentes qui se manifeste par un manque de volonté politique ne serait-ce que pour promouvoir le respect des dispositions réglementaires que la majorité viole, y compris elles-mêmes. Peut-être que cet immobilisme provient du fait que l'Etat veut se cantonner à son rôle d'arbitre en ce qui concerne les partenaires sociaux d'autant plus que la structuration des organisations d'employées de maison a été tardive, ce qui pose un problème de légitimité et de représentativité afin que les actions et revendications soient fédérées. Au niveau interne, l'impact d'organisations d'employées de maison fortes à envergure nationale sera décisif dans ce sens tout comme le sera au niveau externe les agences de placement qui jettent les bases d'une nouvelle forme de contractualisation, susceptible de bannir l'informalité et le paternalisme, tous générateurs d'abus.

Nous n'avons pas d'autre ambition à travers cette étude que de soumettre à l'ensemble de la communauté des décideurs, des employeurs et du public en général, à un ultime questionnement sur le quotidien des employés de maison. Nous avons fait ressortir dans ce travail le hiatus net qui

50 « Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes à Dakar, ENDA, 1993, p. 47

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subsiste entre les principes légaux et la pratique afin que tous ceux qui voudront bien le lire s'emploient à soutenir, en toute objectivité leur combat pour la dignité et un meilleur devenir.






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