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Le travail précaire des aides à  domicile. Quel accompagnement pour les personnes àgées ?


par InàƒÂ¨s Lafkir
Université de Bordeaux - Licence de sociologie 2020
  

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 4

AXE METHODOLOGIQUE 6

PARTIE I : LE TRAVAIL PRECAIRE DES AUXILIAIRES DE VIE SOCIALE 10

A) Le salaire 10

B) Le planning 13

PARTIE II : SANTE AU TRAVAIL 16

A) Risques physiques 16

B) Isolement professionnel 19

C) « Un travail invisible » 22
PARTIE III : PENURIE DE SALARIEES DANS LE SECTEUR DE L'AIDE A DOMICILE

25

A) Un recrutement à la va-vite 25

B) Stratégies mises en place par les personnes dépendantes pour pallier à l'insuffisance des

services à domicile 28

PARTIE IV : LE RECIT D'UNE JOURNEE ORDINAIRE 31

CONCLUSION 40

BIBLIOGRAPHIE 43

ANNEXES 46

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INTRODUCTION

Dans notre société, le vieillissement de la population représente plusieurs enjeux. Selon les chiffres du rapport du ministère des Solidarités et de la Santé publié en 2018, les personnes âgées de 60 ans et plus étaient au nombre de 15 millions. Elles seront 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060. De surcroît, l'INSEE projette un allongement continu de l'espérance de vie d'ici à 2060. Dans cette perspective, cette évolution démographique soulève la question de la prise en charge de nos aînés en situation de perte d'autonomie car l'accroissement du nombre des plus âgés s'accompagne du nombre de personnes dépendantes. Donc le vieillissement de la population implique la mise en place de moyens financiers et sociaux par les gouvernements destinés aux personnes âgées. Ces dernières souhaitant vivre le plus longtemps « chez elles », dans leur propre environnement confortable et rassurant, rendent le développement du secteur d'activité de l'aide à domicile indispensable. En effet, ce champ d'activité, « depuis le début des années 2000, a été fortement investi par les pouvoirs publics, porteur de grands espoirs en matière de création d'emplois »1. On assiste à des efforts considérables pour organiser et professionnaliser le secteur de l'aide à domicile. En 2002, le diplôme d'État d'auxiliaire de vie sociale (DEAVS) est enfin créé, il est accessible dans plusieurs établissements de formation notamment dans les instituts régionaux des travailleurs sociaux (IRTS). Par ailleurs, dans cette même année, la création de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA) a permis à un plus grand nombre de personnes âgées de payer (en totalité ou en partie) les dépenses nécessaires pour se maintenir à domicile. Cette allocation versée par les conseils départementaux pour prendre en charge une partie des frais du soutien à domicile a rendu possible le développement des emplois de services à la personne âgée. De surcroît, la loi relative à l'Adaptation de la Société au Vieillissement adoptée le 14 décembre 2015, a permis une revalorisation des aides allouées aux personnes âgées avec une promesse d'une meilleure coordination des différents acteurs dans le secteur de l'aide à domicile. En 2018, 88.4 millions d'euros est le montant total des crédits versés par la Caisse Nationale de Solidarité et de l'Autonomie pour la modernisation et la professionnalisation de l'aide à domicile, l'accompagnement des aidants et la formation des professionnels des établissements et services médico-sociaux.

1 André, Lætitia. « Évolution des métiers du prendre soin à domicile : enjeux professionnels ? Enjeux de société? », Gérontologie et société, vol. vol. 35 / 142, no. 3, 2012, pp. 157-167.

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Cependant, l'organisation du travail à domicile, souffre toujours d'un manque budgétaire grandissant et d'une pénurie de salariées2 croissante. Les métiers de l'aide à domicile désignent des personnes salariées, identifiées notamment sous les appellations d'aide à domicile, d'auxiliaire de vie sociale, d'assistante de vie, d'auxiliaire familiale. Elles ont pour mission d'aider à accomplir les tâches et les activités de la vie quotidienne afin de permettre le maintien à domicile des personnes dépendantes. L'objectif est de préserver l'autonomie de la personne en difficulté. De plus, les aides à domicile soutiennent moralement et socialement la personne dépendante dans son environnement. Elles sont embauchées le plus souvent par des associations de service d'aide à la personne. « Elles interviennent au domicile des personnes âgées pour des salaires dépassant rarement les 900 euros.»3. Ces minces revenus s'expliquent par un temps partiel imposé. Pourtant, elles sont mobilisées toute la semaine, parfois même les weekends car leurs heures sont généralement éparpillées. Ces « travailleuses de l'ombre »4 qui oeuvrent pour préserver le bien-être de nos ainés souffrent également d'un manque de reconnaissance dans leurs pratiques professionnelles, bien trop souvent considérées comme l'extension du travail des femmes dans les tâches domestiques. C'est à partir de ces multiples raisons que ce secteur d'activité peine à former et à embaucher.

Par conséquent, l'organisation du travail à domicile a conduit les salariées dans une situation aussi fragile que celle des personnes dont elles s'occupent. De plus, la souffrance au travail et le manque de formation des salariées se répercutent dans la qualité de leurs interventions et dans les relations qu'elles entretiennent avec les personnes âgées. Ces dernières étant les premières touchées par les mauvaises dispositions que subissent leurs aides à domicile. Ainsi, cette enquête a pour but de soulever un paradoxe qui pourrait compromettre l'avenir du secteur d'activité de l'aide aux personnes âgées à domicile : d'un côté, nous avons un besoin croissant d'aides à domicile pour permettre à nos ainés de bénéficier d'un accompagnement social de qualité, et de l'autre nous avons un secteur soumis à des obligations budgétaires qui restent en opposition avec l'amélioration des conditions de travail de ses salariées.

2 Les aides à domicile concernent des hommes et des femmes, mais j'ai décidé d'utiliser le genre féminin pour garder la disproportion importante des femmes dans ce secteur.

3 Chaignon Alexandra, « Aides à domicile, un quotidien et des salaires en miettes », Humanité, 27 janvier 2014.

4 Bonnet Magalie, « Le métier de l'aide à domicile : travail invisible et professionnalisation », Nouvelle revue de psychosociologie, vol. 1, no. 1, 2006, pp. 73-85.

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AXE MÉTHODOLOGIQUE

A partir d'octobre 2019, j'ai entamé mes premiers mois de recherche dans la mobilisation de lectures autour de la crise du secteur de l'aide à domicile et des ouvrages en gérontologie sur le maintien à domicile des personnes âgées. Ces supports m'ont permis d'acquérir une meilleure connaissance des différents enjeux du vieillissement démographique en France et de construire mes hypothèses. De plus, grâce à la collecte de rapports statistiques tels que celui de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie5 ou celui de la DARES6, j'ai pu recueillir d'importantes données chiffrées permettant de mettre en lumière des inadéquations entre la hausse des besoins des personnes âgées et le manque de moyens structurels, organisationnels et professionnels du secteur d'activité de l'aide à domicile.

Par la suite, dans la période de décembre 2019 à mars 2020, j'ai réalisé 6 entretiens semi-directifs auprès d'auxiliaires de vie sociale et 5 autres auprès de personnes âgées bénéficiaires des services de l'aide à domicile. L'essentiel des personnes interrogées résident ou travaillent dans la métropole bordelaise. J'ai privilégié le choix de la méthode de l'entretien semi-directif, car celle-ci m'a permise de préparer au préalable les différents thèmes que je souhaitais aborder tout en m'accordant une plus grande liberté de parole. Pour la réalisation de chacun de ces entretiens, j'ai créé deux guides distincts pour qu'ils puissent répondre au mieux à mes interrogations : un pour les auxiliaires de vie et un pour les usagers.

J'ai fait le choix d'interroger les salariées embauchées sous l'appellation d'« auxiliaire de vie sociale » (AVS) car cette distinction m'a permis de mieux établir des comparaisons entre celles qui exercent ce métier non diplômées de celles qui sont titulaires du DEAVS. Les auxiliaires de vie sociales que j'ai interrogées sont employées par un service public territorial (2 sur 6), par une association à but non lucratif (3 sur 6) ou par une entreprise privée (1 sur 6). Ces femmes sont âgées de 21 ans à 54 ans : 4 ont la vingtaine et 2 ont plus de 50 ans. Le choix de me cibler davantage sur des salariées jeunes était réfléchi. En effet, un des objectifs de mon enquête est d'analyser les perspectives d'avenir à savoir si ce métier peut être envisageable toute une vie. Chacune d'elles a témoigné de ses conditions de travail, de ses relations avec ses responsables et ses bénéficiaires. Au fil des entretiens, j'ai mieux cerné les différentes

5 Rapport de la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie) : « Les chiffres clés de l'aide à l'autonomie 2019 »

6 DARES - Rapport d'analyses : « Les salariés des services à la personne : comment évoluent leurs conditions de travail et d'emploi », aout 2018, numéro 038.

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problématiques auxquelles les enquêtées faisaient face. Par conséquent, cela m'a permis de poser à chaque nouvel entrevus davantage de questions dans le but d'approfondir et éclaircir certains sujets. Les auxiliaires de vie étaient ravies de pouvoir m'aider dans mon étude et enthousiastes à l'idée de pouvoir parler de leur métier. Afin de les déranger le moins possible, je me suis déplacée le plus souvent dans leur domicile après qu'elles aient terminé leur journée de travail. Néanmoins, sur les six entretiens, j'ai été dans l'obligation d'en réaliser deux par téléphone car les auxiliaires de vie concernées n'avaient pas beaucoup de temps à m'accorder au regard de leur planning très chargé et de leurs obligations familiales. Cependant, ces deux entretiens restent très riches en informations car je n'ai pas hésité à prolonger les appels.

Concernant les personnes âgées, les entretiens se sont tous déroulés dans leur domicile respectif. J'ai obtenu leurs contacts grâce aux auxiliaires de vie sociale mais aussi grâce à des infirmiers libéraux exerçant leurs activités dans mon quartier. Ils m'ont orientée vers des personnes ayant conservé leurs facultés mentales. Néanmoins, 2 personnes âgées sur 5 avaient leurs capacités cognitives légèrement réduites. Par conséquent, j'ai adapté ma manière de communiquer, c'est-à-dire que je n'ai pas hésité à hausser la voix, à articuler davantage et à prendre le temps de parler. De plus, j'ai répété plusieurs fois les mêmes questions durant les entretiens pour une meilleure communication. Les personnes âgées que j'ai interrogées, reçoivent l'aide d'une ou plusieurs aides à domicile chaque semaine. Cette population d'enquêtés se compose de 4 femmes et un homme avec une moyenne d'âge de 77.2 ans. 3 personnes vivent seules et 2 en couples. J'ai beaucoup insisté pour que les entretiens s'effectuent sans la présence d'une auxiliaire de vie dans le domicile afin que la personne âgée ne soit pas gênée de discuter des problèmes qu'elle rencontre avec différents organismes de service à la personne et sur la manière dont s'établit sa prise en charge. En effet, la plus grande difficulté était de trouver un créneau horaire pour convenir d'un rendez-vous, car les personnes dépendantes vivant à domicile reçoivent l'aide de nombreux professionnels durant une journée : infirmier, kinésithérapeute, auxiliaire, médecin,... J'ai malheureusement été contrainte d'écourter un entretien en raison de la venue d'infirmières. Cependant, au-delà de ces difficultés, les personnes âgées m'ont toutes reçue chez elles avec beaucoup de bienveillance et de convivialité.

De surcroît, le jeudi 12 mars, j'ai mené des observations dans le cadre d'une journée de travail ordinaire d'une auxiliaire de vie sociale dans les différents domiciles de personnes âgées. L'auxiliaire de vie a souhaité garder l'anonymat, elle est employée au Centre Communal de l'Action Sociale (CCAS) de Lormont. Elle a 50 ans et exerce ce métier depuis 14 ans. Pour

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entreprendre cette journée d'observation, les démarches étaient très complexes. Le CCAS étant un service territorial qui dépend donc de la mairie, j'ai dû adresser ma demande d'accompagnement par courrier directement au maire de la ville. De ce fait, j'ai réussi à obtenir une réponse positive très tardivement en passant par l'intermédiaire d'une multitude de services. Concernant mon choix de mener des observations directes, celui-ci s'explique premièrement par une volonté d'avoir accès à ce qui est oublié ou caché durant mes entretiens et deuxièmement, de retracer en temps réel l'enchaînement des actions et des interactions dans l'accompagnement social des personnes âgées à domicile (Chauvin et Jounin, 2012). En effet, « l'observation directe est aussi le seul moyen d'accéder à certaines pratiques : lorsque celles-ci ne viennent pas à la conscience des acteurs, sont trop difficiles à verbaliser ou au contraire, font l'objet de discours pré-construits visant au contrôle de la représentation de soi, voire lorsque ceux-ci ont le souci de dissimuler certaines pratiques. »7. Pour entreprendre cette journée, j'ai choisi de ne pas masquer mon identité d'étudiant-chercheur auprès des personnes âgées car j'entrais déjà par surprise dans leur intimité. Par conséquent, les risques de modifier leurs comportements ou de dissimuler certaines choses face à ma présence étaient limités. Concernant l'attitude l'auxiliaire de vie sociale, j'avais bien conscience que ces risques seraient davantage présents. C'est pourquoi, j'ai décidé avec son accord de l'accompagner dans sa journée la plus longue de la semaine : de 8h à 20h. Plus ma durée d'observation était longue, moins le risque de contrôler sa propre image professionnelle était important. De plus, pour mener à bien ces observations, je me suis munie de plusieurs outils de terrain : un cahier de bord et un dictaphone. Le journal de bord m'a permis d'indiquer les heures de mes différentes séances d'observations et de collecter des données : mes premières impressions, des schémas, des paroles,... Quant au dictaphone, cet instrument d'enquête m'a permis d'enregistrer de longs échanges entre l'auxiliaire et le bénéficiaire. En clair, ces outils m'ont permis d'inscrire mon étude dans la durée.

Enfin, dès fin mars 2020, je me suis penchée véritablement sur l'analyse de mes matériaux récoltés tout au long de ces derniers mois, qualitatifs (entretiens, observations,..) comme quantitatifs (rapports statistiques). Pour le traitement de mes données qualitatives, j'ai conçu deux grilles d'analyse pluridimensionnelles: une pour la lecture des entretiens effectués auprès des auxiliaires de vie sociale et une pour les personnes âgées. Elles m'ont permis de coder mes données, en faisant des regroupements thématiques entre mes différents entretiens.

7 Arborio Anne-Marie. « L'observation directe en sociologie : quelques réflexions méthodologiques à propos de travaux de recherches sur le terrain hospitalier », Recherche en soins infirmiers, vol. 90, no. 3, 2007, pp. 26-34.

L'objectif était de comparer les différences et les similitudes des propos recueillis dans le but d'étayer mes hypothèses. En effet, « la sociologie comparée n'est pas une branche particulière de la sociologie ; c'est la sociologie même, en tant qu'elle cesse d'être purement descriptive et aspire à rendre compte des faits »8.

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8 Durkheim Emile, Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, [1895], 1986, p.137.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon