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La place des états membres de l’UE dans les négociations sur les échanges agricoles à  l’organisation mondiale du commerce. Le cas de l’influence de la France et de l’Allemagne sur la politique commerciale commune.


par Florian Ouillades
Université de Strasbourg - Master de Relations Internationales (Etudes Européennes) 2008
  

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1 Les cadres communautaire et multilatéral : une influence restreinte des Etats membres de l'UE?

Cette partie aborde les différents niveaux de gouvernance de la politique commerciale internationale, qui englobent les Etats membres de l'UE dans un système complexe et interdépendant, à la manière de cercles concentriques. Après l'étude des principaux acteurs européens du processus, une analyse juridique vient compléter l'exposé de la politique commerciale commune. Enfin, les dernières remarques concernent les raisons du déclin de l'influence nationale traditionnelle. L'objectif ne change pas : démontrer l'influence limitée des Etats membres de l'UE12 sur le système de la coordination de la politique commerciale multilatérale, en s'appuyant sur l'exemple de l'accord sur l'agriculture à l'OMC. Si, comme l'affirme Bernadette Corbach, « La mondialisation a (...) mis l'accent sur le besoin de gouvernance internationale »13, quels pouvoirs les Etats membres de l'UE gardent-ils sur les mécanismes de régulation de la globalisation?

1.1 Les institutions européennes et la PCC : qui fait quoi ? Les étapes de la négociation

Le domaine des négociations à l'OMC relève de la politique commerciale extérieure, qui est une compétence dite exclusive14 de la Communauté. Cette dernière revendique de plus en plus le droit de représenter exclusivement les intérêts des Etats membres dans les négociations d'accords internationaux15. Cependant, comme le remarque Nicholas Emiliou, « la CE [Communauté Européenne] ne constitue pas un Etat souverain en tant que tel et n'en possède donc pas tous les pouvoirs, tels que la conclusion d'accords internationaux. »16 Dans le but d'éclaircir le rôle de chacun des niveaux national, communautaire et multilatéral, l'analyse de la configuration institutionnelle de la politique

12 en prenant l'exemple de la France et de l'Allemagne

13 « globalization has (...) highlighted some need for international governance » in Corbach Bernadette V. I., 2005, Die Europäische Gemeinschaft, ihre Mitgliedstaaten und ihre Stellung in ausgewählten internationalen Organisationen, Logos, Berlin, p. 15.

14 Cf : article 133 du Traité de l'Union Européenne.

15 Cf: Emiliou Nicholas/O'Keeffee David (éds.), 1996, The European Union and World Trade Law, Wiley, Chichester, p. 21.

« The EC itself is not a sovereign state and consequently does not have all the powers of sovereign states

to conclude international agreement » in Op. cit. p. 21.

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commerciale commune est essentielle. Le point de départ est ici le rapport entre les différentes institutions Européennes dans la définition des objectifs et les négociations des accords de l'OMC.

La première étape de la coordination de la PCC à l'OMC dans l'Union européenne concerne l'obtention d'un mandat pour l'ouverture des négociations.17 Dans l'Union européenne, c'est avant tout la Commission qui est « responsable de la négociation et de la gestion des accords commerciaux »18. Ensuite, la politique commerciale extérieure est, à l'intérieur de la Commission, l'affaire du Commissaire au commerce (actuellement le britannique Peter Mandelson). Cette Direction Générale (DG) du commerce a la charge de coordonner la préparation de la position de la Communauté dans les négociations. Elle le fait sous la forme d'une proposition de direction des négociations qu'elle soumet à l'approbation du Conseil de l'UE19.20 Cette proposition est préparée avec d'autres DG et votée éventuellement à la majorité qualifiée. Il s'agit par exemple de la DG Agriculture et Développement Rural lorsque les intérêts de l'agriculture européenne sont concernés.

Cette position est alors défendue devant le Conseil des affaires générales21, étant donné qu'il n'existe pas de formation du Conseil pour les affaires commerciales. Cette particularité peut dans certains cas nuire à l'efficacité de la politique commerciale.22 En effet, les ministres des Affaires Etrangères sont souvent plus sensibles aux questions politiques que techniques. C'est alors le CAGRE (Conseil Affaires générales et relations extérieures) qui décide, à la majorité qualifiée si nécessaire, de la politique commerciale commune à l'OMC en mandatant formellement la Commission pour la conduite des

17 Les quatre paragraphes suivants reprennent l'argumentation des références suivantes: Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Nomos, Baden-Baden, pp. 41-43, et: Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, pp.204-209.

18Cf: http://consilium.europa.eu/cms3 fo/showPage.asp?id=388%E2%8C%A9=en : Conseil de l'Union Européenne, Le Conseil "Affaires générales et relations extérieures".

19 Le Conseil de l'Union Européenne ou Conseil des ministres se distingue du Conseil de l'Europe (organisation régionale de la grande Europe qui défend un espace démocratique et juridique commun. Siège: Strasbourg) et du Conseil Européen (sommets semestriels très médiatisés des chefs d'Etats de l'UE et du président de la Commission. Siège : dans le pays qui exerce la présidence de l'Union).

20 Infra le Conseil. Le Conseil de l'Union européenne est l'organe européen qui représente l'intérêt des Etats membres. Il existe en fait neuf formations de cet organe intergouvernemental (le Conseil n'existe pas en tant que tel) où siègent les 27 ministres nationaux.

21 Cette formation du Conseil de l'UE, dont le nom complet est le GAGRE : Le Conseil "Affaires générales et relations extérieures", est la plus importante des neuf, et se réunit une fois par mois. Pour plus d'informations sur le fonctionnement du Conseil de l'Union Européenne: Cf. http://www.consilium.europa. eu/cms3 fo/showPage.asp?id=426&lang=fr

22 Cf. http://eiop.or.at/eiop/texte/2004-014a.htm Leal-Arcas Rafael, The EC in the WTO: The three-level game of decision-making. What multilateralism can learn from regionalism, European Integration online Papers Vol. 8, No. 14, consulté le 18/08/08, p. 14.

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négociations. Il faut enfin ajouter qu'une fois le mandat accordé, il peut être à tout moment complété par le Conseil par le biais d'une directive.23

Le Conseil est appuyé dans ses décisions par un comité spécial, le comité de l'article 133, qui est en dialogue permanent avec la Commission. Le comité de l'article 133 est au centre de la politique commerciale extérieure à l'OMC. Son analyse reste donc indispensable à l'intelligence du travail de coordination au sein de l'UE. Ce comité tire son nom d'un article du traité d'Amsterdam qui régit la politique commerciale extérieure. Il prévoit entre autres la création d'un « comité spécial désigné par le Conseil pour l'assister dans cette tâche et dans le cadre des directives que le Conseil peut lui adresser »24. C'est l'un des 37625 comités que comporte le Conseil et il se compose de fonctionnaires nationaux, experts dans l'un des domaines des négociations. Pour résumer, « Il [le comité de l'article 133] délibère sur les propositions de la Commission, les améliore sur la base du consensus et les transmet ensuite au COREPER26 et enfin au CAGRE » 27

Bien que n'étant pas l'instance la plus haute, le comité de l'article 133 a un rôle central et représente le coeur de la coopération. Il est présent pratiquement à tous les niveaux de la coordination. D'une part, les Etats membres y analysent et débattent les non-papers28 que la Commission Européenne, qu'elle produit sur les différents thèmes des négociations avant ou après l'obtention du mandat. De l'autre, la Commission prend en considération les réactions des Etats membres dans la formulation de sa proposition de mandat et dans la conduite des négociations. Ainsi il n'arrive que très rarement que le Conseil n'accorde pas son mandat à la Commission. Depuis le traité de Nice, la Commission est tenue d'informer le comité durant la phase des négociations29, ce qui ne fait que renforcer la coopération. Même si les négociations à l'OMC dominent l'ordre du jour, le comité 133 traite aussi d'autres politiques ou négociations qui concernent le commerce extérieur.30

23 Cf. Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, pp. 204-205.

24 Art. 133 TCE § 1.

25 Cf. Berthold Norbert, 1996, Regionale wirtschaftliche Integration - Ordnungspolitischer Sündenfall oder Schritt in die richtige Richtung? in Zohlnhöfer Werner (éd.), 1996, Zukunftsprobleme der Weltwirtschaftsordnung, Duncker & Humblot, Berlin, p. 50.

26 Cf. Page suivante.

27 « Es berät und verbessert die Vorschläge der Kommission (...) auf Konsensbasis und leitet sie dann weiter zu Coreper und anschließend zum GAC » in Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Ed. Nomos, Baden-Baden, p. 42.

28 Un non-paper est un document de travail non officiel qui présente une politique et a pour but de lancer une discussion de fond sur le sujet.

29 Cf. Knodt Michèle, 2005, Regieren im erweiterten europäischen Mehrebenensystem, internationale Einbettung der EU in die WTO, Nomos, Baden-Baden, p. 57 et 58.

30 comme par exemple la conclusion d'accords commerciaux de libre échange ou les accords d'association.

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Son mode de prise de décision s'apparente à celui des autres réunions au Conseil ; si en théorie les votes s'effectuent à la majorité qualifiée, la recherche de consensus s'est imposée dans la pratique. Rafael Leal-Larcas31 constate même que le comité 133 est davantage un lieu de consultation que de prise de vote formelle. Bien sûr, la présidence du Conseil y dirige les négociations mais le leadership de la Commission se fait très présent dans les faits. C'est à elle qu'incombe la tâche de trouver un consensus sur la PCC.

Rôle et architecture du Conseil

Le Conseil possède une autre formation politique importante en matière de politique commerciale commune : le COREPER. Il s'agit du comité des représentants permanents auprès de l'Union Européenne. Dans l'organigramme du Conseil, il est au dessus du comité 133. En reprenant toute l'organisation hiérarchique, on trouve au premier niveau les groupes de travaux. Ceux-ci ont un thème de travail très spécifique et une influence restreinte. Ensuite vient le comité de l'article 133 (pour la PCC) qui base ses débats sur les travaux effectués en groupe de travail. Juste au dessous de l'échelle ministérielle, on retrouve ces représentants permanents qui ont pour tâche de préparer les conseils des ministres. Leur autre mission est de chercher un consensus à 27 pour alléger au maximum l'agenda des ministres, pendant les réunions du Conseil. Toute l'institution fonctionne suivant un même principe de subsidiarité, que l'on retrouve dans la Loi fondamentale allemande32. Ce principe implique que toute décision soit prise au niveau hiérarchique le plus bas possible.

On pourrait penser que cette institution, à la fois démocratique et légitime, parvienne à sauvegarder les intérêts nationaux. Cet argument s'inscrit cependant contre la thèse de ce travail de recherche. Il y au contraire toutes les raisons de douter du rôle purement intergouvernemental du Conseil, à commencer par le fait qu'un gouvernement ne possède pas de droit de véto sur chaque décision. Florence Chatiel synthétise cette vue du Conseil:

« Ce dernier [le Conseil] incarne la légitimité interétatique, par sa composition, tout en

étant le vecteur de la construction d'un intérêt européen en raison des mécanismes de vote intégré. Les votes à la majorité qualifiés empêchent en effet de ne voir dans le Conseil

31 Cf. http://eiop.or.at/eiop/texte/2004-014a.htm Leal-Arcas Rafael, The EC in the WTO : The three-level game of decision-making. What multilateralism can learn from regionalism, European Integration online Papers Vol. 8, No. 14, consulté le 18/08/08, p. 14.

32 Nom donné à la constitution allemande de 1949.

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qu'un organe intergouvernemental. Il dispose du pouvoir de décision partagé avec le Parlement, ce qui l'éloigne encore davantage de l'idée intergouvernementale. La préparation des décisions en amont par le comité des représentants permanents a créé des habitudes de travail et des lieux de négociations combinant la nécessaire prise en compte des intérêts nationaux et la tout aussi évidente émergence d'intérêts communs. »33

Ce que l'auteur suggère ici est que, dans l'entreprise communautaire, la souveraineté nationale est mise à l'épreuve même à l'intérieur de l'organe créé pour la préserver. On peut logiquement affirmer que les positionnements de la France et l'Allemagne dans les négociations à l'OMC ont été et sont toujours grandement influencés par la construction européenne.

En résumé, l'action de la communauté à l'OMC se divise en quatre étapes.34 Une fois les objectifs fixés et la Commission habilitée à négocier vient le temps de la négociation. Celle-ci se termine dans l'idéal par une conclusion d'accords, qui débouche sur une mise en application des modalités35. Il faut à ce stade préciser la particularité qu'induit l'accord sur l'agriculture à l'OMC. Le Conseil de l'agriculture jouit en effet d'une certaine influence, surtout depuis que les négociations à l'OMC incluent un volet sur les échanges agricoles36. Le personnel de la Commission qui siège à Genève37 est d'ailleurs mixte et se compose de fonctionnaires issus de la DG Commerce et/ou Agriculture. Enfin, les ministres de l'agriculture sont généralement présents au côté des ministres de l'économie dans les conférences ministérielles et lors de la conclusion d'un cycle de négociations. L'OMC implique donc pour l'Europe un travail de coordination complexe à la fois technique (requérant la coopération des DG Agriculture et Commerce) et institutionnel (entre le Conseil et la Commission).

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon