WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La place des états membres de l’UE dans les négociations sur les échanges agricoles à  l’organisation mondiale du commerce. Le cas de l’influence de la France et de l’Allemagne sur la politique commerciale commune.


par Florian Ouillades
Université de Strasbourg - Master de Relations Internationales (Etudes Européennes) 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.3 Pourquoi réformer l'OMC ?

L'intérêt mondial

.Pourquoi favoriser l'intérêt mondial, plutôt que l'intérêt national ou communautaire et qu'est-ce que cela implique? Dans quelles mesures l'Allemagne et la France auraient-elles intérêt à faire preuve d'altruisme politique ? Régler le problème de développement est le

140 Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, p. 209.

141 Pour ce point : Cf. Meunier Sophie, 2003, Trade Policy and Political legitimacy in the European Union in Comparative European Politics, Vol. 1, No.1, Mars 2003, Palgrave Macmillan, Basinstoke, p. 79.

41

grand chantier du 21ème siècle pour les pays développés. De plus, favoriser l'intérêt du plus grand nombre d'Etats-membres serait d'abord un bon moyen de rendre l'OMC plus légitime, pour reprendre la discussion sur la légitimité. Est-ce si facile ? Ce qui est sûr est que L'OMC pourrait favoriser davantage l'intérêt des pays en voie de développement et des pays les moins avancés. A titre d'exemple, les grandes avancées à l'OMC sont généralement négociées en premier lieu par un noyau d'Etats-membres, comprenant les grandes puissances commerciales et les grandes puissances émergentes. Les PMA et les pays en voie de développement ne participent pas à ces réunions. Ils se font représenter tantôt par le Brésil, tantôt par l'Inde. Leur rôle grandissant dans l'économie mondiale empêche pourtant de les considérer comme des pays en développement à par entière142. Une fois le premier consensus obtenu au sein du noyau de négociateurs, la seconde étape est celle de la multilatéralisation, de l'élargissement de ce consensus au reste des Etats-membres (environ 140 nations). C'est à ce stade qu'il est difficile de croire que les grands leaders économiques mondiaux n'exercent pas de pressions sur les pays en voie de développement.143 C'est pourquoi il est quasi impossible qu'un pays en voie de développement soit la cause d'un échec des négociations, alors que tous les pays membres sont théoriquement égaux à l'OMC.

Pourquoi le développement des pays les moins avancés est-il donc si important pour les pays industrialisés européens ? Quel peut-être le lien entre ces deux groupes de pays aux objectifs économiques si différents ? La réponse est de nouveau du côté de la recherche de l'intérêt général mondial. Le développement économique et la réduction de l'insécurité alimentaire dans les PMA contribuent au bien-être futur de l'Europe, dans le sens où ils permettent de limiter deux des plus grands défis de la société européenne : le terrorisme international144 et l'immigration clandestine. On retrouve en effet très souvent

142 Cf. Parlement européen, Rapport sur la voie d'une réforme de l'Organisation mondiale du commerce, commission du commerce international, rapporteur: Cristiana Muscardini, A6-0104/2008, 03/04/08, Bruxelles, p. 13.

143 Cf. Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, p. 210.

144 Le lien entre terrorisme international et insécurité alimentaire, développé plus loin par Pinstrup-Andersen, est moins évident que le lien entre insécurité alimentaire et émigration. Il développe : « La faim généralisée, l'absence d'espoir et de justice sociale génèrent la colère et sont perçues comme une justification de l'instabilité internationale et du terrorisme fomentés et soutenus par des individus et des groupes issus de la classe moyenne. Faute de reconnaître et de traiter ces causes fondamentales de l'instabilité, les efforts actuels investis dans les solutions militaires, les services secrets et les autres mesures de protection seront inefficaces » in http://www.un.org/french/pubs/chronique/2003/numero3/0303p65.asp , Pinstrup-Andersen Per, La sécurité alimentaire dans les pays en développement, Pourquoi l'action des gouvernements est nécessaire in Chronique de l'ONU, 2003, Vol. XL, No. 3, consulté le 11/08/08.

42

l'insatisfaction de la population aux sources de l'exil ou du fanatisme religieux. Le mécontentement étant très lié aux conditions de vie de l'être humain, on peut justement incriminer le niveau de développement à ce niveau. En Europe, les ressortissants des pays les moins avancés ou à retard de développement sont souvent impliqués dans des cas soit d'immigration clandestine ou soit de terrorisme international. Soigner ces fléaux passe ainsi par la résolution du problème de la faim et du développement agricole dans les pays du tiers-monde. Etre conscient de ce lien entre agriculture, immigration clandestine et terrorisme international et le combattre, c'est déjà faire un pas certain vers une bonne gouvernance internationale. La meilleure gouvernance internationale n'est-elle pas de prévenir des risques que court le monde à long terme ? Le parallèle avec le niveau microéconomique est ici très pratique. Dans une entreprise, un manager est évalué sur ses résultats sur le long terme. Une bonne gestion à petite échelle correspond, au niveau politique, à une gouvernance internationale efficace. Pour en revenir aux négociations sur les échanges agricoles : voir à court terme implique de défendre des intérêts économiques alors qu'une vision à long terme impose quelques « investissements »difficiles, gages de paix future.

La pertinence du concept-même de libéralisation des échanges comme outil de développement des pays du Sud est également discutable. On sait que l'outil trouvé pour relever le pari de prospérité mondiale prêche entre autres l'exclusion totale des droits de douanes dans les échanges commerciaux. C'est cette préoccupation, au coeur du présent cycle de négociations, qui est loin de faire l'unanimité parmi les pays du Sud voire parmi ceux du Nord. La question de pertinence mériterait assurément d'être approfondie mais l'angle d'approche proposé ici est différent. La crise alimentaire des années 2007 2008 fait resurgir les lacunes de la politique agricole internationale et de l'aide au développement. Certes, des mécanismes sont déjà en place pour favoriser le développement des PMA comme la clause de sauvegarde spéciale. Cependant, il semblerait que la libéralisation des échanges ne soit pas la solution miracle aux problèmes de développement agricole et de sécurité alimentaire auxquels une partie du monde fait face.

Il faut savoir que l'histoire des produits agricoles dans les négociations commerciales multilatérales est très récente. Les négociations pour un accord sur l'agriculture n'ont été inaugurées que lors du lancement du dernier cycle de l'Uruguay en 1986. La particularité du dossier agricole est celle d'un secteur encore très protégé, surtout en Occident. Cela veut dire par exemple que les tarifs douaniers sur les produits agricoles sont en moyenne plus élevés que pour les produits industriels. La raison de l'entrée tardive de l'agriculture

43

dans le système OMC/GATT s'explique peut-être par le manque d'intérêt économique que représente la libéralisation du secteur agricole pour les pays à économie de marché comme l'Allemagne et la France. Leurs hauts coûts de production agricole nécessitent une haute protection douanière à l'importation, et la levée de ces barrières mettrait en péril une partie de la production de ces pays occidentaux. L'agriculture à l'OMC représente donc l'un des plus grands chantiers et lequel les négociateurs buttent le plus souvent. Les échanges agricoles ont un caractère exceptionnel mais pas seulement à cause des pays industrialisés.

Hypothèses de réforme de l'OMC

Doit-on à l'OMC modifier les compétences, le mode opératoire ou encore l'ensemble des règles du jeu ? On constate une recrudescence des différentes critiques émises à l'encontre de l'OMC au lendemain de l'échec des négociations à Genève, fin juillet 2008. Les difficultés actuelles d'accord à l'OMC prêtent à penser que les négociations seraient peut-être trop ambitieuses. Ces derniers paragraphes sont donc consacrés à l'étude d'une réforme de l'organisation mondiale du commerce. Si les détracteurs de l'OMC rejettent souvent le concept même de libéralisme économique, une remise en cause totale de l'organisation est ici exclue. Le multilatéralisme est en effet trop précieux à une époque où les dangers liés à la mondialisation grandissent d'année en année. Il est donc question d'orienter les critiques vers le rapport agriculture et développement.

L'agriculture a la chance de pouvoir jouer un rôle primordial dans le développement économique et humain. La modernisation de l'agriculture et l'augmentation de la production agricole sont en effet les premiers pas vers un développement humain plus profond et durable. Avant qu'une révolution industrielle ne soit possible, une révolution verte, agricole, doit avoir lieu. On pourrait étayer cet argument en citant le cas de l'Inde après son indépendance. Ce n'est donc pas un hasard si le développement de l'agriculture vivrière dans les pays concernés par la récente crise alimentaire est relevé par tous les observateurs comme étant une solution durable du problème d'accès à la nourriture. Par conséquent, les négociations de l'accord sur l'agriculture à l'OMC devraient se concentrer davantage sur le développement agricole des pays en voie de développement et des PMA que sur la lutte entre pays industrialisés et pays

44

émergeants.145 L'OMC devrait, pour le moins, coopérer davantage avec la FAO (Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture146) pour contribuer à l'éradication de la faim dans le monde. L'OMC ne remplissant pas cette tâche, un instrument de gouvernance internationale dans le secteur de l'agriculture pourrait voir le jour.

Une des critiques le plus souvent formulées concerne la trop grande indépendance de l'OMC par rapport à l'architecture onusienne. Cette remarque semble être partagée par beaucoup d'institutions parlementaires147. L'idée est donc d'améliorer la coordination avec certaines institutions de l'Organisation des Nations unies. Il serait peut-être judicieux de renforcer le lien avec la FAO dans le domaine des échanges de biens agricoles, surtout dans les périodes de crise alimentaire majeure. L'expertise des fonctionnaires de la FAO ne pourrait être que bénéfique, dans le sens où une supervision du processus de négociation148 donnerait à la communauté internationale au moins l'illusion de responsabiliser les négociateurs à l'OMC. Deux rapports émis par les parlements français et européen149 font le même constat du manque de responsabilité et de légitimité démocratiques de l'OMC. La solution consisterait-elle à créer une assemblée parlementaire de l'OMC composée de parlementaires des Etats membres ?150 On doit quand-même s'interroger sur l'efficacité d'une telle mesure. Une assemblée ne serait pas réellement compatible avec un système de négociations qui évolue en permanence. Dès que l'on envisage la relation : négociation commerciale / parlement, la dichotomie de l'efficacité et de la démocratie réapparaît.

En contournant ce dilemme, Razeen Sally151 démontre le bien-fondé d'une réorientation du champ d'action de l'OMC vers des fonctions déjà existantes, mais traitées en marge des négociations du cycle de Doha. Elle explique que : « le rôle de l'OMC peut se limiter à encourager les (...) réformes nationales par l'édification de règles plus justes pour l'ensemble de la communauté des affaires». Son argumentation consiste à dire que

145 Une divergeance entre un pays émergeant (l'Inde) et un pays industrialisé (les Etats-Unis) est considéré être à l'origine de l'échec des négociations lors de la dernière conférence ministérielle de juillet 2008

146 En anglais : Food & Agriculture Organisation.

147 Cf. Parlement européen, Rapport sur la voie d'une réforme de l'Organisation mondiale du commerce, commission du commerce international, rapporteur: Cristiana Muscardini, A6-0104/2008, 03/04/08, Bruxelles, 24 p. et : Assemblée nationale, Rapport d'information déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne,sur la réforme de l'Organisation mondiale du commerce et son lien à l'architecture des Nations Unies, Documents d'information n°2477, 2000, Paris, 484 p.

148 Le rapport du PE imagine de donner par exemple à la FAO ou à l'Organisation mondiale du travail un statut d'observateur à l'OMC.

149 Cf. Parlement européen et Assemblée nationale Op cit.

151 « Die Rolle der WTO kann sich darauf beschränken, (...) nationalen Reformen mit besseren Regeln für die internationale Geschäftswelt zu unterstützen. » in Sally, Razeen, 2008, Bitte keine Weithandeisrunden mehr! in Die Zeit, édition du 07 août 2008, Wirtschaft, Berlin, p. 25.

150 Assemblée nationale, Op. cit., p. 84.

l'ouverture des marchés doit rester une compétence de l'Etat-nation. Elle s'appuie sur le fait qu'en Asie, beaucoup de pays en voie de développement ont volontairement libéralisé leurs économies dans les dernières décennies. L'OMC devrait-elle s'efforcer d'aider les acteurs du commerce international (entrepreneurs et hommes d'affaires) par le biais de régulations qui leur sont adaptées ? L'avantage que l'on reconnait à ce système est qu'il permet de développer un commerce, intérieur comme extérieur, plus équitable152. Pourtant, Razeen Sally ne manque pas de dénoncer les risques d'un éventuel retour au protectionnisme. Les interdictions d'exportations représentent une réelle menace pour la sécurité alimentaire internationale, comme de récents événements ont montré.

45

152 dans le premier sens du terme, à dissocier du fair trade.

46

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire