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La place des états membres de l’UE dans les négociations sur les échanges agricoles à  l’organisation mondiale du commerce. Le cas de l’influence de la France et de l’Allemagne sur la politique commerciale commune.


par Florian Ouillades
Université de Strasbourg - Master de Relations Internationales (Etudes Européennes) 2008
  

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Conclusion

Synthèse

Depuis la création de l'OMC, il y a moins de vingt cinq ans, l'UE a vu le nombre de ses Etats membres doubler. L'OMC a connu la même évolution et gagné vingt nouveaux membres sur la même période. Les processus d'élargissement sont toujours d'actualité, si bien qu'on peut prédire que les prochaines décennies seront celles du régionalisme et le multilatéralisme. Ce succès n'est pas sans conséquence pour les puissances européennes traditionnelles. L'examen de la politique commerciale commune a présenté une politique à plusieurs niveaux interdépendants. La construction européenne a créé des mécanismes uniques dans le but d'entraîner une coopération toujours plus étroite entre les Etats de l'Union. Ces mécanismes, qui caractérisent la coordination de la PCC, exigent des Etats membres un ajustement stratégique. C'est cette adaptation qui est perçue en Europe comme un symbole d'érosion de la souveraineté nationale. On apprend également que l'influence des Etats membres est aussi affaiblie par le rapport de force entre les institutions européennes ; le comité de l'article 133 est une illustration parfaite de cette confrontation.

La Commission, représentante de l'intérêt général communautaire, a de son côté une autorité non négligeable sur le déroulement des négociations. A l'OMC, elle a le premier rôle : celui de la négociatrice tandis que le Conseil est à la fois consultant et signataire. Le Parlement n'est dans l'affaire qu'un consultant sans influence. Enfin, l'influence des Etats membres est enfin atténuée par le rapport de force à l'intérieur de l'OMC. La même négociation de la position nationale s'opère de nouveau à une plus grande échelle, puisque cette organisation autogérée regroupe 153 Etats nations souveraines. Le combat juridique, également passionnant, est lui aussi en passe de rendre la Communauté plus indépendante encore dans la politique commerciale. Face à toutes ces attaques, il y a bien un dernier recours: la menace du véto national sur la ratification des accords. Cette mesure, que le caractère multilatéral de l'OMC rend possible, est souvent utilisée par certains membres, telle une arme que l'on brandit dans les moments de détresse.

Les grands Etats membres historiques de l'UE ne subissent pas ses changements de manière passive. Le couple franco-allemand réagit différemment car la culture et l'histoire de ses deux pays frontaliers ont façonné des cultures politiques quasiment opposées. La

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France a depuis toujours une structure centralisée, qui lui permet par exemple de réagir très rapidement et d'influencer la position européenne à l'OMC. D'un autre côté, la prise de décision y est souvent unilatérale, moins démocratique et peu préparée au multilatéralisme. En passant le Rhin, le centralisme se transforme en fédéralisme. Cette caractéristique garantit la légitimité démocratique par une prise de décision collégiale, tout en ralentissant fortement la coordination interministérielle153. On retombe en fin de comptes sur la même dichotomie que celle la méthode de négociation de la Commission. Toute l'action politique semble en effet balancer entre efficacité et légitimité.

Un dernier point de dissemblance est le positionnement national dans les négociations sur l'agriculture à l'OMC ; tandis que la France a des reflexes davantage protectionnistes, l'histoire et la structure de l'Allemagne ont prédéterminé son enclin au libéralisme. Les différences de culture nationale ne semblent pourtant pas privilégier ni désavantager l'un ou l'autre pays au niveau européen. Les particularités évoquées n'ont qu'une incidence modérée sur la conduite des négociations à l'OMC par la Commission. Le déclin du rayonnement national dans les affaires du commerce extérieur est en marche. La France et l'Allemagne ne manquent pas de dénoncer l'impératif de consensus au sein de la Communauté. S'ils jugent leurs intérêts nationaux galvaudés par la construction européenne, la France et l'Allemagne devraient davantage envisager cette étape d'alliance comme un atout. En effet, jamais une position communautaire n'est aussi convaincante que lorsqu'elle est partagée par la totalité des Etats membres. Il ne faut pas oublier qu'un consensus a toujours pour origine une communication et une négociation bilatérales. C'est bien au contraire la dissension qui dessert clairement l'intérêt de l'Etat membre ; la Commission gagne alors en indépendance car elle doit négocier sans consignes claires des Etats membres.

Pour compenser la perte d'influence, des réflexes européens se mettent en place. Les relations avec la Commission et les groupes de pression parviennent souvent à avoir ce que les Etats membres n'ont pas obtenu lors des réunions officielles. Il n'empêche que la négociation par la Communauté est une arme à double tranchant pour les Etats membres. Une avancée dans les négociations s'obtient souvent aux dépends du respect des intérêts nationaux. La compétence communautaire exclusive a des avantages évidents mais elle rend les Etats membres plus dépendants des institutions pour promouvoir leurs intérêts.

153 Celle-ci « doit respecter les compétences des Länder, l'équilibre des coalitions politiques au sein de certains gouvernements et la spécificité des pouvoirs du Chancelier. » in Conseil d'Etat, Jurisprudence et avis de 2006, rapport public 2007,- L'administration française et l'Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, p. 296.

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La PCC possède donc un système de coordination est à la fois complexe et perfectible. Toute solution doit prendre en compte ceci : négociation commerciale et démocratie ne font pas bon ménage. La politique commerciale internationale, comme les institutions européennes, souffre d'un déficit démocratique. Pour plus démocratie, il faudrait, en suivant l'étymologie, rendre le pouvoir aux dèmes, c'est-à-dire aux représentants des citoyens du monde. Si cela est presque impossible vu la technicité des débats, il au moins primordial de veiller à ce que chaque nation garde le même poids dans les négociations.

L'OMC poursuit davantage un objectif, la libéralisation des échanges, qu'elle ne construit de cadre pour le commerce mondial. Certes le libéralisme est préférable au protectionnisme sur le long terme, mais encore faut-il que l'économie du pays soit compétitive. L'étude lancée dans ce mémoire parvient à montrer que l'OMC doit évoluer dans le sens d'un intérêt général mondial. Quel autre objectif cet instrument de prospérité planétaire pourrait-il remplir que celui d'aider à satisfaire les besoins les plus élémentaires de plus de 800 millions154 de personnes ? Cela nous rappelle que les échanges agricoles à l'OMC ne devraient pas être considérés comme des biens industriels, ne serait-ce que pour des raisons de politique de développement. Ainsi dans les pays développés, des intérêts politiques viennent s'opposer aux intérêts économiques nationaux. Les 800 millions d'affamés compliquent sérieusement l'entreprise de la libéralisation du secteur agricole. Un des problèmes majeurs est que certains pays comme les pays les moins avancés n'ont pas terminé leur révolution agricole. Leur agriculture est alors terriblement vulnérable à la concurrence. Une forte perturbation des marchés locaux par l'aide en nature des Etats-Unis en période d'insécurité alimentaire155ne fait qu'accentuer le phénomène. Dans ce contexte, on peut difficilement exiger des PMA qu'ils baissent ne serait-ce que très légèrement leur protection douanière, alors que cela pourrait compromettre davantage encore leur développement ?

L'OMC, moteur du développement économique et humain?

Ce sujet épineux referme la thématique de l'influence et ouvre celle du développement. On le retrouve également dans les négociations des accords de partenariat économique avec les pays d'Afrique-Caraïbes-Pacifique, engagées pour garantir la conformité aux lois de l'OMC. Si l'agriculture est si particulière et si elle semble parfois vouer les cycles de

154 Source FAO (2008) Cf. http://www.fao.org/newsroom/fr/news/2008/1000854/index.html

155 Cf. la problématique de la monétarisation (passage d'une aide humanitaire in kind à une aide in cash) de l'aide alimentaire sur le site de l'OMC.

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négociations aux échecs, pourquoi ne pas faire sortir les échanges agricoles du cadre de l'engagement unique156 et la négocier à part? Jacques Carles157 souligne à ce sujet que : « les produits agricoles représentent seulement dix pourcents des échanges commerciaux mondiaux ». Dans ce travail de recherche, la critique majeure adressée à l'OMC concerne les pays du Nord comme du Sud. En matière de prospérité, la capacité des accords de libre-échange à réduire les écarts de développement dans le monde est controversée. Pierre Pagesse, membre du mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture158, décrit la situation :

« En simulant l'impact de la proposition de Falconer159 à l'OMC, le modèle démontre qu'une volatilité croissante des prix serait très proche du scénario de libre-échange absolu. Par conséquent, une décision multilatérale de réduction des droits de douanes, du soutien interne [aux agriculteurs] et du soutien à l'export ne serait pas bénéfique aux pays les plus pauvres mais aurait en fin de comptes l'effet inverse Les agriculteurs ne peuvent pas survivre dans un marché qui est devenu extrêmement chaotique. »160

156 Principe de l'OMC Cf. introduction.

Quel est le futur du cycle de Doha après le dernier échec des négociations ? L'élection présidentielle américaine à venir, le renouvellement de la Commission européenne ainsi que les élections législatives en Inde en 2009 vont vraisemblablement repousser les possibilités de conclusion de cycle de plusieurs années. La longueur des négociations dans ce dernier cycle laisse planer le doute sur le destin de l'OMC. Plus que l'avenir de l'organisation, c'est le mode de négociation comme l'engagement unique par exemple qui est en sursis. On pourrait aussi envisager une scission entre des organes de règlement de différends, qui ont prouvé leur efficacité, et des organes de négociation, qui sont moins performants. La meilleure solution reste à trouver mais le coupable est déjà connu. La cause des échecs à l'OMC est encore et toujours la réalité d'un monde où les décisions se prennent unilatéralement pour préserver des intérêts nationaux. La crise actuelle des produits alimentaires force le même constat, l'intérêt général doit primer sur l'intérêt

157 «trade only involves 10% of agricultural products worldwide » in http://www.reuters.com/article/ pressRelease/idUS119994+05-Jun-2008+PRN20080605 , Reuters, An International Task Force to Speedily Launch the World Agriculture Organization, 5 juin 2008, consulté le 11/08/08.

158 Momagri est un thinktank basé dans le premier arrondissement parisien dont Jacques Carles est l'un des fondateurs.

160 « in simulating the impact of the Falconer proposal to the WTO, the model demonstrates that increasing price volatility was very close to the scenario of complete free trade. Consequently, a multilateral decision to reduce customs duties, national incentives and export subsidies would not benefit the poorest countries and would, in fact, have the opposite effect. Farmers cannot survive in a market that has become highly chaotic. » in http://www.reuters.com/article/pressRelease/idUS168683+10-Apr-2008+PRN20080410 , Reuters, An International Task Force to Speedily Launch the World Agriculture Organization,10 avril 2008, consulté le 20/08/08.

159 Délégué néo-zélandais président du groupe de négociations agricoles de l'OMC.

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national. L'Allemagne et la France, en tant que puissances économiques mondiales, ont une grande responsabilité dans cette entreprise. Leur situation n'en est pas moins ambivalente. A l'OMC, on a affaire à des négociations où tout vainqueur est montré du doigt. En tant que pays développé il faut parfois savoir ruser pour gagner assez et contenter ses citoyens, sans jamais trop y parvenir pour ne pas mécontenter les citoyens du reste du monde

Alors que le commerce a peut-être permis de sauver l'humanité à l'époque préhistorique161, il pourrait la mettre en péril au 21ème siècle ? Le développement et le partage des richesses inégaux entre les pays est une source de conflit inépuisable. Le grand défi des décennies à venir est de soutenir les efforts pour une gouvernance internationale. La situation actuelle est tout sauf satisfaisante. Une chose est sûre : le monde ne peut pas se passer du multilatéralisme. Pour l'économie mondiale, il représente l'établissement de mécanismes durables permettant de privilégier les rapports de chacun des pays avec l'ensemble de ses partenaires162. Cette définition du multilatéralisme montre à quel point celui-ci a davantage de valeur que de simples accords régionaux, qui désavantagent toujours les Etats les plus faibles. L'établissement d'un commerce plus sûr et équitable vaut certainement mieux que le gain temporaire de parts de marchés. Le déclin de l'influence des Etats membres de l'UE dans la politique commerciale internationale est inexorable. La chance à saisir pour l'Allemagne et la France, c'est l'opportunité d'une réforme de l'OMC, qui se fait plus pressante à chaque nouvel échec des négociations. Si l'on est rentré depuis longtemps dans une ère mondiale, il reste encore à poser les fondements d'une conscience planétaire. Celle-ci pourrait en effet s'avérer salutaire pour les populations futures, qui devront dépendre plus que jamais les unes des autres. Le cycle de Doha a été lancé en réponse directe à l'électrochoc que les événements du onze septembre 2001 ont représenté. On est en droit de supposer qu'une autre crise majeure soit malheureusement nécessaire pour provoquer une prise de conscience en conséquence.

161 Cf. Le rôle socioéconomique capital du commerce de l'obsidienne en Afrique après la catastrophe de Toba (selon la théorie de Stanley Ambrose) dans Ambrose Stanley H., Late Pleistocene human population bottlenecks, volcanic winter, and differentiation of modern humans, in : Journal of Human Evolution, 1998, Vol. 34, No. 6, pp. 623-651.

162 Cf. la définition : http://www.cnrtl.fr/definition/multilat%C3%A9ralisme, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, consulté le 24/06/08.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry