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La place des états membres de l’UE dans les négociations sur les échanges agricoles à  l’organisation mondiale du commerce. Le cas de l’influence de la France et de l’Allemagne sur la politique commerciale commune.


par Florian Ouillades
Université de Strasbourg - Master de Relations Internationales (Etudes Européennes) 2008
  

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2 La France et l'Allemagne: quelles différences pour quelles influences?

L'Allemagne et la France ont toujours été au coeur du processus de construction et sont souvent perçues comme un moteur européen. Ces deux nations influentes n'en sont pas moins très différentes. Ce couple mixte à l'origine de l'aventure supranationale se prête donc parfaitement à une analyse globale de l'influence des Etats membres dans l'Union européenne. L'Allemagne fédérale et la France centralisée sont le sujet de cette partie qui aborde la coordination de la politique commerciale commune dans le secteur de l'agriculture à l'échelle nationale. Après avoir constaté l'autorité limitée des Etats membres de l'UE dans le chapitre précédent, on peut se demander si les particularités nationales ne permettent pas de compenser ce désavantage ? L'enjeu est ici de considérer les différences de culture politique pour analyser leur impact. Outre la confrontation des deux modèles, il est aussi question de la façon dont la France et l'Allemagne influencent les institutions européennes. On s'aperçoit que la politique commerciale extérieure, d'abord coordonnée au niveau national, ne prend pas le même sens dans les deux pays et que les différences de culture politique n'ont, en fin de comptes, pas de réelles conséquences dans la coordination de la PCC à Bruxelles67.

2.1. L'Allemagne fédérale et plurielle

L'Allemagne a un lien particulier avec la construction européenne. Le projet européen fait presque partie de la culture nationale, comme en témoigne la Loi fondamentale:

Article 23 [L'Union Européenne] :

«Pour l'édification d'une Europe unie, la République fédérale d'Allemagne concourt au développement de l'Union Européenne qui est attachée aux principes fédératifs (...) ainsi qu'au principe de subsidiarité»68

Cet article 23, base de la coopération entre l'Union Européenne et la Fédération allemande, donne à penser que la République fédérale et l'UE ont une structure fédérale

67 Bruxelles est ici utilisée dans ce mémoirecomme une métonymie car c'est le centre symbolique du pouvoir communautaire.

68 «Artikel 23 [Europäische Union] Zur Verwirklichung eines vereinten Europas wirkt die Bundesrepublik Deutschland bei der Entwicklung der Europäischen Union mit, die (...) föderativen Grundsätzen und dem Grundsatz der Subsidiarität verpflichtet ist » Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland, 2006, Bundeszentrale für politische Bildung, Bonn, p. 23.

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similaire et qu'elles poursuivent les mêmes buts de démocratie, de respect du principe de subsidiarité, etc. On parle alors dans ces systèmes de gouvernance à plusieurs niveaux d'une forte interaction entre le niveau local, régional, national voire supranational comme ici l'Europe. Il n'est donc pas étonnant de constater que ces deux processus de formation d'entité européenne69 et fédérale allemande remontent à une même période d'après-guerre. Martin Hüttmann illustre le fédéralisme en le comparant à un jeu de poupées russes70 . Il fait le parallèle entre l'imbrication des niveaux de gouvernance et de compétence et les différentes poupées qui s'emboîtent les unes dans les autres. Cette image résume bien la relation entre les différents niveaux que l'on retrouve en Europe et encore davantage en Allemagne. Le voisin germanique aurait-il pour autant une longueur d'avance sur la France, sous prétexte qu'il forme une fédération?

La politique européenne en Allemagne est une politique nationale où les niveaux fédéral et fédéré71 entrent en concurrence.72 Cependant, la compétence législative pour la politique à l'étude a depuis longtemps quitté les niveaux régionaux ou nationaux. Par exemple, le Bund comme les Länder ne gardent qu'une influence indirecte sur les négociations de l'OMC à Genève car celles-ci relèvent du commerce extérieur, depuis longtemps l'affaire de la Communauté. Cela ne signifie pas que la fédération ou les Länder n'ont pas de moyens d'influence dans la politique commerciale commune. En effet, les représentations de la Fédération ainsi que les seize représentations des Länder jouent un rôle capital de communication et de lobbying dans la capitale belge73. Le caractère fédéral de l'Allemagne devrait logiquement lui conférer un avantage sur la scène européenne. Cependant, si elle garde une place particulière dans l'Union du fait de sa taille et de sa situation géographique, l'Allemagne rencontre les difficultés liées à cette même structure fédérale. Le principe de subsidiarité, inhérent à sa constitution, engage dans la pratique un impératif de vote consensuel. La position allemande doit par exemple être approuvée par plusieurs bureaux concernés dans plusieurs ministères, avant chaque intervention dans les formations du Conseil.

Il arrive parfois que les ministères fédéraux, ces représentants d'intérêts divergents, n'arrivent pas à s'entendre sur des sujets sensibles. Il est facile de s'imaginer que le ministère de la coopération défende une position diamétralement opposée à celle du

69 On ne peut pas encore parler de réel projet constitutionnel européen dans les années 50.

70 Cf. Hüttman Martin G., 2005, Wie europafähig ist der deutsche Föderalismus? in Aus Politik und Zeitgeschichte , mars 2005, no. 13-14, p. 27.

71 En allemand on distingue la Fédération : le Bund des Etats fédérés ou Etats-régions ; en allemand : les (Bundes-) Länder (Land au singulier).

72 Cf. Hüttman Op. Cit. p. 27.

73 Cf. la dernière sous-partie portant sur le lobbying.

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ministère de l'agriculture. Un des terrains de discorde est par exemple l'accord sur l'agriculture à l'OMC. Tandis que l'un (le ministère de la coopération) prend fait et cause pour les pays du Sud et leur développement, l'autre se pose en défenseur des intérêts des agriculteurs allemands en essayant entre autres de limiter leurs pertes d'accès aux marchés74. Si un tel conflit d'idées persiste et si les fonctionnaires allemands ne sont pas parvenus à un compromis minimum, le délégué de la république fédérale ne sera pas autorisé à s'exprimer dans les forums européens. Ce silence peut très fortement nuire à l'influence et à l'image du pays dans l'Union, d'autant plus que beaucoup d'autres Etats membres ne sont pas concernés par ce problème. Le processus de prise de décision collégiale de l'Allemagne l'empêche de réagir rapidement dans la procédure de préparation des initiatives de la Commission. Lorsque celle-ci lance des consultations75, les fonctionnaires allemands tardent parfois à émettre un avis sur les desseins communautaires. Comme l'explique le Conseil d'Etat76, l'une des clés du succès des intérêts nationaux réside justement dans la capacité à influencer très tôt la Commission européenne.

...a su tirer les leçons de son histoire

L'autre inconvénient de la coordination allemande est qu'elle n'est pas centralisée. Il n'existe pas vraiment d'équivalent allemand au secrétariat général des affaires européennes français. Certes la chancellerie représente un niveau de décision supérieur au niveau ministériel mais la plus grande partie des décisions se prend au niveau du chef de service77. Dans leur ouvrage technique, Anja Thomas et Wolfgang Wessels expliquent ainsi qu': « en règle générale, l'accord interministériel doit avoir lieu au niveau des chefs de service. Si celui-ci n'est pas possible entre les experts techniques, les sous-directeurs voire les directeurs sont alors informés du processus. » 78 Pour résumer, la

74 Défendre l'agriculture nationale revient à favoriser l'exportation de produits agricoles en cherchant à diminuer les barrières douanières dans les pays du Sud et à maintenir une barrière douanière domestique suffisante pour les produits agricoles qui restent sensibles (à la concurrence).

75 Cf. supra les non-papers de la Commission dans le paragraphe sur la description de la relation entre les institutions européennes en matière de politique commerciale commune concernant les accords de l'OMC

76 Cf. Rapport public du Conseil d'Etat 2007, jurisprudence et avis de 2006 - L'administration française et l'Union européenne: quelles influences? Quelles stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, pp. 297-317.

77 Dernier échelon de l'organisation ministérielle, on emploie également le terme de chef d'unité ou de bureau.

78 « Im Regelfall soll die interministerielle Einigung auf der Ebene der Referatsleiter stattfinden. Ist dies auf der Arbeitsebene nicht möglich, werden zunächst die Unterabteilungsleiter bzw. Abteilungsleiter mit dem

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coordination d'une politique européenne comme celle du commerce extérieur prend davantage de temps et concerne davantage de personnes que dans la plupart des autres Etats membres de l'UE. En marge des réunions du comité de l'article 133, le gouvernement fédéral organise une réunion préparatoire au siège du ministère fédéral de l'économie, responsable de la coordination à l'échelle fédérale.79 Cette réunion quasi-hebdomadaire prépare la position allemande défendue plus tard à Bruxelles. Le but de la réunion est de fournir au représentant allemand des éléments de parole lors du comité 133. Il s'agit donc d'arrêter une position commune à plusieurs services compétents des ministères fédéraux. C'est la première étape technique de recherche de consensus. Le cheminement de ses ébauche de directives est long et les révisions sont monnaie courante, bien que le tout se fasse électroniquement. Chaque document doit être cosigné par plusieurs services, qui comptent parfois plus de dix personnes. Voilà encore un processus qui s'avère coûteux, sans oublier que ces réunions par visioconférence sont parfois le théâtre de confrontations d'ordre politique plus que technique

L'Allemagne possède donc une constitution très fonctionnelle et de nombreux garde-fous démocratiques. Par ailleurs, un autre principe énoncé dans l'article 23 la caractérise: le principe de subsidiarité. La position allemande peut ainsi varier sensiblement en fonction de la personnalité du fonctionnaire qui représente la Fédération à un moment donné. Il n'a d'ailleurs que peu de comptes à rendre à sa hiérarchie, comparé à son homologue français. Pour conclure, les principes du pluralisme de l'Allemagne limitent quelque peu sa rapidité de fonctionnement. Cependant, autant la Fédération que les Länder compensent cette démocratie peu accommodante par une expérience du lobbying et de la représentation d'intérêts80. Les Länder ont par exemple pignon sur rue dans la capitale européenne comme en témoigne la représentation de l'Etat-libre de Bavière. Elle est située à deux pas des institutions et porte le surnom évocateur du château allemand le plus célèbre. Le pays n'est donc pas réellement défavorisé par sa constitution et la délégation allemande est toujours bien voire parfois mieux représentée81 dans les affaires du commerce extérieur que celles d'autres Etats-membres moins riches.

Vorgang befasst ». Thomas Anja, Wessels Wolfgang, 2006, Die deutsche Verwaltung und die Europäische Union, Berlin-Brüssel-Berlin, BAKÖV, Brühl, p. 163.

79 Les considérations faites dans la fin de ce paragraphe s'appuient sur mon expérience pendant le stage.

80 Les Länder ont depuis toujours une représentation à la Fédération dans la capitale allemande.

81 Cf. Conseil d'Etat, Jurisprudence et avis de 2006, rapport public 2007,- L'administration française et l'Union européenne: quelles influences ? Quelles stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, p. 297.

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Le comportement de l'Allemagne en matière de relations internationales suit quelques principes relevés par Florian Lütticken.82 Il évoque en effet des éléments de l'identité allemande assez caractéristiques. Tout d'abord, il y a dans la culture politique un impératif du « jamais tout seul » qui dissimule à la fois une peur de l'isolation et de l'idée d'un Sonderweg allemand (voie singulière). Il y a ensuite un penchant naturel fédéraliste qui se traduit par une certaine capacité d'alliance et une sympathie envers la construction européenne. L'Allemagne se distingue enfin par un légalisme83 très développé et une prédisposition au rôle de relais transatlantique. Outre l'influence du passé84, Florian Lütticken décrit l'importance considérable du regard extérieur (venant principalement de Washington et de Paris) comme une caractéristique de la politique extérieure allemande. Celle-ci est cependant coincée entre deux volontés antagonistes. Le pays ne peut jouer son rôle de porte-parole de l'intégration européenne (du fait de sa situation en Europe) que jusqu'à un certain niveau ; sa volonté est limitée par une autocensure dont elle a hérité de son histoire. Ce dernier point fait de l'Allemagne une puissance malgré elle. Cependant elle prend sa fonction très à coeur dans l'orchestre mondial : elle s'efforce de limiter la partie destinée aux solistes pour ne pas compromettre la symphonie multilatérale.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle