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La place des états membres de l’UE dans les négociations sur les échanges agricoles à  l’organisation mondiale du commerce. Le cas de l’influence de la France et de l’Allemagne sur la politique commerciale commune.


par Florian Ouillades
Université de Strasbourg - Master de Relations Internationales (Etudes Européennes) 2008
  

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1.3. Pourquoi l'Etat membre s'efface ?

Compétence partagée, compétence exclusive

La compétence partagée est, comme son nom l'indique, une délimitation des pouvoirs où les Etats membres et la Communauté sont co-décisionnaires. A l'inverse, dès que la Communauté jouit d'une compétence exclusive dans une politique, toutes les décisions sont entre les mains des institutions européennes. Les négociations à l'OMC sont l'un des champs d'action politique où les deux compétences coexistent. Cette particularité constitue en quelques sortes l'origine de la problématique de ce travail de recherche. Celui-ci s'intéresse plus précisément à l'analyse des limites du cadre de la politique commerciale commune à l'OMC. Les tentatives pour renforcer la base juridique et rendre cette politique plus cohérente ont été nombreuses. On vient de voir par exemple que l'article 133, modifié par le traité d'Amsterdam, a engendré un mode de prise de décision simplifié à l'intérieur de la Communauté. Le premier constat est que la Communauté jouit le plus souvent d'une compétence exclusive dans la prise de position dans les négociations.

Pour l'accord sur les échanges agricoles à l'étude, la compétence de la Communauté est exclusive. L'influence directe des Etats-membres sur le processus des négociations est donc bornée, tout comme celle des parlements nationaux et européen.52 Le Parlement européen accompagne néanmoins le processus des négociations de façon indirecte. Il peut ainsi adopter des résolutions ou tenir une audience au stade de la préparation de la position de mandat. Plus tard, le comité des relations commerciales extérieures du Parlement reçoit régulièrement des rapports de la Commission et du Conseil. Enfin, la procédure d'avis conforme requiert la majorité simple du Parlement européen au moment de la ratification, dans quelques domaines des négociations relevant de la compétence partagée. Le comité économique et social européen ne peut donner son opinion que sur demande. Comparé à cette implication minime, la Commission joue un rôle essentiel parce qu'elle doit représenter une Europe qui ne trouve presque jamais de position unanime sur le sujet de l'OMC.53 En effet, la Commission est obligée d'adopter une position commune en interne en cas de désaccord entre la Communauté et les Etats

52 Cf. troisième partie.

53 Cf. http://eiop.or.at/eiop/texte/2004-014a.htm Leal-Arcas Rafael, The EC in the WTO : The three-level game of decision-making. What multilateralism can learn from regionalism, European Integration online Papers Vol. 8, No. 14, consulté le 18/08/08, p. 10.

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membres. La Commission a plusieurs responsabilités : on la retrouve à l'OMC dans le rôle de représentant naturel, de porte-parole et de négociateur unique

Le rapport de force entre Etats membres et Union Européenne à l'OMC est réel. Cependant, peut-on dire qu'une compétence exclusive de la Communauté existe en pratique? Le rôle ambigu du Conseil ne permet pas de répondre entièrement à cette question. Pour reprendre la division en étapes chronologiques énoncée plus haut, on constate que la définition des objectifs et l'octroi du mandat se fait par le Conseil des ministres. Ensuite, la Commission européenne se charge de mener les négociations en tant que représentante du Conseil et en consultation avec le comité de l'article 133. La conclusion des accords et la ratification sont opérées par le Conseil, souvent sans l'intervention des parlements nationaux. La plus grande différence entre compétence exclusive et partagée concerne finalement le mode de vote. La prise de décision échoit à la majorité qualifiée lorsque la Communauté jouit d'une compétence exclusive. Dans le cas contraire, les ministres du Conseil et les parlements nationaux doivent approuver à l'unanimité les parties des accords relevant d'une compétence partagée. Quelque soit le mode de vote, la France et l'Allemagne ne peuvent faire l'économie d'une recherche d'alliance. Ce type de compromis systématique ne fait qu'affaiblir la position nationale. Constituer une majorité qualifiée ou son contraire, une minorité de blocage, sont deux actions qui occupent souvent Paris et Berlin et rappellent l'interdépendance du couple moteur franco-allemand. La position de l'Allemagne au sein du Conseil peut ainsi s'avérer déterminante pour la position française à l'OMC, comme l'explique Lütticken54. Face à des Etats membres dépendants, il affirme aussi que: « la conduite des négociations, le droit d'initiative et les différences d'opinion au Conseil ont donné à la Commission une certaine marge de manoeuvre »55.

Les Etats membres au sein de l'OMC/GATT

La politique commerciale commune confère à l'UE un comportement d'Etat-nation à part entière sur la scène internationale. L'Union est d'ailleurs membre de l'OMC aux côtés de ses 27 Etats membres. Cependant, il est ici nécessaire de s'arrêter sur un point détail

54 Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Nomos, Baden-Baden, p. 167.

« die Verhandlungsführung, das Iniativrecht und die inhaltlichen Differenzen im Rat gaben der

Kommission einen gewissen Handlungsspielraum » in Op. cit. p. 168.

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pour bien comprendre la faille juridique. Le fait de désigner l'Union Européenne comme membre de l'OMC reste juridiquement incorrect. 56. En effet, en se référant à la page internet de l'organisation57, seules les Communautés européennes figurent au rang des Etats membres. Elles existent depuis 1957 ; le nom complet du traité de Rome est en fait le traité instituant les communautés européennes. C'est un terme qui regroupe trois entités distinctes : la Communauté économique européenne (CEE), la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) et la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). Il n'en reste plus que deux communautés aujourd'hui58 mais dans la pratique, la CEE a toujours porté seule la compétence légale de l'action communautaire. L'unique problème est que ces trois communautés n'englobent toujours pas tout ce que représente l'Union Européenne59. Alors que l'UE devient davantage qu'une simple communauté économique en 1992, le traité ne lui prévoit pas de statut de personne morale de droit international, si bien qu'elle ne peut être membre de jure de l'OMC. Michèle Corbach ajoute que le traité de Lisbonne pourrait simplifier la situation juridique en réglant le problème de la personnalité juridique60. Le fait d'être une personne morale commerciale permettrait enfin à l'UE de remplacer la Communauté européenne à l'OMC.

Pour reprendre l'analyse de la place des Etats membres de l'UE, on s'aperçoit que la France et l'Allemagne n'ont pas vraiment le pouvoir de décision qu'ils désirent au sein de l'OMC. L'Europe doit en effet négocier ardemment avec ces partenaires et défendre une position qui a perdu en signification. En effet, le nombre de pays membres qui ne cesse d'augmenter atténue logiquement le pouvoir des grands blocs commerciaux tels que l'UE et complique la possibilité d'accord. Si l'antagonisme Etats-Unis / Union Européenne a marqué le dernier cycle de négociations61, le cycle actuel a laissé une place moins prépondérante à l'Europe dans les négociations. En effet, l'affrontement entre pays développés et pays en voie de développement, mis en exergue par l'agenda de Doha, a porté au devant de la scène l'Inde et les Etats-Unis, en laissant le second rôle à une

56Cf. Corbach Bernadette V. I., 2005, Die Europäische Gemeinschaft, ihre Mitgliedstaaten und ihre Stellung in ausgewählten internationalen Organisationen, Ed. Logos, Berlin, p.105

57Cf. http://www.omc-wto.com/organisation-etatsmembres.html, Organisation Mondiale du Commerce, consulté le 18/08/08.

58 La CECA, d'une durée de cinquante ans, n'existe plus officiellement depuis 2001.

59 L'Union Européenne, créée par le traité de Maastricht, n'est pas le nouveau nom de la communauté économique européenne mais un terme regroupant plusieurs groupes de politiques aux procédures législatives différentes. En plus du pilier des communautés (dont la PCC fait partie), l'UE se dote de deux autres piliers de politiques plutôt intergouvernementales, comme celle de sécurité ou des affaires judiciaires. 60Cf Corbach Op. cit. p.118. On notera que l`article 47 du traité de Lisbonne précise que: « L'Union possède une personnalité juridique ».

61 Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Ed. Nomos, Baden-Baden, p. 164.

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Europe divisée. Déjà lors du cycle d'Uruguay62, l'Europe n'avait pas réussi à parler d'une seule voix comme l'explique Florian Lütticken63. Cela fut de nouveau le cas aux dernières négociations de février 2008. Bien que la France ne souhaitait pas d'accord à Genève, on ne peut objectivement lui imputer l'échec des négociations.

Pour conclure, l'influence nationale pèche, tant au niveau communautaire qu'au niveau multilatéral. D'une part, le consensus, principe commun au régionalisme et au multilatéralisme, affaiblit toute position unilatérale, nationale. De l'autre, la Commission fait bon usage de sa marge de manoeuvre dans la conduite des négociations. Stephen Woolcock relève que « les détracteurs du processus décisionnel européen de la politique commerciale accusent la Commission Européenne de ne pas vouloir négocier sans mandat du Conseil et de n'être pas capable de négocier une fois le mandat obtenu, sous prétexte que celui-ci est rédigé de manière trop contraignante.»64 Pour renvoyer au débat sur l'indépendance de la Commission abordé en dernier lieu, on peut nommer ici un exemple. Il arrive que la Commission expose des « faits accomplis » aux Etats membres lors des débriefings à Genève : c'est-à-dire des compromis déjà négociés qui ne rentrent pas dans les termes du mandat que celle-ci a reçu65. Dans un autre style, « l'UE peut également faire des transferts pour s'assurer que l'accord négocié à la table internationale soit accepté par tous les Etats membres. »66 L'auteur évoque par là une certaine tractation sous forme de promesse d'aide financière compensatoire, dont la Communauté se sert pour sortir d'une impasse au Conseil de l'UE dans les négociations à l'OMC. Les pages suivantes tentent de d'examiner comment la France et l'Allemagne réagissent face à ces « débordements » de la Communauté et à la menace de leur souveraineté nationale ?

62 Les négociations à l'OMC s'effectuent par cycle, celui d'Uruguay étant le dernier en date (1986-1994) et le plus vaste. Il déboucha sur la conférence de Marrakech instituant l'OMC.

63 Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Ed. Nomos, Baden-Baden, p. 167.

64 « Critics of the EU decision-making in trade policy have accused the European Commission of being unwilling to negotiate without a mandate from the Council and unable to negotiate once it has a mandate, because the mandate is so tightly drafted. » in Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, p. 205.

65 Cf. Lütticken Op. cit. p. 168.

« The EU may also use side payments in order to help ensure that all Member States accept the deal that

has been negotiated on the international table » Woolcock, Op. cit. p. 210.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote