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L'exercice de la contrainte par l'union africaine sur ses états membres.


par Aubain Wilfried NGOULOUGOU
Université de Douala (Cameroun) - Master 2 recherche en droit public international 2020
  

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PREMIÈRE PARTIE:

UN CADRE JURIDIQUE D'EXERCICE DE LA CONTRAINTE PAR L'UNION AFRICAINEÀ FORT POTENTIEL

La conduite des États au sein d'une organisation est censée être façonnée par celle-ci, selon les résultats escomptés et à mesure de l'évolution de la société internationale. Cependant,ces États peuvent librement jouir de leurs droits en tant que sujet de droit,tant qu'ils le font dans la limite que leur octroie la réglementation de l'organisation. Ceci signifie que leur souveraineté n'y est pas compromise, surtout pas par leur simple statut d'État membre de l'organisation. Pour saisir le bien-fondé de l'existence des textes et institutions dans un ordre juridique international, il importe de partir de l'observation de leur importance dans l'ordre juridique interne.

En droit interne, l'État acquiert la personnalité juridique parla loi fondamentale qu'est la Constitution, autour de laquelle gravitent d'autres textes tous aussi d'une importance indérogeable. La Constitution de l'État et ses satellitesérigent, consacrent et gouvernent des principes du droit applicable sur un territoire. La continuité de l'État75(*) étant assurée par ses institutions, celles-ci se voient accorder la légitimité du pouvoir dont elles ont besoin pour contraindre les gouvernés (à s'exécuter). Ceci participe du régime juridique de l'exercicede la contrainte.En rapportant ce régime dans l'ordre juridiquede l'UA, l'on se pose la question suivante : quel est le potentiel du cadre juridique de lacontrainte que l'UA exerce sur ses États ?

L'UAfait une parfaite illustration de l'aménagementde la contrainte et donc, de son exercice à l'échelle régionale, bien qu'elle-même soit inspirée par son homologue l'UE.En effet, le potentiel du cadre juridique de la contrainte que l'UA exerce sur ses États membres c'est d'abord saconsistance d'un point de vue normatif(Chapitre I)puis,sa structure d'un point de vue institutionnel (Chapitre II).

CHAPITRE I:

UN CADRE NORMATIF CONSISTANT D'EXERCICE DE LA CONTRAINTE

L'UA n'est pas une Organisation figée sur une question unique comme d'autres Organisations76(*), à l'exemple de l'OTAN et de l'OTSC qui ne se préoccupent que de la paix et la sécurité internationales dont les actions militarisées sont les procédures77(*). En effet, l'UA se singularise par sa polyvalence disciplinaire. Alors, lorsqu'il s'agit des enjeux et des défis du continentafricain78(*), il va de soi que l'UA est un long abducteur du bras. Ce procédé deltoïde induit deux conséquences qui répondent à la question de savoir quelles sont les normes juridiques qui encadrent la contrainte exercée par l'UA? La première conséquence, l'UA se consacre à des questions d'ensemble, qui donnent lieu à des textes généralisés (Section I). La seconde, elle se penche sur une pléiade de domaines79(*) pris en singletons, qui conduisent à l'adoption des textes spécialisés(Section II).

SECTION I : L'ENCADREMENT DE LA CONTRAINTE PAR DES NORMES DE PORTÉE GÉNÉRALE

D'entrée de jeu, il sera de bon ton de faire un distinguo entre la contrainte qui sera qualifiéede préventive et celle qui sera jugéecurative.Cette distinction porte sur le moment de la création de l'élément contraignant et sur son utilité. En effet, la présente étude entend par lacontrainte préventive, toute mesure prévue depuis toujours et généralement efficace en période de paix. Inversement, la contrainte curative est quant à elle entendue comme toute mesure de contrainte non prévue auparavant mais élaborée, adoptée et mise en oeuvre in situ pour une situation de crise et destinée à résoudre celle-ci80(*). La contrainte préventive est une mesure qui oblige permanemment les États en période de paix ou mieux, les oblige en tout temps,de manière imprescriptible. C'est ce derniercas de figure quisied à cette portion du chapitre.Ici, les textes constituent le mode de contrainte leplus employé. Il s'agit donc du texte fondateur de l'UA (paragraphe 1) que complètent d'autres (paragraphe 2)81(*).

PARAGRAPHE 1 : L'ACTE CONSTITUTIF DE L'UNION AFRICAINE : LA « GRUNDNORM » DE L'ORGANISATION

Les organisations internationales et communautaires ont depuis toujours été crééessur la base de textes fondateurs dont les appellations sont multiples : « Charte »82(*) ; « Traité »83(*) ; « Acte » etc. Ces textes ont en commun ceci qu'ils sont intransigeants. Ils prennent lieu et place de ce qu'est la Constitution en droit interne. Pour l'UA précisément, il s'agit d'un Acte : son Acte constitutif84(*). Étant donné que l'Organisation tire sa compétence et ses pouvoirs de l'Acte juridique qui l'institue, l'Acte constitutif de l'UA fait foi d'une véritable source du droit international africain (A). Il est par conséquent un texte qui oriente et structure l'ordre juridique de cette organisation régionale (B).

A. L'ACTE CONSTITUTIF : UNESOURCE PRIMAIREDU DROIT DE L'UNION AFRICAINE

Si le droit communautaireestdéjà enraciné dans des sources écrites dont les unes sont primaires ou originaires, certaines dérivées ou secondaires et les autrescomplémentaires ou subsidiaires85(*), le droit régional à l'instar du droit international africain ne s'éloigne pas decestypes de sources. D'ailleurs, en s'appuyant sur son homologue l'UE qui, outre uneCommunauté, est un Organisme régional de droit international qui se ressource comme ci-dessus dit, l'on peut affirmer que l'UA possède elle aussi ces sources dont l'Acte constitutif relève des primaires. Cependant, le contenu (1) et le champ d'application (2) de l'Acte constitutif de l'UA diffèrent de ceux des textes fondateurs d'une Communauté alors plus restreinte.

1. L'ACTE CONSTITUTIF DE L'UNION AFRICAINE : UNE NORME CONTRAIGNANTE DE PAR SON CONTENU

De bonnes lecture et analyse du préambule de l'Acte constitutif de l'UA permettent de comprendre le contenu obligatoire de ce texte. En effet ce préambule fait un résumé des engagements généraux pris collégialement par les Chefs d'État et de Gouvernement de l'époque, en ces termes :

Nous, Chefs d'État et de Gouvernement des États membres de I'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) ;

[...]

Inspirés par les nobles idéaux qui ont guidé les pères fondateurs de notre Organisation continentale et des générations de panafricanistes dans leur détermination à promouvoir l'unité, la solidarité, la cohésion et la coopération entre les peuples d'Afrique, et entre les États africains ;

Considérant les principes et les objectifs énoncés dans la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine et le Traité instituant la Communauté économique africaine ;

Rappelant les luttes héroïques menées par nos peuples et nos pays pour l'indépendance politique, la dignité humaine et l'émancipation économique ;

Considérant que depuis sa création, l'Organisation de l'Unité Africaine a joué un rôle déterminant et précieux dans la libération du continent, l'affirmation d'une identité commune et la réalisation de l'unité de notre continent, et à constituer un cadre unique pour notre action collective en Afrique et dans nos relations avec le reste du monde ;

Résolus à relever les défis multiformes auxquels sont confrontés notre continent et nos peuples, à la lumière des changements sociaux, économiques et politiques qui se produisent dans le monde ;

Convaincus de la nécessité d'accélérer le processus de mise en oeuvre du Traité instituant la Communauté économique africaine afin de promouvoir le développement socio-économique de l'Afrique et de faire face de manière plus efficace aux défis de la mondialisation ;

Guidés par notre vision commune d'une Afrique unie et forte, ainsi que par la nécessité d'instaurer un partenariat entre les gouvernements et toutes les composantes de la sociétécivile, en particulierles femmes, les jeunes et le secteur privé, afin de renforcer la solidarité et la cohésion entre nos peuples ;

Conscients du fait que le fléau des conflits en Afrique constitue un obstacle majeur au développement socio-économique du continent, et de la nécessité de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité, comme condition préalable à la mise en oeuvre de notre agenda dans le domaine du développement et de l'intégration ;

Résolus à promouvoir et à protéger les droits de l'Homme et des peuples, à consolider les institutions et la culture démocratiques, à promouvoir la bonne gouvernance et l'État de droit;

Résolus également à prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer nos institutions communes et à les doter des pouvoirs et des ressources nécessaires afin de leur permettre de remplir efficacement leurs missions ;

Rappelant la Déclaration que nous avons adoptée lors de la quatrième session extraordinaire de notre Conférence à Syrte, en Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste, le 9.9.99, et par laquelle nous avons décidé de créer l'Union africaine, conformément aux objectifs fondamentaux de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et du Traité instituant la Communauté économique africaine ;

Sommes convenus de ce qui suit : 

[...]

L'emploi des termes introductifs comme « résolus » en début des paragraphes, dénote une détermination inébranlable des autorités étatiques de lors, à mener communément le continent africain vers sa prospérité.Décidément, la vie de l'UA serait d'ores et déjà un reflet et une application des différents idéaux prônés par ce préambule. En revanche, il y apparaît une contrainte quoiqu'elle soit formelle et non assortie de sanctions.

2. L'ACTE CONSTITUTIF DE L'UNION AFRICAINE : UNE NORME CONTRAIGNANTE DANS SON CHAMP D'APPLICATION

Le champ d'application de l'Acte constitutif de l'UA est bidimensionnel. D'un côté, l'Acte constitutif de l'UA s'applique à l'Assemblée, parce que l'UA est composée d'un ensemble de membres. De l'autre côté,il s'applique aux domaines d'activités de l'UA.

L'Acte constitutif de l'UA soumet tous les membres de l'organisation. Tant ceux des 53 présents lors de sa signature à Lomé (Togo) en juillet 2000, que ceux postérieurement admis,à l'instar du Soudan du Sud (une jeune République) dont l'adhésion ne remonte qu'en 2011, et du Maroc qui, après son retrait de l'OUA unilatéralement décidé en 1984, ne devientmembre de l'UA qu'en 201786(*). En somme, au moment même oùla présente étude est effectuée,l'UA dénombre 55 États membres sur la totalité desquels s'applique l'Acte constitutif avec toute sa force obligatoire, tantôt sur les membres pris individuellement tantôt sur l'Union dans son entièreté.

De manière théorique, étant donné que les Chefs d'État et de Gouvernement créateurs de l'UA ont été « inspirés par les nobles idéaux qui ont guidé les pères fondateurs de [...] [l'] Organisation continentale » africaine en 1963, pour mieux définir les domaines d'application de l'Acte constitutif de l'UA, il faudra se référer à la Charte de l'OUA qui les prévoit tacitement. En effet, cette Charte énumère à titre indicatif et non limitatif les domaines dans lesquels l'Organisation peut intervenir en ces termes :

À ces fins, les États membres coordonneront et harmoniseront leurs politiques générales, en particulier dans les domaines suivants :

(a) politique et diplomatie ;(b) économie, transports et communications ; (c) éducation et culture ;(d) santé, hygiène et nutrition ;(e) science et technique ;(f) défense et sécurité87(*).

En réalité, l'OUA intervenait dans tous ces domaines conformément aux principes proclamés par la Charte des Nations Unies,à l'exemple de la « non-ingérence dans les affaires intérieures des États »88(*) et de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme89(*). Cependant, ceci constituait une limite du champ d'intervention de l'OUA qui sera transcendée par l'UA, ce qui marquera une authenticité de celle-ci par rapport à l'autre.

Au fait, en allant à l'encontre de l'universel et de son ancêtre en prévoyant « le droitde l'Union d'intervenir dans un État membre sur décision de la Conférence,dans certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contrel'humanité »90(*), l'Acte constitutif de l'UA s'affirme comme un texte innovateur voirerévolutionnaire en ce sens qu'il proclame le prolongement tentaculaire de l'UA dans les ordres juridiques étatiques si les conditions sont réunies.

Il a été démontré que l'Acte constitutif représente une source primaire pour l'UA. Ce statut conféré à cetexte est suffisamment consistant pour justifier qu'il puisse structurer l'ordre juridique de cette organisation régionale.

* 75 Par un arrêt du 11 mai 2016, la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo a jugé que le principe de la continuité de l'État, consacré à l'article 69 de la Constitution, autorisait le Chef de l'État en exercice à demeurer en fonction si, au terme de son second mandat, l'élection présidentielle n'était pas organisée. Voir Ghislain MABANGA, Le principe de la continuité de l'État : issue de secours à la prohibition du troisième mandat ? : analyse critique de l'Arrêt de la cour constitutionnelle congolaise du 11 mai 2016, L'Harmattan, 2017, 172 pp.

* 76Il est tout au moins nécessaire de rappeler la nature juridique de l'UA. En effet, l'UA est un consortium, une confédération d'États, dont chaque État membre jouit pleinement de sa souveraineté étatique.

* 77 Jean SALMON, op. cit., supra (note 2).

* 78 « [...] L'U.A. et les conflits [...] ; L'U.A. et le terrorisme [...] ; L'U.A. et la vague migratoire [...] ; L'U.A., la Démocratie et les Droits De l'Homme [...] ; L'U.A. et la cour Pénale internationale [...] ; L'U.A. et le Développement [...] ; L'U.A., une vraie solution ? [...]. ».Voir Pascal DE GENDT, « L'Union Africaine face aux défis du continent », SIRÉAS, 2016/19, 28pp. (spéc. pp. 8-23).

* 79Ibidem.

* 80 À titre illustratif, de nombreuses missions ont déjà été créées relativement à des situations de crise qui nécessitaient des intervenants adéquats et adaptés : MINUSMA, MICIVIH, MICOPAX, MINUAR, MINUK, MISNUS, MONUC, MSA, KFOR, IFOR. Voir supra Jean-Paul Baxter BIDIAS À MBASSA, op. cit.

* 81 Voir supraAbdalla ELABIDI, L'évaluation de l'Union africaine par rapport à l'Union européenne (comme un modèle de régulation juridique internationale d'excellence) : étude comparative, op. cit., pp. 398-400.

* 82La « Charte » des nations Unies ; la « Charte » de l'OUA.

* 83 Le « Traité » de Paris du 18 Avril 1951 conclu pour 50 ans entre la France, l'Allemagne, le Benelux et l'Italie, a créé la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) ; les « Traités » de Rome du 25 Mars 1957 conclus pour une durée indéterminée et sans retrait possible, sont à l'origine de la communauté économique européenne (CEE), et de la communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA ou Euratom) ; le « Traité » de Maastricht du 7 Février 1992 qui d'une part, poursuit la réforme des traités fondateurs et institue l'Union européenne puis d'autre part, est à l'origine de l'Union Economique et Monétaire (UEM) ; le « Traité » du 16 Mars 1994 instituant la CEMAC.

* 84 Acte constitutif de l'Union africaine adopté à Lomé (Togo) le 11 juillet 2000.

* 85Cf. James MOUANGUE KOBILA, Cours polycopié de droit institutionnel de la CEMAC, Universités de Douala et de Dschang, 2005, 87 pp., (spéc. pp. 44-49).

* 86 En 1984, de nombreux États membres de l'OUA ont soutenu l'adhésion de la République arabe sahraouie démocratique, territoire contesté dont 20% seulement est contrôlé par le Front Polisario (mouvement nationaliste sahraoui) et 80% par le Maroc. En protestation à l'adhésion de la République sahraouie, le Maroc s'est retiré de l'OUA. Le Zaïre, allié du Maroc, s'est opposé quant à lui à l'adhésion de la République sahraouie et organisa un boycott de l'Organisation de 1984 à 1986. Certains États membres ont par la suite retiré leur soutien à la République sahraouie. Cependant, le 18 juillet 2016, lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement organisé à Kigali, le roi Mohammed VI annonce l'intention pour son pays de réintégrer l'Organisation. L'Union africaine décide [positivement] de cette réintégration le 30 janvier 2017.

* 87 Article 2(2) de la Charte de l'OUA.

* 88 Article 3(2) de la Charte de l'OUA et Article 1(7) de la Charte des Nations Unies.

* 89Déclaration Universelle des droits de l'Homme u 10 décembre 1948.

* 90Article 4(h) de l'Acte constitutif de l'UA.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry