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Quelle adoption de l’écriture inclusive dans la langue française et les discours politiques contemporains ?


par Manel Khalifa née Ben Salah
Université Sorbonne Paris 4 - Master sciences du langage parcours linguistique française et générale 2020
  

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2.2.3 Jacques Chirac

Jacques Chirac, cinquième président français de la Ve République, a gouverné la France pendant douze ans de 1995 à 2007. Homme politique de la première heure il a, avant de devenir président, partagé à de nombreuses occasions sa vision de la femme. En 1978 il déclarera « Pour moi, la femme idéale, c'est la femme corrézienne, celle de l'ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne s'assied jamais avec eux et ne parle pas ». On constate ici qu'il limite largement le rôle de la femme : elle doit tenir son foyer et être au service de l'homme. Il semble donc considérer qu'il existe une hiérarchie entre les sexes. Il est toutefois intéressant de noter qu'il précise que ces femmes là font partie de « l'ancien temps » indiquant en cela qu'il est conscient que la condition de la femme a changé. Preuve en est, alors premier ministre, il est confronté par Margaret Thatcher, première ministre du Royaume Unis, au sujet du remboursement d'une partie de la contribution anglaise au budget de l'Union Européenne. Cette rencontre donnera lieu à une des gaffes politiques les plus

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célèbre : pensant que son micro est éteint Jacques Chirac s'exclamera « Mais qu'est-ce qu'elle me veut de plus cette ménagère15 ? Mes couilles sur un plateau ?».( Bouys, 2019)

L'emploi du terme mégère, qui désigne une femme acariâtre et méchante, n'est pas anodin. En effet, les femmes puissantes sont souvent stéréotypées et victimes de clichés parmi lesquels le fait qu'une femme de pouvoir est forcément dures et intransigeantes. Il est intéressant de constater que, même Président, Jacques Chirac n'a jamais caché sa vision « vieillotte » de la femme. Allant parfois jusqu'à taquiner le sexe féminin comme en 2008 lorsqu'il dira à une amie « Je vous confie Bernadette et ce que j'ai de plus précieux : mon chien Sumo ». Certains de ses propos doivent toutefois être modérés car il ne faut pas oublier que Jacques Chirac était réputé pour son humour franchouillard.

Dans cette partie du mémoire nous analyserons les discours politiques de Jacques Chirac sous l'angle de l'écriture inclusive. Cette analyse nous permettra de voir si ses discours reflètent sa vision de la femme et si cette dernière a évolué au cours de ses mandats.

Pour répondre à ces questions nous avons sélectionné trois discours situés à des moments différents de ses mandats. Nous entamons notre étude par le discours de 16 juillet 1995.

? Discours du 16 juillet 1995

1995 est la première année de présidence pour Jacques Chirac. Analyser un discours prononcé à cette période est donc intéressant car nous pourrons ainsi en déduire à la fin de notre étude le concernant, si ses années de présidence vont impacter ses discours en termes de féminisation.

Pour l'heure, Jacques Chirac est loin de féminiser ses discours. Le substantif « monsieur » est employé quatre fois pour désigner les métiers de maire, président, ambassadeur et rabbin ; à l'inverse, le substantif « madame » n'est pas du tout employé. Cela prouve que la majorité des postes sont occupés par des hommes. Cela dénote également que les rares femmes présentes à ses côtés sont gardées dans l'ombre. En ce qui a trait au nom de métier, Jacques Chirac ne les féminise pas comme l'indique l'utilisation par deux fois du terme « policiers » en lieu et place de « policiers et policières ». Cette non-intégration des femmes dans le domaine professionnel renvoie possiblement la femme à la place qui lui revient selon le Président : son foyer.

15 Ou mégère selon les sources

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Le terme « les français » est employé sept fois, tandis que « les françaises » n'est pas du tout utilisé. En s'adressant au peuple français, le Président ne considère pas la femme comme destinataire de ses propos. Cette idée est renforcée par le fait qu'il évite d'employer des termes génériques comme « peuple, population, personnes... ». Le discours est masculinisé et Jacques Chirac multiplie le recours au pronom personnel « nous » (répété sept fois) pour s'inclure dans le discours et mettre en exergue le fait qu'il est un homme parmi les hommes.

La femme n'étant pas considérée comme réceptrice principale de l'information, cette élocution n'est pas riche en termes de féminisation. Néanmoins, l'ancien chef d'Etat évoque les femmes en recourant deux fois aux possessifs « celles » et une fois aux mots « femme » et « mesdames », seul réelle occurrence d'implication de la femme comme destinataire.

La lecture de ce premier discours nous permet de conclure que le Président n'était pas très impliqué dans des considérations féministes au début de sa présidence. Son discours est majoritairement tourné vers un public masculin comme le souligne le tableau ci-dessous qui récapitule la non féminisation de ce discours de 16 juillet 1995.

Tableau : comparatif des mots féminins/masculins dans le discours du 16 juillet 1995

Féminins

Nb de fois

Masculin

Nb de fois

Mesdames

1

Messieurs

1

Citoyennes

0

Citoyens

0

Françaises

0

Français

7

Femmes

1

Hommes

1

Elles

0

Ils

0

Celles

2

Ceux

2

Madame

0

Monsieur

7

Toutes

0

Tous

0

Jeunesse

1

 
 

Féminisme

0

 
 

Parité

0

 
 

Égalité

0

 
 

50

? Discours 16 avril 1999

Dans ce discours du 16 avril 1999, Jacques Chirac participe à la troisième conférence européenne consacrée à la participation équilibrée des femmes et des hommes dans les prises de décision. Ces conférences, dont la première a eu lieu à Athènes en 1992 et la seconde à Rome en 1996, ont permis de développer la notion de mixité en Europe. L'ancien chef d'Etat, y aborde « la nécessité de promouvoir le partage des responsabilités entre hommes et femmes au sein de l'environnement familial, professionnel et politique et sur le projet de révision constitutionnel pour l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives ». Ce discours qui fait clairement appel à l'égalité des sexes est un discours adressé aux deux sexes et nous pouvons le qualifier de féministe.

L'ancien président commence son discours par « Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames, Messieurs » montrant un revirement par rapport à son discours de 16 juillet 1995 qui commençait, rappelons-le, par « « Monsieur le Maire, Monsieur le Président, Monsieur l'Ambassadeur, Monsieur le Grand Rabbin, Mesdames, Messieurs, ». Ici, le sexe féminin est clairement inclus dans son discours et les postes de pouvoir occupés par les femmes ne sont pas éludés.

Le pronom personnel à la première personne du singulier « je » est répété quatorze fois. Cette insistance semble indiquer que l'ancien président souhaite prouver son implication pour ce sujet de première importance qu'est l'égalité femme homme. L'emploi du « je » le place au coeur du débat et démontre son engagement féministe. Le pronom personnel à la première personne de pluriel « nous » est, quant à lui, répété sept fois pour montrer que cet engagement doit être partagé par la société civile. Cet engagement est très visible à travers le recours insistant du substantif « femme » qui est répété quarante-deux fois (contre quatorze pour le substantif « homme »). La femme est donc valorisée dans ce discours visant à défendre ses droits.

L'utilisation des deux mots manifeste une volonté de changement : le terme « féminisme » est utilisé à deux reprises et le terme « féminin » à cinq. Jacques Chirac encourage l'avènement d'une société plus égalitaire, ce qui implique une évolution des conditions de vie de la femme. Il partage alors une liste de propositions visant à faire évoluer les mentalités. Les premières propositions touchent la sphère familiale comme le souligne la citation suivante « le partage équilibré des responsabilités entre parents ne se fait toujours pas correctement dans nos sociétés ». L'ancien président propose donc un partage plus équitable des tâches pour éviter

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que la femme n'assume seule cette responsabilité, limitant ainsi ses possibilités d'évolutions dans d'autres sphères de la société. Les secondes propositions touchent la sphère professionnelle. Ainsi, Jacques Chirac plaide pour l'intégration de la femme au monde du travail : « le changement vient de l'engagement des femmes dans la vie professionnelle » ; « j'ai déjà souligné l'importance de l'engagement des femmes dans la vie professionnelle. ». Ces deux déclarations montrent que le discours est bien réfléchi : les mots sont choisis avec soin et des termes clés sont répétés pour renforcer le propos. Le mot « égalité » est répété deux fois et « mixité » quatorze fois ce qui indique que l'égalité passe par la mixité, donc la présence égalitaire des deux sexes dans les différentes activités de la société civile. Cette idée est renforcée par la répétition de l'expression « engagement des femmes dans la vie politique » qui insiste sur les valeurs d'égalité des sexes que Jacques Chirac souhaite transmettre.

En 1999, alors que les mentalités sont toujours masculines, Jacques Chirac décide donc de « corriger les inégalités » pour viser une sorte d'idéal sociétal, souligné par le recours à l'énumération : « Une démocratie féminisée, une démocratie rénovée, renouvelée, permettra d'ouvrir plus largement la voie à d'autres changements, qui modifieront la vie professionnelle et familiale des Françaises et des Français. ». Pour appuyer cette volonté d'une démocratie équilibrée, le président répètera ce terme quatre fois et utilisera les mots « mesdames » et « messieurs » de manière égale.

Cette notion d'idéal à atteindre est une fois de plus perceptible à la fin de son discours lorsqu'il qualifie la mixité de la façon suivante : « Mesdames et Messieurs, la mixité n'est pas une mode. Beaucoup plus qu'une simple revendication ». Pour Jacques Chirac, la démocratie ne peut que sortir grandie d'un essor de la mixité qui implique un plus grand respect des droits de l'Homme.

Bien qu'il soit « essentiel d'installer la mixité au coeur de nos démocraties », Jacques Chirac reconnait l'existence d'un plafond de verre. Ainsi, ce n'est pas parce que les femmes font des études qu'elles disposent des mêmes chances que les hommes, mais cela « donne des raisons d'espérer de nouveaux progrès ». Pour prétendre à une société égalitaire le chemin sera donc long et nécessitera une lutte contre la marginalisation féminine ainsi qu'un accompagnement de leur développement : « Elles doivent être mieux acceptées, mieux préparées et mieux organisées pour que les femmes ne soient pas pénalisées. ». Ce n'est qu'à ce prix qu'elles pourront un jour prétendre aux mêmes chances que les hommes.

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Cette évolution sociétale implique également que le monde politique montre l'exemple. Jacques Chirac appelle donc à une plus grande intégration de la femme dans la vie politique : « L'égal accès des hommes et des femmes à la vie politique s'inscrit dans cette perspective » ; « Il y a quatre ans, j'avais indiqué aux Français que je faisais mien l'objectif de la parité pour la représentation des femmes en politique ». Cette volonté paritaire s'exprime à travers la répétition du terme « parité », utilisé à six reprises dans ce discours.

Pour terminer l'analyse de ce discours en faveur des droits des femmes, nous devons signaler que, malgré ses efforts, certains aspects de son discours ne sont pas inclusifs. Ainsi, il répète deux fois « les français » et une seule fois « les françaises ». Même constat pour l'indéfini « chacun » qui est répété deux fois, tandis que « chacune » n'est utilisé qu'une seule fois. Enfin, « toute » n'est pas utilisé contrairement à « tous » qui est employé quatre fois. Il n'en demeure pas moins que ce discours est un véritable appel à la lutte pour l'égalité des sexes.

Tableau : comparatif des mots féminins/masculins dans le discours du 16 juillet 1995

Féminins

Nb de fois

Masculin

Nb de fois

Mesdames

4

Messieurs

4

Toutes

0

Tous

2

Françaises

1

Français

2

Femmes

42

Hommes

14

Elles

10

Ils

1

Chacune

1

Chacun

2

Mixité

14

 
 

Celles

1

Ceux

2

Engagement

4

 
 

Féminisme

2

 
 

Féminin

5

Masculin

4

Parité

6

 
 

Egalité

2

 
 

? Discours 14 novembre 2005

Comme nous venons de le voir, le discours de Jacques Chirac de 1999 montre un tournant dans la mentalité du Président. Mais ce nouvel élan vers plus d'égalité homme/femme se maintient-il dans le temps ? Pour répondre à cette question, nous analyserons le discours du

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14 novembre 2005 ; discours que nous pouvons qualifier de discours de fin de carrière, car il fut prononcé deux ans avant la fin du second mandat de Jacques Chirac.

La neutralité du discours se remarque dès la première lecture. L'ancien chef d'Etat évite de s'adresser à une catégorie spécifique d'individus. Il utilise donc des expressions générales comme « la société française ; la communauté française » ou encore « nos compatriotes » qu'il répète quatre fois ainsi que « les personnes » qu'il répète deux fois. Il n'emploi pas une fois les substantifs « femme » et « homme ».

Il a néanmoins recours à des mots de forme masculine : il emploi l'indéfini « chacun » huit fois et une seule fois « chacune » ; constat identique pour l'indéfini « tous » qui est employé quatre fois pour désigner soit les hommes soit toute la population française ; l'indéfini « toute(s) » n'est pas utilisé. Quand aux pronoms personnels, « ils », celui-ci est employé huit fois, tandis que « elles » est absent du discours. Enfin, le démonstratif « ceux » est répété trois contre zéro fois pour le démonstratif « celles ». Ce discours élude donc la présence des femmes et marque un retour en arrière en termes d'écriture inclusive.

Bien que les notions d'« engagement » de « valeurs » et d' « égalité » soient citées, cela n'est pas gage de son féminisme ou de son engagement. Preuve en est, comparativement à son discours de 1999, lors duquel l'ancien chef d'Etat a féminisé les noms de métiers, ceux-ci sont ici uniquement présentés sous leurs formes masculines « Et je veux rendre hommage aux forces de l'ordre, aux policiers, aux gendarmes, aux pompiers, aux maires et aux élus, aux magistrats, aux travailleurs sociaux, aux enseignants ». Aucune profession n'est féminisée, la femme semble de nouveau exclue de la langue et de la société de Jacques Chirac.

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Tableau : comparatif des mots féminins/masculins dans le discours du 14 novembre 2005

Féminins

Nb de fois

Masculin

Nb de fois

Mesdames

0

Messieurs

0

Citoyennes

0

Citoyens

1

Françaises

1

Français

2

Certaines

0

Certains

1

Femmes

0

Hommes

0

Elles

0

Ils

8

Celles

0

Ceux

3

Chacune

1

Chacun

8

Toutes

0

Tous

4

Filles

1

Fils

1

Féminisme

0

 
 

Valeurs

2

 
 

Égalité

1

 
 

Engagement

2

 
 

La société française

1

Les jeunes

2

La communauté française

1

 
 

Compatriotes

4

 
 

Les personnes

2

 
 

Travailleuses

0

Travailleurs

1

Pompières

0

Pompiers

1

Enseignante

0

Enseignants

1

Policières

0

Policiers

1

Elues

0

Elus

1

? Les raisons de l'ambivalence du président quant à la condition féminine

L'étude des trois discours ne permet pas de déterminer l'orientation féministe de Jacques Chirac dans la mesure où l'ancien Président n'est pas clair dans ses engagements. Nous constatons un élan féministe en 1999, élan qui s'amenuise à mesure que passe son mandat. Alors quelles raisons peuvent expliquer ce féminisme exacerbé de 1999 ? La première étant que l'année 1999 fut marquée par la tenue de la troisième Conférence Européenne consacrée à la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision. Et la seconde raison s'explique par l'adoption le 08 juillet 1999, par le gouvernement Jospin, de la Loi relative à l'égalité entre les femmes et les hommes qui « favorise l'égal accès des femmes et

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des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » (les grandes étapes de la parité en politique, 2000). Pour mieux comprendre l'ambivalence de l'ancien Président quant à la place de la femme dans la société, nous allons l'étudier sous différents angles pouvant expliquer ses choix.

Commençons par analyser le rôle joué par la famille et l'entourage dans la personnalité de Jacques Chirac. Nous allons nous attarder sur les femmes qui sont entrées dans sa vie et l'ont influencé. Elles sont nombreuses car il était de notoriété publique que Jacques Chirac était « un amoureux des femmes très séducteur » (Deliere, 2019). En premier lieu nous pouvons citer celle qui l'a accompagné pendant 63 ans, sa femme Bernadette Chirac. Elle a vécu toutes ses aventures politiques et personnelles et l'a toujours soutenu comme elle le confirmera d'ailleurs elle-même : « Il sait qu'il peut compter mon appui et mon militantisme » (Guinhut, 2019). Cette même femme, source de force pour l'ancien président, fit preuve dans sa vie conjugale de beaucoup de résilience. Alors même qu'elle avait connaissance des relations extraconjugales de son mari, elle n'envisagea jamais de le quitter : « elle en a toujours été consciente et a fait en sorte de vivre avec » (Deliere, 2019). Cette forme de soumission a pu renforcer chez Jacques Chirac l'idée selon laquelle la femme n'est pas l'égale de l'homme et a pour mission principale de s'occuper de sa famille et de lui être fidèle coûte que coûte. Du propre aveu de Bernadette Chirac, son mari ne la considérait pas à sa juste valeur : « Vous savez mon mari, il n'est pas commode tous les jours. Quand il déjeune avec moi, même maintenant qu'il a pris sa retraite (...), il me dit : "Bah, qu'est-ce que vous avez fait ce matin ?" Il n'attend pas la réponse et il me dit : "Rien ! Comme d'habitude" » (Guinhut, 2019). Il est difficile d'attendre d'un homme qui ne respecte pas sa propre femme qu'il défende la cause féminine.

A l'inverse, sa fille Claude Chirac a joué un rôle primordial dans sa carrière politique comme le souligne Deliere (2019) : « elle travaille comme conseillère en communication et occupe également le siège de présidente de la fondation Chirac ». La propre fille de Jacques Chirac était donc un exemple de femme active, travailleuse et moderne. Elle l'aide même à gagner les élections présidentielles, et lui montre ainsi qu'une femme peut être l'égale d'un homme même dans un milieu réputé masculin. Elle se charge de la gestion de son image en 1988 puis devient responsable de sa stratégie de communication avant de prendre le poste de conseillère en communication après son élection de 1995 (Namias, 2009). Cette relation père/fille explique certainement que Jacques Chirac est loin d'être réfractaire à l'évolution de la condition féminine.

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L'étude de la psychologie de Jacques Chirac permet d'établir qu'il s'agit d'une personne équilibrée qui accorde beaucoup d'importance à l'avis des autres et cherche le compromis. Ce trait de caractère est loué par Charles Pasqua dans Le Figaro : « Jacques Chirac n'est pas notre chef, il est notre leader. Un chef commode et les autres obéissent. Un leader propose, écoute, et en fonction de ce qu'il croit être la bonne voie, arrête sa position. On peut discuter avec un leader et pas avec un chef » (Collovald, 1990, p. 880). Jacques Chirac était également connu pour sa franchise. Cela ne le dérangeait pas de se livrer quoi qu'en pense les autres, comme le souligne Namias en 2009 dans l'ouvrage Perles de Chirac : « c'est l'aspect le plus surprenant de son livre, Jacques Chirac n'hésite pas à aborder des sujets plus personnel » (Namias F, 2009). Si Jacques Chirac ne craint pas les critiques nous pouvons en conclure que ses discours reflètent purement et simplement son positionnement eu égard à la condition féminine. Nous ne pouvons pas qualifier Jacques Chirac de féministe ni dire de lui qu'il s'opposait à l'égalité homme/femme. Nous sommes en accord avec les propos de Le Vern (2019) qui dit de lui que « ce n'était pas une figure sexualisée mais une figure familiale marquée par la neutralité, pas menaçante pour le sujet. »

? Un féminisme différentialiste

Jacques Chirac peut être qualifié de féministe différentialiste, c'est-à-dire de féministe qui « cherchent à valoriser le corps féminin et les vertus qui en découlent, notamment celles amenées par le cycle menstruel et la maternité » (Denayrouse et Grosjean, 2019). Ce féminisme explique qu'il ait proposé d'instaurer un salaire maternel correspondant à une rémunération des mères au foyer par l'Etat.

Il est intéressant de constater que, tout en valorisant la place de la femme au foyer au sein de la société, il encourage un mouvement de féminisation politique dès son élection en tant que premier ministre : « le gouvernement Chirac, constitué le 27 mai 1974, comprend trois femmes, dont une ministre à part entière, établissant ainsi un double record. Tandis que Simone Veil est ministre de la Santé, Annie Lesur et Hélène Dorlhac de Borne sont secrétaires d'État, la première à l'Enseignement préscolaire, la seconde à la Condition pénitentiaire. Un mois et demi plus tard, la nomination de Françoise Giroud à la tête du secrétariat d'État à la Condition féminine, porte à quatre le nombre de femmes dans l'équipe (10,8 %). » (Sineau, 2020).

Jacques Chirac ne cessera d'encourager la parité. Son gouvernement passera de 10,8% de femmes en 1974 à 26% lors de son premier mandat présidentiel et 38% lors du second. C'est

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un bon énorme en comparaison du gouvernement Mitterrand de 1993-1995 qui ne comptait que 3 femmes sur les 30 postes à pourvoir. De plus, quatre femmes seront élues à la tête de ministères : Élisabeth Hubert sera ministre de la Santé publique et de l'Assurance maladie, Colette Codaccioni sera ministre de la Solidarité entre les générations, Corinne Lepage prendra la tête du ministère de l'Environnement et enfin Françoise de Panafieu dirigera le Tourisme.

Tableau : les femmes au gouvernement de Jacques Chirac

Période

Effectif total

Nombre de femmes

% de femmes

1995 - 1997

46

12

26

1997 - 2001

44

14

38

58

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams