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La communication politique dans les élections au Sénégal: l'exemple du PS(Parti Socialiste) et de l'AFP(Alliance des Forces de Progrès) en l'an 2000

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par Hamad Jean Stanislas Ndiaye
Université Gaston Berger de Saint-Louis (Senegal) - Maitrise de Sciences Politiques 2004
  

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Section 2 : Le contexte particulier de l'an 2000.

Le contexte de février 2000 aura sans nul doute été celui d'un scrutin particulier au regard de la

forte aspiration au changement. Un vocable que s'approprient tant les partis politiques du

Sénégal, que le commun des citoyens. En effet, « les sénégalais sont fatigués », pour reprendre

les mots de Kéba MBAYE, ancien président de la cour suprême du Sénégal en 1981 (A). A cela viendra s'ajouter le nouveau visage qui caractérise le paysage politique national. L'AFP et l'URD intègrent le jeu politique, sous la bannière de l'opposition et le PS ne se livre plus à son perpétuel faceàface DIOUFWADE ; au même moment des leaders religieux concourent au suffrage des sénégalais et situation inédite, un leader syndical s'invite dans cette arène très fermée.

On assiste en ce sens à une relecture et à une recomposition dans le jeu politique national (B).

A La fatigue des sénégalais et la prégnance du changement.

« Les Sénégalais sont fatigués... » avait dit Kéba MBAYE, alors président de la Cour suprême

en janvier 1981, lors de la prestation de serment d'Abdou Diouf, qui venait de succéder à Léopold Sédar Senghor, démissionnaire. Ces mots du magistrat faisaient aussi penser à l'avertissement que Serigne Abdou Lahat MBACKE, alors Khalife Général des Mourides, lança au prédécesseur d'Abdou DIOUF, dans un entretien rapporté par le Quotidien national Le Soleil du 23 juin 1980 et faisant comprendre au Président que « baykat yi da nio sonn » (les paysans sont fatigués...ils ont besoin de boire et de manger). 50 Passé le mythe de l'an 2000

`atum naatange' (année du développement et de la prospérité, selon un célèbre slogan politicien) et la 'prophétie' par laquelle « en l'an 2000, Dakar sera comme Paris » (Senghor),

50 DIOP M. C., et DIOUF M., Le Sénégal sous Abdou DIOUF Etat et société, collection Les Afriques, Karthala,

1990, p.70

les sénégalais se retrouvent, lors du scrutin présidentiel de la même année, devant la réalité d'un pays qui, à l'instar du reste du continent africain, aborde l'étape du troisième millénaire avec un certain nombre de convictions et d'espoirs, mais aussi beaucoup d'incertitudes.

L'étude du contexte particulier de l'an 2000 qui imprime une spécificité certaine à cette

élection, nous ramène à évoquer « Le Sénégal sous Abdou DIOUF »51 .

Se livrant au diagnostic du Sénégal lors du régne de DIOUF et surtout vers les dernières années

de son régime socialiste, le sociologue Malick NDIAYE relève une ambiguïté puisqu' « on a pris conscience que l'on peut contraindre sans avoir raison et même se faire applaudir » 52. Mais le peuple ne se plie plus à la fatalité « de sorte que quand Monsieur LOUM (PM de DIOUF) dit qu' « il faut payer les impôts !», un citoyen se lève pour dire que « non ! car si l'on paie on renforce le parti au pouvoir qui pille les deniers publics ».

Et « lorsque l'excédent du monde rural colonise le secteur commercial et informel, il refuse

pour la plupart de payer le 'diouty' au fisc ».

Le diagnostic débouche sur une crise de la famille et de la sphère politique. « La famille est perturbée, elle est à la dérive car le père perd son emploi et `ferme les yeux' ; la mère ne peut plus demander à sa fille où elle va ou même de porter plus décent ; le fils et la fille ont des besoins sur terre et peuplent la maison de petitsfils pour papa et maman... ». Ce qui peut apparaître anodin au point de friser le ridicule, n'a rien de tel mais traduit bien une perte de sens et un délitement qui s'opère au sein de la société. Au moment où l'autorité des parents s'effrite parce qu'ils ne sont plus en mesure, pour beaucoup, de subvenir à tous les besoins de la famille ; la maman se débrouille comme le traditionnel `goorgorlu' qui n'assure plus vraiment

la dépense quotidienne, ayant perdu son travail ou ayant toujours été au chômage ; les enfants pour leur part, se voient ainsi affranchis de quelque autorité ou tutelle et sont 'laissés à eux mêmes', ce qui ne manque pas de leur 'pousser des ailes', de liberté, de mieuxêtre mais surtout d'indépendance et d'autonomie.

La même crise secoue l'Etat qui est en perte de vitesse dans un monde globalisé et où seules compétitivité et concurrence existent comme valeurs et repères. L'Etat montre donc ses limites

et ne peut plus assurer et assumer ses fonctions traditionnelles. Devant pareil `recul de l'Etat',

51 cf. ouvrage de Mamadou DIOUF et Momar Coumba DIOP., Le Sénégal sous Abdou DIOUF Etat et société, collection Les Afriques, Karthala, 1990

52 Communication sur « Le phénomène religieux au Sénégal », rencontre de la Coordination des Etudiants

Catholiques du Sénégal, Dakar, UCAD 2 , samedi 1er mai 2004

la quête d'un nouveau sens s'installe et les populations conscientes que l'Etat n'est pas toujours omnipotent, aspirent à prendre en main leur propre destin. Finis le fatalisme et la soumission ! Ces individus avaient en partie, une tendance ou une propension à supporter et à subir les événements, les privations et les frustrations, comme s'ils avaient perdu leur capacité

de s'émouvoir et de s'indigner. Cette propension progressive à s'accrocher et à ne se référer qu'au passé ou à ne vivre que dans le présent et « tout, tout de suite, ici et maintenant », traduisait le fait qu'ils étaient si peu confiants en l'avenir. Les inégalités se creusent et le fatalisme et l'indifférence submergent certaines populations en en faisant des spectateurs désabusés ou des acteurs de l'érosion sociale, culturelle et économique du pays.

En 2000, la prégnance du changement ne peut plus se nier car « les gens ont l'impression d'avoir atteint le fond du gouffre et de n'avoir plus rien à perdre, face à un parti Etat qui cherche ses marques depuis trente ans et qui érige le tâtonnement en règle » 53. Le mécontentement politique se traduit aussi par le refus de la situation existante, la revendication d'un changement des mentalités et d'une redéfinition des structures participatives de la vie publique. Aussi les démons de la violence guettent les jeunes désoeuvrés et une vaste couche de

la population, rurale comme urbaine, frappée par la crise sociale.

Et « après tant de promesses non tenues (...) le discrédit et la méfiance n'ont été aussi forts à l'égard des dirigeants »54 . « En vérité, le concept du sopi n'est pas réductible à un slogan creux, tant s'en faut ; il s'enracine dans l'âme damnée d'un peuple qui lutte pour faire triompher l'ambition imprescriptive de justice sociale » 55 .

La lutte pour le changement et l'alternance devient alors une lutte pour la survie qui prend les formes du parricide, tel « l'alternance ou la mort ». En l'an 2000, 34% des sénégalais vivent en dessous du seuil de pauvreté au moment où les idéologues du régime socialiste brandissent fièrement, tels des taquins, le taux de croissance qui préfigure l'entrée du Sénégal dans le club des pays émergents.

En effet, à la veille de la présidentielle de l'an 2000, le Sénégal, qui aurait pu prétendre à ce que, conformément à la prophétie du président poète, Dakar soit comme Paris, se trouve « dans

un contexte économique et politique marqué notamment par la désespérance et la désertion du rêve d'un grand soir évanescent » et face à un « système gangrené par l'immobilisme, la

53 Djibril SYLLA , Sud Quotidien du 1er avril 1999

54 Moustapha NIASSE « Je suis prêt », discours du 16 juin 1999

55 NDIAYE A. M., et SY A. A., Les conquêtes de la citoyenneté Essai politique sur l'alternance, Harmattan, Paris 2001, p.50

gabegie et un fort sentiment d'impunité né du mépris »56 . Ainsi, les auteurs des « conquêtes de

la citoyenneté » invitent t'ils, dans leurs avantpropos, à remarquer que le succès du sopi et de

la volonté du changement, « n'est pas réductible à l'alternance, même si celleci n'est pas une rotation du pouvoir d'un parti à un autre. Il s'agit d'un mouvement social qui déborde le cadre d'un scrutin dont il se sert comme prétexte pour déployer son cours à l'échelle de l'espace politique »57 .

La compréhension que le peuple se faisait du changement avait une connotation purement sociale : d'abord, le changement comme nécessité pour le progrès social et ensuite, la nécessité d'une meilleure gestion de la demande sociale.

Avec l'échec des politiques d'ajustement structurel, une certaine distanciation entre l'Etat et le peuple se constate de même qu'une frustration plus ou moins généralisée et une forte tension sociale illustrée par les manifestations, les grèves et les revendications de toute sorte.

Les populations aspirent tout naturellement à de meilleures conditions de vie et à une adéquation entre la demande sociale et la démocratie, au moment où le PNB/ habitant par an

est d'environ 500 dollars, l'espérance de vie est de 51 ans pour les hommes et de 54 ans pour

les femmes ; ce à quoi viennent s'ajouter un fort taux d'analphabétisme et une économie très agricole mais très fortement dépendante de la pluviométrie. Malgré une nette dégradation des indicateurs sociaux depuis la dévaluation du Franc CFA en 1994, aucun frein n'a été mis à la forte augmentation du train de vie de l'Etat, à l'impunité concernant certains cas de détournements de deniers publics, à la résistance des 'grosses fortunes' à payer les impôts, à la multiplication des institutions jugées coûteuses et destinées à reclasser le personnel politique, à l'image du Sénat.

Lorsque que DIOUF se présente devant le collège électoral sénégalais, le contexte est loin de

lui être favorable car marqué par une forte détérioration de la situation sociale, une crise économique sans précédente et dont les conséquences sociales, deviennent de plus en plus difficiles à supporter pour une très large majorité de la population.

56 Idem pp 5 et 6

57 Idem p.10

Identifier les responsables de cette crise revient à saisir comment le gouvernement sénégalais essaie de régler ce que J. BAKER appelle le « paradoxe du développement » qu'il définit en ces termes : « le gouvernement est tiraillé entre le besoin d'obtenir un soutien politique qui lui impose d'être à l'écoute des doléances des communautés de base et le besoin de mettre en oeuvre une politique qui l'amène à provoquer des mutations en leur sein » 58.

Il nous faut donc remonter jusqu'au début de la magistrature de Abdou DIOUF car l'an 2000 ne peut être que l'aboutissement d'un long processus. Le départ de SENGHOR a été marqué par

le début de l'ajustement structurel avec la mise en chantier du Programme de Stabilisation

(19781979) et du Plan de Redressement Economique et Financier (19801985). Tel est donc le difficile et délicat contexte dont hérite son dauphin.

Au début des années 80 avec le PREF, le Sénégal se voit obligé de négocier un rééchelonnement de sa dette extérieure à travers le Club de Paris et les explications de la crise économique passent du registre de la conjoncture à celui des structures. De la sécheresse à la détérioration des termes de l'échange, on pointe désormais le doigt sur les fluctuations annuelles du taux de croissance, la faiblesse de la productivité des investissements et les fortes pressions sur la situation financière de l'Etat, des secteurs public et parapublic.

Cette situation d'ensemble va provoquer l'élaboration et la mise en oeuvre d'un nouveau programme en 1985, le Programme d'Ajustement économique et financier à Moyen et Long terme (PAML) qui couvre la période de 1985 à 1992.

A la différence du programme de stabilisation et de redressement qui s'attaquait à la

conjoncture, le PAML se consacre aux structures. C'est ainsi que les objectifs sont clairement définis :

une meilleure assise des bases de la croissance économique par la définition des stratégies sectorielles, la Nouvelle Politique Agricole (NPA), la Nouvelle Politique Industrielle (NPI), destinées à mettre en place un ensemble de systèmes d'incitation à la production et à l'emploi ;

une meilleure productivité des investissements avec des innovations majeures au niveau des procédures de planification ;

une réorganisation des secteurs public et parapublic ;

58 BAKER J., The paradox of development :reflexions on a study of local central relations in Senegal in M.F. LOFCHIE editions ; The state of the Nation's Constraints on Developpement in independent Africa, Los Angeles, University of California Press.1981,p.47

une poursuite de l'assainissement financier.

En ce sens, on constate un déphasage radical entre la politique d'ajustement et les modalités et procédures politiques en cours depuis l'indépendance. Ce déphasage s'explique certainement par la crise au sein de PS et de la CNTS, qui est accentuée par la technocratisation du gouvernement et de la haute administration qui commencent à échapper aux règles de la cooptation politique classique et qui essaient de s'assurer une certaine autonomie par rapport aux réseaux de clientèle.

La situation est rendue plus confuse encore par le décalage sans précédent entre le discours socialiste du régime socialiste et sa pratique économique libérale. Ce que Momar Coumba DIOP et Mamadou DIOUF relèvent en disant que « les incidences sociales, politiques et économiques des mesures préconisées s'avèrent de plus en plus inconciliables avec les contraintes du clientélisme et avec la logique du soutien mercenaire à un moment où la dégradation des conditions de vie accentue les demandes sociales de plus en plus difficiles à satisfaire » 59

De sorte que pour ce qui est du Sénégal, cette situation a augmenté les épisodes de confrontations entre certains groupes et l'Etat et affaibli le système de contrôle politique des travailleurs à travers la CNTS. Il existe aussi le fait que les mesures préconisées ont menacé les circuits financiers qui ont permis la constitution et la reproduction de la bourgeoisie bureaucratique.

Dans ces conditions, il est permis de penser que c'est tout un segment de la base sociale du

régime qui se trouve menacé. C'est là que se trouve, à notre avis, la raison des résistances par

'le haut' aux politiques d'ajustement. Cette résistance du 'haut' ne fera que défavoriser et fragiliser le 'bas' qui ne peut en voir les fruits en termes de changement de conditions de vie.

La conséquence est donc, pour l'Etat, qu'en diminuant ainsi le vaste champ qui permettait

l'entretien de sa clientèle, les nouvelles politiques diminuent en même temps la possibilité d'un contrôle social et politique efficace.

Le désengagement de l'Etat signifie la privatisation d'une partie des entreprises et donc des licenciements massifs.

Ces nouvelles politiques industrielles, bancaires, réglementaires et celles qui entreprennent la restructuration du secteur parapublic ont eu des effets très néfastes sur l'emploi : en effet, le

59DIOP M. C., et DIOUF M., Le Sénégal sous Abdou DIOUF Etat et société, collection Les Afriques, Karthala,

1990, p.147

secteur public a pratiquement arrêté de recruter, les écoles de formation sont contingentées et plusieurs entreprises, en faillite, ont fermé ou licencié leur personnel. Et pour Sud Hebdo

(Hebdomadaire qui deviendra Sud Quotidien), les mesures de libéralisation auront directement menacé 15.000 emplois.60 .

A cela viendra s'ajouter la crise de l'Université et du système éducatif, de même que l'équation

de l'insertion des jeunes diplômés.

Vingt ans après l'avertissement du Juge au nouveau président, la situation que déplorait Kéba

MBAYE s'était dégradée davantage avec la dévaluation du F CFA (en 1994), au point de créer

un ardent désir de changement chez les Sénégalais. Ce désir va coïncider avec l'aboutissement d'un long processus de luttes politiques, syndicales et sociales dont les événements post électoraux de 1988 ont été le détonateur latent, mais qui portaient, en eux, les germes de la fin d'une époque et du mythe socialiste.

En effet, pour beaucoup et surtout pour l'électorat des jeunes ce scrutin était quelque peu celui

de la détermination et restait telle une dernière chance de changer de régime pour pouvoir prétendre à des emplois. Et face à un tel défi majeur, dicté par un simple instinct basique, de survie, le Rubicon devait être franchi !

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo