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La communication politique dans les élections au Sénégal: l'exemple du PS(Parti Socialiste) et de l'AFP(Alliance des Forces de Progrès) en l'an 2000

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par Hamad Jean Stanislas Ndiaye
Université Gaston Berger de Saint-Louis (Senegal) - Maitrise de Sciences Politiques 2004
  

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le rejet du discours politique.

Autant pour Abdou DIOUF que pour Moustapha NIASSE, le discours politique n'aura pas

toujours été opérant sur les destinataires au point que « les idées ne suffisent plus pour être

élu » 72

Mais le discours qui sera apparu le plus contesté reste, sans doute, celui du candidat socialiste.

En effet, malgré les engagements fermes d'Abdou DIOUF, candidat à sa propre réélection, le sort était déjà jeté ! L'électorat sénégalais, dans sa grande majorité, avait déjà choisi son camp... et l'appel du candidat Diouf lancé entre les deux tours au leader de l'URD, Djibo Kâ, qui a accepté, loin d'améliorer sa situation, lui aurait même valu, en plus de la scission au sein

de ce parti, selon certains observateurs, un vote sanction de militants socialistes, inquiets d'une

marginalisation certaine qui les frapperait, au cas où M. Kâ reviendrait aux affaires après la victoire du président sortant.

Et en voyant Abdou Diouf entreprendre, avec frénésie, une campagne de proximité tous azimuts entre les deux tours, beaucoup d'électeurs ont senti quelque part que c'était l'hallali et que l'alternance était à portée de bulletin. Et en pleine campagne électorale, l'ébruitage de l'augmentation du salaire des 140 députés 73 , va ajouter à leur désir d'en finir avec des gens perçus comme se servant mais qui ne servent pas l'Etat. Le président Diouf annoncera lors d'une conférence de presse au palais entre les deux tours qu'il n'avait jamais eu connaissance d'une telle décision.

Si, globalement, les facteurs susmentionnés peuvent expliquer les limites dans les effets du discours du président sortant, une radioscopie de la déroute cinglante qui en a résulté en appelle cependant d'autres, plus ou moins factuels ou liés à l'évolution même de la scène politique sénégalaise. Toute force s'épuise et le Parti Socialiste, au pouvoir depuis 40 ans, ne pouvait échapper à cette loi naturelle. L'usure du pouvoir a fait que le PS et la plupart des dirigeants qui l'incarnaient, avaient fait naître chez la majeure partie des Sénégalais, la conviction qu'on ne pouvait plus rien attendre d'eux, car malgré quatre décennies à la tête du pays, les choses sont allées de mal en pis .

72 MAAREK Philippe J., Communication et Marketing de l'homme politique, Collection communication politique et publique

73 Lire à ce propos WAL Fadjri du 19 février 2000

Le rejet du discours politique du PS traduit aussi l'échec de la campagne de Jacques SEGUELA, perçu quelque peu comme un nouveau Jean COLLIN, à propos duquel Amath DANSOKHO disait que « ce Sénégal est, sous bien des rapports, politiquement développé et ainsi, nous ne pouvons pas accepter un président qui est incapable d'assumer ses responsabilités et qui se met sous la protection de Collin. Et cet aspect est un problème politique de fond qui blesse le sentiment national des sénégalais » 74

Certes, en 2000, l'auteur de la « Force tranquille » est aux côtés du candidat socialiste, mais

« Ensemble, changeons le Sénégal », n'aura pas vraiment fait recette. En fait, le consultant

(qu'il soit américain ou français) ne transforme pas la manière de faire de la politique là où il débarque.

C'est peutêtre cela qui explique la débâcle de Séguéla et de son équipe qui, pourtant, avaient foulé le sol sénégalais, auréolés d'une longue liste de succès électoraux .Mais l'univers politique sénégalais a ses propres réalités qui n'obéissent pas forcément aux calculs et stratégies cartésiens élaborés à partir des cabinets des spécialistes occidentaux du marketing politique. Et malgré leur expérience et leurs gros moyens, ces "spécialistes du convaincre", ces "faiseurs d'images", n'ont pu faire avaler leur pilule aux électeurs sénégalais décidés à changer le cours

de leur Histoire.

Au soir du 19 mars, des analystes expliquèrent la défaite de Diouf par sa « froideur » et son

« éloignement » visàvis des préoccupations des masses populaires écartelées entre la misère,

la promiscuité et l'extrême pauvreté.

Ces masses ne comprirent peutêtre pas pourquoi, malgré ce mal vivre généralisé, les socialistes étaient allés chercher un consultant étranger (Jacques Séguéla) qu'ils auraient payé à coup de millions de francs Cfa...C'est cette méconnaissance du terrain qui a fait commettre au gourou français une erreur fatale : faire poser le candidat socialiste en costume cravate au milieu d'un champ et tenant entre ses mains une aubergine. Avec ce slogan : "Ensemble, faisons mûrir les fruits". En confondant les fruits et les légumes, il a précipité la débâcle des verts.

Qui plus est, au moment où les Politiques d'Ajustement Structurel étaient appliquées dans toute leur rigueur, atteignant les populations dans leur minimum vital, l'Etat, qui aurait dû donner l'exemple, par une cure d'amaigrissement, maintenait un train de vie assez dispendieux, allant jusqu'à augmenter le nombre des ministres dans le gouvernement et celui des parlementaires

74 Le Devoir, numéro 4, 29 mars 10 avril 1988, p.3

(les députés, plus les sénateurs). Cette attitude, que certains opposants politiques ont qualifiée

de « ma tey » (« j'en ai cure ! Je m'en fous ! », allait provoquer une profonde césure entre Diouf

et son peuple. Et dès, lors celuici était accusé d'être insensible aux maux dont souffraient les populations et cela d'autant plus que sa politique de communication fut médiocre : on le disait distant, même si ceux qui l'ont approché étaient convaincus du contraire.

La gestion socialiste a été également un autre facteur qui a pesé sur le choix des Sénégalais en l'an 2000. Que ce soit au niveau des collectivités locales, de l'appareil de l'Etat ou dans les sociétés nationales, la gestion était très souvent jugée opaque et parfois carrément ruineuse. Et

le peuple ne comprenait pas pourquoi les auteurs identifiés de malversations étaient maintenus

à leur poste ou pire, parfois promus à d'autres responsabilités. Cette impunité avait plus ou moins convaincu beaucoup de Sénégalais, qu'il n'était pas nécessaire de se tuer à la tâche « républicaine » ou pour brûler les étapes et accéder à la table de banquet, il fallait une adhésion

au PS et un militantisme d'ostentation (la transhumance précipitée de socialistes vers le PDS ou l'AFP, le prouve).

A cela, s'ajoutait la politique prédatrice développée par des lobbies de toutes sortes dont certains étaient une excroissance du pouvoir et quelques fois alliés aux monopoles, qui avec arrogance, avaient mis le territoire économique sénégalais en coupe réglée, bloquant toute possibilité de progrès au profit des populations.

On a pu dire par ailleurs au lendemain de la défaite d'Abdou Diouf, qu'il a perdu parce que la demande sociale était insatisfaite. En termes clairs, c'est le chômage et les défaillances constatées dans beaucoup de secteurs comme la santé, l'éducation, la sécurité, l'agriculture et

les routes...Au final, tous ces facteurs, dont chacun constituait un ruisseau, ont convergé pour

donner un fleuve impétueux, dont les flots ont eu raison d'un régime installé depuis l'indépendance et qui croyait en avoir encore pour longtemps sur les sénégalais.

Moustapha NIASSE aura également connu un frein à son discours.

Ainsi malgré l'engouement, l'adhésion suscitée et une campagne placée sous le sceau de l'éthique et de la morale, un échec sera noté : le candidat de l'AFP et de la CODE 2000 aura fait peur et n'aura pas totalement rassuré aux yeux de certains destinataires de son message.

Comme nous l'avons montré, dans la construction du discours politique, l'AFP et son leader ont

du affronter le dilemme progressiste qui consistait à ne pas apparaître comme le `clone du PS'

ou même un ` PS bis'.

Il faut bien admettre que la situation personnelle du Secrétaire Général de l'AFP n'était pas commode. Difficile, en effet pour lui, de trouver le ton juste pour critiquer un régime pour lequel les Sénégalais continuaient à avoir les yeux de Chimène et dans lequel il a joué les premiers rôles pendant de nombreuses années. Ce n'était pas non plus une sinécure pour quelqu'un comme Moustapha Niasse, qui a milité au sein du PS où il a occupé pratiquement tous les postes de responsabilité pendant presque quarante ans, de renier en bloc tout son bilan. Résultat, mis à part dans son fief électoral de la région de Kaolack, son message électoral n'aura pas vraiment connu une ampleur aussi grande hormis certains endroits où les soutiens ont pu agir.

L'adhésion massive et spontanée sera donc apparue comme un sursaut ponctuel, sans doute, dicté par une frustration des populations, trop longtemps contenue et qui ont semblé voir dans

le réquisitoire de l'homme leur propre discours. Mais on serait bien tenté de croire que l'engouement n'aura duré que le temps de la campagne qui devait chasser le régime socialiste.

L'impact des médias ayant transmis le message politique est aussi à relativiser, car ne manquant pas souvent à l'image des médias d'Etat de se faire instruments d'une propagande du régime

en place.

En réalité, les médias sont le moteur de la communication politique, mais à deux conditions. D'abord éviter d'être trop liés aux élites et conserver la fonction de médiation entre les

différents milieux de la société. Ils doivent refléter l'hétérogénéité de celleci. C'est leur rôle démocratique. D'autant qu'en 'haut', les dirigeants n'ont souvent plus de rapports avec la réalité

et n'y accèdent qu'à travers les médias. Si les médias ne reflètent pas mieux la diversité, le

risque d'incommunication augmente. Et le nombre de supports ne suffit pas à rendre plus transparente et compréhensible la société, car tous parlent de la même chose, au même moment. Pas assez ouverts, pas assez pluralistes, trop conformistes. L'espace médiatique ne transcrit pas assez l'hétérogénéité culturelle et sociale.

Les médias ne sont pas les portevoix des seuls hommes politiques et des sondeurs ; ils doivent refléter les autres opinions. Ils sont garants de l'hétérogénéité, faute de quoi il n'y a pas de respiration démocratique. L'éloignement et le rejet des médias de la part des citoyens peuvent

s'expliquer par leurs représentations de la vie sociale et politique. Il peut exister un rejet des médias comme, d'ailleurs, il peut exister un rejet du fait politique, auquel il est très étroitement lié. Ce désintérêt, cet absence d'engagement, marquent la limite de la communication politique comme pour mieux rappeler que l'engagement politique est, comme tout ce qui relève d'une médiation entre le singulier et le collectif, une affaire de désir : pour que s'instaure pleinement la médiation, encore fautil qu'à son pôle collectif soit effectivement articulé un pôle singulier, celui du sujet, qui ne peut exister que pour autant que l'y pousse la force réelle de son désir.

L'éloignement du sujet de la communication à l'égard des médias correspond au désintérêt. Il peut y avoir une lassitude du public pour les médias, et, en particulier, pour l'information politique dont ils sont porteurs. Mais la lassitude, le sentiment d'ennui que peut provoquer une activité, renvoie toujours à l'absence de culture ou à l'absence de désir. Le public peut s'éloigner des médias faute d'avoir été préparé à leur usage, et, à cet égard, le rôle de l'école est essentiel, mais il peut aussi s'éloigner d'eux par absence de désir pour l'engagement. C'est ce qui peut conduire, précisément, les médias, pour retrouver une puissance de captation du public condition, par ailleurs, de leurs ressources dans une économie libérale à tenir un discours lui aussi éloigné de l'engagement et du fait politique.

On peut tout de même ajouter que, la communication des partis se heurte à la nature même de

la transaction politique qui repose sur la capacité à faire adhérer à un projet politique ou à croire en un homme. De plus en plus sceptique, le récepteur garde une part de librearbitre suffisamment forte pour être capable de ne pas céder automatiquement aux sirènes de la persuasion programmée. Même repris à la télévision ou sur les ondes radio, avec l'insistance complaisante de certains commentateurs, leur effet n'a rien de mécanique.

Cependant, l'accélération de la professionnalisation politique et le rapprochement de plus en plus marqué avec la logique des campagnes publicitaires ne manquent pas d'être inquiétants au moment où les programmes des candidats se limitent à quelques vagues idées générales et à des intentions...forcement généreuses. En l'an 2000, la notion de sanction a ré émergé dans les références et dans les esprits et cette élection présidentielle a été l'occasion pour les populations, d'exercer leur libre arbitre.

Le rejet du discours politique qui est constaté dans cette étude, révèle un état et une situation

qui ont tendance à se généraliser dans l'échiquier politique non seulement national sénégalais mais mondial pourraiton dire.

En effet, mal vue parce « sale », la politique se retrouve confrontée à un 'malêtre' et à un 'mal

vivre'.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo