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La communication politique dans les élections au Sénégal: l'exemple du PS(Parti Socialiste) et de l'AFP(Alliance des Forces de Progrès) en l'an 2000

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par Hamad Jean Stanislas Ndiaye
Université Gaston Berger de Saint-Louis (Senegal) - Maitrise de Sciences Politiques 2004
  

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Le 'malêtre' et le 'mal vivre' des partis politiques.

L'étude des partis politiques est un objet canonique en science politique, cependant les partis politiques ont mauvaise presse. Ils sont souvent contestés, accusés de confisquer la "chose publique" et de manipuler les citoyens. Ils sont alors considérés comme des "fossoyeurs" de la démocratie (Rousseau, Guizot, Madison, Schmitt...). Cette mauvaise image est accrue par les liens fréquents entre les partis politiques et les affaires de corruption et les achats d'allégeances... Perçus comme des organisations éloignées des préoccupations du plus grand nombre, les partis politiques sont pourtant des éléments essentiels des régimes démocratiques

(Tocqueville...). En tout cas, la question se pose de savoir ce qu'est un parti politique dans un

système démocratique.

Et la réponse est bien vite trouvée : « Oui. Ce sont des dictateurs. Ils ne sont pas sincèrement démocrates. Le parti, c'est de la foutaise, un système de petits copains. Les élections, c'est de la rigolade. Moi, je le dis, ce sont des dictateurs. » 75

Le paysage politique sénégalais semble donner raison à l'auteur puisque les partis politiques jugés trop nombreux et estimés entre 84 et 89 au Sénégal, reflètent plus souvent la personnalité du leader qu'une quelconque idéologie. Le citoyen en arrive donc à être convaincu que tout dépend du label, qui reste libre sur le marche politique et que l'étiquette qui lui est apposée, importe peu.

La politique ne fait plus vraiment recette au regard des pratiques que les citoyens y décèlent et

les sempiternels revirements ne sont pas pour redonner à la volonté de gérer les affaires de la

75 KANE C.H., Les gardiens du temple, Paris, Stock, 1995, p.202

cité, ses lettres de noblesse. Il demeure aussi que « chez nous, la vie politique semble se ramener, pour beaucoup, à des luttes et à des courses pour le Pouvoir. Comme si la vie politique était un marche à conquérir ou à protéger. Les rivalités de personnes l'emportent sur

les débats de choix de société. Les moyens utilisés ne s'embarrassent guère souvent de

principes moraux et religieux. Les intérêts personnels et ceux de son clan passent avant le bien

de tous les citoyens... » 76

Le résultat est étonnant et l'éventail politique déploie toute la gamme des séductions : des conservateurs féodaux ou intégristes, jusqu'aux trotskistes ou aux populistes africains, en passant par divers échantillons de socialisme (autogestionnaire, travailliste, social démocrate, national progressiste...), les sénégalais euxmêmes se perdent et en restent perplexes.

La vérité la mieux partagée dans l'électorat est que les hommes politiques ne font plus que de

la 'politique politicienne', en fonction de leurs intérêts particuliers.

Au Sénégal, les hommes politiques ne sauraient échapper à cette critique au point même que beaucoup voient la politique comme répugnante et se convainquent que 'les promesses n'engagent que ceux qui y croient'.77). La politique n'a pas bonne presse et, pour beaucoup, elle

est devenue un moyen d'ascension sociale. Mais l'enjeu majeur qui s'attache à ce débat a trait à

la dimension éthique dans le jeu politique.

Se posent aussi la question des élites et celle du 'parachutage' politique. Cette dernière technique, qui s'est introduite dans le système politique sénégalais, frustre sur le plan psychologique, nombre de militants qui s'intéressent peu ou prou à la vie de leur parti. Ils ont cette impression que leurs voix ne comptent que les jours des élections mais que, pour tout le reste, on leur demande d'approuver et d'applaudir ce qui a été décidé à Dakar, en bureau politique...par dessus leurs têtes. L'arrogance des élites se retourne contre elles avec la fin du chantage à l'intelligence, à la compétence et produit une sorte de retour du boomerang ; Abdou DIOUF en aura fait les frais avec cette jeunesse qu'il s'était aventuré à qualifier en 1988, de

« jeunesse malsaine ».

76 Extrait de la Déclaration de l'Eglise Malienne, le 17 février 1991 rapportée par Moussa Makan CAMARA in

Questions brûlantes pour démocratie naissante, NEA Dakar 1998, p.17

77 Lire MAAREK, Philippe J. Communication et Marketing de l'homme politique, Collection communication politique et publique, Paris, LITEC, 1992

Comme pour le referendum de juillet 2005 en France sur la nouvelle constitution de l'Europe,

le rejet n'était pas pensable... Pourtant, en cas de suffrage universel, il n'y a plus de hiérarchie entre ceux d' « en haut » et ceux d' « en bas ». Enfin, c'est la preuve que ni les médias ni les élites ne font l'opinion et l'élection et qu'en sociologie électorale, la capacité de prédiction ou

de prédication est très mince. La tare de ce segment de la classe politique tient elle, dès lors, à son identité intellectuelle qui lui a rendu la société inaccessible ? Au point de reconnaître avec François ZUCCARELLI qu' « ...il leur manque le minimum d'adhésion populaire dont ils se sont coupés par une construction idéologique et des querelles de chapelles totalement obscures pour leurs concitoyens » 78

Osons poser le débat avec Dominique WOLTON : « Pourquoi si peu de modestie et d'autocritique ? Pourquoi ignorer à ce point que les citoyens ne sont pas dupes ? Que cette classe dirigeante médiatisée, pointe visible de l'iceberg, fasse attention : elle laisse dans l'ombre ces milliers d'élus (...) qui ont souvent une bien meilleure compréhension de la société que ces élites ; elle oublie les syndicats, associations, les mouvements d'éducation populaire, systématiquement identifiés à des corporatismes. Les citoyens voient tout et savent tout. Ils n'ont pas toujours raison, mais impossible de construire ce nouvel espace politique en sous estimant à ce point les récepteurs qu'ils sont ». 79

Les citoyens ont donc pris conscience de la nature de ce genre de communication, politique certes, mais plus ou moins intuitive : les partis ne communiquent véritablement que quand ils ont des manifestations en vue, les militants et éventuels électeurs étant considérés comme des acteurs passifs. Ce qui explique que souvent le discours politique soit inadapté aux réalités des populations. L'impact des politiques communicationnelles est aussi à limiter car il existe toujours des électeurs au choix déjà arrêté et les a priori ne résistent pas toujours ; ce qui explique, du reste, le basculement de beaucoup de fiefs et bastions dans un camp adverse.

Ce peu d'effet donnait le signal d'alarme du discrédit de la classe politique dans son ensemble, c'estàdire de la faillite du multipartisme. La volonté de 'Sopi' n'était pas nécessairement une acceptation du PDS au détriment du PS. Nombreux étaient, parmi la population, les Sénégalais

78 Zuccarelli F. La vie politique sénégalaise (19401988), Paris, CHEAM, 1988, p.94

79 Pas de démocratie sans communication politique, Article paru dans l'édition du journal LE MONDE du

05.06.05

qui mettaient tous les hommes politiques, à quelque bord qu'ils appartenaient, dans la même catégorie.

Néanmoins, il nous faut reconnaître que s'il est vrai que l'innocence militante a été ébranlée par

les désillusions idéologiques et les 'crimes' commis au nom des beaux principes et si les scandales politico financiers ont sapé la confiance populaire envers la classe politique, on ne peut pour autant en déduire que la dimension politique soit abandonnée. Assurément, le mécontentement politique traduit le refus de la situation existante et exprime la revendication d'un changement des mentalités et d'une redéfinition des structures participatives de la vie publique. Et « si la politique compte peu aujourd'hui, c'est parce qu'on nous a appris depuis vingt ans qu'il n'y avait, en tous domaines, `pas d'autre politique possible' » 80

Le souci majeur de notre étude aura été, au delà du recueil du discours politique des deux leaders de l'AFP et du PS, de donner la parole aux populations destinataires de ce discours. En effet, il ne convenait pas, pour nous, de nous en tenir au seul 'parler' des formations politiques ; encore nous fallaitil nous référer aux citoyens pour juger des éventuels impacts de cette communication. Cette préoccupation nous a conduit à mener des enquêtes à Dakar, Saint Louis et Rufisque.

Même si l'objectif n'était pas pour nous, une investigation sur le vote proprement dit, le premier souci consistait, dans un premier temps, à s'assurer que les composants de l'échantillon avaient effectivement voté lors de ces joutes électorales et ensuite, s'ils en étaient

au premier accomplissement de ce devoir civique.

Les réponses nous révèlent que ces citoyens n'en étaient pas à leur première expérience électorale et que depuis l'âge de la majorité civile et politique (passé de 21 à 18 ans), voter constituait pour nombre d'entre eux, mais pas tous, « un impérieux devoir ».

Quant aux motifs les ayant poussé au vote, la « volonté de changement » l'emporte même sur la volonté d'accomplir le « devoir de citoyen » ; ainsi tous invoquent le « changement ». Néanmoins, l'enquête montre que très peu d'entre eux ont vraiment pris la peine d'assister physiquement aux meetings et autres manifestations d'ordre électoral, préférant les stations de radio et certains quotidiens, « qui relayent toujours le message ». En effet pour eux, « le

80 CHEVENEMENT J.P., Le courage de décider, Editions Robert Laffont, février 2002, p.16

discours reste toujours le même » de la part des « politiciens » ; aussi se réservaientils « le choix » d' « aller tranquillement voter au jour du scrutin ».

Avaientils déjà choisi leur camp et arrêté leur vote ? A ce propos, les réponses recueillies nous renseignent que tout devait concourir au « changement » pour « qu'il (Abdou Diouf) s'en aille » : « Nafi jogge ! ». Fin en soi ou pas, les raisons pour fonder ce départ du candidat socialiste s'imposaient puisque « Yaage nafi torop ! Da nio sonnoon ! » ( Il a trop duré ! Nous étions fatigués !).

Le départ du chef de file des socialistes se présentait, quelque peu, comme un tout ou rien. Mais au delà de cette vision plus ou moins apocalyptique, tous les moyens n'étaient pas pertinents pour le traduire en réalité : le seul et unique moyen devait être le vote des citoyens ! Rares auront été les occasions de voir les citoyens sénégalais aussi sûrs de leur vote, du poids et

de la valeur réelle de la carte électorale. Ce qui ne dissipait pas entièrement des doutes quant à

l'éventualité d'une « confiscation des votes » ou de « fraudes » par le régime socialiste.

A cet titre, la communication des partis n'aura « pas vraiment » influé sur leur choix, qui reste fondamentalement motivé par le charisme et la « personnalité » du leader. Pour autant, l'impact

de « certaines promesses » ou engagements relayés par la presse, ne saurait être négligé avec notamment la sénégalisation des informations par le biais des langues nationales. L'explication

de cet usage des langues nationales et surtout du wolof, se justifie à bien des égards par le fort taux d'analphabètes au Sénégal mais aussi, par le rôle déterminant de la presse en tant que véhicule et média du discours politique, qui doit épouser les idiomes du public ciblé.

En définitive, les citoyens rencontrés se disent accorder « très peu de crédit » ou « aucun crédit » au discours politique, se rappelant toujours que « les promesses électorales n'engagent que ceux qui y croient » et que « les politiciens oublient les gens dès qu'ils sont élus ». Pareil constat traduit le fait que la politique est toujours mal vue ou perçue parce que jugée « sale » et

où tous les coups sont permis ; les hommes politiques « sont de mauvaise foi » et « ils sont

tous pareils ». C'est donc de faux discours qui lassent et amusent souvent le peuple qui n'écoute plus que par dépit ; « ils ne sont là que pour euxmêmes et seuls leurs intérêts propres dictent leurs choix et comportements ».

Ce discours pas franc des hommes politiques explique, pour nos interlocuteurs, la transhumance qui est devenue constante depuis l'alternance. Et face à l'essor noté de la

transhumance politique, naît un sentiment de « déception », de « trahison » ou de « perte de repères ou d'idéologie ». On ne laisse plus de réelle place à l'idéologie ou à l'éthique politique parce que « la politique est devenue un moyen d'ascension sociale ». Tout de même, certains enquêtés voient dans cette transhumance une réelle volonté de « participer à l'édification de la nation (...) de travailler pour le pays ». Et que cela, loin d'être décrié ou fustigé, devrait être salué et apprécié à sa juste valeur de « citoyenneté librement assumée » car « c'est un choix politique et légitime jusqu'à preuve du contraire ».

Pour ce qui est du rapport argent/vote en période électorale, l'appréciation se fait en termes

de « corruption » et d' « hypocrisie ».

Mais, il subsiste un paradoxe qui frise quelque peu le ridicule et qui veut que l'homme politique corromet ses concitoyens pour être élu et prétende, par la suite, lutter contre la corruption . Les enquêtés remettent cette attitude dans une vision machiavélique de la politique où, avec la ruse et la chance, « tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins » et seul le but final, à savoir l'élection, compte.

Si d'aucuns voient dans cette « corruption » des citoyens par les hommes politiques

un « manque de dignité », il appartient plutôt aux premiers d'éduquer les seconds et de les amener à « faire la politique autrement » ; ils reconnaissent toutefois que les citoyens restent

« fragiles et démunis » face à cet « investissement », du fait de la précarité et de l' « injuste répartition des biens ».

Pour d'autres, le phénomène argent/vote ne saurait obligatoirement être assimilable à une corruption mais comme étant plutôt « un autre moyen de convaincre l'électeur ». Voilà pourquoi, selon eux « le citoyen ne devrait, en aucun cas, avoir d'état d'âm e » car « cet argent

est et reste le sien (...) c'est l'argent du contribuable sénégalais ».

La seule attitude à adopter se résume donc à « je prends et je vote pour qui je veux ! je suis seul dans l'isoloir et face à l'urne !»

Les propos d'un jeune propriétaire d'une galerie d'art sont clairs à cet effet et pour qui « la politique politicienne ne peut pas se purifier car c'est de l'ordre du matériel et du terrestre »

(yeufou aduna la ! c'est des choses de ce bas monde !)

Quant au regard à jeter sur la manière de faire la politique depuis l'avènement de l'alternance, beaucoup de nos interlocuteurs s'accordent à dire que « rien n'a fondamentalement changé »

car les méthodes sont restées les mêmes, la corruption persiste, l'impunité se maintient dans

une certaine mesure, le train de vie de l'Etat reste élevé, l'existence de faveurs partisanes et le culte de l'arbitraire persiste de même que la réaffirmation de l'allégeance du politique au religieux et les promesses non tenues.

Tout ne saurait pour autant être négatif aux yeux des enquêtés car « le citoyen est plus libre » en paroles et pensées, « le Sénégal est en chantier » au regard des infrastructures et « Wade est beaucoup plus ouvert et plus accessible que Diouf (...) il communique plus et on le voit plus ».

Le grand souhait et l'appel émis restent, en définitive, une « politique plus honnête » et

« autrement faite », plus de respect pour le peuple et les engagements pris devant lui. Ce qui doit passer par un « changement des mentalités autant chez les citoyens que chez les hommes politiques » afin de « tenir un langage vrai » et préserver une certaine « éthique » par « une plus grande culture politique ». Tout cela devrait sans doute conduire, selon eux, à un renouvellement de la classe politique sénégalaise vu que « ceuxlà s ont vieux ».

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote