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Le concept d'Ontologie Sociale

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par Jules Donzelot
Université de Provence - Master 1 - Maà®trise de philosophie 2004
  

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L'INDIVIDUALISME ONTOLOGIQUE DE SEARLE.

Malgré ses apparences holistes, le propos de Searle est irréductiblement individualiste. Car si celui-ci accepte l'existe d'une intentionnalité collective comme distincte de la simple somme des intentionnalités individuelles, il refuse pourtant de reconnaître l'existence du groupe. Quelles sont les raisons de ce refus ? Tout d'abord, Searle est matérialiste : il considère que tout ce qui existe existe d'abord sous forme de matière. Les faits institutionnels, nous l'avons vu, n'existent que sur la base des faits bruts et il n'y a aucun fait institutionnel qui échappe à cette règle75(*). De la même manière, l'intentionnalité humaine est réductible aux évènements matériels du corps et plus particulièrement du cerveau : « Avec la conscience apparaît l'intentionnalité, la capacité de l'organisme de représenter des objets et des états de choses... »76(*) Il n'y a rien dans les phénomènes de pensée qui ne dérive d'abord d'un état physique. Or, Searle ne parvient pas à envisager comment un corps singulier pourrait causer l'existence d'un être pluriel. Sa solution à lui consiste à renoncer à la singularité irréductible de la pensée pour envisager celle-ci comme contenant deux formes : l'une singulière et l'autre collective. Une telle solution permet de rendre compte des phénomènes collectifs sans sortir de la conscience individuelle. Gilbert se refusera à une telle limite. La doctrine de Searle prend ainsi la forme d'un paradoxe, car c'est sur la base d'un solipsisme méthodologique qu'elle nous conduit à une explication des phénomènes collectifs.

Ce solipsisme méthodologique constitue la limite, d'un point de vue holiste, de la théorie de Searle. On découvre ce point de vue individualiste dans la citation suivante : « je pourrais encore posséder toutes les intentions dont je dispose actuellement tout en ayant radicalement tort, même si la présence et la coopération apparente d'autres personnes est une illusion, même si je subis une hallucination totale, même si je suis un cerveau maintenu en vie dans une bassine. »77(*) Cette opinion rencontre les objections suivantes : Tout d'abord, que même si un cerveau était maintenu en vie dans une bassine, il ne pourrait pas former d'intention collective car pour cela, il aurait besoin de percevoir d'autres individus (Tollefsen). Ensuite, qu'un individu ne peut pas posséder le concept d'un autre individu s'il n'est pas le membre actif d'une pratique sociale d'interprétation (Davidson). Enfin, que si les intentions-de-nous sont formées par un esprit quasi-solipsiste, il semble impossible de rendre compte de la dimension normative des actions communes (Gilbert).

Pour conclure, on peut remarquer que la théorie des intentions-de-nous de John Searle ne suffit pas à rendre compte des actions collectives en tant que telles. Prenons l'exemple suivant : ma voiture tombe en panne dans la rue où j'habite et ma famille vient m'aider à la pousser jusqu'au garage le plus proche. Afin que l'action collective de pousser ma voiture puisse avoir lieu, il est nécessaire que quelques-uns des individus au moins aient l'intention-de-nous suivante «Nous avons l'intention de pousser la voiture». Toutefois, il n'est pas nécessaire que l'ensemble des membres de ma famille ait cette intention. On pourrait imaginer que l'un de mes frères pousse la voiture sans avoir l'intention-de-nous correspondante. Un autre exemple, plus évident, est celui d'un Etat. Lorsque le Parlement vote une loi, et exprime ainsi l'intention-de-nous de l'Etat, certains députés ne possèdent pas l'intention-de-nous correspondante. Et même plus, dans le cas des dictatures, seul le dictateur possède les intentions qui constituent les intentions-de-nous de l'Etat qu'il régit. Une autre limite de la théorie de Searle, par conséquent, est de considérer comme nécessaire que chaque individu membre du groupe possède bien l'intention-de-nous correspondante pour que l'action collective puisse exister. Nous allons voir que le concept de sujet pluriel de Gilbert comble cette lacune.

* 75 Se référer à la citation de John Searle qui ouvre le chapitre du mémoire le concernant.

* 76 The Construction of Social Reality, p. 7.

* 77 Searle, « Collective Intentions and Actions », p. 117.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld