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Le concept d'Ontologie Sociale

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par Jules Donzelot
Université de Provence - Master 1 - Maà®trise de philosophie 2004
  

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Nous

"Le nous survient chaque fois que des hommes vivent ensembles ; et il peut se constituer de bien des façons différentes dont toutes reposent finalement sur un type de consentement [...] Le seul trait commun à toutes ces formes, à tous ces arrangements de la pluralité humaine est tout simplement leur genèse, je veux dire qu'à un moment donné et dans le temps et pour une quelconque raison, un groupe de gens a du venir à se voir sous les traits d'un Nous" - Hanna Arendt32(*)

Gilbert part d'une conception répandue en philosophie qui veut que les individus forment un groupe lorsqu'ils agissent ensemble. Deux personnes en train de jouer ensemble au tennis pourront en effet dire : « nous jouons au tennis. » Pourtant, l'action de faire quelque chose ensemble n'est pas une condition nécessaire à un usage approprié du mot «nous». Autrement dit, d'autres usages corrects de ce mot sont possibles qui ne réfèrent pas à une action en train d'être réalisée. Des «nous» existent qui ne font rien ensemble. Gilbert n'est pas en train de produire un inventaire des usages corrects du pronom «nous», elle recherche quelles sont les conditions nécessaires à un tel usage. Par conséquent, elle écarte l'idée qu'un groupe puisse se réduire à un « agir ensemble. » Avant de jouer ensemble au tennis, les deux individus envisagés dans notre exemple doivent s'être donnés un rendez-vous pour le faire. Ils doivent s'être accordés sur leur volonté respective de jouer ensemble au tennis. Cette condition préalable à l'action, Gilbert la commente ainsi : « ... en vue de pratiquer ensemble une action, les gens doivent auparavant se concevoir comme un «nous». »33(*) Ce n'est pas l'action qui fonde l'existence - et ainsi l'usage approprié - du «nous», mais le «nous», au contraire, qui fonde la possibilité de l'action. Imaginons que je suis en train de m'entraîner seul sur le terrain de tennis. Un inconnu entre sur le court et se met à jouer des balles dans ma direction, s'attendant de toute évidence à ce que je les renvoie. Je peux alors accepter sa proposition implicite de jouer avec moi au tennis, mais je peux tout aussi bien m'en aller sans mot dire ou encore lui demander de quitter le terrain, car aucun accord n'a été passé et aucun «nous» n'existe qui justifierait que nous jouions ensemble. « Le «nous» précède donc bien le «faire ensemble». »

Avant d'entrer dans une analyse approfondie, Gilbert note que son propos entre en désaccord avec celui de John Rawls. Nous venons de voir que le « faire ensemble » n'est pas une condition nécessaire à un usage correct de «nous». Le deuxième critère possible qu'elle écarte est celui de l'objectif partagé tel que le conçoit Rawls dans sa Théorie de la Justice. Dans son chapitre, L'idée d'union sociale34(*), Rawls vise à rendre compte de la manière dont sont liés les principes de la justice et la sociabilité humaine. L'idée qu'abrite ce chapitre est la suivante : la société existe parce que ses membres partagent un but final, à savoir « réaliser leur propre nature d'une manière qu'autorisent les principes de la justice. » L'objectif partagé des membres de la société, par conséquent, est la coopération. Car les membres doivent coopérer pour atteindre leur but final. « Cela étant, commente Gilbert, un groupe social doit être défini comme une série de personnes qui ont en commun un but et tendent à réaliser celui-ci ensemble. » Et elle ajoute, « je trouve cette idée pour le moins suspicieuse. » Gilbert reconnaît qu'il est possible, du point de vue d'un observateur, de toujours associer un objectif particulier à l'existence d'un groupe. Durkheim, par exemple, allait jusqu'à prétendre que la criminalité au sein d'une société servait un objectif à long terme. Pourtant, précise-t-elle, « il ne paraît pas si évidemment vrai que dans tous les cas de groupes sociaux, les membres doivent posséder quelque connaissance d'un but commun qu'ils seraient en train ensemble de poursuivre tacitement. » Puis, prenant l'exemple de la famille : « Peut-on affirmer d'une vie de famille qu'elle renvoie nécessairement à des buts communs ? Il me semble qu'il est plus naturel de dire des membres de la famille qu'ils font juste ce qu'il faut pour vivre ensemble. »35(*) L'existence d'un objectif partagé n'est donc pas non plus la condition nécessaire à l'usage approprié du pronom «nous».

* 32 Hanna Arendt, La Vie de l'Esprit, cité dans « L'homme est-il devenu superflu ? », Françoise Collin, chez Odile Jacob.

* 33 On Social Facts, p. 169. Traduction en annexe, p. 2.

* 34 Pages 564 à 572, Théorie de la Justice, 1971.

* 35 On Social Facts, p. 172. Traduction, p. 4.

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