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Naturalisme et philosophie de l'esprit

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par Lucas GUILLEMOT
Université de Provence - Maitrise de philosophie 2002
  

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CONCLUSION

Qu'avons-nous exactement accompli lorsque nous arrivons à la conclusion que l'intentionnalité des états mentaux peut être décrite ou définie comme une fonction informationnelle sélectionnée par l'évolution ? S'agit-il d'une explication de la capacité représentationnelle et de l'intentionnalité ? Joëlle PROUST prétendait en effet que le naturalisme consistait à « ...établir si une notion comme celle de représentation, ou de conscience, généralement considérées en philosophie comme des notions irréductibles, voire constitutives du domaine sémantique, peuvent en fait recevoir une explication de type ordinaire, c'est-à-dire être expliquées causalement comme n'importe quel autre phénomène naturel » 1(*), ou à « réduire l'intentionnel à du physique » 2(*).

Nous n'avons pas procédé à une explication telle que la définit HEMPEL, nous n'avons pas non plus réduit l'intentionnel à du physique, ni même décrit ou défini l'intentionnalité des états mentaux sans faire usage de concepts normatifs, ce qui aurait d'ailleurs été inutile, puisque le naturalisme est lui-même une norme qui prescrit de n'employer dans nos énoncés décrivant la capacité représentationnelle que des concepts usités dans les sciences.

Nous n'avons pas procédé à une explication de l'intentionnalité des états mentaux, car faire uniquement usage de concepts scientifiques dans nos énoncés ne garantit en rien que les énoncés ainsi produits soient des explications scientifiques étant donné que nous pouvons articuler ces concepts de manière absurde.

Nous pouvons néanmoins dire que des énoncés tels que « la croyance que ce liquide est de l'eau a fait que x l'a bu » sont considérées comme des explications par la psychologie populaire, car le fait de connaître les croyances de quelqu'un nous permet dans une certaine mesure de prévoir son comportement ; d'autre part, si nous demandons à quelqu'un (a) « pourquoi x a t-il bu le contenu de ce verre ? » il nous répondra : (b) « parce que x croyait que c'était de l'eau » ; et si nous réitérons la question, il nous répondra sans doute sur un ton agacé :  « mais je viens de vous l'expliquer ! ». La signification du concept d'explication ne se restreint pas à la définition qu'en donne HEMPEL, qui nous parle uniquement de ce qu'est une explication scientifique. Il s'ensuit de ces considérations que nos explications usuelles ne perdent pas tout intérêt et toute pertinence, et que nous n'avons pas à remplacer l'énoncé (b) par un énoncé du type :  « parce que x avait l'état neuro-cérébral z que c'était de l'eau ».

Nous n'avons pas non plus réduit l'intentionnel à du physique. Nous avons simplement délimité les propriétés mentales en affirmant qu'elles étaient des propriétés de la personne ou de l'agent, la seule réduction qui puisse nous être attribuée étant celle consistant à soutenir que toute propriété mentale ou sémantique est propriété d'une substance physique (mais s'agit-il d'une réduction ?), ce qui se distingue de la thèse affirmant que les propriétés sémantiques sont des propriétés physiques, et de la thèse consistant à soutenir que toute propriété mentale est une propriété d'une substance cérébrale.

Nous avons par contre soutenu que « ...la philosophie de l'esprit ou de la connaissance doit cesser d'être purement a priori ou « conceptuelle » »1(*), en tout cas qu'il n'y a pas d'objection de principe à ce qu'elle s'informe des données scientifiques portant sur son objet (l'esprit), et modifie ou révise ses propres théories en fonction de ces dernières.

Nous avons donc accompli une tâche modeste consistant à ne caractériser l'esprit qu'en faisant usage de concepts normatifs et de concepts non-normatifs issus des sciences naturelles. Il s'agit pourtant bel et bien d'un naturalisme qui ne perd pas pour autant sa valeur du fait qu'il se destine uniquement à la production d'énoncés descriptifs et informatifs portant sur l'intentionnalité des états mentaux.

Il est maintenant temps de répondre à deux questions : pourquoi avons-nous choisi de ne faire usage que de concepts issus des sciences naturelles ? La philosophie ne se subordonne-t-elle pas à la science lorsqu'elle se fixe pour règle de n'user dans ses descriptions que de concepts scientifiques ?

A la première question, nous pouvons répondre que nous n'avons pas utilisé de concepts psychologiques dans notre définition de l'intentionnalité des états mentaux, non parce que nous considérerions la psychologie comme une sous-science, mais parce qu'elle utilise des concepts intentionnels dans ses explications, et que nous ne pouvons pas définir l'intentionnalité par des concepts intentionnels ou subdoxastiques, c'est-à-dire quasi-intentionnels, sous peine de circularité.

La réponse à la seconde question semble pouvoir être trouvée chez Joëlle PROUST qui la formule un peu différemment : « Cet emprunt ne compromet-il pas la valeur philosophique de la réflexion, qui devient assujettie à la validité d'un champ de savoir extérieur à elle-même ? » Elle y répond comme suit :  « cette objection serait fondée si les concepts en question étaient purement et simplement transférés tels quels dans le raisonnement philosophique. Tel n'est pas le cas. L'intégration d'un concept d'origine psychologique ou neurophysiologique à des considérations philosophiques ne se fait pas sur le mode de l'emprunt pur et simple. L'activité proprement philosophique consiste à retravailler le concept issu de la théorie empirique pour mettre au jour ses conditions générales d'application, et le lien qu'il entretient avec un réseau d'autres contraintes philosophiques. » 1(*). Nous pouvons lui répondre que c'est là justement tout le problème, car on peut alors soutenir qu'il ne s'agit plus du concept de la théorie empirique. Nous ferions donc dans ce cas usage dans nos énoncés de concepts qui ne sont pas uniquement scientifiques, mais qui sont en fait devenus des concepts philosophiques. Or n'était-ce pas là précisément ce que le philosophe naturaliste voulait éviter en préconisant de ne se servir que de concepts scientifiques ? Joëlle PROUST pressent sans doute cette objection puisqu'elle dit un peu plus loin : « le concept est le même, mais il est éclairé différemment. » 2(*). Il peut lui être rétorqué que le fait qu'il entretienne de nouvelles relations et soit lié à un réseau de contraintes philosophiques suffit à ce qu'il ne soit plus tout à fait le même.

Nous pouvons aussi remarquer que la démarche consistant à ne se servir, dans les énoncés philosophiques, que de concepts scientifiques, avait sans doute pour objet de se prémunir du vocabulaire et des entités en bref, des excentricités métaphysiques (au sens kantien du terme3(*) ) des philosophes, mais que respecter le naturalisme ne nous garantit pas que nous y échappions. Et cela tout simplement, soit parce que le philosophe peut retravailler le concept en métaphysicien, soit parce qu'il peut changer le sens des différents concepts scientifiques en les articulant en métaphysicien.

Il s'ensuit de tout cela que le naturalisme présuppose des normes dans la définition de l'esprit qu'il nous soumet et est une norme lui-même, dont nous avons explicité le contenu. Nous avons vu aussi qu'il se permet en partie de transgresser la règle qu'il s'est lui-même fixé, en modifiant le sens des concepts qu'il emprunte aux sciences. Le fait que le naturalisme fasse nécessairement référence à des normes l'invalide t-il ?

Pas nécessairement. Nous pouvons en effet soutenir qu'il s'agit d'une démarche pertinente : il n'est pas négligeable de dire que les états mentaux ont été sélectionnés pour leur fonction d'être informationnels et pour la contribution que celle-ci apporte à la survie de l'individu et de l'espèce. Mais cette fonction informationnelle fait aussi qu'ils doivent se prêter à une appréciation en termes de normes c'est-à-dire comme pouvant être vrais ou faux, corrects ou incorrects, rationnels ou irrationnels. Les simples considérations causales ne suffisent donc pas à caractériser les états mentaux ; autrement dit l'approche naturaliste et l'approche normative sont complémentaires. Il nous faut donc accepter que nous ne puissions procéder qu'à un naturalisme modéré qui ne se cache pas de faire usage de normes.

* 1 (p.10-11 / Comment l'esprit vient aux bêtes)

* 2 (p.62 / idem)

* 1 (p.52 / Philosophie et psychologie / Engel)

* 1 (p.345 / Comment l'esprit vient aux bêtes)

* 2 (p.345 / idem)

* 3 La métaphysique est définie par KANT  comme la :  « connaissance spéculative de la raison tout à fait isolée et qui s'élève complètement au dessus des enseignements de l'expérience par de simples concepts... » (p.18 / Critique de la raison pure / Préface de la seconde édition / Kant / Quadridge - Presses Universitaires de France). Il serait intéressant de voir dans quelle mesure cette définition s'applique au « conceptualisme ».

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