RESUME
Dans le prolongement de la conception religieuse qui
perçoit l'esprit comme une entité continuant de subsister
après la mort de l'individu, Descartes fait de l'âme une
réalité indépendante de toute substance matérielle.
Or, il est scientifiquement établi que l'altération de certaines
parties du cerveau conduit à une altération des fonctions
représentatives et cognitives. Les travaux de philosophie analytique
prennent la mesure de ces découvertes et reformulent le problème
de l'esprit en substituant au concept d'âme la notion de
propriétés mentales d'une substance matérielle. Cette
reformulation ne résout pourtant pas le problème de leur statut
scientifique et ontologique. Plusieurs courants de pensée s'affrontent.
Les partisans du normativisme font valoir que les énoncés du
langage ordinaire ne peuvent sans perte de sens se réduire à des
énoncés formulés au moyen du langage scientifique. Les
tenants du matérialisme éliminatif souhaitent éliminer les
propriétés mentales au profit de propriétés
physico-chimiques, ainsi que les énoncés du langage ordinaire au
profit d'énoncés du langage scientifique de la neurophysiologie.
Entre ces deux positions, un naturalisme évolutionniste respectueux du
sens des énoncés du langage ordinaire et sensible à une
explication évolutionniste de l'intentionnalité des états
mentaux semble la position intermédiaire la plus fondée.
INTRODUCTION
a) La distinction de l'âme et de l'esprit
Avant d'entrer dans le détail de cette question
complexe, tant par les nombreux débats qu'elle a suscités et
continue de susciter, que par la terminologie qui est employée par ses
détracteurs aussi bien que par ses défenseurs, nous allons
procéder à quelques remarques d'ordre général qui
auront pour effet, en tout cas nous l'espérons, de clarifier la
façon dont nous comptons aborder le problème de la
« naturalisation » de l'esprit.
Nous pouvons tout d'abord distinguer le concept d'esprit d'une
certaine façon de concevoir l'âme, alors même que les deux
notions ont souvent été employées l'une pour l'autre. Dans
cette conception chrétienne notamment, l'âme a une sorte
d'existence indépendante du corps et du cerveau, et continuerait de
subsister après la mort de l'individu, en se réincarnant
quelquefois même dans un autre corps selon certaines traditions,
l'hindouisme par exemple. Mais il ne s'agit pas de cela ici ; tout au
contraire, l'esprit tel que nous allons l'étudier, est dans une
dépendance au corps et au cerveau, en tout cas à une substance
physique, il ne subsiste pas et ne pourrait être sans elle. Si on admet
son existence, ce qui est d'ailleurs problématique, comme nous le
verrons, il sera simplement considéré comme une
propriété de celle-ci. L'esprit ne serait donc pas une substance
séparée de la substance matérielle, mais une
propriété d'une substance matérielle particulière
(la substance étant conçue comme le support des
propriétés).
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