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Le marché des télécommunications au Sénégal: analyse économique

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par Djiby Mbodj GAYE
Université Gaston Berger de Saint LOIUS( SENEGAL) - Maitrise 2005
  

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Evolution de la structure du marché des télécommunications au Sénégal : analyse économique

INTRODUCTION

La privatisation est décrite par le << transfert à des actionnaires privés la propriété des participations majoritaires détenues par l'Etat dans le capital d'une entreprise>>. Elle est un processus qui permet à l'Etat de confier au secteur privé la fourniture de services assurés auparavant par lui- même.

Le poids des pertes des entreprises publiques sur la situation des finances publiques devient, au Sénégal intolérable. Il s'est traduit d'abord par une dette extérieure sans cesse croissante et bientôt impossible à honorer qui finira par imposer la dévaluation du franc CFA. Le déficit public se manifeste aussi par une dette intérieure qui paralyse la trésorerie des entreprises privées et menace le système bancaire. D` après le rapport annuel de 1997 de la banque mondiale , la dette extérieure en pourcentage du produit national brute ( PNB ) était en 1980 de 50,5% et de 82,3% en 1995 . La dette multilatérale en pourcentage de la dette extérieure totale s'élevait en 1980 à 17,8% et à 48,4 % en 1995.

La dévaluation du franc CFA intervenue en 1994, les nombreuses politiques d'ajustement structurels édictées depuis Bretton Wood, la gabegie et la mauvaise gestion des entreprises publiques confiées à des politiciens en mal de popularité, la sécheresse persistante ont fini de mettre les finances publiques à genoux .Complétant la gamme, les détournements et les mauvais choix d'investissements ont fini d'assécher les caisses de l'Etat. Après moult rééchelonnement du service de la dette par le club de Paris, l'Etat sénégalais pour renflouer ses caisses, avait choisi de privatiser 23 sociétés nationales. Dans un premier temps la Sonatel ne figurait pas sur cette liste. Mais plusieurs mois après le lancement de l'appel d'offres, les investisseurs ont manifesté leur intention d'entrer dans le capital de ces sociétés qui étaient soit trop exsangues où n'offraient aucune perspective de rentabilité immédiate où à court terme. L'Etat se décida donc à ouvrir le capital de la Sonatel. A peine l'appel d'offres lancé que les investisseurs se bousculaient au ministère de l'économie et des finances maître d'oeuvre de la procédure de privatisation. Parmi ceux - là on distingue : France télécoms par sa filiale France câbles radio , Télia le consortium suédo - américain, les opérateurs nationaux d'Arabie Saoudite, d' Afrique du Sud, de Malaisie, du Maroc etc.

Parmi les opérateurs énumérés ci-dessus les suédois détenaient la meilleure offre financière et technique, suivie de France Câbles Radio

(F C R). Mais l'offre faite par les Saoudiens fut récusée pour sa faiblesse technique.

Ainsi les négociations entre l'Etat et Télia vont buter pendant plusieurs mois sur la durée de concession. En effet, l'Etat voulait une concession sur 20ans, les suédois voulaient se contenter d'une concession sur 7 ans. L'Etat finira par récuser le groupe suédois après plusieurs séances de négociation infructueuse. Pour le gouvernement du Sénégal, une concession sur 7 ans n'encouragerait pas d'investissements lourds de la part du partenaire. L'Etat fit donc appel à FCR second sur la liste qui accepta d' aligner son offre financière sur celle de Télia qui se montait a 70 milliards de francs CFA représentant 33% du capital de la Sonatel .

La privatisation de la Sonatel fut consacrée à la surprise générale après le vote de la loi 95 - 25 du 29 /08 /95 par l' Assemblée Nationale du Sénégal. Ainsi, l'entreprise phare du pays allait sans nulle doute ouvrir son capital à un partenaire stratégique pour les raisons invoquées plus haut, alors que dans la pratique en Afrique, c`est plutôt les entreprises en difficultés qui étaient systématiquement privatisées. L` Etat sénégalais venait ainsi d'empocher sa meilleure opération de privatisation. Ainsi la géographie du capital de la nouvelle société se présentait comme suit : 34 % à l' Etat ,33% à France télécoms, les travailleurs détenaient 10% ,5% avait été retenu par un opérateur africain dans le cadre de la politique d' intégration économique sous régionale, le reste appartenait aux collectivités locales et aux personnes physiques mais 2 ans plus tard, à la veille des élections, l' Etat allait céder 9% de sa part à France télécoms, qui du coup totalisait 42% et devenait de ce fait l'actionnaire majoritaire .

En plus des accords précédemment cités, les deux parties s'accordèrent également sur la libéralisation du secteur en 2004.

La privatisation de la Sonatel et la libéralisation partielle du secteur1(*) ont permis d'obtenir des résultats considérables qui sont la forte progression du nombre des abonnés du service de téléphonie mobile, une création de 30000 emplois directs à travers les télés centres, cybercafé, et autres distributeurs de cartes téléphoniques.

Malgré ces avancées notables, il reste évident que le secteur souffre encore de lacunes liées en particulier à un monopole faiblement réglementé, une faible concurrence sur le mobile et une insuffisance d'investissements qui font que les attentes en termes d'emplois ne sont pas comblées. Pour qu'il y ait une amélioration du bien être social, il faut que secteur soit doté de fortes politiques de réglementation, de concurrence et des investissements plus lourds car ils sont les moteurs du développement du secteur voire de l'économie nationale.

Ainsi, pour saisir l'exacte mesure de la structure du marché des télécommunications, il importe d'analyser dans une première partie la situation actuelle du marché avant d'étudier le problème de la réglementation dans une deuxième partie.

Partie I/ Analyse de la situation actuelle du marché des télécommunications

Le marché actuel des télécommunications au Sénégal est caractérisé par un monopole de la Sonatel. A l'issue de la privatisation, l'Etat a accordé à la Sonatel ses droits relatifs à l'établissement et à l'exploitation des réseaux et la fourniture des services de télécommunication pour une durée de vingt (20) ans, assorti d'une situation de monopole sur les services de base de sept (7) ans. Jusqu'en 1997, le marché des télécommunications fonctionnait avec un régime de monopole avec un seul opérateur. Ce cas de figure se retrouvait d'ailleurs dans beaucoup de pays de la sous région. Mais avec l'option prise pour une politique d'ouverture totale par la signature avec dix huit autres pays d'un engagement à la libéralisation de ce secteur en 1997, le marché sénégalais va revêtir un tout autre visage. C'est ainsi qu'en 1998, le segment de la téléphonie mobile enregistre l'entrée d'un nouvel opérateur (SENTEL)2(*). Le monopole de la Sonatel devrait prendre fin le 19 juillet 2004 sur le plan juridique. Mais dans les faits, ce monopole persiste encore, parce que l'Etat n'a pas entamé dans les détails tout le travail nécessaire au préalable en vue d'apporter des réponses aux questions assez complexes sur les plans technique, juridique et économique.

Chapitre I / La privatisation de la Sonatel et ses conséquences

La privatisation de l'opérateur historique intervient dans le cadre de la politique de privatisation des entreprises publiques amorcée par le Sénégal au milieu des années 90 et préconisée de longue date par les institutions financières internationales. Les objectifs majeurs sont : amélioration de l'efficacité de gestion, recherche des financements et assignation d'un grand rôle au secteur privé. La Sonatel comme tout producteur de biens ou de services élabore des politiques qui ont pour but d'accroître au mieux ses profits. La privatisation de la Sonatel a permis d'enregistrer des avancées considérables tant sur l'accès au téléphone que la création d'emplois3(*) entre autres. Malgré des avancées significatives, plusieurs problèmes liés à l'inefficacité du monopole de la Sonatel persistent.

Section I / La structure du monopole de la Sonatel sur le segment du fixe

Le monopole est caractérisé par sa politique optimale et la discrimination par les prix.

Paragraphe I / La politique optimale du monopole

Il existe une seule entreprise qui produit un seul bien et fixe un prix unique, identique pour tous les consommateurs présents sur le marché. Comme dans toute situation microéconomique du producteur, l'entreprise en situation de monopole cherche à maximiser son profit, la différence entre la recette totale RT et le coût total CT.

Comme l'entreprise en situation de concurrence pure et parfaite, le monopole cherche à maximiser son profit. Mais il existe deux différences fondamentales entre ces entreprises.

· D'une part, l'entreprise en concurrence pure et parfaite ne peut agir sur le prix de vente, fixé sur le marché. Elle doit s'adapter à ce prix et déterminer son volume de production de telle sorte que son coût marginal soit égal au prix de vente. L'entreprise en concurrence pure et parfaite est price taker4(*). Tel n'est pas le cas du monopole qui a la possibilité de fixer le prix de vente de son produit. Le monopole est price maker5(*). Il ne peut cependant pas vendre à n'importe quel prix. S'il vend trop cher, il risque de ne trouver aucun acheteur. Le monopole est contraint par la demande.

· D'autre part, en situation de concurrence pure et parfaite, la demande est satisfaite par une multitude d'entreprises. Au contraire, le monopole est seul sur le marché et doit satisfaire la totalité de la demande. Comme la demande est une fonction décroissante du prix, plus le monopole produit, plus il doit baisser son prix de vente. Le monopole doit donc déterminer le niveau de production qui maximise son profit. C'est ce niveau de production qui va lui permettre de fixer le prix. La demande qui s'adresse à l'entreprise en situation de concurrence pure et parfaite est infinie car celle-ci est sûre de pouvoir vendre, au prix du marché, toute sa production quelle qu'en soit l'importance. La courbe de demande est donc une droite horizontale contrairement à celle du monopole qui est décroissante. Le monopoleur fixe simultanément les prix et les quantités pour « maximiser son profit »

Profit = Recette totale - Coût total. La recette totale représente le chiffre d'affaire de l'entreprise. RT (Q) = P.Q avec P, le prix du produit et Q, la quantité produite. Dans une situation de monopole, le prix est déterminé par la quantité produite et vendue par le monopole.

La recette totale est donc égale à : RT (Q) = P (Q) .Q

Le coût total est une fonction mathématique dépendant de la quantité produite que l'on note CT (Q).

Il fixera les prix et les quantités au point où sa recette marginale (Rm) égale son coût marginal (Cm). Mais la courbe de recette marginale ne s'identifie plus à la droite horizontale des prix comme dans le cas de la concurrence. C'est une courbe décroissante au dessous de la courbe de demande (Recette moyenne). Pourquoi ? Parce qu'en concurrence pure et parfaite, la recette marginale pour une unité supplémentaire du bien est égale au prix du bien. Là, elle est inférieure car en produisant une unité de plus, le monopoleur fait baisser son prix.

http://www.creg.ac-versailles.fr/IMG/jpg/Image1-2.jpg

Par rapport à une situation de concurrence où les entreprises auraient des courbes de coût marginal(Cm) dont la somme se confondrait avec celle du monopoleur, on voit que les consommateurs perdent doublement : avec le monopoleur ils paient un prix supérieur et doivent se contenter d'une quantité inférieure. Le monopole produit moins à un prix plus élevé.
De plus en situation de concurrence pure et parfaite, à long terme, le prix baisse jusqu'au minimum du coût moyen. Si l'entreprise veut à nouveau dégager des profits, elle doit réduire ses coûts. La concurrence pousse les entreprises à mettre en oeuvre des technologies plus performantes. Tel n'est pas le cas du monopole puisque aucune entreprise nouvelle ne peut entrer sur le marché. Enfin, dans une situation de monopole, le surplus total est plus faible qu'en concurrence pure et parfaite et la situation n'est pas optimal pour la société, le surplus du consommateur6(*) est la différence entre le prix auquel le consommateur est prêt à payer le bien et le prix du marché ; le surplus du producteur7(*) est la différence entre le prix du marché et le coût marginal, le prix auquel le producteur est prêt à produire). En situation de monopole le surplus total n'est pas maximum. La hausse du prix de vente réduit le surplus du consommateur. Une partie du surplus est transférée au producteur mais une autre partie est totalement perdue pour la société (ABE). De la même manière une partie du surplus du producteur qui existait en concurrence pure et parfaite est perdue pour la collectivité en situations de monopole (BEC). La perte sociale totale est le triangle AEC

http://www.creg.ac-versailles.fr/IMG/jpg/Image2.jpg

La situation n'est pas optimale : les consommateurs pourraient consommer plus et moins cher ; les producteurs pourraient produire plus.

Utilisons p(y) pour représenter la fonction de demande inverse du marché8(*) et c(y) pour représenter la fonction de coût. Soit r(y)= p(y).y la fonction de recette du monopoleur. Le problème de maximisation du profit () du monopole revêt dès lors la forme suivante :

Max = r(y) - c(y)

y

Le profit total étant une fonction du niveau de production, est maximum quand la dérivée par rapport au niveau de production s'annule ; soit :

? ? r ? c

---- = 0 et donc ---- = Rm = ---- = Cm

? y ? y ? y

Le profit sera maximal lorsque le supplément de recette provenant de la vente d'une unité supplémentaire est égal au supplément de coût occasionné par la production de cette unité supplémentaire.

La condition d'optimalité correspondant à ce problème est évidente : au niveau de l'output optimal, nous avons l'égalité entre la recette marginale (Rm) et le coût marginal (Cm). Si la recette marginale était inférieure au coût marginal, la Sonatel aurait intérêt à diminuer son output puisque la diminution du coût serait plus importante que la diminution des recettes. Si la recette marginale était supérieure au coût marginal, l'entreprise aurait au contraire intérêt à augmenter son output. Le seul output que l'entreprise n'a pas intérêt à modifier est celui qui correspond à l'égalité de recette marginale et du coût marginal.

Une entreprise en concurrence doit respecter la même condition Rm= Cm, mais pour telle entreprise, la recette marginale est égale au prix et cette condition se ramène à l'égalité entre le prix et le coût marginal.

Dans le cas d'un monopoleur, l'expression de la recette marginale est quelque peu plus compliquée. Si le monopoleur vend davantage d'output et perçoit en contrepartie une recette de py, mais par ailleurs il diminue le prix de y et il perçoit ce prix plus faible pour l'ensemble de la production qu'il vendait. Dès lors, l'effet total sur la recette d'une modification de l'output de y est égal à :

r = py + yp

La variation de la recette divisée par la variation de l'output, c'est-à-dire la recette marginale, est par conséquent égale à :

r / y = p+ (p /y) y

Alternativement nous pouvons considérer que le monopoleur choisit simultanément son output et son prix, en tenant compte évidemment de la contrainte imposée par la courbe de demande. Si le monopoleur désire vendre davantage d'output, il doit diminuer son prix. Mais cette réduction du prix implique un prix plus faible pour toutes les unités qu'il vend et pas uniquement pour les unités supplémentaires, d'où le terme yp.

En concurrence parfaite, une entreprise qui diminuerait son prix en dessous de celui pratiqué par les autres entreprises s'emparerait immédiatement de la totalité du marché au détriment de ses concurrents. Mais dans le cas du monopole, celui-ci détient déjà la totalité du marché ; quand il diminue son prix, il doit prendre en compte l'effet de la diminution du prix sur toutes les unités qu'il vend.

Paragraphe II / La politique de prix de la Sonatel : la discrimination entre les consommateurs

Avec la discrimination parfaite par les prix, le producteur s'approprie la totalité du surplus des consommateurs en fixant des prix différents pour chaque unité vendue et tels que chaque consommateur paie un prix égal à son prix de réservation9(*). Cette stratégie de fixation des prix répond sans aucun doute à la volonté d'augmenter le profit. La discrimination des prix consiste à faire payer à deux consommateurs (ou plus) des prix différents pour des biens ou des services identiques. Lorsqu'une entreprise fait face à un prix paramétrique (cas de la concurrence), elle n'a pas la possibilité de discriminer. Cette pratique est commerciale et donc liée à l'existence d'un pouvoir de marché. Elle est en conséquence généralement analysée dans le cadre du monopole. Seul un monopoleur peut discriminer car, en concurrence, les autres offreurs contraindraient le prix du marché à s'égaliser avec le coût marginal. La discrimination, stratégie très courante aujourd'hui, doit être pratiquée pour des raisons autres que celles associées à des différences de coût. Pour que la discrimination soit possible, il faut deux conditions :

· Le produit ne doit pas pouvoir être acheté sur le marché où le prix est le plus bas et être revendu sur celui où le prix est le plus élevé ; dans le cas contraire, le monopoleur ne pourrait plus vendre sur le marché où le prix est le plus élevé. Les marchés doivent donc être cloisonnés.

· Les clientèles (marchés) doivent avoir des élasticités prix différentes.

Ces deux conditions expliquent pourquoi la discrimination est plus fréquente dans les services individualisables (médecine, cinémas, etc.) et dans les secteurs où le produit est très difficilement revendable (gaz, électricité, etc.).

Cherchons maintenant à justifier à partir de sa stratégie de prix unique une stratégie de discrimination.

Supposons que tous les consommateurs sont prêts à acheter une seule unité du bien et que l'on peut construire la courbe de demande  en les classant en ordre décroissant en fonction de leur prix de réservation. Si l'on peut arbitrairement les unités et si le nombre de consommateurs est assez grand, à tout point A de la courbe de demande correspond un consommateur caractérisé par un prix de demande pa. Supposons que le monopole puisse identifier ces acheteurs et leur proposer une offre de type (tout ou rien) : acheter une unité au prix pa ou ne rien acheter. Chaque acheteur, s'il n'a pas la possibilité de négocier avec d'autres agents, est indifférent entre consommer ou non. S'il accepte la proposition, le monopole s'approprie son surplus et augmente son profit. De même, s'il peut procéder de manière identique pour des consommateurs écartés du marché dans le cas d'un prix uniforme mais prêts à payer un prix pb supérieur au coût marginal, il s'attribue leur surplus et fait un profit supplémentaire. Dans ce cas le monopole peut s'approprier la totalité du surplus des consommateurs. Cet exemple montre que l'entreprise peut augmenter son profit si elle est en mesure d'imposer des tarifs différents à des acheteurs différents.

Cette pratique concerne aussi bien la fixation de prix distincts pour différents consommateurs que la détermination de prix différents pour diverses unités vendues à un même consommateur. La courbe de demande D étant celle du marché d'un produit quelconque, le monopoleur fixe pour chaque client le prix maximum que celui-ci est prêt à payer, ce prix est appelé prix de réservation. De ce fait, la fonction de demande (RM) à la firme devient la recette marginale Rm puisque, dans ce cas, la recette tirée d'une unité supplémentaire est égale au prix. La production ou vente optimale est donnée au point E : elle est identique à celle de concurrence parfaite. La recette totale de la firme est OAEQ, le coût total est OGFQ et le profit total est la surface AEFG. Le monopoleur qui pratique une discrimination parfaite ne laisse subsister aucun surplus du consommateur. Celui-ci, qui est APE au prix d'équilibre concurrentiel, est entièrement approprié par le monopoleur. Lequel réalise un profit supplémentaire de PEFG.

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Comme exemples, nous pourrions citer le cas des abonnements à prix réduits, pour certaines catégories de la population à l'occurrence les élèves et les étudiants ou l'appel unitaire qui varie selon les abonnés et les abonnements. Cette situation est représentée dans le tableau suivant :

 

Etudiants et Elèves

Particuliers

Abonnements

Diamono School

Diamono Jeunes ou Classique

Tarifs unitaires

8h à 12h

12h à15h

15h à 18h

18h à 23h

23h à 8h

100 f

50f

100f

50f

50f

160f

100f

100f

100f

50f

Tableau récapitulatif des tarifs des appels appliqués par la Sonatel

La question essentielle est dès lors de savoir comment le monopoleur détermine t-il les prix optimaux qu'il pratique sur le marché.

Admettons que le monopoleur soit capable de distinguer deux (2) groupes d'individus et qu'il puisse vendre un même produit à ces deux groupes à un prix différent : c'est le cas de la Sonatel dans la vente des abonnements. Nous supposons que les consommateurs sur chacun des deux marchés ne peuvent pas revendre le bien. Représentons par p1 (y1) et p2 (y2) les fonctions de demande inverse10(*) pour les groupes 1 et 2 et par

c (y1+y2), le coût de production de l'output. Le profit total de l'entreprise est défini par la différence entre les recettes totales et le coût total.

? = r1 (y1) +r2 (y2) - c (y1 +y2)

Le problème de la maximisation du profit auquel est confronté le monopoleur s'écrit de la forme suivante :

Max p1 (y1) y1+p2 (y2) y2 - c (y1+y2)

y1, y2

Le maximum s'obtient en annulant les dérivées partielles

?? ?r1 ?c ?r1 ?c

---- = ---- - ---- = 0 d'où ---- = ----

?q1 ?q1 ?q1 ?q1 ?q1

?? ?r2 ?c ?r2 ?c

---- = ---- - ---- = 0 d'où ---- = ----

?q2 ?q 2 ?q2 ?q2 ?q2

On a recette marginale est égale au coût marginal.

Rm1 (y1) = Cm (y1+y2)

Rm2 (y2)=Cm (y1+y2)

En d'autres termes, le coût marginal d'une unité supplémentaire d'output doit être égal à la recette marginale sur chaque marché. Si la recette marginale sur le marché1 était supérieure au coût marginal, il serait intéressant d'accroître l'output sur le marché1. Le même doit donc entraîner la même augmentation de recette qu'il soit vendu sur le marché1 ou sur le marché2.

Nous pouvons utiliser la formule habituelle de la recette marginale en termes d'élasticité pour écrire les conditions de maximisation du profit comme suit :

1

P1 (y1) 1- -------- = cm (y1+y2)

e 1(y1)

1

P2 (y2) 1- -------- = cm (y1+y2)

e2 (y2)

e 1(y1) et e2 (y2) représentent les élasticités de la demande sur les deux marchés évalués au niveau des outputs qui maximisent le profit.

Remarquons maintenant que si 1> p2, nous devons avoir :

1 1

1 - -------- < 1 - --------

e1 (y1) e2 (y2)

1 1

Ceci implique -------- > --------

e1 (y1) e2 (y2)

Ou encore e2 (y2) > e 1(y1) .

Le marché avec le prix le plus élevé doit donc avoir l'élasticité de la demande la plus faible. Après réflexion, c'est assez logique. Une demande élastique est une demande sensible au prix. Une entreprise qui discrimine en terme de prix pratiquera par conséquent un prix faible pour le groupe qui est sensible au prix et un prix élevé pour le groupe qui est relativement insensible au prix. Elle maximise de cette façon son profit total.

Nous avons donné l'exemple que la Sonatel accordait des ristournes aux étudiants et aux élèves ce qui constitue une discrimination par les prix. Nous pouvons maintenant voir pourquoi ces groupes obtiennent des ristournes. Il est vraisemblable que les étudiants et les élèves sont plus sensibles aux prix que les consommateurs moyens, et qu'ils ont par conséquent des demandes plus élastiques dans la zone de prix pertinente. La Sonatel qui maximise son profit discriminera par conséquent en terme de prix en faveur de ces groupes de consommateurs.

Section II / Les conséquences du monopole de la Sonatel

Dans l'esprit de la plupart des gens, les monopoles ne sont pas une bonne chose. Ils sont synonymes d'inégalités salariales et de concentration antidémocratique des pouvoirs.

D'un point de vue économique, cependant, le problème central est celui de leur efficacité. Ainsi le monopole de la Sonatel entraîne deux grandes catégories d'inefficacité économique : une restriction de la production et une recherche de rente.

Paragraphe I / La restriction de la production

Les monopoleurs, comme les entreprises concurrentielles ont pour but de réaliser des profits en produisant des biens et services demandés par leurs clients. Un secteur d'activités concurrentiel opère en un point où le prix est égal au coût marginal, un monopoleur opère par contre en un point où le prix est supérieur au coût marginal. Dès lors, en règle générale, le prix sera plus élevé et l'output plus faible si une entreprise adopte un comportement monopolistique plutôt qu'un comportement parfaitement concurrentiel. Par conséquent, les consommateurs bénéficieront généralement d'un niveau de satisfaction moindre quand un secteur d'activité est organisé sous la forme d'un monopole plutôt que sous la forme concurrentielle.

Le problème de l'inefficacité du monopole est plus visible dans la représentation de celui-ci par la figure ci-dessous.

Supposons que nous puissions contraindre d'une quelconque façon et sans coût cette entreprise à se comporter comme un concurrent parfait et à prendre le prix du marché comme fixé de façon exogène11(*). Dans ce cas, nous aurions (pc, yc) pour le prix et l'output concurrentiels. Alternativement, si l'entreprise prend conscience de  son influence sur le prix du marché et choisit son niveau d'output de façon à maximiser son profit, nous aurions le prix et l'output de monopole (pm, ym). .

Rappelons qu'une allocation économique est efficace au sens de Pareto s'il n'est pas possible d'accroître la satisfaction de quelqu'un sans réduire celle de quelqu'un d'autre. Le niveau d'output produit en monopole est-il efficace au sens de Pareto ?

Rappelons également la définition de la fonction de demande inverse. Pour chaque niveau d'output, p(y) mesure la somme que les gens sont disposés à payer pour une unité additionnelle du bien. Puisque p(y) est supérieur à cm (y) pour tous les outputs compris entre ym et yc, il existe toute une série d'outputs pour lesquels des gens sont disposés à payer pour une unité du bien un montant supérieur à son coût de production. Il existe donc clairement des possibilités pour une amélioration au sens de Pareto.

Considérons par exemple l'output ym optimal pour le monopole. Puisque p (ym) est supérieur à cm (ym), nous savons qu'il existe quelqu'un qui est disposer à payer pour une unité supplémentaire d'output un montant supérieur à ce que cette unité coûterait à l'entreprise. Supposons que l'entreprise produise cette unité additionnelle et la vende à cette personne pour un prix p tel que p (ym) > p > cm (ym). Le consommateur a un niveau de satisfaction supérieur puisqu'il était disposé à payer p (ym) pour cette unité de consommation et que celle-ci lui est vendue pour p < p (ym). De même, cette unité coûte au monopoleur cm (ym). Toutes les autres unités d'output sont vendues au même prix que précédemment de sorte que rien d'autre n'est modifié. Grâce à la vente de cette unité supplémentaire d'output, chaque partie reçoit un surplus supplémentaire, c'est-à-dire que chaque partie sur le marché voit son niveau de satisfaction augmenter et que personne d'autre n'est pénalisé. Nous avons ainsi trouvé une amélioration au sens de Pareto.

Paragraphe II / La recherche de rente

Cette inefficacité se traduit par la tentation pour les monopoleurs d'accroître les ressources en utilisant des moyens économiquement non productifs. L'exemple le plus frappant consiste à allouer des ressources pour obtenir ou conserver une position dominante en dissuadant les concurrents d'entrer. De même que l'on appelle rentes de monopole les profits d'un monopoleur, la recherche de rente désigne toute tentative d'acquisition ou de maintenir des rentes déjà existantes, en s'efforçant d'obtenir ou de conserver une position dominante dans un secteur.

La position de monopole d'une entreprise résulte parfois, du moins en partie, d'une protection de la part de l'Etat. Dans ce contexte les entreprises verseront de l'argent aux groupes de pression et aux hommes politiques pour préserver les réglementations limitant la concurrence, afin de maintenir des profits élevés. Ce type d'action est une source de gaspillage social. Des ressources (notamment du temps de travail) sont utilisées pour obtenir des réglementations avantageuses et non pour produire des biens ou services. On est donc en droit de se demander si l'Etat, en cherchant à restreindre la concurrence, n'incite pas les entreprises à dépenser leur argent dans des activités de recherche de rente plutôt que dans l'amélioration de la qualité de leurs produits.

Comment une entreprise est elle disposée à dépenser pour être en situation de monopole et pour conserver cette position ? Elle sera disposée à dépenser autant que la somme des profits que procure ce monopole. Le gaspillage résultant de cette activité de recherche de rente peut se révéler bien supérieur à la rente provoquée par la diminution de la production.

L'analyse des prix et quantités choisis par le monopole montre que celui-ci choisit un prix supérieur à son coût marginal et une quantité inférieure à celle qu'il choisirait en situation de concurrence. Le monopole produit donc trop peu et trop cher. Il est donc moins efficace qu'un ensemble d'entreprises en concurrence parfaite produisant le même bien, il alloue de façon inefficace les ressources. La différence entre le prix de vente Pm du monopole et celui du marché concurrentiel Pc est une mesure de la rente perçue par le monopole, en d'autres termes de son pouvoir de monopole. Pour cette raison, l'idée prévaut chez certains libéraux que le monopole est systématiquement inefficace, qu'il n'existe qu'à cause d'une restriction aux lois normales de la concurrence qu'il faut éliminer.

Chapitre II / La libéralisation progressive du marché des télécommunications

Selon le conseiller spécial du Président de la République du Sénégal chargé des Nouvelles Technologies de l'Information « le Sénégal a besoin d'un nouvel opérateur qui recrute au même niveau que la SONATEL, et qui va recruter plus, parce qu'ils sont en compétition ».

Cela suppose que le gouvernement du Sénégal a déterminé la structure du marché et la vente aux enchères de la licence va donner le droit de servir ce marché.

L'ouverture à la concurrence de la plupart des secteurs de télécommunications a conduit à la création d'agences en charge de la régulation de ces secteurs. Il s'agissait en effet à la fois de permettre l'instauration d'une concurrence effective et d'assurer le maintien de la qualité du service public assumé par l'opérateur historique.

Section I / : L'ouverture du marché

Dans le but de sélectionner un second opérateur capable de compétir avec la Sonatel, le gouvernement du Sénégal a décidé de lancer une vente aux enchères pour l'attribution d'une licence globale. Cependant, dans les faits, cette libéralisation n'est toujours pas effective car l'Etat fait face à certains problèmes liés au choix des opérateurs empêchant ainsi au processus de libéralisation de suivre son cours normal.

Paragraphe I / L'intérêt des enchères dans la gestion publique

Dans le cas le plus élémentaire et le plus banal, une enchère est une procédure permettant au propriétaire d'un bien unique et indivisible, qui désire le vendre, de sélectionner l'acquéreur parmi plusieurs candidats12(*).

L'objectif du vendeur est ici censé être d'obtenir le prix de cession le plus élevé possible13(*).

Une forme bien connue est celle de l'enchère ascendante (ou enchère anglaise), où le prix proposé est augmenté par étapes. Dans cette procédure, tout candidat se désiste au moment où le prix proposé dépasse l'offre maximale qu'il est prêt à faire pour acquérir le bien. Le processus d'élimination s'arrête lorsqu'il ne reste plus en lice qu'un candidat : celui dont l'offre est assurément supérieure à toutes les autres, même si son montant exact, dans cette procédure, reste inconnu. Le bien est attribué à ce candidat « le plus offrant », mais à un prix de cession égal à l'offre la plus élevée parmi celles des candidats éliminés, appelé « deuxième prix».

L'enchère descendante (ou enchère hollandaise) existe aussi : le prix proposé, au départ supérieur à l'offre maximale de tous les candidats, est abaissé par étapes, jusqu'à ce qu'un candidat se déclare preneur. Le bien est alors attribué à ce candidat « le plus offrant », mais à un prix de cession égal à son offre, appelé « premier prix » (les offres des autres candidats restant, dans cette procédure, inconnues).

Les soumissions sous plis scellés constituent des enchères à un seul tour.

Les offres de tous les candidats sont cette fois connues du vendeur. L'offre est toujours attribuée au candidat le plus offrant. Dans le cas le plus usuel, il doit payer ce bien au premier prix, égal au montant de son offre ; on peut montrer que cette procédure est équivalente à une enchère hollandaise. Mais le règlement de l'appel d'offres peut aussi prévoir que le bien sera payé au deuxième prix, égal au montant du deuxième plus offrant ; cette procédure n'est toutefois pas tout à fait équivalente à l'enchère anglaise, où le candidat le plus disant connaît le prix du deuxième plus disant lorsqu'il décide de maintenir sa candidature, alors qu'il l'ignore, dans le cas considéré ici, lorsqu'il établit sa soumission.

Pour juger de l'importance des enchères, Mougeot et Cohen14(*) ont montré que plusieurs arguments plaident en faveur de l'utilisation des enchères en tant qu'instrument de gestion publique. Ils peuvent être mis en évidence en prenant par exemple le cas simple où les pouvoirs publics désirent disposer d'un équipement public particulier, devant remplir des fonctions précises et posséder des caractéristiques clairement spécifiées, mais susceptible d'être produit par plusieurs entreprises, détenant chacune un savoir-faire propre et un coût de revient connu d'elle seule. Cette asymétrie d'information en faveur de l'entreprise et au détriment des pouvoirs publics constitue l'argument clé qui plaide pour les enchères. Elles permettent en effet d'atteindre les résultats suivants.

Au terme du processus, la commande est passée à l'entreprise qui s'est déclarée en mesure de produire l'équipement pour le prix le plus bas, c'est à dire pour la somme « coût de revient plus marge » la plus faible (cette décomposition restant connue seulement par l'entreprise elle-même). Le coût de revient reflète l'efficacité économique dans la combinaison des facteurs de production et l'enchère permet d'assurer que l'avantage acquis par l'entreprise sur le terrain de la productivité n'est pas surcompensé par une amplification de sa marge ; cette procédure minimise la « rente informationnelle » de l'entreprise (sans toutefois aller jusqu'à l'annuler).

Au total, l'enchère sélectionne l'entreprise présentant la meilleure efficacité économique.

En corollaire, l'équipement est acquis en minimisant la dépense publique.

Le partage du surplus entre l'entreprise et le contribuable se fait dans les conditions les plus favorables possibles pour ce dernier. C'est important en termes d'efficacité économique, si l'on prend en compte un coût d'opportunité des fonds publics, impliquant que tout franc d'impôt économisé permet de produire plus d'un franc dans la sphère marchande. C'est important plus encore en termes de redistribution des revenus, donc du point de vue de l'équité.

Enfin, les enchères assurent la transparence. Elles traitent ainsi les entreprises sur un pied d'égalité, en les plaçant dans des conditions identiques ou, au contraire, en prévoyant expressément des « discriminations positives» pour rétablir l'équilibre dans le cas où les situations de départ des candidats seraient estimées inégales.

Il est clair que les résultats ci-dessus se transposeraient aisément au cas simple où les pouvoirs publics désireraient attribuer, selon des spécifications très précises, une mission de service public (par exemple de transport public) ou l'utilisation d'un espace appartenant à la collectivité (par exemple une bande de fréquences hertziennes) à un opérateur, à choisir parmi plusieurs candidats intéressés. Les offres seraient alors classées par ordre de prix décroissant, le premier prix étant le plus élevé. Au regard des critères d'efficacité économique, d'équité et de transparence, il apparaît ainsi que les enchères réunissent d'importants avantages.

Bien d'autres procédures de gestion publique sont possibles : attribution par exemple au premier inscrit, ou selon un ou plusieurs critères d'éligibilité, ou au terme d'une négociation, ou sur la base d'une soumission comparative (« concours de beauté »). Mais aucune d'elles ne rivalise avec les enchères sur l'ensemble de ces trois critères.

Cependant cette supériorité se déduit d'hypothèses strictes qui sont celles des cas simples considérés. Elle suppose au premier chef que le cahier des charges décrive de façon exhaustive et précise toutes les obligations du futur attributaire (et celles du maître d'ouvrage à son égard), de sorte que le prix constitue l'unique critère de sélection.

C'est une hypothèse forte, car la rédaction d'un contrat complet est un idéal difficile à atteindre. On peut s'en rapprocher dans le cas où l'équipement public ou le service public concédé serait traditionnel et peu exposé aux aléas. Dans les cas plus complexes, plus novateurs ou plus incertains, l'élaboration du cahier des charges peut requérir des études préalables approfondies, voire une concertation préalable avec l'ensemble des candidats permettant à chacun de faire part de ses interrogations, afin de parvenir à une rédaction finale aussi claire que possible pour tous, avant le lancement de l'appel d'offres.

Une difficulté supplémentaire se rencontre lorsque des critères plus qualitatifs interviennent, comme, par exemple, la qualité architecturale ou esthétique d'un ouvrage ou la façon dont sont rendus certains services publics. Le maître d'ouvrage ne peut alors sélectionner l'attributaire seulement sur la base du prix. Il a besoin de savoir quelle est la qualité associée à ce prix et doit donc demander à chaque candidat de fournir une offre décrivant la qualité offerte en même temps que le prix proposé. Il a alors évidemment intérêt à énumérer les critères qualitatifs sur lesquels il attend des réponses. Il est à cet égard à l'évidence souhaitable de disposer de critères aussi vérifiables que possible et d'inclure dans le contrat des sanctions dissuasives en cas de manquement.

Au fur et à mesure que les critères qualitatifs gagnent en importance dans l'équipement à réaliser ou le service à concéder, le débat monte en intensité entre les partisans des enchères et ceux du concours de beauté.

Les premiers signalent surtout que, à cause de l'inévitable asymétrie d'information, le concours de beauté n'offre aucune garantie de sélection de l'entreprise la plus efficace du point de vue économique, ni de l'extraction maximale de la rente au bénéfice du budget et qu'elle expose le maître d'ouvrage à un risque de captation (consciente ou non) par les lobbies. Les seconds rétorquent que la déontologie du maître d'ouvrage est un antidote à la captation, que de leur côté les enchères, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un cas simple, comportent des risques d'entente et qu'on diminue ces risques en n'annonçant pas la pondération des critères multiples, enfin que les enchères séquentielles facilitent la collusion ou la prédation.

Le débat à ce sujet reste ouvert. En théorie, l'optimum de premier rang supposerait un arbitrage entre la satisfaction tirée de la qualité de l'équipement (ou du service) et le consentement à payer pour cette qualité. À supposer que le maître d'ouvrage connaisse la fonction d'utilité collective qui permettrait de procéder à cet arbitrage, il ignore, pour cause d'asymétrie d'information, les arguments de cette fonction ou, plus exactement, la relation entre la qualité et son coût. En toute rigueur, c'est donc cette relation que devrait fournir la consultation et c'est sur cette base que le maître d'ouvrage pourrait choisir simultanément la qualité optimale et son prix ; mais cette démarche paraît, dans la pratique, hors d'atteinte. L'enchère simple et le concours de beauté apparaissent dès lors comme deux procédures de second rang. L'enchère simple consiste à fixer a priori la qualité pour ne plus optimiser que sur le prix. Le concours de beauté consiste à fixer le prix (éventuellement nul), pour ne plus optimiser que sur la qualité. Les deux procédures conduisent donc à un « rapport qualité prix » de second rang.

Cependant, la nature des asymétries d'information et le caractère exécutoire des engagements plaident en faveur de l'enchère moins manipulable et moins propice à la captation que le concours de beauté.

Il est au demeurant extrêmement souhaitable dans un souci de bonne gestion des fonds publics, comme le souligne nos rapports, à la fois de préciser le plus possible les caractéristiques du contrat, de réduire le plus possible les situations permissives de la captation et de chercher à « extraire la rente ». Sauf, le cas échéant, pour des préoccupations de politique industrielle.

Paragraphe II / Le processus de libéralisation du secteur

Des lois nouvelles, des décrets, une institution de régulation, tels sont les réalisations faites dans le cadre de la libéralisation du secteur. Si pour le secteur de la téléphonie mobile, et les autres activités du secteur, la concurrence y est effective, ce n'est pas le cas du secteur de la téléphonie fixe et c'est principalement sur ce point que la libéralisation est beaucoup attendue. Au Sénégal, la densité en matière de raccordement au téléphone était de 2,6 en 2000, ce qui nous fait un nombre d'abonnés supérieur à 220000 pour la Sonatel opérateur historique du marché sénégalais et encore seul opérateur en matière de téléphonie fixe sur le marché.

Le processus de libéralisation du secteur de télécommunication est donc à l'étape de la libéralisation de la téléphonie pour la présence de plusieurs opérateurs sur le marché.

Cependant, pour aboutir à la concurrence, tant attendu pour la téléphonie fixe, un processus doit être suivi. Après l'étape législative, cette volonté d'ouverture du marché doit faire l'objet d'une officialisation par une lettre de politique sectorielle. Cette lettre représente l'ouverture effective du marché et elle représente une information cruciale pour les investisseurs qui à partir de ce moment peuvent considérer le Sénégal comme un marché potentiel. Suite à cette lettre de politique sectorielle, un appel à concurrence doit être lancé. Mais il est nécessaire de faire un appel de taille : chaque procédure concerne l'établissement et l'exploitation de réseaux de télécommunication ouverts au public. Or le régime applicable à ce type d'activités c'est la licence et ainsi la procédure d'attribution d'une licence débute avec l'appel à concurrence. La procédure d'appel à concurrence comprend plusieurs étapes : le lancement de l'appel d'offres, la réception des soumissions, le dépouillement et l'évaluation des offres et enfin l'adjudication de la licence. Toute cette procédure est assurée par l'agence de régulation des télécommunications (ART). A la fin de cette procédure, l'investisseur sortant de ce dépouillement et de cette évaluation des offres passe avec l'Etat sénégalais une convention de concessions et un cahier de charges ce quoi finalise la procédure de l'entrée sur le marché. Cette convention de concession et ce cahier fixent les conditions d'établissement et d'exploitation du réseau et de fourniture de services de télécommunications. Les conditions font l'objet d'une énumération limitative15(*) et concernent beaucoup de domaines. Cela va des considérations relatives à la concurrence jusqu'aux considérations de défense nationale.

Le 19 juillet 2004, l'Etat sénégalais officialisait sa volonté et son intention de finaliser le processus de libéralisation du secteur par une couverture du sous-secteur de la téléphonie fixe avec au préalable une concertation des acteurs. Ce qui constitue en fait un bon point puisque c'est une avance prise sur le programme initial qui prévoyait la fin du processus en 2007.

Ainsi à l'occasion de la présentation de la lettre de politique sectorielle des télécommunications le 27 janvier 2005, le ministre des postes et télécommunications a annoncé la prochaine arrivée d'un opérateur qui disposera d'une licence globale c'est-à-dire pour la téléphonie fixe, mobile et Internet. Ce fut aussi l'occasion pour le ministre d'exposer les ambitions de son département pour les cinq (5) ans à venir. Des ambitions qui s'axeront autour des objectifs d'accroissement de l'offre de service, de disponibilité permanente du Sénégal pour la promotion du secteur privé et de la concurrence.

Bien que la libéralisation du marché des télécommunications soit effective depuis juillet 2004, le nouvel opérateur est toujours attendu depuis près de vingt deux mois. Faut croire que le dossier à fait l'objet d'un blocage, étant entendu que dans sa lettre de politique sectorielle publiée en janvier 2005, l'Etat s'était engagé à lancer un appel d'offres international depuis le premier trimestre 2005. Le véritable obstacle de la libéralisation du marché reste le choix du nouvel opérateur pouvant concurrencer la Sonatel.

Viendra, ne viendra pas ? C'est le flou total concernant l'arrivée sur le marché sénégalais des télécommunications particulièrement de la téléphonie fixe, d'un troisième opérateur qui disposerait d'une licence globale lui permettant d'opérer sur tous les segments du marché des télécoms. Nous sommes à seize mois depuis que l'Etat, dans sa lettre de politique sectorielle des télécommunications, publiée en janvier 2005, a annoncé le lancement au cours du premier trimestre 2005, d'un appel d'offres international à cet effet. Entre temps, beaucoup de bruit avait couru sur un éventuel octroi de la licence à Maroc Télécom.

À moins que la question ne soit plus compliquée qu'on ne le pense, par rapport à l'état actuel du marché encore fortement contrôlé, en dépit d'une libéralisation totale intervenue en juillet 2004, les autorités ayant défini, entre autres, en tout cas dans la lettre de politique sectorielle, une politique de libéralisation du secteur qui inclut « une délimitation précise du périmètre des nouvelles licences à accorder ».

Toujours est-il que le marché de la téléphonie, ainsi configuré actuellement, présente deux opérateurs, la Sonatel (opérateur historique), et Sentel (société privée). Comment ne pas imaginer que dans ce marché pas encore tout à fait concurrentiel, il faut le dire, l'éventualité d'un nouvel opérateur, global de surcroît et susceptible de faire perdre des parts de marché importantes à la Sonatel dans laquelle l'Etat détient des actions, ne soit pas tout de même un sujet de préoccupation pour ce dernier ?

Ce serait en tout une opinion contraire à la réalité, si l'on considère que la décision d'octroyer une troisième licence se fonde sur des constats majeurs faits par les autorités, elles-mêmes, et énoncés dans la lettre de politique sectorielle, et qui ont pour noms, entre autres : une concurrence faible sur le mobile ; un taux de pénétration toujours insuffisant pour tous les segments (fixe, mobile, Internet), particulièrement en milieu rural ; accès privé limité pour le segment urbain à faibles revenus (C/D/E) avec une pénétration des services télécoms de 10% contre 50% pour le segment A/B (à revenus plus élevés), ainsi qu'un accès limité aux services à valeur ajoutée dont l'Internet ; des tarifs appliqués qui ne sont pas assez incitatifs pour accroître une demande latente et insatisfaite ; un monopole faiblement régulé ; une implication timide du secteur privé national et international dans un secteur stratégique et décisif pour le développement du pays.

Aussi, si un nouvel opérateur venait (en 2006-2007 ?), tout de même, à se voir octroyer la troisième licence, son choix devrait en tout cas se faire au bénéfice strict des consommateurs, et dans les règles de l'art et la plus parfaite transparence.

Section II/ Quelle régulation pour une industrie de réseau ?

L'introduction de la concurrence est au coeur des nouvelles régulations des industries de réseau de service public qui visent à améliorer l'efficacité productive et innovatrice de ces industries. Contrairement à une idée fréquemment rencontrée, la libéralisation des réseaux n'est pas synonyme d'effacement de la réglementation, car elle entraîne une recomposition de celle-ci. Elle implique l'élargissement de la fonction réglementaire, centrée jusqu'alors sur le contrôle du monopole, à la promotion et au contrôle de la concurrence, tout en conservant le suivi d'objectifs redistributifs ou d'intérêt général. De plus, elle est généralement confiée à une autorité spécialisée distincte de l'autorité de la concurrence.

Paragraphe I/ Du monopole réglementé à l'ouverture à la concurrence

Les monopoles de réseau ont été soumis à une réglementation précise sur les tarifs, les investissements et à des obligations de service public. Les instructions créées pour sa mise en oeuvre on été d'autant plus importantes que le secteur était laissé à l'initiative privée, notamment aux Etats-Unis ou existent des autorités de réglementations depuis le début du XX° siècle. Mais la propriété publique, qui a été le monde principal de régulation des monopoles de réseau dans beaucoup de pays, n'appelle pas une réglementation aussi étroite des prix et des obligations de service public qu'un monopole privé. Elle est un effet supposé protéger l'intérêt collectif contre les intérêts privés. L'opérateur public assume de telles obligations en organisant les subventions croisées entre groupes de consommateurs.

Le modèle d'organisation basé sur le monopole réglementé a subi des assauts critiques de « l'économie publique positive » avec la mise en évidence des risques de capture du régulateur par les entreprises régulées et des inefficacités du secteur public. En parallèle, la théorie des incitations proposait des améliorations de la réglementation des prix du monopole.

En se référant à l'hypothèse de bienveillance du régulateur, l'approche principale- agent souligne que les entreprises disposent de plus d'informations que le régulateur sur leurs technologies, leurs coûts et leur demande. Dans ce contexte de contrainte informationnelle on cherche le meilleur contrat qui maximise le bien-être social. En situation d'aléa moral sur les variables de choix du régulé, le contrat réglementaire à plafond de prix en vue d'inciter le régulé à réduire ses coûts génère des rentes informationnelles élevées pour les agents efficaces, et donc des pertes pour le régulateur. Au contraire les contrats à coût remboursé, qui ne génèrent pas de rente, n'incitent aucunement à l'efficacité. Le premier reste donc le plus intéressant en ce qu'il incite le régulé à révéler son information sur l'effort qu'il est en mesure de faire, ce qui conduit à ajuster le contrat suivant en laissant toujours une possibilité pour le régulé de dégager une rente informationnelle. Mais il faut pour cela que le contrat proposé par le principal soit suffisamment crédible aux yeux de l'agent dans son engagement à verser ensuite une rente informationnelle. En Grande Bretagne, pays pionnier de la réforme des industries de réseau, le modèle de privatisation a été ainsi accompagné de l'introduction d'une réglementation en plafond de prix avec l'idée d'alléger la réglementation et de créer des incitations à l'efficacité productive.

Au-delà de la variété des situations technologiques des différentes industries, il existe quelques principes communs de libéralisation qui montrent comment libéralise- t -on une industrie de réseau. Le premier principe est de séparer les activités d'infrastructures, qui sont les seules à rendements croissants, des activités de services où peut s'exercer la concurrence, en raison de leur interaction qui donne un pouvoir de marché au détenteur de l'infrastructure vis-à-vis de ses concurrents. Le deuxième principe est le changement de structures industrielles, soit par découpage horizontal de l'opérateur historique et encouragement des entrées, soit par interdiction à l'opérateur amont d'intervenir sur le marché aval. Le troisième principe est l'introduction progressive de la concurrence sur le marché aval. Une condition fondamentale est la définition de conditions d'accès équitables aux infrastructures en termes de prix auquel le premier principe doit contribuer. La concurrence aval amène à la suppression de la réglementation des prix de vente. Un quatrième principe est de codifier les obligations de service public (service universel ou autre) qui seront imposées aux acteurs en concurrence et d'organiser leur financement de façon équitable pour que la concurrence n'en soit pas affectée. Autrefois, le contenu et l'ampleur de ces missions étaient définis de façon discrétionnaire par le ministère de tutelle en négociant directement avec les entreprises réglementées. Elles étaient financées par subventions croisées, mécanisme attrayant pour un gouvernement car opaque et à faible coût politique. Avec l'introduction de la concurrence, les compétiteurs qui ont à supporter ces obligations ne doivent pas être pénalisés par les coûts liés à ces obligations.

Paragraphe II / La nécessité d'une autorité sectorielle

On libéralise en partant d'une situation largement ou totalement dominée par l'opérateur historique qui est encore public, car l'ordre logique veut que l'on crée les règles de marché et que l'on organise la nouvelle structure industrielle avant la privatisation. La création d'une agence dissociée de l'administration de tutelle (dont l'idée a été reprise du modèle américain du monopole réglementé) est d'abord là pour garantir l'indépendance du contrôle de l'Etat sur le nouveau marché quand il est lui-même encore propriétaire de l'opérateur historique. Elle permet ensuite de dissocier la réglementation économique de la régulation politique du secteur, garante de l'intérêt collectif (politique redistributive, protection de l'environnement) et de l'intérêt national en termes d'indépendance et de stratégie industrielle.

Au plan de la réglementation économique, l'autorité va avoir pour première fonction de garantir l'équité concurrentielle dans l'accès à

l' «  infrastructure essentielle » et au marché aval afin d'attirer les entrées et de rendre la concurrence effective.

Les missions de l'autorité sectorielle couvrent d'autres objectifs que la promotion de la concurrence et le contrôle de son exercice. Elle assure aussi la réglementation des activités qui demeurent en monopole de par leur nature (condition d'accès au réseau et aux interconnexions) ou pour des raisons légales (communications sur la boucle locale, vente de kWh aux ménages). Elle assure la mise en oeuvre et contrôle le respect des obligations des services publics imposés aux opérateurs en concurrence. La réglementation économique, pour répondre à ses fonctions, doit respecter un certain nombre de principes.

L'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique

L'environnement institutionnel joue un rôle important dans la crédibilité de la fonction réglementaire. Comparant différents pays, Lévy et Spiller (1996)16(*) mettent en évidence l'importance des « dotations institutionnelles » d'un pays dans la détermination du degré d'engagement réglementaire. Le régulateur doit a minima agir indépendamment du pouvoir politique pour éviter les choix discrétionnaires imposés par le gouvernement. Mais il doit lui-même rendre compte de ses décisions, d'une part en les justifiant, d'autre part en sachant qu'il est soumis à la menace de recours devant une juridiction. Ces auteurs soulignent donc le principe selon lequel pouvoir politique ne doit pas avoir la possibilité de changer les règles du jeu arbitrairement. Son respect est conditionné par la façon dont les institutions parlementaires sont élues et fonctionnent, ainsi que par le degré d'indépendance du judiciaire.

En éloignant la fonction réglementaire du pouvoir politique, la présence de l'agence est supposée réduire le risque discrétionnaire. Le pouvoir politique et ses décisions sont soumis aux aléas du jeu électoral. Il peut imposer de façon discrétionnaire de nouveaux objectifs publics (accroissement des objectifs redistributifs, préservation de l'environnement, etc.) ou des mesures de protection des industriels nationaux. Il est plus exposé au risque de capture par les intérêts les mieux organisés que l'autorité spécialisée.

Il est donc important que les règles de financement de l'autorité (financement fixe assuré par une taxe sur les revenus du secteur), les procédures de nomination des commissaires par plusieurs instances, les conditions de stabilité de leur mandat (irrévocabilité) garantissent l'indépendance vis-à-vis de l'administration ministérielle et du pouvoir politique.

L'indépendance vis-à-vis des entreprises régulées

En supposant le pouvoir politique bienveillant, mais en asymétrie d'information par rapport aux propres informations du régulateur sur les variables pertinentes, le premier peut choisir des mesures non optimales au regard de ce qu'il aurait considéré comme souhaitable s'il avait le même type d'informations. Le régulateur peut en effet fausser les informations s'il est sous influence des entreprises régulées. Ces dernières ont d'ailleurs fait de leur activité d'influence sur les régulateurs chargés de définir et de faire évoluer les règles une priorité stratégique. Un régulateur chargé de promouvoir l'entrée de concurrents pourra ainsi céder aux groupes de pression, l'opérateur historique ou l'oligopole en place, pour rendre cette décision plus difficile.

Le régulateur sectoriel court plus de risques de capture par les entreprises que les autorités de la concurrence en raison de l'origine professionnelle des membres de l'agence que l'on est tenté d'aller chercher au départ dans les entreprises régulées ou les administrations de tutelle, pour bénéficier de leur expertise et du contact permanent avec les entreprises du secteur qu'elles régulent.

Pour limiter ce risque, les résultats théoriques invitent à doubler les agences en charge de la régulation d'un secteur. Ceci rendrait moins efficace la stratégie d'influence des groupes de pression pour lesquels les sommes investies connaîtraient un bien moindre retour. Concrètement, dans des champs complémentaires, comme l'électricité et le gaz, ou les télécommunications et l'audiovisuel, une façon de procéder pourrait être d'avoir une autorité par champ. Mais l'ensemble entraîne un mode de contrôle plus coûteux et plus lent. Par contre, le chevauchement relatif de compétences avec les autorités de la concurrence pourrait répondre en partie à cette objection.

Les règles de composition et de fonctionnement de l'agence affaiblissent également les tentations de collusion. La nomination de membres en provenance des entreprises peut être interdite et le pouvoir de nomination dispersé entre plusieurs instances pour assurer une diversité de cultures . De même, des règles d'éthique en matière d'embauche des membres des autorités de régulation par les entreprises régulées après leur départ peuvent être décidées. Cependant, la tentation de collusion peut être forte si un régulateur a un éventail réduit d'opportunité de réemploi après son départ.

Dépérissement de la régulation sectorielle

On justifie traditionnellement la présence d'un régulateur sectoriel par la nécessité d'organisation de la concurrence et de ses règles dans un secteur structuré auparavant en monopole et dans lequel l'opérateur historique reste en place. Mais son utilité ne serait que temporaire .Après la maturation des règles de marché et la découverte par tâtonnement de la bonne organisation industrielle, l'autorité sectorielle perdrait sa raison d'être. Les questions d'accès au réseau peuvent être englobées dans la supervision de la concurrence par l'autorité antitrust en se référant à quelques principes transparents et à la jurisprudence. Dans les secteurs où on peut se concurrencer par les infrastructures, on peut imaginer que la menace d'entrée par la mise en place d'une nouvelle infrastructure est suffisante pour discipliner le détenteur de l'infrastructure en place.

On peut rendre automatiques les ajustements des tarifs d'accès réseau s'ils sont règlementés. Les obligations de service public peuvent être remplacées par des modes de traitement marchand ou par un mode de financement direct par le budget de l'Etat qui est le mode optimal au regard de la théorie. Par exemple, pour une région défavorisée dans l'accès aux services de réseau, ce serait à l'Etat de soutenir directement cette région sans fausser le jeu concurrentiel, en modifiant par exemple le prix d'accès au réseau par une taxe pour financer la péréquation17(*). Mais on peut observer qu'à l'ouverture complète à la concurrence dans les télécommunications (accès à la bouche locale) ou dans les secteurs électriques et gaziers n'a pas encore succédé une dimension des missions des autorités sectorielles. En se référant aux enseignements de l'économie publique positive, il est possible que les autorités sectorielles cherchent à défendre leur budget et leur fonctions et pour cela entretiennent dans le futur leur justification en se servant de leurs fonctions distributives ou de la complexité des enjeux. Mais les problèmes relevant d'échec de marché sont de nature et d'ampleurs assez différentes selon les industries et sont loin de pouvoir tous être résolus de la même façon. Il est probable que d'importants segments d'activités de certaines industries de réseau vont continuer à demander des régulations spécifiques. La complexité des transactions et du fonctionnement des marchés électriques et gaziers, par exemple, est telle qu'il parait difficile d'imaginer un effacement de l'autorité sectorielle dans le futur. On peut

aussi douter que les obligations de service public se contractent aisément car il faudra maintenir l'acceptabilité des réformes de libéralisation.

Partie II / Le problème de la réglementation

L'examen de la situation actuelle du secteur des télécommunications au Sénégal montre que le transfert de propriété n'est probablement pas l'aspect le plus important de la privatisation. Pour que cette politique réussisse, il faut qu'elle s'accompagne soit d'une intensification de la concurrence sur le marché, soit d'un renforcement des incitations et de la surveillance des organismes de régulation. Si le secteur des télécommunications a connu des avancées notables depuis la privatisation de la Sonatel, force est de constater que le monopole de fait dont dispose cette entreprise dans certaines branches, ainsi que les faibles moyens du service de régulation, font que le Sénégal ne parvient pas encore à améliorer le bien être des populations. Ainsi, le secteur souffre de lacunes liées en particuliers à un monopole faiblement réglementé et à une faible concurrence sur le mobile. Il souffre aussi d'insuffisance d'investissements qui fait que les attentes ne sont pas toujours comblées en termes de création d'emploi. Il s'y ajoute une absence de réglementation effective pour définir les règles du jeu entre opérateurs et fournisseurs de service mais aussi un taux de pénétration toujours insuffisant pour le segment (fixe, mobile, Internet). L'existence d'un cadre réglementaire stable est une condition indispensable à l'engagement des investisseurs dans la mesure où il permet d'envisager une vision claire à moyen terme, au moins sur la période de retour sur investissement.

Chapitre I / Les politiques publiques dans le secteur des télécommunications

Le marché des télécommunications au Sénégal s'est toujours manifesté par un monopole visible de la Sonatel, société dont les résultats, énormes, ne se répercutent pas au niveau du bien être social de la population qui crée cette richesse. Ceci pose le problème de l'efficacité du monopole et dès lors l'Etat, en tant que garant du bien être social, doit intervenir pour non seulement contribuer à la réduction des abus de position dominante mais aussi pour limiter les effets négatifs de cette situation par une réglementation. L'Etat élabore ainsi des politiques antitrust18(*) pour s'efforcer de limiter le pouvoir économique. La réglementation adéquate à l'environnement de chaque pays constitue un cadre indispensable pour garantir le développement harmonieux du secteur des TIC.

Une nouvelle théorie vient aujourd'hui s'appliquer à l'élaboration de la politique de réglementation de l'activité économique et à l'action anti-trust : c'est la théorie des marchés contestables.

Section I / La concurrence comme un facteur de développement

Les innovations apportées par la nouvelle organisation du secteur des télécommunications font que le marché des télécommunications évolue. En effet, les marchés évoluent sans cesse sous l'effet de l'innovation, qu'elle soit technologique ou organisationnelle. C'est ainsi que le marché des télécommunications évolue avec la mise en place de mesures incitatives à la concurrence car la nouvelle construction du marché encourage l'entrée de nouveaux agents économiques. Cependant, malgré ces mesures incitatives à la concurrence, l'entrée sur le marché est faiblement acquise avec la protection directe ou indirecte dont bénéficie l'opérateur public. Aussi, le monopole de la Sonatel constitue un obstacle à la promotion de la concurrence.

Paragraphe I / Les mesures incitatives à la concurrence

Dans l'exposé des motifs de la loi portant code des télécommunications, sont inscrits en grandes lignes les principes qui régissent désormais les activités de télécommunications. Donc, la transparence ainsi que la concurrence saine et loyale constituent les premiers objectifs de l'Etat avec la libéralisation des télécommunications. En outre, l'article 3 du code dispose que « la réorganisation du secteur des télécommunications se fixe comme objectif de doter le secteur des télécommunications d'un cadre juridique efficace et transparent favorisant une concurrence loyale au bénéfice des utilisateurs des réseaux et services des télécommunications ».

Dès lors, l'Etat sénégalais entend favoriser l'éclosion de la concurrence avec le nouveau dispositif juridique qui organise et encadre par là même la libéralisation du secteur des télécommunications. En effet, la concurrence est essentiellement un facteur de développement du marché, mais elle n'est pas une fin en soi, l'essentielle c'est qu'elle contribue au développement économique et social des pays où elle s'exerce. De façon absolument générale, à l'intérieur comme à l'extérieur de la sphère économique, la concurrence est une procédure raisonnable à employer seulement lorsque nous ne savons pas d'avance qui fera le mieux. Dans les examens ou les rencontres sportives comme sur le marché, elles nous dira toutefois uniquement qui a fait le mieux dans les circonstances données, elle ne garantie pas que chacun aura fait tout ce dont il est capable, bien qu'elle fournisse l'une des meilleures incitations à faire le maximum.

Le développement du jeu de la concurrence apparaît comme une nécessité pour tenir compte des évolutions techniques rapides et considérables du secteur des télécommunications, pour stimuler la croissance de l'industrie, pour faciliter la diversification des services. Par conséquent, l'émergence de la concurrence dans le secteur des télécommunications se trouve être une nécessité que l'Etat doit organiser, ce qui justifie les motifs protectrices édictées par les autorités publiques pour garantir la transparence dans la concurrence. C'est ainsi que l'article 4 du code des télécommunications dispose que : « l'exploitation du réseau des télécommunications ouvert au public s'effectue dans des conditions transparentes. Les exploitants des dits réseaux doivent tenir une comptabilité analytique permettant de déterminer les coûts, produits et résultats de chaque réseau exploité ou chaque service offert. ». En outre, c'est pour des besoins de transparence qu'il est prohibé « l'utilisation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur où une partie substantielle de celui-ci ou de l'état de dépendance dans lequel se trouve à son égard un client ou un fournisseur19(*) ».

Ainsi, le nouveau code vise à bannir les subvenions croisées à caractères anticoncurrentiels, l'utilisateur de renseignements obtenus auprès des concurrents à des fins de concurrence déloyales, le refus de mettre à la disposition des autres exploitants autorisés les renseignements techniques et commerciaux nécessaires, l'abus de position dominante. Et toutes ces mesures protectrices, tendent à promouvoir la concurrence car les opérateurs ont à leur disposition un cadre propice à l'exploitation des réseaux de télécommunications ouverts au public, qui les incite à accéder au marché car la lisibilité et la sécurité y sont de rigueur.

Dés lors, les opérateurs économiques seront mis en position favorable dans la compétition internationale, une compétition surtout très accrue dans le cadre international. Cependant, il est difficile de prévoir si - et dans quelle mesure - les opérateurs nationaux des télécommunications pourront supporter la concurrence internationale qui suivra la libéralisation des marchés. La question se pose surtout dans la mesure où la libéralisation des télécommunications est asymétrique. Les conditions économiques n'étant pas harmonisées, des distorsions de concurrence peuvent apparaître.

Par ailleurs, la promotion de la concurrence dans le secteur des télécommunications sénégalais est confrontée à l'obstacle du monopole de la Sonatel.

Paragraphe II / Le monopole de la Sonatel : un frein à la concurrence

Pour toute économie de marché, la concurrence effective est un élément indispensable. Et dans le marché des télécommunications sénégalaises, malgré la libéralisation proclamée, la réalité est toute autre.

En fait, pour que la concurrence fonctionne, certaines conditions doivent être présentes. Une de ces conditions est l'existence d'un nombre suffisamment élevé d'entreprises privées jouissant de la liberté d'action économique. Cependant, cette condition est loin d'être remplie au Sénégal où la seule entreprise entrant en concurrence avec la Sonatel mobile est la Sentel, intervenant dans le secteur de la téléphonie mobile. En effet, malgré sa proclamation, la libéralisation n'est pas immédiate et ne concerne qu'un segment du marché. C'est dire donc que la partie la plus importante du marché des télécommunications reste encore sous le monopole de la Sonatel ; ce qui est nuisible à l'émergence et au développement d'une économie des télécommunications modernes. Ainsi, l'on peut probablement dire que le danger n'est pas l'existence des monopoles due à une supériorité de rendement où la possession de ressources exhaustives limitées mais la possibilité laissée à quelques monopoles de protéger et conserver leur position de monopole après qu'ait disparu la cause de supériorité initiale. La principale raison en est que de tels monopoles peuvent être capables d'utiliser leur puissance non seulement sur les prix qu'ils exigent uniformément de tout le monde, mais sur les prix qu'ils réclament de clients différents. Dés lors, le pouvoir sur les prix facturés différemment selon les clients autrement dit, le pouvoir de discriminer, peut être employé de maints façons pour influencer le comportement de marché des dits clients, et en particulier pour dissuader des concurrents potentiels ou peser sur les orientations. Et ce dernier aspect du problème de la nuisance du monopole ne rend pas du tout facile la réalisation des objectifs visés  par l'Etat avec la libéralisation des télécommunications en l'occurrence la promotion de la concurrence dans ce secteur.

Section II / La théorie des marchés contestables

On peut considérer la contestabilité comme une généralisation du concept de concurrence parfaite, compris comme un état idéal de l'économie. Le concept de contestabilité signifie qu'une pression concurrentielle peut être exercée aussi bien par l'éventualité de l'entrée de nouveaux producteurs sur le marché que par les producteurs rivaux qui y sont déjà présents. Ce qui implique que, au contraire de la concurrence parfaite, la contestabilité parfaite s'accommode de l'existence d'économies d'échelle, et par conséquent, d'un petits nombre de firmes relativement importantes que la menace de nouveaux arrivants éventuels incite à une certaine discipline. Nous montrerons successivement l'utilité de la contestabilité parfaite pour un marché idéal et ses avantages.

Paragraphe I / La contestabilité parfaite, un critère d'un marché idéal

Un marché parfaitement contestable peut être défini comme celui sur lequel il est possible d'entrer où dont il est possible de sortir sans supporter aucun coût.

En ce sens, la liberté d'en sortir est une partie essentielle de cette définition, car une simple réflexion confirme qu'elle n est que la contrepartie de la gratuité l'entrée : si une firme peut quitter une branche d'industrie quand elle le veut, et en retirer sans perte tous les capitaux qu'elle y a investis, il est évident que sa décision d'y entrer ne lui coûtera rien.

A l'inverse, si la sortie implique quelque perte sur la valeur des actifs (c'est- à-dire si une part quelconque, non négligeable, de l'investissement est irrécupérable), la décision d'entrée sur le marche entraîne, pour le moins, un certain coût sous la forme d'un risque plus exactement un risque plus élevé que celui que supporte une firme déjà installée et, cela inévitablement, est un facteur de dissuasion à l'entrée.

Dans les faits, l'entrée et la sortie demandent toujours naturellement un certain temps, et cela, en soi, peut devenir source de coût. En particulier, ce délai incontournable soumet la firme qui entre au risque onéreux de représailles des firmes en place qui pourraient en profiter pour abaisser leurs prix, organiser de coûteuses campagnes de publicité, ou prendre diverses mesures qui feront regretter à un envahisseur sa décision d'enter.

Mais même, s'il en est ainsi, un marché peut rester très contestable s'il est possible pour un entrant d'organiser à l'avance des relations contractuelles avec ses clients futurs. Si cela se produit, l'entreprise déjà installée ne peut se protéger contre les nouveaux arrivants qu'en se comportant correctement en permanence, par exemple en proposant à ses clients des prix raisonnables.

Ce type de comportement va effectivement supprimer toute opportunité d'entrer sur le marché, mais il consiste en fait à offrir aux acheteurs tous les avantages qu'un nouvel entrant pourrait leur apporter.

C'est là où la simple (et constante) menace d'une entrée toujours possible sur le marché peut obliger les firmes en situation d'oligopole, et même les monopoles, à se conduire correctement.

Paragraphe II / Les avantages de la contestabilité parfaite

Il est commode de répartir en trois catégories les avantages que la contestabilité parfaite offre à la société :

- Absence de prix ou de profits excessifs (de monopole) ;

- Absence d'inefficacité ou de gaspillage ;

-Absence de subventions occultes sur certains prix ou de « prix de prédateurs ».

L'élimination des profits excessifs

L'avantage le plus évident de la contestabilité parfaite est qu'elle interdit totalement les profits et les prix excessifs. Sur un marché parfaitement contestable, même un monopoliste pur ne peut bénéficier d'un taux de rendement à long terme de son capital plus élevé que celui que peut obtenir une petite firme dans un cadre de concurrence parfaite. La raison de ce résultat surprenant est que tout profit supérieur au taux de rendement de concurrence constitue inévitablement une possibilité de profit pour un entrant éventuel, tant que les coûts irrécupérables (sunk costs) sont nuls. L'existence de profits excessifs permet à l'entrant de vendre moins cher que la firme en place dans une marge qui laisse encore un rendement intéressant à la nouvelle entreprise. Même si cette possibilité se révèle tout à fait temporaire, sa sortie ne lui coûte rien, et l'entrant qui a, en conséquence, tiré avantage de son incursion est prêt à recommencer si l'entreprise en place refait la même erreur. Les mêmes raisons expliquent la seconde vertu de la contestabilité, à savoir l'absence de gaspillage et d'inefficacité. Car, si une firme, quelle qu'elle soit, a des coûts plus élevés que les coûts les faibles que permettent d'obtenir les connaissances et la technologie du moment, un entrant plus efficace pourra en tirer avantage, exactement de la même façon que dans le cas des profits excessifs. Ce qu'il faut bien voir est que des prix excessifs offrent toujours, par eux-mêmes, une opportunité d'entrer, que ces prix découlent de profits excessifs, de coûts inutiles, ou de toute autre cause.

L'élimination des gaspillages

L'absence de gaspillage sur un marché de contestabilité parfaite recouvre plus de choses qu'on ne pourrait le dire à première vue. L'inefficacité dans l'allocation des ressources est évidemment exclue- c'est le type gaspillage que la théorie économique étudie volontiers. Elle exclut l'emploi du facteur x par la firme A et du facteur y par la firme B si x donne un produit de valeur plus grande que s'il est employé par B, et y une valeur plus grande s'il est employé par A. Par ailleurs, l'absence de gaspillage qu'impose la contestabilité parfaite interdit l'inefficience- x, ce phénomène sur lequel Harvey Leibenstein a attiré l'attention et qui englobe toutes les formes d'inefficacité en dehors de la mauvaise allocation des ressources qu'étudie souvent la théorie économique courante: il s'agit, par exemple, du gaspillage du à une direction incompétente, à des erreurs, au manque d'initiative entre autres. La contestabilité parfaite, de même, est incompatible avec la perte d'efficacité due à des retards dans l'adoption d'améliorations technologiques, car ces délais entraînent eux aussi des coûts que l'on aurait pu éviter. Cela signifie que la contestabilité demande exactement que les nouvelles techniques de production soient adoptées dès qu'elles deviennent disponibles (mais elle ne règle pas le problème du « passager clandestin » qui va pair avec le développement des connaissances ou les inventions nouvelles, de sorte qu'elle ne garantie pas un niveau socialement optimal des dépenses de recherche ou un flux optimal d'innovations).

L'élimination des pratiques de prix artificiellement bas

Le troisième avantage heureux de la contestabilité parfaite est qu'elle interdit tout système de « prix de prédateurs » et de prix artificiellement bas ; c'est la une propriété essentielle dans la perspective du contrôle des monopoles et des entreprises disposant d'un pouvoir sur le marché, lorsqu'il s'agit notamment d'éviter que celles-ci ne renforcent encore leur position dominante.

Il y a des prix de prédateurs quand une firme en place pratique des prix qui impliquent une perte délibérée de profit, afin, soit de chasser du marché un concurrent, soit d'empêcher l'entrée d'un nouveau rival. Une fois cela obtenu, le prédateur peut révéler ses prix pour retrouver les profits excessifs qui compenseront ceux qu'il a antérieurement sacrifiés. Comme la perspective des profits futurs excessifs est inhérente à la prédation, et que la contestabilité parfaite, en assurant par des coûts d'entrée nuls une pression concurrentielle permanente, ne permet pas aux profits d'être excessifs, la prédation perd alors tout attrait. Les « subventions croisées », la seconde bête noire des théoriciens du monopole, posent des problèmes plus subtils. La « subvention croisée » existe quand un ensemble de clients d'une firme peut acheter certains produits à un prix qui entraîne une perte pour la firme et que cette perte est couverte par des prix excessifs imposés à d'autres clients. On dit alors que ces derniers accordent aux premiers une subvention interne.

Cela est, en général, une accusation lancée par une firme qui se plaint d'une concurrence déloyale parce qu'elle doit faire face à des prix anormalement bas financés par une telle subvention interne, tandis que la firme accusée compense les subventions qu'elle pratique par les prix qu'elle impose sur les produits où elle détient un monopole.

Nous voulons montrer maintenant comment la contestabilité parfaite empêche ces subventions. Pour cela, remarquons d'abord, qu'aujourd'hui, les économistes suggèrent de prendre le coût total supplémentaire lié à la fourniture d'un nouveau produit comme critère de l'inclusion ou de l'absence d'une subvention interne dans le prix de ce produit. En d'autres termes, si ce prix est tel qu'il engendre un revenu total au moins égal au coût total supplémentaire lié à la fourniture du produit c'est-à-dire à l'augmentation de coût total supporté par la firme due à la fabrication de ce produit- on peut dire que les acheteurs de celui-ci ne bénéficient pas d'une subvention interne, car ils paient la totalité du coût supporté par la firme pour la fabrication de ce produit. Mais, dans le cadre de la contestabilité parfaite, tout prix engendrant un revenu inférieur à ce coût total supplémentaire est incompatible avec l'équilibre, et par conséquent, une subvention interne ne peut exister. Un exemple fera bien comprendre ce raisonnement.

Considérons une firme qui fournit trois produits x, y et z, et supposons que le revenu tiré de la vente de x soit inférieur au coût total supplémentaire correspondant. Un entrant peut alors survenir et n'offrir à la vente que y et z à des prix légèrement inférieurs à ceux de l'entreprise en place. En s'abstenant de produire x, l'entrant abandonne le revenu provenant de x, mais évite de supporter l'augmentation de coût, plus élevée que ce revenu, due à cette fabrication ; il en résulte une addition nette aux profits de l'entrant,  qui dépassent ceux de l'entreprise en place. Ainsi,  la subvention interne permet à l'entrant de dégager un profit en s'emparant des profits des marchés bénéficiaires de l'entreprise en place, et en partageant avec les acheteurs de ces produits des recettes qui allaient auparavant dans la subvention interne.

L'analyse de ces différents avantages nous permet de voir que la théorie de la contestabilité peut jouer un rôle important dans l'efficacité du secteur public dans les pays en voie de développement.

Nous avons vu que la contestabilité empêche une hausse trop forte des prix parce qu'au-delà d'un certain niveau (c'est-à-dire au-delà du coût de fonctionnement d'un entrant), ces prix susciteront l'arrivée de nouveaux concurrents. Sur un marché parfaitement contestable, les prix peuvent s'approcher de ce niveau, mais ils ne peuvent jamais le dépasser. Ainsi, les forces de la contestabilité parfaite, imposent aux prix un plafond qui se situe au niveau qui justifierait l'entrée.

De la même manière, la contestabilité parfaite impose aux prix un plancher qui protége les intérêts légitimes des producteurs concurrents, exactement comme le plafond protége les intérêts des consommateurs.

A l'intérieur de ces limites, la firme opérant sur un marché contestable est libre d'établir son prix à un niveau quelconque, ou plus exactement d'adapter le prix de chacun de ses produits à l'état de la demande de ce produit. Et les prix ainsi encadrés ne peuvent engendrer de profits car, dans un régime de contestabilité, les profits excessifs suscitent toujours une entrée ; ils signifient que certains, au moins, des prix de la firme excèdent le plafond qui fixe la frontière entre la profitabilité et la non profitabilité de l'entrée.

La signification globale de tout ceci pour la politique d'un pays en développement est qu'il est possible, en veillant à préserver la contestabilité des marchés, de protéger à la fois les consommateurs et les petites firmes rivales des plus grandes sans recourir à des mesures strictes et coûteuses au plan économique telles que les nationalisations ou des contraintes très restrictives sur les entreprises. Si l'objectif poursuivi est d'entretenir un climat concurrentiel, il est possible d'y parvenir avec quelques règles simples, en particulier par l'adoption de limites supérieure et inférieure applicables aux prix des firmes considérées comme ayant un certain pouvoir sur le marché ; ces limites seront calculées de telle sorte qu'elles correspondent à celles qu'imposerait la pression de la concurrence dans un régime idéal de contestabilité parfaite.

Chapitre II/ Investissement et bien être social

Les télécommunications ont la particularité d'être coûteuses, les infrastructures, l'entretien ainsi que le renouvellement représentent une charge trop lourde pour le budget d'un pays. L'Etat du Sénégal a senti la nécessité de faire participer les personnes privées au développement de ce secteur. Cependant susciter l'intérêt des personnes privées pour une activité donnée dans un marché n'est pas une affaire facile. Cela nécessite une participation des cadres législatif, réglementaire et institutionnel à l'attraction des investissements privés. Il est établit que mis à part le faible pourcentage d'aides et de dons, les personnes privées ne s'intéressent à un domaine donné que dans le cadre de l'investissement. Or celui-ci implique un placement, un emploi de capitaux dans une entreprise en vue d'un profit à long terme, d'un résultat de cette action. Par essence, il ne s'agit pas d'une activité philanthropique d'où l'exigence de la réunion par les Etats demandeurs d'un certain nombre de critères qui assurent la rentabilité et la sécurité de l'investissement. Dans ce sens, il s'attache en premier lieu à parler de l'influence de l'investissement sur la croissance d'un pays et en second lieu des politiques de soutien de l'investissement.

Section I / L'investissement, moteur de la croissance durable

L'investissement est l'opération qui permet de renouveler et d'accroître le capital d'une économie. Cette décision, indispensable pour maintenir le niveau de productivité des facteurs de production, présente des effets à court terme sur le plan économique et une influence sur la croissance durable d'un pays.

Paragraphe I / Les effets à court terme de l'investissement

L'investissement joue un double rôle : il participe à la demande, ce qui se traduit par le mécanisme du multiplicateur ; il est également un élément de l'offre selon le processus d'accélération.

Le multiplicateur

Une augmentation exogène de la demande globale, par l'investissement, exerce un effet multiplicateur sur le niveau d'activité de l'économie. En effet lorsqu'une hausse initiale de la production intervient pour satisfaire une demande nouvelle d'investissement, des revenus supplémentaires sont distribués sous la forme de salaires versés aux employés, de profits dégagés par les entreprises, ou d'intérêts perçus. Une partie de ces revenus nouveaux sera consommée, dans une proportion égale à C, si C est la propension marginale à consommer comprise entre 0 et 1.

Un mécanisme cumulatif de consommation et de création de revenus est déclenché, mécanisme qui permettra d'atteindre un niveau de revenu égal à 1 / (1 - c) fois la dépense d'investissement additionnelle : ce coefficient supérieur à 1 constitue le multiplicateur d'investissement, rapport entre l'accroissement du niveau de production et celui du niveau d'investissement. Ce multiplicateur repose cependant sur des hypothèses qui ne sont pas toujours vérifiées :

- il suppose que l'économie est fermée et par conséquent le surcroît de demande ne peut pas être satisfait par des importations supplémentaires.

- il se fonde sur la possibilité de trouver des ressources de main d'oeuvre inemployées. En situation de plein emploi ou plus probablement d'absence de possibilité de recrutement rapide de main d'oeuvre qualifiée le surcroît de demande se traduira par une hausse des prix et non par une production supplémentaire.

L'accélérateur

La décision d'investissement a également un effet d'accélération. Pour parvenir à une augmentation d'un montant donné de la production, il est nécessaire de consentir un effort d'investissement supérieur à ce même montant : ce phénomène, appelé << effet d'accélération >> s'explique par le fait les biens d'équipement participent au processus de production au delà de la seule période ou ils sont acquis. La mesure de cet accélérateur se fait par le rapport entre le stock de capital et le niveau de production : la constante obtenue appelée << coefficient de capital >> caractérise l'intensité du phénomène d'accélération. Plus elle est élevée, plus l'investissement doit être important pour atteindre le montant de production souhaité.

Le rôle de l'investissement dans le cycle économique : l'oscillateur de SAMUELSON

Pour l'américain Paul Samuelson20(*), la combinaison des effets d'accélération et de multiplicateur joue le rôle d'un oscillateur, pouvant expliquer les variations de la croissance d'une économie nationale. D'un coté l'effet multiplicateur prend en compte les interactions entre investissement et demande, de l'autre l'accélérateur illustre la liaison entre la formation du stock de capital et l'offre : ces deux phénomènes sont donc complémentaires.

Le modèle qu'il a élaboré a été perfectionné par John Richard Hicks (1950). Ces travaux même anciens, n'ont pas été fondamentalement démentis et leur principe peut être décrit comme suit :

Une demande exogène nouvelle (fournir des exportations par exemple) aboutit à un premier accroissement des investissements (accélérateur) pour la satisfaire. Ceci conduit alors à distribuer un supplément de revenu (multiplicateur) qui alimente un nouveau cycle de hausse de la formation de capital des entreprises : une phase d'expansion de l'économie se produit. Cependant cette croissance est à un moment limitée soit par une pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs, soit par des goulots d'étranglement21(*) à certaines étapes du processus de production. Ces contraintes mettent un terme au processus d'investissement qui n'a plus de raison, d'être contre tenu du fait que toute la demande a été satisfaite.

La fin de la production des biens d'équipement joue à ce moment un impact négatif sur la demande (effet multiplicateur jouant dans le sens inverse), qui, diminuant, entraînera à son tour un report ou une annulation des décisions d'investissement des entreprises faute de débouchés suffisants. Ce phénomène cumulatif provoque une récession, qui prend fin par un retournement naturel de l'oscillateur, lorsque les capacités de production deviendront insuffisantes.

Ce modèle illustre bien le rôle central de l'investissement dans l'évolution à court terme de la croissance : c'est par ses variations que le cycle économique est déterminé.

Paragraphe II / L'investissement et la croissance durable

Au delà des effets à court terme de l'investissement dans la conjoncture économique, celui-ci exerce une influence déterminante sur le niveau de croissance durable d'un pays. C'est le point souligné dans la phrase attribuée au chancelier allemand Helmut Schmidt : << les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emploies d'après demain >>. L'augmentation et le renouvellement du stock de capital ont en effet un rôle spécifique dans la diffusion de l'innovation et l'évolution de l'emploi.

L'investissement et innovation :

Le poids décisif de l`innovation et du progrès technique dans la croissance a été souligné par Schumpeter (1934) et repris par les économistes Carré, Dubois et Malinvaud dans leur étude sur la croissance pendant la période des << trente glorieuses >> en France : pour eux l'innovation est à l'origine des cycles longs de croissance et elle est liée au montant des investissements consentis par l'économie. Le cycle de croissance actuel liée à l'essor des technologies de l'information en est une illustration. Ainsi, il est certain que l'investissement a un rôle de diffuseur du progrès dans l'économie, et donc agit sur la compétitivité, même s'il n'est pas toujours la source de ce progrès.

L'investissement et l'emploi

L'augmentation des capacités de production ne devrait pas avoir un rôle néfaste sur l'emploi. La fonction de production est rigide à court terme, une hausse de la demande ne pouvant être satisfaite que par une croissance simultanée et proportionnelle des facteurs de production, ce qui garantit une amélioration de la situation de l'emploi. Mais le processus d'investissement permet de s'affranchir, à plus long terme, de cette courbe de production : une quantité supérieure de biens peut être produite avec un niveau équivalent, voire plus faible, de main d'oeuvre. L'amélioration de la compétitivité des entreprises, fruit de leurs investissements leur permet de gagner des parts de marché et par conséquent d'augmenter leurs capacités de production. Un cercle vertueux d'expansion se déclenche, le gain de nouveaux marchés permettant de réinvestir et d'effectuer de nouvelles embauches.

Section II / Les moyens de promotion de l'investissement dans le secteur des télécommunications

Les préoccupations de l'investisseur sont essentiellement basées sur la sécurité de son investissent qui pose le problème de la récupération de ses flux financiers. Il appartient dès lors à l'Etat, pour encourager l'investissement des personnes privées, de créer un cadre qui permettrait à celles ci de ne pas être sceptiques.

Paragraphe I/ Le crédit à l'impôt

Si l'Etat ne peut pas maîtriser tous les déterminants de l'investissement, il dispose d'une série d'instruments pour agir sur lui. Si le monde des affaires est convaincu que l'Etat s'engage à maintenir la stabilité économique, les entreprises auront moins d'aversion pour le risque et seront davantage disposées à investir. Mais il est infiniment difficile de prévoir et plus encore de contrôler la psychologie des dirigeants des entreprises.

L'Etat peut stimuler l'investissement en améliorant la confiance des entreprises, en particulier en s'engageant sans ambiguïté à maintenir l'économie à des niveaux d'emploi et de production élevés, en subventionnant l'investissement au moyen du système fiscal, en baissant le taux d'intérêt et en augmentant la disponibilité du crédit. Il accorde ainsi un crédit d'impôt22(*) pour rendre l'investissement plus attrayant. Dans ce cas, une fraction du montant alloué à l'investissement est déductible de ses impôts. Des variations fiscales temporaires peuvent être particulièrement efficaces. Un crédit d'impôt provisoire a le même effet qu'une vente : une société qui achète une machine durant la période de crédit d'impôt provisoire épargne de l'argent, exactement comme si son fournisseur diminue temporairement son prix. Les conséquences de ces variations fiscales provisoires sont davantage plus prévisibles que les effets des politiques visant à modifier le climat psychologique. Les variations fiscales provisoires peuvent aussi créer des distorsions dans l'allocation des ressources, bien que les profits macro économiques qu'apportent des niveaux de production élevés puissent très bien valoir les pertes micro économiques résultant de ces distorsions.

Cependant, l'Etat a recours, le plus souvent, à la politique monétaire, qui influe à la fois sur la disponibilité du crédit et sur les conditions d'emprunts des entreprises. Naturellement avec le crédit d'impôt, l'entreprise investira davantage.

Longtemps méconnu du dispositif fiscal sénégalais, le Fonds commun de placement d'entreprise23(*) vient d'être introduit dans le code général des Impôts à travers la loi 2004-12 du 06/02/2004.

Le régime fiscal des organismes de placement collectif de valeurs mobilières est incitatif aussi bien pour les fonds communs, les épargnants que pour les sociétés commerciales.

En même temps que la nouvelle loi augmente dans la liste des assujettis à l'IS24(*), les personnes morales domiciliées à l'étranger lorsqu'elles réalisent des plus values à la suite de cessions d'actifs, elle exempte d'IS, les sociétés d'investissement pour les plus values réalisées lors de vente de titres. C'est le cas du Fonds commun d'entreprise Sonatel.

La nouvelle loi a aussi introduit une innovation dans ce domaine ; les abondements ou versements complémentaires effectués à l'occasion d'émissions ou d'achat de parts de fonds commun sont des charges déductibles de l'IS, à condition que ledit fonds soit établi au Sénégal Sonatel bénéficie de cette faveur.

Paragraphe II / La régulation

Par l'intérêt qui lui est porté, le marché représente le point de jonction entre la régulation et l'investissement. Le terme est polysémique. Il représente pour l'investisseur une débouchée économique, un ensemble de clients qui achètent ou peuvent acheter une production alors qu'en terme de régulation, le marché désigne le cadre d'application des règles de droit et des compétences des institutions étatiques. Ce qui justifie que le souci de rendre la régulation déterminante par rapport à l'investissement intègre la réglementation de marché.

Ce choix s'explique par le fait que les télécommunications sont très évolutives, les nouvelles technologies connaissent un essor considérable qui ne cesse de se faire sentir. De ce fait réglementer l'utilisation en tant que telle de ces technologies s'avérerait difficile pour ne pas dire impossible. Rien que pour la téléphonie mobile les générations se succèdent mais ne se ressemblent pas. Du global system for mobile communication (GSM) qui permet à l'utilisateur de communiquer par le transfert de la voix, des messages entre abonnés d'un même réseau ou de différents réseaux selon les conventions existantes, la technologie du mobile est passée à l'universal mobiles telecommunications systems (UMTS) qui non seulement assure les mêmes services que les GSM mais y ajoutent des fonctions comme l'accès aux services de l'Internet, le contact visuel avec le correspondant etc.

Ainsi le moyen le plus efficace et d'ailleurs le plus usé pour apporter une certaine réglementation à ce secteur et par là même occasion promouvoir l'investissement c'est de se limiter à réglementer le marché dans ses composantes. Hormis le point de vue de l'investisseur qui considère le marché comme une zone d'exercice d'une activité lucrative, la qualité de structure du marché doit être prise en compte. Ainsi une réglementation efficace prendra en compte les constituants matériels de cette structure : les réseaux et services ainsi que les structures de celui-ci. Le marché des télécommunications renvoie au réseaux et services de télécommunications du Sénégal. Par réseau de télécommunication, le législateur désigne toute installation ou tout ensemble d'installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l'acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l'échange d'informations, de commande et de gestion qui y est associé entre les points de terminaison de ce réseau. C'est le code des télécommunications qui précise le régime juridique des réseaux. Au niveau de ceux-ci il faut faire une distinction de taille entre les réseaux ouverts au public et les autres réseaux qui ont fait l'objet d'une définition à l'article 2 du code. Il faut signaler que même si la précision n'a pas été faite au niveau du code, la réglementation des réseaux ne concerne pas les installations de l'Etat pour la défense et la sécurité publique, les installations radioélectriques de l'Etat comme ceux de l'aviation civile.

S'agissant des réseaux de télécoms ouverts au public, ce sont des réseaux établis ou utilisés pour la fourniture de services de télécommunications. Au Sénégal les réseaux de télécommunications sont assez limités. En fait les réseaux de télécoms qui en tant que tel peuvent être considérés comme des ou un ensemble d'installations assurant la transmission et ou l'acheminement de signaux de télécommunications ainsi l'échange d'informations de commande et de gestion qui est associé entre les points de terminaison de ce réseau, ce sont pour la téléphonie ceux de la Sonatel et de Sentel. Le réseau de la Sonatel est le plus complet puisque le premier opérateur privé dispose de la globalité du champ d'action. La société Sentel quant à elle, est limitée dans ses activités. De ce fait ces infrastructures servent à la fourniture des services de téléphonie mobile et pour les fréquences radio électriques, les différents réseaux assurant des services de radio communication et de diffusion. Le régime juridique qui organise ces réseaux c'est celui de la licence avec signature d'une convention de concessions et d'un cahier de charges. Depuis la décision de la libéralisation du secteur de la téléphonie, l'engagement sur un nombre de licences et donc sur le nombre d'opérateurs sur le marché n'a pas été prise. L'arrivée des opérateurs téléphoniques risque donc de se faire de manière progressive si on se limite pour l'instant à admettre un seul nouvel opérateur sur le marché. Il faut dire que la propriété de l'exploitation d'un réseau de télécommunications ouvert au public s'accompagne de conditions générales d'établissement et d'exploitation assez strictes qui font l'objet d'une énumération par le législateur25(*) . Une précision s'impose par rapport aux infrastructures dont doit disposer un opérateur de télécoms titulaire d'une licence. Celui-ci peut avoir à sa disposition la capacité excédentaire des exploitants d'infrastructures alternatives par le biais d'une participation au capital de l'exploitant ou par location fixée par une convention. Les infrastructures alternatives désignent toute installation ou ensemble d'installations pouvant assurer soit la transmission, soit la transmission et l'acheminement de signaux de télécoms sans les équipements actifs qui les transforment en réseaux26(*) . Quant aux autres réseaux, il faut d'abord mettre à part les réseaux indépendants c'est-à-dire ceux qui sont réservés à un usage privé ou partagé. Il s'agit par exemple de réseaux propres à une entreprise ou d'un groupe fermé d'utilisateurs bien identifiables. Tous les autres réseaux sont établis librement avec une distinction à faire entre les réseaux internes, les réseaux indépendants de proximité autre que les radios électriques, les installations radio électriques à faible puissance et de faible portée etc.27(*) Le panorama des services de télécommunications tranche avec le petit nombre de réseaux disponibles au Sénégal. La gamme des services de télécommunication est assez conséquente. Les services disponibles au niveau du marché sénégalais vont des services téléphoniques au service de télécommunication et de diffusion en passant par les services télex, de communication de données par commutateur, par paquets ainsi que les services à valeur ajoutée. L'exploitation de ces services à valeur ajoutée est soumise au régime de déclaration. Cette dernière doit être faite au niveau de l'Agence de Régulation des Télécommunications avec un certain nombre d'informations28(*).

Les rapports entre les acteurs du marché ont une place importante pour une régulation tournée vers la promotion de l'investissement économique et pour assurer les grands équilibres du marché. La prise en compte de considérations d'intérêt général intègre une réglementation des rapports entre les acteurs. Mais le préalable de l'identification des acteurs du marché s'impose. La première distinction à faire c'est celle de l'investisseur opérateur économique en télécommunications et institutions de l'Etat. Les deux catégories ont souvent des intérêts divergents sans pour autant être totalement autonome l'un vis-à-vis de l'autre. Les Etats ont besoin d'investissements privés pour la construction et le développement de leurs infrastructures de base souvent coûteuses tandisque les investisseurs ont besoin de marchés pour s'établir et pour fructifier leurs capitaux. De ce fait le partenariat public - privé est mis en place au milieu d'un organe d'équilibrage, initiative de l'autorité étatique mais indépendante d'elle.

S'agissant des opérateurs économiques dans le domaine des télécommunications, la distinction doit être faite selon leurs activités dans le secteur. Ainsi, on distinguera les opérateurs des réseaux de télécommunications. A ce propos les services à valeur ajoutée ont connu un formidable essor avec la prolifération des télé centres qui ont considérablement participé à l'accessibilité du téléphone par exemple pour les populations rurales. Ces services permettent ainsi la participation du secteur privé sénégalais au développement du secteur des télécommunications. L'expansion des cyber espaces témoignent aussi de ce phénomène même si entre les investisseurs qui s'activent au niveau de la fourniture de certains services et les investisseurs étrangers (gros opérateurs titulaires d'une licence d'établissement et d'exploitation), il existe une catégorie intermédiaire de gros fournisseurs qui s'activent par rapport à certains services spécifiques. Mais il est quand même nécessaire de bien faire la précision suivante, un opérateur titulaire d'une licence peut tout aussi bien assurer la fourniture des services en utilisant la capacité de liaison de son réseau de télécommunications. Leurs rapports existants ou pouvant exister entre ces opérateurs du secteur sont de diverses natures. Tout d'abord la filiation permet à un opérateur intervenant dans le marché sous la forme d'une société titulaire d'une licence, d'assurer la fourniture de services de télécoms par l'intermédiaire d'une de ses filiales. Il s'agit d'une technique d'organisation d'entreprise en vue d'une efficacité et d'une efficience de celle-ci. Mis à part les rapports filiale société mère, il peut y avoir des rapports d'interconnexions entre les acteurs par le biais de conventions. Enfin ces rapports peuvent être des rapports concurrents entre deux opérateurs qui exercent les mêmes activités au niveau du marché sénégalais. La détermination de la nature de ces rapports est très importante notamment par rapport aux règles de concurrence et de la qualification de certaines pratiques prohibées par les règles de concurrence.

A coté de ces rapports, il faut compter les rapports entre consommateur et professionnel car le consommateur est le bénéficiaire final qui par exemple par un contrat de téléphonie bénéficie de ces prestations moyennant le versement d'une contrepartie financière. La nature de ces rapports est tout aussi importante puisqu'elle détermine l'application des règles du droit de la consommation et des règles civiles contractuelles. La promotion de l'investissement doit être faite par une action sur les règles d'accès et les composantes du marché. Mais le marché des télécoms appelle à l'intervention d'un certain nombre de règles relatives aux entreprises en tant que telles. Des règles qui dans le cadre de la promotion de l'investissement font l'objet d'une harmonisation.

CONCLUSION

Aujourd'hui, l'économie privée est considérée comme la source principale de création de richesse et le moteur du progrès économique et social. Donc, c'est en faisant fructifier, dans les conditions de liberté les plus larges possibles le capital qui lui est confié, que l'entreprise privée contribue à la prospérité de toute la société. C'est dans cette optique que s'inscrit l'Etat sénégalais en privatisant certains secteurs réputés névralgiques et qui relevaient de son contrôle direct. La privatisation est conçue comme un instrument de management public. Ainsi, l'Etat se décharge de certaines de ses responsabilités ou de certains biens ou services pour les confier au secteur privé. En effet, l'ouverture du capital de la Sonatel au privé, donc la privatisation de cette lui permet de mieux s'adapter au nouveau contexte de plus en plus concurrentiel.

Le secteur des télécommunications est actuellement en cours de libéralisation. De ce fait, le marché doit être ouvert à d'autres opérateurs pour instaurer la concurrence. Mais quelques conditions préalables doivent être satisfaites pour que cette privatisation puisse contribuer à la croissance économique et donc, à l'amélioration du bien être social.

Dans les secteurs qui conduisent à la création ou à la persistance d'une situation de monopole naturel, la privatisation ne peut être économiquement efficace que si elle s'accompagne d'une réglementation forte et effective des monopoles. Ce processus ne devrait pas précéder la mise en place du système de réglementation. En effet, la gestion publique d'un monopole est plus efficace que la privatisation en l'absence d'une réglementation forte et effectivement appliquée. Le danger de privatiser, avant de mettre en place un cadre concurrentiel ou une réglementation efficace dans le cas des monopoles naturels, vient du fait que, une fois que l'on crée un intérêt privé, il a la motivation et les moyens financiers de maintenir sa position de monopole en étouffant la mise en place d'un cadre réglementaire et la concurrence, et en semant au passage la corruption dans la vie politique. Ainsi, la privatisation de la Sonatel est le déclic qui a favorisé la nouvelle réglementation dans le secteur des télécommunications dans la mesure où l'initiative privée doit désormais prospérer et que les autorités doivent faire face au processus de transition du monopole administratif au marché réglementé.

Au-delà, l'arrivée de nouveaux intervenants, plus professionnels (entreprises étrangères), doit avoir un impact bénéfique sur l'ensemble de l'économie en introduisant de nouvelles méthodes de gestion et en permettant une réduction des coûts de production.

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 1

Partie I/ Analyse de la situation actuelle du marché des télécommunications 4

Chapitre I / La privatisation de la Sonatel et ses conséquences 4

Section I / La structure du monopole de la Sonatel sur le segment du fixe 5

Paragraphe I / La politique optimale du monopole 5

Paragraphe II/ La poitique de prix : la discrimination entre les consommateurs 10

Section II / Les conséquences du monopole de la Sonatel 16

Paragraphe I / La restriction de la production 16

Paragraphe II / La recherche de rente 18

Chapitre II / La libéralisation progressive du marché des télécommunications 20

Section I /  L'ouverture du marché 20

Paragraphe I / L'intéret des enchères dans la gestion publique 21

Paragraphe II / Le processus de libéralisation du secteur 26

Section II/ Quelle régulation pour une industrie de réseau ? 29

Paragraphe I/ Du monopole réglementé à l'ouverture à la concurrence 29

Paragraphe II / La nécessité d'une autorité sectorielle 31

Partie II / Le problème de la réglementation 36

Chapitre I / Les politiques publiques dans le secteur des télécommunications 37

Section I / La concurrence comme un facteur de développement 37

Paragraphe I / Les mesures incitatives à la concurrence 38

Paragraphe II / Le monopole de la Sonatel : un frein à la concurrence 40

Section II / La théorie des marchés contestables 41

Paragraphe I / La contestabilité parfaite, un critère d'un marché idéal 41

Paragraphe II / Les avantages de la contestabilité parfaite 43

Chapitre II/ Investissement et bien être social 47

Section I / L'investissement, moteur de la croissance durable 48

Paragraphe I / Les effets à court terme de l'investissement 48

Paragraphe II / L'investissement et la croissance durable 51

Section II / Les moyens de promotion de l'investissement dans le secteur des télécommunications 52

Paragraphe I/ Le crédit à l'impôt 52

Paragraphe II / La régulation 54

CONCLUSION 59

* 1 Libéralisation du service de téléphonie mobile depuis 1998.

* 2 Depuis 1998, on assiste à une concurrence limitée sur le segment de la téléphonie cellulaire où deux opérateurs (SONATEL et SENTEL) se partagent le marché.

* 3 Le marché des télécommunications a crée 30000 emplois directs avec les télé centres, cybercafé, et autres distributeurs de cartes téléphoniques.

* 4 En situation de concurrence pure et parfaite, le prix est déterminé par le marché (prix du marché).

* 5 Le monopole a la possibilité de fixe son propre prix de vente.

* 6 C'est la surface située en dessus de la courbe de demande.

* 7 C'est la surface située au dessus de la courbe d'offre.

* 8 La fonction de demande inverse exprime le prix en fonction de la quantité, pour chaque niveau de demande de bien 1, elle mesure le prix du bien nécessaire pour que le consommateur choisisse ce niveau de consommation.

* 9 Chaque vente de chaque unité au prix maximum que l'acheteur est prêt à payer caractérise la discrimination.

* 10 Elle mesure,  pour chaque niveau de demande de bien, le prix de ce bien nécessaire pour que le consommateur choisisse ce niveau de consommation.

* 11 Prix déterminé par le marché en référence à l'ensemble des entreprises concurrentes.

* 12 Ou, symétriquement, à un acheteur désirant acquérir un objet unique et indivisible de sélectionner le fournisseur parmi plusieurs concurrents.

* 13 Il peut se présenter des cas où les objectifs du vendeur sont plus complexes, par exemple savoir entre quelles mains l'objet vendu va tomber, quel usage va être, d'où proviennent les ressources financières de celui qui achète etc.

* 14 Cf. Mougeot et Cohen [2001], rapports sur Enchères et gestion publique.

* 15 Le code des télécommunications en énumère 13 au total (article 22). Voir annexe

* 16 Levy B. et Spiller P.T.(1996), Regulations, Institutions and Commitment : Comparative Studies of Telecommunications, Cambridge, Cambridge University Press.

* 17 C'est la répartition équitable des ressources ou des charges entre ceux qui doivent les consommer ou les supporter.

* 18 Politiques qui s'opposent aux situations de monopole et aux pratiques restrictives et qui encouragent la concurrence

* 19 Article 5 du code des télécommunications.

* 20 Prix Nobel d'économie en 1970, auteur en 1939 de Interactions between the Multiplier Analysis and the Principle of Acceleration.

* 21 Point d'un processus responsable de la limitation de la capacité de production.

* 22 Disposition du code fiscal selon laquelle l'Etat autorise une entreprise à déduire de ses impôts une somme égale à un pourcentage de ses dépenses d'investissement.

* 23 Ce sont des fonds dédiés aux salariés d'une entreprise. Les fonds collectés sont investis dans le cadre de l'intéressement et de la participation des salariés de l'entreprise aux résultats.

* 24 Impôt sur les sociétés

* 25 Art 22 CT.

* 26 Art 2.6 CT Il s'agit souvent des infrastructures d'une entreprise dont l'activité principale n'est pas une activité de télécommunications mais qui a besoin d'infrastructures de communication pour les besoins de son exploitation.

* 27 Art 35

* 28 Art 31 CT. Ces informations concernent les modalités d'ouverture du service ; la couverture géographique ; les conditions d'accès ; la nature des prestations objet de service ; les tarifs qui seront appliqués aux usagers.






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault