Evolution de la structure du marché des
télécommunications au Sénégal : analyse
économique
INTRODUCTION
La privatisation est décrite par le <<
transfert à des actionnaires privés la propriété
des participations majoritaires détenues par l'Etat dans le capital
d'une entreprise>>. Elle est un processus qui permet à l'Etat de
confier au secteur privé la fourniture de services assurés
auparavant par lui- même.
Le poids des pertes des entreprises publiques sur la
situation des finances publiques devient, au Sénégal
intolérable. Il s'est traduit d'abord par une dette extérieure
sans cesse croissante et bientôt impossible à honorer qui finira
par imposer la dévaluation du franc CFA. Le déficit public se
manifeste aussi par une dette intérieure qui paralyse la
trésorerie des entreprises privées et menace le système
bancaire. D` après le rapport annuel de 1997 de la banque mondiale , la
dette extérieure en pourcentage du produit national brute ( PNB )
était en 1980 de 50,5% et de 82,3% en 1995 . La dette
multilatérale en pourcentage de la dette extérieure totale
s'élevait en 1980 à 17,8% et à 48,4 % en 1995.
La dévaluation du franc CFA intervenue en 1994, les
nombreuses politiques d'ajustement structurels édictées depuis
Bretton Wood, la gabegie et la mauvaise gestion des entreprises publiques
confiées à des politiciens en mal de popularité, la
sécheresse persistante ont fini de mettre les finances publiques
à genoux .Complétant la gamme, les détournements et les
mauvais choix d'investissements ont fini d'assécher les caisses de
l'Etat. Après moult rééchelonnement du service de la dette
par le club de Paris, l'Etat sénégalais pour renflouer ses
caisses, avait choisi de privatiser 23 sociétés nationales. Dans
un premier temps la Sonatel ne figurait pas sur cette liste. Mais plusieurs
mois après le lancement de l'appel d'offres, les investisseurs ont
manifesté leur intention d'entrer dans le capital de ces
sociétés qui étaient soit trop exsangues où
n'offraient aucune perspective de rentabilité immédiate où
à court terme. L'Etat se décida donc à ouvrir le capital
de la Sonatel. A peine l'appel d'offres lancé que les investisseurs se
bousculaient au ministère de l'économie et des finances
maître d'oeuvre de la procédure de privatisation. Parmi ceux -
là on distingue : France télécoms par sa filiale
France câbles radio , Télia le consortium suédo -
américain, les opérateurs nationaux d'Arabie Saoudite, d' Afrique
du Sud, de Malaisie, du Maroc etc.
Parmi les opérateurs énumérés
ci-dessus les suédois détenaient la meilleure offre
financière et technique, suivie de France Câbles Radio
(F C R). Mais l'offre faite par les Saoudiens fut
récusée pour sa faiblesse technique.
Ainsi les négociations entre l'Etat et Télia
vont buter pendant plusieurs mois sur la durée de concession. En effet,
l'Etat voulait une concession sur 20ans, les suédois voulaient se
contenter d'une concession sur 7 ans. L'Etat finira par récuser le
groupe suédois après plusieurs séances de
négociation infructueuse. Pour le gouvernement du Sénégal,
une concession sur 7 ans n'encouragerait pas d'investissements lourds de la
part du partenaire. L'Etat fit donc appel à FCR second sur la liste qui
accepta d' aligner son offre financière sur celle de Télia qui se
montait a 70 milliards de francs CFA représentant 33% du capital de la
Sonatel .
La privatisation de la Sonatel fut consacrée
à la surprise générale après le vote de la loi 95 -
25 du 29 /08 /95 par l' Assemblée Nationale du Sénégal.
Ainsi, l'entreprise phare du pays allait sans nulle doute ouvrir son capital
à un partenaire stratégique pour les raisons invoquées
plus haut, alors que dans la pratique en Afrique, c`est plutôt les
entreprises en difficultés qui étaient systématiquement
privatisées. L` Etat sénégalais venait ainsi d'empocher sa
meilleure opération de privatisation. Ainsi la géographie du
capital de la nouvelle société se présentait comme
suit : 34 % à l' Etat ,33% à France télécoms,
les travailleurs détenaient 10% ,5% avait été retenu par
un opérateur africain dans le cadre de la politique d'
intégration économique sous régionale, le reste
appartenait aux collectivités locales et aux personnes physiques mais 2
ans plus tard, à la veille des élections, l' Etat allait
céder 9% de sa part à France télécoms, qui du coup
totalisait 42% et devenait de ce fait l'actionnaire majoritaire .
En plus des accords précédemment cités,
les deux parties s'accordèrent également sur la
libéralisation du secteur en 2004.
La privatisation de la Sonatel et la libéralisation
partielle du secteur1(*) ont
permis d'obtenir des résultats considérables qui sont la forte
progression du nombre des abonnés du service de téléphonie
mobile, une création de 30000 emplois directs à travers les
télés centres, cybercafé, et autres distributeurs de
cartes téléphoniques.
Malgré ces avancées notables, il reste
évident que le secteur souffre encore de lacunes liées en
particulier à un monopole faiblement réglementé, une
faible concurrence sur le mobile et une insuffisance d'investissements qui font
que les attentes en termes d'emplois ne sont pas comblées. Pour qu'il y
ait une amélioration du bien être social, il faut que secteur soit
doté de fortes politiques de réglementation, de concurrence et
des investissements plus lourds car ils sont les moteurs du
développement du secteur voire de l'économie nationale.
Ainsi, pour saisir l'exacte mesure de la structure du
marché des télécommunications, il importe d'analyser dans
une première partie la situation actuelle du marché avant
d'étudier le problème de la réglementation dans une
deuxième partie.
Partie I/ Analyse de la
situation actuelle du marché des télécommunications
Le marché actuel des
télécommunications au Sénégal est
caractérisé par un monopole de la Sonatel. A l'issue de la
privatisation, l'Etat a accordé à la Sonatel ses droits relatifs
à l'établissement et à l'exploitation des réseaux
et la fourniture des services de télécommunication pour une
durée de vingt (20) ans, assorti d'une situation de monopole sur les
services de base de sept (7) ans. Jusqu'en 1997, le marché des
télécommunications fonctionnait avec un régime de monopole
avec un seul opérateur. Ce cas de figure se retrouvait d'ailleurs dans
beaucoup de pays de la sous région. Mais avec l'option prise pour une
politique d'ouverture totale par la signature avec dix huit autres pays d'un
engagement à la libéralisation de ce secteur en 1997, le
marché sénégalais va revêtir un tout autre visage.
C'est ainsi qu'en 1998, le segment de la téléphonie mobile
enregistre l'entrée d'un nouvel opérateur (SENTEL)2(*). Le monopole de la Sonatel
devrait prendre fin le 19 juillet 2004 sur le plan juridique. Mais dans les
faits, ce monopole persiste encore, parce que l'Etat n'a pas entamé dans
les détails tout le travail nécessaire au préalable en vue
d'apporter des réponses aux questions assez complexes sur les plans
technique, juridique et économique.
Chapitre I / La
privatisation de la Sonatel et ses conséquences
La privatisation de l'opérateur historique
intervient dans le cadre de la politique de privatisation des entreprises
publiques amorcée par le Sénégal au milieu des
années 90 et préconisée de longue date par les
institutions financières internationales. Les objectifs majeurs
sont : amélioration de l'efficacité de gestion, recherche
des financements et assignation d'un grand rôle au secteur privé.
La Sonatel comme tout producteur de biens ou de services élabore des
politiques qui ont pour but d'accroître au mieux ses profits. La
privatisation de la Sonatel a permis d'enregistrer des avancées
considérables tant sur l'accès au téléphone que la
création d'emplois3(*) entre autres. Malgré des avancées
significatives, plusieurs problèmes liés à
l'inefficacité du monopole de la Sonatel persistent.
Section I / La structure du
monopole de la Sonatel sur le segment du fixe
Le monopole est caractérisé par sa
politique optimale et la discrimination par les prix.
Paragraphe I / La politique
optimale du monopole
Il existe une seule entreprise qui produit un seul bien
et fixe un prix unique, identique pour tous les consommateurs
présents sur le marché. Comme dans toute situation
microéconomique du producteur, l'entreprise en situation de monopole
cherche à maximiser son profit, la différence entre la recette
totale RT et le coût total CT.
Comme l'entreprise en situation de concurrence pure et
parfaite, le monopole cherche à maximiser son profit. Mais il existe
deux différences fondamentales entre ces entreprises.
· D'une part, l'entreprise en concurrence pure et
parfaite ne peut agir sur le prix de vente, fixé sur le marché.
Elle doit s'adapter à ce prix et déterminer son volume de
production de telle sorte que son coût marginal soit égal au prix
de vente. L'entreprise en concurrence pure et parfaite est price taker4(*). Tel n'est pas le cas du
monopole qui a la possibilité de fixer le prix de vente de son produit.
Le monopole est price maker5(*). Il ne peut cependant pas vendre à n'importe
quel prix. S'il vend trop cher, il risque de ne trouver aucun acheteur. Le
monopole est contraint par la demande.
· D'autre part, en situation de concurrence pure et
parfaite, la demande est satisfaite par une multitude d'entreprises. Au
contraire, le monopole est seul sur le marché et doit satisfaire la
totalité de la demande. Comme la demande est une fonction
décroissante du prix, plus le monopole produit, plus il doit baisser son
prix de vente. Le monopole doit donc déterminer le niveau de production
qui maximise son profit. C'est ce niveau de production qui va lui permettre de
fixer le prix. La demande qui s'adresse à l'entreprise en situation de
concurrence pure et parfaite est infinie car celle-ci est sûre de pouvoir
vendre, au prix du marché, toute sa production quelle qu'en soit
l'importance. La courbe de demande est donc une droite horizontale
contrairement à celle du monopole qui est décroissante. Le
monopoleur fixe simultanément les prix et les quantités pour
« maximiser son profit »
Profit = Recette totale - Coût total.
La recette
totale représente le chiffre d'affaire de l'entreprise.
RT (Q) = P.Q avec P, le
prix du produit et Q, la quantité produite.
Dans une situation de monopole, le prix est
déterminé par la quantité produite et vendue par le
monopole.
La recette totale est donc égale à :
RT (Q) = P (Q) .Q
Le coût total est une fonction mathématique
dépendant de la quantité produite que l'on note CT
(Q).
Il fixera les prix et les quantités au point où
sa recette marginale (Rm) égale son coût marginal
(Cm). Mais la courbe de recette marginale ne s'identifie plus
à la droite horizontale des prix comme dans le cas de la concurrence.
C'est une courbe décroissante au dessous de la courbe de demande
(Recette moyenne). Pourquoi ? Parce qu'en concurrence pure et parfaite, la
recette marginale pour une unité supplémentaire du bien est
égale au prix du bien. Là, elle est inférieure car en
produisant une unité de plus, le monopoleur fait baisser son prix.
http://www.creg.ac-versailles.fr/IMG/jpg/Image1-2.jpg
Par rapport à une situation de concurrence où
les entreprises auraient des courbes de coût
marginal(Cm) dont la somme se confondrait avec celle du
monopoleur, on voit que les consommateurs perdent doublement : avec le
monopoleur ils paient un prix supérieur et doivent se contenter d'une
quantité inférieure. Le monopole produit moins
à un prix plus élevé. De plus en situation de
concurrence pure et parfaite, à long terme, le prix baisse jusqu'au
minimum du coût moyen. Si l'entreprise veut à
nouveau dégager des profits, elle doit réduire ses coûts.
La concurrence pousse les entreprises à mettre en oeuvre des
technologies plus performantes. Tel n'est pas le cas du monopole
puisque aucune entreprise nouvelle ne peut entrer sur le
marché. Enfin, dans une situation de monopole, le surplus total est plus
faible qu'en concurrence pure et parfaite et la situation n'est pas optimal
pour la société, le surplus du consommateur6(*) est la différence entre
le prix auquel le consommateur est prêt à payer le bien et le prix
du marché ; le surplus du producteur7(*) est la différence entre le prix du
marché et le coût marginal, le prix auquel le producteur est
prêt à produire). En situation de monopole le surplus total n'est
pas maximum. La hausse du prix de vente réduit le surplus du
consommateur. Une partie du surplus est transférée au producteur
mais une autre partie est totalement perdue pour la société
(ABE). De la même manière une partie du surplus du producteur qui
existait en concurrence pure et parfaite est perdue pour la collectivité
en situations de monopole (BEC). La perte sociale totale est
le triangle AEC
http://www.creg.ac-versailles.fr/IMG/jpg/Image2.jpg
La situation n'est pas optimale : les consommateurs
pourraient consommer plus et moins cher ; les producteurs pourraient
produire plus.
Utilisons p(y) pour représenter la
fonction de demande inverse du marché8(*) et c(y) pour représenter la
fonction de coût. Soit r(y)= p(y).y la fonction de
recette du monopoleur. Le problème de maximisation du profit ()
du monopole revêt dès lors la forme suivante :
Max = r(y) - c(y)
y
Le profit total étant une fonction du niveau de
production, est maximum quand la dérivée par rapport au niveau
de production s'annule ; soit :
? ? r
? c
---- = 0 et donc ---- =
Rm = ---- = Cm
? y ? y
? y
Le profit sera maximal lorsque le supplément de recette
provenant de la vente d'une unité supplémentaire est égal
au supplément de coût occasionné par la production de cette
unité supplémentaire.
La condition d'optimalité correspondant à
ce problème est évidente : au niveau de l'output optimal,
nous avons l'égalité entre la recette marginale (Rm) et le
coût marginal (Cm). Si la recette marginale était
inférieure au coût marginal, la Sonatel aurait
intérêt à diminuer son output puisque la diminution du
coût serait plus importante que la diminution des recettes. Si la recette
marginale était supérieure au coût marginal, l'entreprise
aurait au contraire intérêt à augmenter son output. Le seul
output que l'entreprise n'a pas intérêt à modifier est
celui qui correspond à l'égalité de recette marginale et
du coût marginal.
Une entreprise en concurrence doit respecter la même
condition Rm= Cm, mais pour telle entreprise, la recette
marginale est égale au prix et cette condition se ramène à
l'égalité entre le prix et le coût marginal.
Dans le cas d'un monopoleur, l'expression de la recette
marginale est quelque peu plus compliquée. Si le monopoleur vend
davantage d'output et perçoit en contrepartie une recette de
py, mais par ailleurs il diminue le prix de y
et il perçoit ce prix plus faible pour l'ensemble de la production qu'il
vendait. Dès lors, l'effet total sur la recette d'une modification de
l'output de y est égal à :
r = py + yp
La variation de la recette divisée par la variation de
l'output, c'est-à-dire la recette marginale, est par conséquent
égale à :
r / y = p+ (p /y) y
Alternativement nous pouvons considérer que le
monopoleur choisit simultanément son output et son prix, en tenant
compte évidemment de la contrainte imposée par la courbe de
demande. Si le monopoleur désire vendre davantage d'output, il doit
diminuer son prix. Mais cette réduction du prix implique un prix plus
faible pour toutes les unités qu'il vend et pas uniquement pour les
unités supplémentaires, d'où le terme
yp.
En concurrence parfaite, une entreprise qui diminuerait son
prix en dessous de celui pratiqué par les autres entreprises
s'emparerait immédiatement de la totalité du marché au
détriment de ses concurrents. Mais dans le cas du monopole, celui-ci
détient déjà la totalité du marché ;
quand il diminue son prix, il doit prendre en compte l'effet de la diminution
du prix sur toutes les unités qu'il vend.
Paragraphe II / La politique
de prix de la Sonatel : la discrimination entre les consommateurs
Avec la discrimination parfaite par les prix, le
producteur s'approprie la totalité du surplus des consommateurs en
fixant des prix différents pour chaque unité vendue et tels que
chaque consommateur paie un prix égal à son prix de
réservation9(*).
Cette stratégie de fixation des prix répond sans aucun doute
à la volonté d'augmenter le profit. La discrimination des prix
consiste à faire payer à deux consommateurs (ou plus) des prix
différents pour des biens ou des services identiques. Lorsqu'une
entreprise fait face à un prix paramétrique (cas de la
concurrence), elle n'a pas la possibilité de discriminer. Cette pratique
est commerciale et donc liée à l'existence d'un pouvoir de
marché. Elle est en conséquence généralement
analysée dans le cadre du monopole. Seul un monopoleur peut discriminer
car, en concurrence, les autres offreurs contraindraient le prix du
marché à s'égaliser avec le coût marginal. La
discrimination, stratégie très courante aujourd'hui, doit
être pratiquée pour des raisons autres que celles associées
à des différences de coût. Pour que la discrimination soit
possible, il faut deux conditions :
· Le produit ne doit pas pouvoir être acheté
sur le marché où le prix est le plus bas et être revendu
sur celui où le prix est le plus élevé ; dans le cas
contraire, le monopoleur ne pourrait plus vendre sur le marché où
le prix est le plus élevé. Les marchés doivent donc
être cloisonnés.
· Les clientèles (marchés) doivent avoir
des élasticités prix différentes.
Ces deux conditions expliquent pourquoi la discrimination est
plus fréquente dans les services individualisables (médecine,
cinémas, etc.) et dans les secteurs où le produit est très
difficilement revendable (gaz, électricité, etc.).
Cherchons maintenant à justifier à partir de sa
stratégie de prix unique une stratégie de discrimination.
Supposons que tous les consommateurs sont prêts à
acheter une seule unité du bien et que l'on peut construire la courbe de
demande en les classant en ordre décroissant en fonction de leur
prix de réservation. Si l'on peut arbitrairement les unités et si
le nombre de consommateurs est assez grand, à tout point A de la courbe
de demande correspond un consommateur caractérisé par un prix de
demande pa. Supposons que le monopole puisse identifier ces
acheteurs et leur proposer une offre de type (tout ou rien) : acheter
une unité au prix pa ou ne rien acheter. Chaque acheteur,
s'il n'a pas la possibilité de négocier avec d'autres agents, est
indifférent entre consommer ou non. S'il accepte la proposition, le
monopole s'approprie son surplus et augmente son profit. De même, s'il
peut procéder de manière identique pour des consommateurs
écartés du marché dans le cas d'un prix uniforme mais
prêts à payer un prix pb supérieur au coût
marginal, il s'attribue leur surplus et fait un profit supplémentaire.
Dans ce cas le monopole peut s'approprier la totalité du surplus des
consommateurs. Cet exemple montre que l'entreprise peut augmenter son profit si
elle est en mesure d'imposer des tarifs différents à des
acheteurs différents.
Cette pratique concerne aussi bien la fixation de prix
distincts pour différents consommateurs que la détermination de
prix différents pour diverses unités vendues à un
même consommateur. La courbe de demande D étant celle du
marché d'un produit quelconque, le monopoleur fixe pour chaque client le
prix maximum que celui-ci est prêt à payer, ce prix est
appelé prix de réservation. De ce fait, la fonction de demande
(RM) à la firme devient la recette marginale Rm puisque, dans ce cas, la
recette tirée d'une unité supplémentaire est égale
au prix. La production ou vente optimale est donnée au point E :
elle est identique à celle de concurrence parfaite. La recette totale de
la firme est OAEQ, le coût total est OGFQ et le profit total est la
surface AEFG. Le monopoleur qui pratique une discrimination parfaite ne laisse
subsister aucun surplus du consommateur. Celui-ci, qui est APE au prix
d'équilibre concurrentiel, est entièrement approprié par
le monopoleur. Lequel réalise un profit supplémentaire de
PEFG.
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Comme exemples, nous pourrions citer le cas des
abonnements à prix réduits, pour certaines catégories de
la population à l'occurrence les élèves et les
étudiants ou l'appel unitaire qui varie selon les abonnés et les
abonnements. Cette situation est représentée dans le tableau
suivant :
|
Etudiants et Elèves
|
Particuliers
|
Abonnements
|
Diamono School
|
Diamono Jeunes ou Classique
|
Tarifs unitaires
8h à 12h
12h à15h
15h à 18h
18h à 23h
23h à 8h
|
100 f
50f
100f
50f
50f
|
160f
100f
100f
100f
50f
|
Tableau récapitulatif des tarifs des appels
appliqués par la Sonatel
La question essentielle est dès lors de savoir comment
le monopoleur détermine t-il les prix optimaux qu'il pratique sur le
marché.
Admettons que le monopoleur soit capable de distinguer
deux (2) groupes d'individus et qu'il puisse vendre un même produit
à ces deux groupes à un prix différent : c'est le cas
de la Sonatel dans la vente des abonnements. Nous supposons que les
consommateurs sur chacun des deux marchés ne peuvent pas revendre le
bien. Représentons par p1 (y1) et
p2 (y2) les fonctions de demande
inverse10(*) pour les
groupes 1 et 2 et par
c (y1+y2), le
coût de production de l'output. Le profit total de l'entreprise est
défini par la différence entre les recettes totales et le
coût total.
? = r1 (y1) +r2
(y2) - c (y1 +y2)
Le problème de la maximisation du profit auquel est
confronté le monopoleur s'écrit de la forme suivante :
Max p1
(y1) y1+p2 (y2) y2 - c
(y1+y2)
y1, y2
Le maximum s'obtient en annulant les dérivées
partielles
?? ?r1
?c ?r1 ?c
---- = ---- - ---- = 0
d'où ---- = ----
?q1
?q1 ?q1
?q1 ?q1
?? ?r2
?c ?r2 ?c
---- = ---- - ---- = 0
d'où ---- = ----
?q2
?q 2 ?q2
?q2 ?q2
On a recette marginale est égale au coût
marginal.
Rm1 (y1) = Cm
(y1+y2)
Rm2 (y2)=Cm
(y1+y2)
En d'autres termes, le coût marginal d'une unité
supplémentaire d'output doit être égal à la recette
marginale sur chaque marché. Si la recette marginale sur le
marché1 était supérieure au coût marginal, il serait
intéressant d'accroître l'output sur le marché1. Le
même doit donc entraîner la même augmentation de recette
qu'il soit vendu sur le marché1 ou sur le marché2.
Nous pouvons utiliser la formule habituelle de la recette
marginale en termes d'élasticité pour écrire les
conditions de maximisation du profit comme suit :
1
P1 (y1)
1- -------- = cm (y1+y2)
e
1(y1)
1
P2 (y2)
1- -------- = cm (y1+y2)
e2 (y2)
e 1(y1) et
e2 (y2) représentent les
élasticités de la demande sur les deux marchés
évalués au niveau des outputs qui maximisent le profit.
Remarquons maintenant que si p 1>
p2, nous devons avoir :
1
1
1 - -------- < 1 -
--------
e1 (y1)
e2 (y2)
1
1
Ceci implique -------- >
--------
e1 (y1)
e2 (y2)
Ou encore e2 (y2) > e
1(y1) .
Le marché avec le prix le plus élevé doit
donc avoir l'élasticité de la demande la plus faible.
Après réflexion, c'est assez logique. Une demande
élastique est une demande sensible au prix. Une entreprise qui
discrimine en terme de prix pratiquera par conséquent un prix faible
pour le groupe qui est sensible au prix et un prix élevé pour le
groupe qui est relativement insensible au prix. Elle maximise de cette
façon son profit total.
Nous avons donné l'exemple que la Sonatel accordait des
ristournes aux étudiants et aux élèves ce qui constitue
une discrimination par les prix. Nous pouvons maintenant voir pourquoi ces
groupes obtiennent des ristournes. Il est vraisemblable que les
étudiants et les élèves sont plus sensibles aux prix que
les consommateurs moyens, et qu'ils ont par conséquent des demandes plus
élastiques dans la zone de prix pertinente. La Sonatel qui maximise son
profit discriminera par conséquent en terme de prix en faveur de ces
groupes de consommateurs.
Section II / Les
conséquences du monopole de la Sonatel
Dans l'esprit de la plupart des gens, les monopoles
ne sont pas une bonne chose. Ils sont synonymes d'inégalités
salariales et de concentration antidémocratique des pouvoirs.
D'un point de vue économique, cependant, le
problème central est celui de leur efficacité. Ainsi le monopole
de la Sonatel entraîne deux grandes catégories
d'inefficacité économique : une restriction de la production
et une recherche de rente.
Paragraphe I / La
restriction de la production
Les monopoleurs, comme les entreprises
concurrentielles ont pour but de réaliser des profits en produisant des
biens et services demandés par leurs clients. Un secteur
d'activités concurrentiel opère en un point où le prix est
égal au coût marginal, un monopoleur opère par contre en un
point où le prix est supérieur au coût marginal. Dès
lors, en règle générale, le prix sera plus
élevé et l'output plus faible si une entreprise adopte un
comportement monopolistique plutôt qu'un comportement parfaitement
concurrentiel. Par conséquent, les consommateurs
bénéficieront généralement d'un niveau de
satisfaction moindre quand un secteur d'activité est organisé
sous la forme d'un monopole plutôt que sous la forme concurrentielle.
Le problème de l'inefficacité du monopole est
plus visible dans la représentation de celui-ci par la figure
ci-dessous.
Supposons que nous puissions contraindre d'une quelconque
façon et sans coût cette entreprise à se comporter comme un
concurrent parfait et à prendre le prix du marché comme
fixé de façon exogène11(*). Dans ce cas, nous aurions (pc,
yc) pour le prix et l'output concurrentiels.
Alternativement, si l'entreprise prend conscience de son influence sur le
prix du marché et choisit son niveau d'output de façon à
maximiser son profit, nous aurions le prix et l'output de monopole
(pm, ym). .
Rappelons qu'une allocation économique est efficace au
sens de Pareto s'il n'est pas possible d'accroître la satisfaction de
quelqu'un sans réduire celle de quelqu'un d'autre. Le niveau d'output
produit en monopole est-il efficace au sens de Pareto ?
Rappelons également la définition de la fonction
de demande inverse. Pour chaque niveau d'output, p(y) mesure
la somme que les gens sont disposés à payer pour une unité
additionnelle du bien. Puisque p(y) est supérieur
à cm (y) pour tous les outputs compris entre
ym et yc, il existe
toute une série d'outputs pour lesquels des gens sont disposés
à payer pour une unité du bien un montant supérieur
à son coût de production. Il existe donc clairement des
possibilités pour une amélioration au sens de Pareto.
Considérons par exemple l'output ym
optimal pour le monopole. Puisque p (ym) est
supérieur à cm (ym), nous
savons qu'il existe quelqu'un qui est disposer à payer pour une
unité supplémentaire d'output un montant supérieur
à ce que cette unité coûterait à l'entreprise.
Supposons que l'entreprise produise cette unité additionnelle et la
vende à cette personne pour un prix p tel que p (ym)
> p > cm (ym). Le consommateur a un niveau de
satisfaction supérieur puisqu'il était disposé à
payer p (ym) pour cette unité de
consommation et que celle-ci lui est vendue pour p < p
(ym). De même, cette unité coûte au
monopoleur cm (ym). Toutes les autres unités
d'output sont vendues au même prix que précédemment de
sorte que rien d'autre n'est modifié. Grâce à la vente de
cette unité supplémentaire d'output, chaque partie reçoit
un surplus supplémentaire, c'est-à-dire que chaque partie sur le
marché voit son niveau de satisfaction augmenter et que personne d'autre
n'est pénalisé. Nous avons ainsi trouvé une
amélioration au sens de Pareto.
Paragraphe II / La recherche
de rente
Cette inefficacité se traduit par la tentation
pour les monopoleurs d'accroître les ressources en utilisant des moyens
économiquement non productifs. L'exemple le plus frappant consiste
à allouer des ressources pour obtenir ou conserver une position
dominante en dissuadant les concurrents d'entrer. De même que l'on
appelle rentes de monopole les profits d'un monopoleur, la recherche de rente
désigne toute tentative d'acquisition ou de maintenir des rentes
déjà existantes, en s'efforçant d'obtenir ou de conserver
une position dominante dans un secteur.
La position de monopole d'une entreprise résulte
parfois, du moins en partie, d'une protection de la part de l'Etat. Dans ce
contexte les entreprises verseront de l'argent aux groupes de pression et aux
hommes politiques pour préserver les réglementations limitant la
concurrence, afin de maintenir des profits élevés. Ce type
d'action est une source de gaspillage social. Des ressources (notamment du
temps de travail) sont utilisées pour obtenir des réglementations
avantageuses et non pour produire des biens ou services. On est donc en droit
de se demander si l'Etat, en cherchant à restreindre la concurrence,
n'incite pas les entreprises à dépenser leur argent dans des
activités de recherche de rente plutôt que dans
l'amélioration de la qualité de leurs produits.
Comment une entreprise est elle disposée à
dépenser pour être en situation de monopole et pour conserver
cette position ? Elle sera disposée à dépenser autant
que la somme des profits que procure ce monopole. Le gaspillage
résultant de cette activité de recherche de rente peut se
révéler bien supérieur à la rente provoquée
par la diminution de la production.
L'analyse des prix et quantités choisis par le monopole
montre que celui-ci choisit un prix supérieur à son coût
marginal et une quantité inférieure à celle qu'il
choisirait en situation de concurrence. Le monopole produit donc trop peu et
trop cher. Il est donc moins efficace qu'un ensemble d'entreprises en
concurrence parfaite produisant le même bien, il alloue de façon
inefficace les ressources. La différence entre le prix de vente
Pm du monopole et celui du marché concurrentiel
Pc est une mesure de la rente perçue par le monopole, en
d'autres termes de son pouvoir de monopole. Pour cette raison, l'idée
prévaut chez certains libéraux que le monopole est
systématiquement inefficace, qu'il n'existe qu'à cause d'une
restriction aux lois normales de la concurrence qu'il faut éliminer.
Chapitre II / La
libéralisation progressive du marché des
télécommunications
Selon le conseiller spécial du Président de
la République du Sénégal chargé des Nouvelles
Technologies de l'Information « le Sénégal a besoin
d'un nouvel opérateur qui recrute au même niveau que la SONATEL,
et qui va recruter plus, parce qu'ils sont en
compétition ».
Cela suppose que le gouvernement du Sénégal a
déterminé la structure du marché et la vente aux
enchères de la licence va donner le droit de servir ce marché.
L'ouverture à la concurrence de la plupart des secteurs
de télécommunications a conduit à la création
d'agences en charge de la régulation de ces secteurs. Il s'agissait en
effet à la fois de permettre l'instauration d'une concurrence effective
et d'assurer le maintien de la qualité du service public assumé
par l'opérateur historique.
Section I / : L'ouverture
du marché
Dans le but de sélectionner un second
opérateur capable de compétir avec la Sonatel, le gouvernement du
Sénégal a décidé de lancer une vente aux
enchères pour l'attribution d'une licence globale. Cependant, dans les
faits, cette libéralisation n'est toujours pas effective car l'Etat
fait face à certains problèmes liés au choix des
opérateurs empêchant ainsi au processus de libéralisation
de suivre son cours normal.
Paragraphe I /
L'intérêt des enchères dans la gestion publique
Dans le cas le plus
élémentaire et le plus banal, une enchère est une
procédure permettant au propriétaire d'un bien unique et
indivisible, qui désire le vendre, de sélectionner
l'acquéreur parmi plusieurs candidats12(*).
L'objectif du vendeur est ici censé être d'obtenir
le prix de cession le plus élevé possible13(*).
Une forme bien connue est celle de l'enchère ascendante
(ou enchère anglaise), où le prix proposé est
augmenté par étapes. Dans cette procédure, tout candidat
se désiste au moment où le prix proposé dépasse
l'offre maximale qu'il est prêt à faire pour acquérir le
bien. Le processus d'élimination s'arrête lorsqu'il ne reste plus
en lice qu'un candidat : celui dont l'offre est assurément
supérieure à toutes les autres, même si son montant exact,
dans cette procédure, reste inconnu. Le bien est attribué
à ce candidat « le plus offrant », mais à un prix de
cession égal à l'offre la plus élevée parmi celles
des candidats éliminés, appelé « deuxième
prix».
L'enchère descendante (ou enchère hollandaise)
existe aussi : le prix proposé, au départ supérieur
à l'offre maximale de tous les candidats, est abaissé par
étapes, jusqu'à ce qu'un candidat se déclare preneur. Le
bien est alors attribué à ce candidat « le plus offrant
», mais à un prix de cession égal à son offre,
appelé « premier prix » (les offres des autres candidats
restant, dans cette procédure, inconnues).
Les soumissions sous plis scellés constituent des
enchères à un seul tour.
Les offres de tous les candidats sont cette fois connues du
vendeur. L'offre est toujours attribuée au candidat le plus offrant.
Dans le cas le plus usuel, il doit payer ce bien au premier prix, égal
au montant de son offre ; on peut montrer que cette procédure est
équivalente à une enchère hollandaise. Mais le
règlement de l'appel d'offres peut aussi prévoir que le bien sera
payé au deuxième prix, égal au montant du deuxième
plus offrant ; cette procédure n'est toutefois pas tout à fait
équivalente à l'enchère anglaise, où le candidat le
plus disant connaît le prix du deuxième plus disant lorsqu'il
décide de maintenir sa candidature, alors qu'il l'ignore, dans le cas
considéré ici, lorsqu'il établit sa soumission.
Pour juger de l'importance des enchères, Mougeot et
Cohen14(*) ont
montré que plusieurs arguments plaident en faveur de l'utilisation des
enchères en tant qu'instrument de gestion publique. Ils peuvent
être mis en évidence en prenant par exemple le cas simple
où les pouvoirs publics désirent disposer d'un équipement
public particulier, devant remplir des fonctions précises et
posséder des caractéristiques clairement
spécifiées, mais susceptible d'être produit par plusieurs
entreprises, détenant chacune un savoir-faire propre et un coût de
revient connu d'elle seule. Cette asymétrie d'information en faveur de
l'entreprise et au détriment des pouvoirs publics constitue l'argument
clé qui plaide pour les enchères. Elles permettent en effet
d'atteindre les résultats suivants.
Au terme du processus, la commande est passée à
l'entreprise qui s'est déclarée en mesure de produire
l'équipement pour le prix le plus bas, c'est à dire pour la somme
« coût de revient plus marge » la plus faible (cette
décomposition restant connue seulement par l'entreprise
elle-même). Le coût de revient reflète l'efficacité
économique dans la combinaison des facteurs de production et
l'enchère permet d'assurer que l'avantage acquis par l'entreprise sur le
terrain de la productivité n'est pas surcompensé par une
amplification de sa marge ; cette procédure minimise la « rente
informationnelle » de l'entreprise (sans toutefois aller jusqu'à
l'annuler).
Au total, l'enchère sélectionne l'entreprise
présentant la meilleure efficacité économique.
En corollaire, l'équipement est acquis en minimisant la
dépense publique.
Le partage du surplus entre l'entreprise et le contribuable se
fait dans les conditions les plus favorables possibles pour ce dernier. C'est
important en termes d'efficacité économique, si l'on prend en
compte un coût d'opportunité des fonds publics, impliquant que
tout franc d'impôt économisé permet de produire plus d'un
franc dans la sphère marchande. C'est important plus encore en termes de
redistribution des revenus, donc du point de vue de l'équité.
Enfin, les enchères assurent la transparence. Elles
traitent ainsi les entreprises sur un pied d'égalité, en les
plaçant dans des conditions identiques ou, au contraire, en
prévoyant expressément des « discriminations positives»
pour rétablir l'équilibre dans le cas où les situations de
départ des candidats seraient estimées inégales.
Il est clair que les résultats ci-dessus se
transposeraient aisément au cas simple où les pouvoirs publics
désireraient attribuer, selon des spécifications très
précises, une mission de service public (par exemple de transport
public) ou l'utilisation d'un espace appartenant à la
collectivité (par exemple une bande de fréquences hertziennes)
à un opérateur, à choisir parmi plusieurs candidats
intéressés. Les offres seraient alors classées par ordre
de prix décroissant, le premier prix étant le plus
élevé. Au regard des critères d'efficacité
économique, d'équité et de transparence, il apparaît
ainsi que les enchères réunissent d'importants avantages.
Bien d'autres procédures de gestion publique sont
possibles : attribution par exemple au premier inscrit, ou selon un ou
plusieurs critères d'éligibilité, ou au terme d'une
négociation, ou sur la base d'une soumission comparative («
concours de beauté »). Mais aucune d'elles ne rivalise avec les
enchères sur l'ensemble de ces trois critères.
Cependant cette supériorité se déduit
d'hypothèses strictes qui sont celles des cas simples
considérés. Elle suppose au premier chef que le cahier des
charges décrive de façon exhaustive et précise toutes les
obligations du futur attributaire (et celles du maître d'ouvrage à
son égard), de sorte que le prix constitue l'unique critère de
sélection.
C'est une hypothèse forte, car la rédaction d'un
contrat complet est un idéal difficile à atteindre. On peut s'en
rapprocher dans le cas où l'équipement public ou le service
public concédé serait traditionnel et peu exposé aux
aléas. Dans les cas plus complexes, plus novateurs ou plus incertains,
l'élaboration du cahier des charges peut requérir des
études préalables approfondies, voire une concertation
préalable avec l'ensemble des candidats permettant à chacun de
faire part de ses interrogations, afin de parvenir à une
rédaction finale aussi claire que possible pour tous, avant le lancement
de l'appel d'offres.
Une difficulté supplémentaire se rencontre lorsque
des critères plus qualitatifs interviennent, comme, par exemple, la
qualité architecturale ou esthétique d'un ouvrage ou la
façon dont sont rendus certains services publics. Le maître
d'ouvrage ne peut alors sélectionner l'attributaire seulement sur la
base du prix. Il a besoin de savoir quelle est la qualité
associée à ce prix et doit donc demander à chaque candidat
de fournir une offre décrivant la qualité offerte en même
temps que le prix proposé. Il a alors évidemment
intérêt à énumérer les critères
qualitatifs sur lesquels il attend des réponses. Il est à cet
égard à l'évidence souhaitable de disposer de
critères aussi vérifiables que possible et d'inclure dans le
contrat des sanctions dissuasives en cas de manquement.
Au fur et à mesure que les critères qualitatifs
gagnent en importance dans l'équipement à réaliser ou le
service à concéder, le débat monte en intensité
entre les partisans des enchères et ceux du concours de
beauté.
Les premiers signalent surtout que, à cause de
l'inévitable asymétrie d'information, le concours de
beauté n'offre aucune garantie de sélection de l'entreprise la
plus efficace du point de vue économique, ni de l'extraction maximale de
la rente au bénéfice du budget et qu'elle expose le maître
d'ouvrage à un risque de captation (consciente ou non) par les lobbies.
Les seconds rétorquent que la déontologie du maître
d'ouvrage est un antidote à la captation, que de leur côté
les enchères, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un cas simple,
comportent des risques d'entente et qu'on diminue ces risques en
n'annonçant pas la pondération des critères multiples,
enfin que les enchères séquentielles facilitent la collusion ou
la prédation.
Le débat à ce sujet reste ouvert. En
théorie, l'optimum de premier rang supposerait un arbitrage entre la
satisfaction tirée de la qualité de l'équipement (ou du
service) et le consentement à payer pour cette qualité. À
supposer que le maître d'ouvrage connaisse la fonction d'utilité
collective qui permettrait de procéder à cet arbitrage, il
ignore, pour cause d'asymétrie d'information, les arguments de cette
fonction ou, plus exactement, la relation entre la qualité et son
coût. En toute rigueur, c'est donc cette relation que devrait fournir la
consultation et c'est sur cette base que le maître d'ouvrage pourrait
choisir simultanément la qualité optimale et son prix ; mais
cette démarche paraît, dans la pratique, hors d'atteinte.
L'enchère simple et le concours de beauté apparaissent dès
lors comme deux procédures de second rang. L'enchère simple
consiste à fixer a priori la qualité pour ne plus optimiser que
sur le prix. Le concours de beauté consiste à fixer le prix
(éventuellement nul), pour ne plus optimiser que sur la qualité.
Les deux procédures conduisent donc à un « rapport
qualité prix » de second rang.
Cependant, la nature des asymétries d'information et le
caractère exécutoire des engagements plaident en faveur de
l'enchère moins manipulable et moins propice à la captation que
le concours de beauté.
Il est au demeurant extrêmement souhaitable dans un souci
de bonne gestion des fonds publics, comme le souligne nos rapports, à la
fois de préciser le plus possible les caractéristiques du
contrat, de réduire le plus possible les situations permissives de la
captation et de chercher à « extraire la rente ». Sauf, le cas
échéant, pour des préoccupations de politique
industrielle.
Paragraphe II / Le
processus de libéralisation du secteur
Des lois nouvelles, des
décrets, une institution de régulation, tels sont les
réalisations faites dans le cadre de la libéralisation du
secteur. Si pour le secteur de la téléphonie mobile, et les
autres activités du secteur, la concurrence y est effective, ce n'est
pas le cas du secteur de la téléphonie fixe et c'est
principalement sur ce point que la libéralisation est beaucoup attendue.
Au Sénégal, la densité en matière de raccordement
au téléphone était de 2,6 en 2000, ce qui nous fait un
nombre d'abonnés supérieur à 220000 pour la Sonatel
opérateur historique du marché sénégalais et encore
seul opérateur en matière de téléphonie fixe sur le
marché.
Le processus de libéralisation du secteur de
télécommunication est donc à l'étape de la
libéralisation de la téléphonie pour la présence de
plusieurs opérateurs sur le marché.
Cependant, pour aboutir à la concurrence, tant attendu
pour la téléphonie fixe, un processus doit être suivi.
Après l'étape législative, cette volonté
d'ouverture du marché doit faire l'objet d'une officialisation par une
lettre de politique sectorielle. Cette lettre représente l'ouverture
effective du marché et elle représente une information cruciale
pour les investisseurs qui à partir de ce moment peuvent
considérer le Sénégal comme un marché potentiel.
Suite à cette lettre de politique sectorielle, un appel à
concurrence doit être lancé. Mais il est nécessaire de
faire un appel de taille : chaque procédure concerne
l'établissement et l'exploitation de réseaux de
télécommunication ouverts au public. Or le régime
applicable à ce type d'activités c'est la licence et ainsi la
procédure d'attribution d'une licence débute avec l'appel
à concurrence. La procédure d'appel à concurrence
comprend plusieurs étapes : le lancement de l'appel d'offres, la
réception des soumissions, le dépouillement et
l'évaluation des offres et enfin l'adjudication de la licence. Toute
cette procédure est assurée par l'agence de régulation des
télécommunications (ART). A la fin de cette procédure,
l'investisseur sortant de ce dépouillement et de cette évaluation
des offres passe avec l'Etat sénégalais une convention de
concessions et un cahier de charges ce quoi finalise la procédure de
l'entrée sur le marché. Cette convention de concession et ce
cahier fixent les conditions d'établissement et d'exploitation du
réseau et de fourniture de services de télécommunications.
Les conditions font l'objet d'une énumération limitative15(*) et concernent beaucoup de
domaines. Cela va des considérations relatives à la concurrence
jusqu'aux considérations de défense nationale.
Le 19 juillet 2004, l'Etat sénégalais
officialisait sa volonté et son intention de finaliser le processus de
libéralisation du secteur par une couverture du sous-secteur de la
téléphonie fixe avec au préalable une concertation des
acteurs. Ce qui constitue en fait un bon point puisque c'est une avance prise
sur le programme initial qui prévoyait la fin du processus en 2007.
Ainsi à l'occasion de la présentation de la
lettre de politique sectorielle des télécommunications le 27
janvier 2005, le ministre des postes et télécommunications a
annoncé la prochaine arrivée d'un opérateur qui disposera
d'une licence globale c'est-à-dire pour la téléphonie
fixe, mobile et Internet. Ce fut aussi l'occasion pour le ministre d'exposer
les ambitions de son département pour les cinq (5) ans à venir.
Des ambitions qui s'axeront autour des objectifs d'accroissement de l'offre de
service, de disponibilité permanente du Sénégal pour la
promotion du secteur privé et de la concurrence.
Bien que la libéralisation du marché des
télécommunications soit effective depuis juillet 2004, le nouvel
opérateur est toujours attendu depuis près de vingt deux mois.
Faut croire que le dossier à fait l'objet d'un blocage, étant
entendu que dans sa lettre de politique sectorielle publiée en janvier
2005, l'Etat s'était engagé à lancer un appel d'offres
international depuis le premier trimestre 2005. Le véritable obstacle de
la libéralisation du marché reste le choix du nouvel
opérateur pouvant concurrencer la Sonatel.
Viendra, ne viendra pas ? C'est le flou total concernant
l'arrivée sur le marché sénégalais des
télécommunications particulièrement de la
téléphonie fixe, d'un troisième opérateur qui
disposerait d'une licence globale lui permettant d'opérer sur tous les
segments du marché des télécoms. Nous sommes à
seize mois depuis que l'Etat, dans sa lettre de politique sectorielle des
télécommunications, publiée en janvier 2005, a
annoncé le lancement au cours du premier trimestre 2005, d'un appel
d'offres international à cet effet. Entre temps, beaucoup de bruit avait
couru sur un éventuel octroi de la licence à Maroc
Télécom.
À moins que la question ne soit plus compliquée
qu'on ne le pense, par rapport à l'état actuel du marché
encore fortement contrôlé, en dépit d'une
libéralisation totale intervenue en juillet 2004, les autorités
ayant défini, entre autres, en tout cas dans la lettre de politique
sectorielle, une politique de libéralisation du secteur qui inclut
« une délimitation précise du périmètre
des nouvelles licences à accorder ».
Toujours est-il que le marché de la
téléphonie, ainsi configuré actuellement, présente
deux opérateurs, la Sonatel (opérateur historique), et Sentel
(société privée). Comment ne pas imaginer que dans ce
marché pas encore tout à fait concurrentiel, il faut le dire,
l'éventualité d'un nouvel opérateur, global de
surcroît et susceptible de faire perdre des parts de marché
importantes à la Sonatel dans laquelle l'Etat détient des
actions, ne soit pas tout de même un sujet de préoccupation pour
ce dernier ?
Ce serait en tout une opinion contraire à la
réalité, si l'on considère que la décision
d'octroyer une troisième licence se fonde sur des constats majeurs faits
par les autorités, elles-mêmes, et énoncés dans la
lettre de politique sectorielle, et qui ont pour noms, entre autres : une
concurrence faible sur le mobile ; un taux de pénétration
toujours insuffisant pour tous les segments (fixe, mobile, Internet),
particulièrement en milieu rural ; accès privé
limité pour le segment urbain à faibles revenus (C/D/E) avec une
pénétration des services télécoms de 10% contre 50%
pour le segment A/B (à revenus plus élevés), ainsi qu'un
accès limité aux services à valeur ajoutée dont
l'Internet ; des tarifs appliqués qui ne sont pas assez incitatifs
pour accroître une demande latente et insatisfaite ; un monopole
faiblement régulé ; une implication timide du secteur
privé national et international dans un secteur stratégique et
décisif pour le développement du pays.
Aussi, si un nouvel opérateur venait (en
2006-2007 ?), tout de même, à se voir octroyer la
troisième licence, son choix devrait en tout cas se faire au
bénéfice strict des consommateurs, et dans les règles de
l'art et la plus parfaite transparence.
Section II/ Quelle
régulation pour une industrie de réseau ?
L'introduction de la concurrence est au coeur des
nouvelles régulations des industries de réseau de service public
qui visent à améliorer l'efficacité productive et
innovatrice de ces industries. Contrairement à une idée
fréquemment rencontrée, la libéralisation des
réseaux n'est pas synonyme d'effacement de la réglementation, car
elle entraîne une recomposition de celle-ci. Elle implique
l'élargissement de la fonction réglementaire, centrée
jusqu'alors sur le contrôle du monopole, à la promotion et au
contrôle de la concurrence, tout en conservant le suivi d'objectifs
redistributifs ou d'intérêt général. De plus, elle
est généralement confiée à une autorité
spécialisée distincte de l'autorité de la concurrence.
Paragraphe I/ Du
monopole réglementé à l'ouverture à la
concurrence
Les monopoles de réseau ont été
soumis à une réglementation précise sur les tarifs, les
investissements et à des obligations de service public. Les instructions
créées pour sa mise en oeuvre on été d'autant plus
importantes que le secteur était laissé à l'initiative
privée, notamment aux Etats-Unis ou existent des autorités de
réglementations depuis le début du XX° siècle. Mais
la propriété publique, qui a été le monde principal
de régulation des monopoles de réseau dans beaucoup de pays,
n'appelle pas une réglementation aussi étroite des prix et des
obligations de service public qu'un monopole privé. Elle est un effet
supposé protéger l'intérêt collectif contre les
intérêts privés. L'opérateur public assume de telles
obligations en organisant les subventions croisées entre groupes de
consommateurs.
Le modèle d'organisation basé sur le monopole
réglementé a subi des assauts critiques de
« l'économie publique positive » avec la mise en
évidence des risques de capture du régulateur par les entreprises
régulées et des inefficacités du secteur public. En
parallèle, la théorie des incitations proposait des
améliorations de la réglementation des prix du monopole.
En se référant à l'hypothèse de
bienveillance du régulateur, l'approche principale- agent souligne que
les entreprises disposent de plus d'informations que le régulateur sur
leurs technologies, leurs coûts et leur demande. Dans ce contexte de
contrainte informationnelle on cherche le meilleur contrat qui maximise le
bien-être social. En situation d'aléa moral sur les variables de
choix du régulé, le contrat réglementaire à plafond
de prix en vue d'inciter le régulé à réduire ses
coûts génère des rentes informationnelles
élevées pour les agents efficaces, et donc des pertes pour le
régulateur. Au contraire les contrats à coût
remboursé, qui ne génèrent pas de rente, n'incitent
aucunement à l'efficacité. Le premier reste donc le plus
intéressant en ce qu'il incite le régulé à
révéler son information sur l'effort qu'il est en mesure de
faire, ce qui conduit à ajuster le contrat suivant en laissant toujours
une possibilité pour le régulé de dégager une rente
informationnelle. Mais il faut pour cela que le contrat proposé par le
principal soit suffisamment crédible aux yeux de l'agent dans son
engagement à verser ensuite une rente informationnelle. En Grande
Bretagne, pays pionnier de la réforme des industries de réseau,
le modèle de privatisation a été ainsi accompagné
de l'introduction d'une réglementation en plafond de prix avec
l'idée d'alléger la réglementation et de créer des
incitations à l'efficacité productive.
Au-delà de la variété des
situations technologiques des différentes industries, il existe quelques
principes communs de libéralisation qui montrent comment
libéralise- t -on une industrie de réseau. Le premier principe
est de séparer les activités d'infrastructures, qui sont les
seules à rendements croissants, des activités de services
où peut s'exercer la concurrence, en raison de leur interaction qui
donne un pouvoir de marché au détenteur de l'infrastructure
vis-à-vis de ses concurrents. Le deuxième principe est le
changement de structures industrielles, soit par découpage horizontal de
l'opérateur historique et encouragement des entrées, soit par
interdiction à l'opérateur amont d'intervenir sur le
marché aval. Le troisième principe est l'introduction progressive
de la concurrence sur le marché aval. Une condition fondamentale est la
définition de conditions d'accès équitables aux
infrastructures en termes de prix auquel le premier principe doit contribuer.
La concurrence aval amène à la suppression de la
réglementation des prix de vente. Un quatrième principe est de
codifier les obligations de service public (service universel ou autre) qui
seront imposées aux acteurs en concurrence et d'organiser leur
financement de façon équitable pour que la concurrence n'en soit
pas affectée. Autrefois, le contenu et l'ampleur de ces missions
étaient définis de façon discrétionnaire par le
ministère de tutelle en négociant directement avec les
entreprises réglementées. Elles étaient financées
par subventions croisées, mécanisme attrayant pour un
gouvernement car opaque et à faible coût politique. Avec
l'introduction de la concurrence, les compétiteurs qui ont à
supporter ces obligations ne doivent pas être pénalisés par
les coûts liés à ces obligations.
Paragraphe II / La
nécessité d'une autorité sectorielle
On libéralise en partant d'une situation largement ou
totalement dominée par l'opérateur historique qui est encore
public, car l'ordre logique veut que l'on crée les règles de
marché et que l'on organise la nouvelle structure industrielle avant la
privatisation. La création d'une agence dissociée de
l'administration de tutelle (dont l'idée a été reprise du
modèle américain du monopole réglementé) est
d'abord là pour garantir l'indépendance du contrôle de
l'Etat sur le nouveau marché quand il est lui-même encore
propriétaire de l'opérateur historique. Elle permet ensuite de
dissocier la réglementation économique de la régulation
politique du secteur, garante de l'intérêt collectif (politique
redistributive, protection de l'environnement) et de l'intérêt
national en termes d'indépendance et de stratégie industrielle.
Au plan de la réglementation économique,
l'autorité va avoir pour première fonction de garantir
l'équité concurrentielle dans l'accès à
l' « infrastructure essentielle »
et au marché aval afin d'attirer les entrées et de rendre la
concurrence effective.
Les missions de l'autorité sectorielle couvrent d'autres
objectifs que la promotion de la concurrence et le contrôle de son
exercice. Elle assure aussi la réglementation des activités qui
demeurent en monopole de par leur nature (condition d'accès au
réseau et aux interconnexions) ou pour des raisons légales
(communications sur la boucle locale, vente de kWh aux ménages). Elle
assure la mise en oeuvre et contrôle le respect des obligations des
services publics imposés aux opérateurs en concurrence. La
réglementation économique, pour répondre à ses
fonctions, doit respecter un certain nombre de principes.
L'indépendance vis-à-vis du pouvoir
politique
L'environnement institutionnel joue un rôle important
dans la crédibilité de la fonction réglementaire.
Comparant différents pays, Lévy et Spiller (1996)16(*) mettent en évidence
l'importance des « dotations institutionnelles » d'un pays
dans la détermination du degré d'engagement réglementaire.
Le régulateur doit a minima agir indépendamment du pouvoir
politique pour éviter les choix discrétionnaires imposés
par le gouvernement. Mais il doit lui-même rendre compte de ses
décisions, d'une part en les justifiant, d'autre part en sachant qu'il
est soumis à la menace de recours devant une juridiction. Ces auteurs
soulignent donc le principe selon lequel pouvoir politique ne doit pas avoir
la possibilité de changer les règles du jeu arbitrairement. Son
respect est conditionné par la façon dont les institutions
parlementaires sont élues et fonctionnent, ainsi que par le degré
d'indépendance du judiciaire.
En éloignant la fonction réglementaire du pouvoir
politique, la présence de l'agence est supposée réduire le
risque discrétionnaire. Le pouvoir politique et ses décisions
sont soumis aux aléas du jeu électoral. Il peut imposer de
façon discrétionnaire de nouveaux objectifs publics
(accroissement des objectifs redistributifs, préservation de
l'environnement, etc.) ou des mesures de protection des industriels nationaux.
Il est plus exposé au risque de capture par les intérêts
les mieux organisés que l'autorité spécialisée.
Il est donc important que les règles de financement de
l'autorité (financement fixe assuré par une taxe sur les revenus
du secteur), les procédures de nomination des commissaires par plusieurs
instances, les conditions de stabilité de leur mandat
(irrévocabilité) garantissent l'indépendance
vis-à-vis de l'administration ministérielle et du pouvoir
politique.
L'indépendance vis-à-vis des
entreprises régulées
En supposant le pouvoir politique bienveillant, mais en
asymétrie d'information par rapport aux propres informations du
régulateur sur les variables pertinentes, le premier peut choisir des
mesures non optimales au regard de ce qu'il aurait considéré
comme souhaitable s'il avait le même type d'informations. Le
régulateur peut en effet fausser les informations s'il est sous
influence des entreprises régulées. Ces dernières ont
d'ailleurs fait de leur activité d'influence sur les régulateurs
chargés de définir et de faire évoluer les règles
une priorité stratégique. Un régulateur chargé de
promouvoir l'entrée de concurrents pourra ainsi céder aux groupes
de pression, l'opérateur historique ou l'oligopole en place, pour rendre
cette décision plus difficile.
Le régulateur sectoriel court plus de risques de capture
par les entreprises que les autorités de la concurrence en raison de
l'origine professionnelle des membres de l'agence que l'on est tenté
d'aller chercher au départ dans les entreprises régulées
ou les administrations de tutelle, pour bénéficier de leur
expertise et du contact permanent avec les entreprises du secteur qu'elles
régulent.
Pour limiter ce risque, les résultats théoriques
invitent à doubler les agences en charge de la régulation d'un
secteur. Ceci rendrait moins efficace la stratégie d'influence des
groupes de pression pour lesquels les sommes investies connaîtraient un
bien moindre retour. Concrètement, dans des champs
complémentaires, comme l'électricité et le gaz, ou les
télécommunications et l'audiovisuel, une façon de
procéder pourrait être d'avoir une autorité par champ. Mais
l'ensemble entraîne un mode de contrôle plus coûteux et plus
lent. Par contre, le chevauchement relatif de compétences avec les
autorités de la concurrence pourrait répondre en partie à
cette objection.
Les règles de composition et de fonctionnement de l'agence
affaiblissent également les tentations de collusion. La nomination de
membres en provenance des entreprises peut être interdite et le pouvoir
de nomination dispersé entre plusieurs instances pour assurer une
diversité de cultures . De même, des règles
d'éthique en matière d'embauche des membres des autorités
de régulation par les entreprises régulées après
leur départ peuvent être décidées. Cependant, la
tentation de collusion peut être forte si un régulateur a un
éventail réduit d'opportunité de réemploi
après son départ.
Dépérissement de la régulation
sectorielle
On justifie traditionnellement la présence d'un
régulateur sectoriel par la nécessité d'organisation de la
concurrence et de ses règles dans un secteur structuré auparavant
en monopole et dans lequel l'opérateur historique reste en place. Mais
son utilité ne serait que temporaire .Après la maturation des
règles de marché et la découverte par tâtonnement de
la bonne organisation industrielle, l'autorité sectorielle perdrait sa
raison d'être. Les questions d'accès au réseau peuvent
être englobées dans la supervision de la concurrence par
l'autorité antitrust en se référant à quelques
principes transparents et à la jurisprudence. Dans les secteurs
où on peut se concurrencer par les infrastructures, on peut imaginer que
la menace d'entrée par la mise en place d'une nouvelle infrastructure
est suffisante pour discipliner le détenteur de l'infrastructure en
place.
On peut rendre automatiques les ajustements des tarifs
d'accès réseau s'ils sont règlementés. Les
obligations de service public peuvent être remplacées par des
modes de traitement marchand ou par un mode de financement direct par le budget
de l'Etat qui est le mode optimal au regard de la théorie. Par exemple,
pour une région défavorisée dans l'accès aux
services de réseau, ce serait à l'Etat de soutenir directement
cette région sans fausser le jeu concurrentiel, en modifiant par exemple
le prix d'accès au réseau par une taxe pour financer la
péréquation17(*). Mais on peut observer qu'à l'ouverture
complète à la concurrence dans les
télécommunications (accès à la bouche locale) ou
dans les secteurs électriques et gaziers n'a pas encore
succédé une dimension des missions des autorités
sectorielles. En se référant aux enseignements de
l'économie publique positive, il est possible que les autorités
sectorielles cherchent à défendre leur budget et leur fonctions
et pour cela entretiennent dans le futur leur justification en se servant de
leurs fonctions distributives ou de la complexité des enjeux. Mais les
problèmes relevant d'échec de marché sont de nature et
d'ampleurs assez différentes selon les industries et sont loin de
pouvoir tous être résolus de la même façon. Il est
probable que d'importants segments d'activités de certaines industries
de réseau vont continuer à demander des régulations
spécifiques. La complexité des transactions et du fonctionnement
des marchés électriques et gaziers, par exemple, est telle qu'il
parait difficile d'imaginer un effacement de l'autorité sectorielle dans
le futur. On peut
aussi douter que les obligations de service public se contractent
aisément car il faudra maintenir l'acceptabilité des
réformes de libéralisation.
Partie II / Le
problème de la réglementation
L'examen de la situation actuelle du secteur des
télécommunications au Sénégal montre que le
transfert de propriété n'est probablement pas l'aspect le plus
important de la privatisation. Pour que cette politique réussisse, il
faut qu'elle s'accompagne soit d'une intensification de la concurrence sur le
marché, soit d'un renforcement des incitations et de la surveillance des
organismes de régulation. Si le secteur des
télécommunications a connu des avancées notables depuis la
privatisation de la Sonatel, force est de constater que le monopole de fait
dont dispose cette entreprise dans certaines branches, ainsi que les faibles
moyens du service de régulation, font que le Sénégal ne
parvient pas encore à améliorer le bien être des
populations. Ainsi, le secteur souffre de lacunes liées en particuliers
à un monopole faiblement réglementé et à une faible
concurrence sur le mobile. Il souffre aussi d'insuffisance d'investissements
qui fait que les attentes ne sont pas toujours comblées en termes de
création d'emploi. Il s'y ajoute une absence de réglementation
effective pour définir les règles du jeu entre opérateurs
et fournisseurs de service mais aussi un taux de pénétration
toujours insuffisant pour le segment (fixe, mobile, Internet). L'existence d'un
cadre réglementaire stable est une condition indispensable à
l'engagement des investisseurs dans la mesure où il permet d'envisager
une vision claire à moyen terme, au moins sur la période de
retour sur investissement.
Chapitre I / Les
politiques publiques dans le secteur des télécommunications
Le marché des télécommunications
au Sénégal s'est toujours manifesté par un monopole
visible de la Sonatel, société dont les résultats,
énormes, ne se répercutent pas au niveau du bien être
social de la population qui crée cette richesse. Ceci pose le
problème de l'efficacité du monopole et dès lors l'Etat,
en tant que garant du bien être social, doit intervenir pour non
seulement contribuer à la réduction des abus de position
dominante mais aussi pour limiter les effets négatifs de cette situation
par une réglementation. L'Etat élabore ainsi des politiques
antitrust18(*) pour
s'efforcer de limiter le pouvoir économique. La réglementation
adéquate à l'environnement de chaque pays constitue un cadre
indispensable pour garantir le développement harmonieux du secteur des
TIC.
Une nouvelle théorie vient aujourd'hui s'appliquer
à l'élaboration de la politique de réglementation de
l'activité économique et à l'action anti-trust :
c'est la théorie des marchés contestables.
Section I / La
concurrence comme un facteur de développement
Les innovations apportées par la nouvelle
organisation du secteur des télécommunications font que le
marché des télécommunications évolue. En effet, les
marchés évoluent sans cesse sous l'effet de l'innovation, qu'elle
soit technologique ou organisationnelle. C'est ainsi que le marché des
télécommunications évolue avec la mise en place de mesures
incitatives à la concurrence car la nouvelle construction du
marché encourage l'entrée de nouveaux agents économiques.
Cependant, malgré ces mesures incitatives à la concurrence,
l'entrée sur le marché est faiblement acquise avec la protection
directe ou indirecte dont bénéficie l'opérateur public.
Aussi, le monopole de la Sonatel constitue un obstacle à la promotion de
la concurrence.
Paragraphe I / Les
mesures incitatives à la concurrence
Dans l'exposé des motifs de la
loi portant code des télécommunications, sont inscrits en grandes
lignes les principes qui régissent désormais les activités
de télécommunications. Donc, la transparence ainsi que la
concurrence saine et loyale constituent les premiers objectifs de l'Etat avec
la libéralisation des télécommunications. En outre,
l'article 3 du code dispose que « la réorganisation du secteur
des télécommunications se fixe comme objectif de doter le secteur
des télécommunications d'un cadre juridique efficace et
transparent favorisant une concurrence loyale au bénéfice des
utilisateurs des réseaux et services des
télécommunications ».
Dès lors, l'Etat sénégalais
entend favoriser l'éclosion de la concurrence avec le nouveau dispositif
juridique qui organise et encadre par là même la
libéralisation du secteur des télécommunications. En
effet, la concurrence est essentiellement un facteur de développement du
marché, mais elle n'est pas une fin en soi, l'essentielle c'est qu'elle
contribue au développement économique et social des pays
où elle s'exerce. De façon absolument générale,
à l'intérieur comme à l'extérieur de la
sphère économique, la concurrence est une procédure
raisonnable à employer seulement lorsque nous ne savons pas d'avance qui
fera le mieux. Dans les examens ou les rencontres sportives comme sur le
marché, elles nous dira toutefois uniquement qui a fait le mieux dans
les circonstances données, elle ne garantie pas que chacun aura fait
tout ce dont il est capable, bien qu'elle fournisse l'une des meilleures
incitations à faire le maximum.
Le développement du jeu de la concurrence
apparaît comme une nécessité pour tenir compte des
évolutions techniques rapides et considérables du secteur des
télécommunications, pour stimuler la croissance de l'industrie,
pour faciliter la diversification des services. Par conséquent,
l'émergence de la concurrence dans le secteur des
télécommunications se trouve être une
nécessité que l'Etat doit organiser, ce qui justifie les motifs
protectrices édictées par les autorités publiques pour
garantir la transparence dans la concurrence. C'est ainsi que l'article 4 du
code des télécommunications dispose que :
« l'exploitation du réseau des
télécommunications ouvert au public s'effectue dans des
conditions transparentes. Les exploitants des dits réseaux doivent tenir
une comptabilité analytique permettant de déterminer les
coûts, produits et résultats de chaque réseau
exploité ou chaque service offert. ». En outre, c'est pour des
besoins de transparence qu'il est prohibé « l'utilisation
abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante
sur le marché intérieur où une partie substantielle de
celui-ci ou de l'état de dépendance dans lequel se trouve
à son égard un client ou un fournisseur19(*) ».
Ainsi, le nouveau code vise à bannir les
subvenions croisées à caractères anticoncurrentiels,
l'utilisateur de renseignements obtenus auprès des concurrents à
des fins de concurrence déloyales, le refus de mettre à la
disposition des autres exploitants autorisés les renseignements
techniques et commerciaux nécessaires, l'abus de position dominante. Et
toutes ces mesures protectrices, tendent à promouvoir la concurrence car
les opérateurs ont à leur disposition un cadre propice à
l'exploitation des réseaux de télécommunications ouverts
au public, qui les incite à accéder au marché car la
lisibilité et la sécurité y sont de rigueur.
Dés lors, les opérateurs économiques
seront mis en position favorable dans la compétition internationale, une
compétition surtout très accrue dans le cadre international.
Cependant, il est difficile de prévoir si - et dans quelle mesure - les
opérateurs nationaux des télécommunications pourront
supporter la concurrence internationale qui suivra la libéralisation des
marchés. La question se pose surtout dans la mesure où la
libéralisation des télécommunications est
asymétrique. Les conditions économiques n'étant pas
harmonisées, des distorsions de concurrence peuvent apparaître.
Par ailleurs, la promotion de la concurrence dans le secteur
des télécommunications sénégalais est
confrontée à l'obstacle du monopole de la Sonatel.
Paragraphe II / Le
monopole de la Sonatel : un frein à la concurrence
Pour toute économie de marché, la
concurrence effective est un élément indispensable. Et dans le
marché des télécommunications sénégalaises,
malgré la libéralisation proclamée, la
réalité est toute autre.
En fait, pour que la concurrence fonctionne, certaines
conditions doivent être présentes. Une de ces conditions est
l'existence d'un nombre suffisamment élevé d'entreprises
privées jouissant de la liberté d'action économique.
Cependant, cette condition est loin d'être remplie au
Sénégal où la seule entreprise entrant en concurrence avec
la Sonatel mobile est la Sentel, intervenant dans le secteur de la
téléphonie mobile. En effet, malgré sa proclamation, la
libéralisation n'est pas immédiate et ne concerne qu'un segment
du marché. C'est dire donc que la partie la plus importante du
marché des télécommunications reste encore sous le
monopole de la Sonatel ; ce qui est nuisible à l'émergence
et au développement d'une économie des
télécommunications modernes. Ainsi, l'on peut probablement dire
que le danger n'est pas l'existence des monopoles due à une
supériorité de rendement où la possession de ressources
exhaustives limitées mais la possibilité laissée à
quelques monopoles de protéger et conserver leur position de monopole
après qu'ait disparu la cause de supériorité initiale. La
principale raison en est que de tels monopoles peuvent être capables
d'utiliser leur puissance non seulement sur les prix qu'ils exigent
uniformément de tout le monde, mais sur les prix qu'ils réclament
de clients différents. Dés lors, le pouvoir sur les prix
facturés différemment selon les clients autrement dit, le pouvoir
de discriminer, peut être employé de maints façons pour
influencer le comportement de marché des dits clients, et en particulier
pour dissuader des concurrents potentiels ou peser sur les orientations. Et ce
dernier aspect du problème de la nuisance du monopole ne rend pas du
tout facile la réalisation des objectifs visés par l'Etat
avec la libéralisation des télécommunications en
l'occurrence la promotion de la concurrence dans ce secteur.
Section II / La
théorie des marchés contestables
On peut considérer la
contestabilité comme une généralisation du concept de
concurrence parfaite, compris comme un état idéal de
l'économie. Le concept de contestabilité signifie qu'une pression
concurrentielle peut être exercée aussi bien par
l'éventualité de l'entrée de nouveaux producteurs sur le
marché que par les producteurs rivaux qui y sont déjà
présents. Ce qui implique que, au contraire de la concurrence parfaite,
la contestabilité parfaite s'accommode de l'existence d'économies
d'échelle, et par conséquent, d'un petits nombre de firmes
relativement importantes que la menace de nouveaux arrivants éventuels
incite à une certaine discipline. Nous montrerons successivement
l'utilité de la contestabilité parfaite pour un marché
idéal et ses avantages.
Paragraphe I / La
contestabilité parfaite, un critère d'un marché
idéal
Un marché parfaitement contestable peut être
défini comme celui sur lequel il est possible d'entrer où dont il
est possible de sortir sans supporter aucun coût.
En ce sens, la liberté d'en sortir est une partie
essentielle de cette définition, car une simple réflexion
confirme qu'elle n est que la contrepartie de la gratuité
l'entrée : si une firme peut quitter une branche d'industrie quand
elle le veut, et en retirer sans perte tous les capitaux qu'elle y a investis,
il est évident que sa décision d'y entrer ne lui coûtera
rien.
A l'inverse, si la sortie implique quelque perte sur la valeur
des actifs (c'est- à-dire si une part quelconque, non
négligeable, de l'investissement est irrécupérable), la
décision d'entrée sur le marche entraîne, pour le moins, un
certain coût sous la forme d'un risque plus exactement un risque plus
élevé que celui que supporte une firme déjà
installée et, cela inévitablement, est un facteur de dissuasion
à l'entrée.
Dans les faits, l'entrée et la sortie demandent toujours
naturellement un certain temps, et cela, en soi, peut devenir source de
coût. En particulier, ce délai incontournable soumet la firme qui
entre au risque onéreux de représailles des firmes en place qui
pourraient en profiter pour abaisser leurs prix, organiser de coûteuses
campagnes de publicité, ou prendre diverses mesures qui feront regretter
à un envahisseur sa décision d'enter.
Mais même, s'il en est ainsi, un marché peut rester
très contestable s'il est possible pour un entrant d'organiser à
l'avance des relations contractuelles avec ses clients futurs. Si cela se
produit, l'entreprise déjà installée ne peut se
protéger contre les nouveaux arrivants qu'en se comportant correctement
en permanence, par exemple en proposant à ses clients des prix
raisonnables.
Ce type de comportement va effectivement supprimer toute
opportunité d'entrer sur le marché, mais il consiste en fait
à offrir aux acheteurs tous les avantages qu'un nouvel entrant pourrait
leur apporter.
C'est là où la simple (et constante) menace d'une
entrée toujours possible sur le marché peut obliger les firmes en
situation d'oligopole, et même les monopoles, à se conduire
correctement.
Paragraphe II / Les
avantages de la contestabilité parfaite
Il est commode de répartir en trois
catégories les avantages que la contestabilité parfaite offre
à la société :
- Absence de prix ou de profits excessifs (de monopole) ;
- Absence d'inefficacité ou de gaspillage ;
-Absence de subventions occultes sur certains prix ou de
« prix de prédateurs ».
L'élimination des profits excessifs
L'avantage le plus évident de la contestabilité
parfaite est qu'elle interdit totalement les profits et les prix excessifs. Sur
un marché parfaitement contestable, même un monopoliste pur ne
peut bénéficier d'un taux de rendement à long terme de son
capital plus élevé que celui que peut obtenir une petite firme
dans un cadre de concurrence parfaite. La raison de ce résultat
surprenant est que tout profit supérieur au taux de rendement de
concurrence constitue inévitablement une possibilité de profit
pour un entrant éventuel, tant que les coûts
irrécupérables (sunk costs) sont nuls. L'existence de profits
excessifs permet à l'entrant de vendre moins cher que la firme en place
dans une marge qui laisse encore un rendement intéressant à la
nouvelle entreprise. Même si cette possibilité se
révèle tout à fait temporaire, sa sortie ne lui
coûte rien, et l'entrant qui a, en conséquence, tiré
avantage de son incursion est prêt à recommencer si l'entreprise
en place refait la même erreur. Les mêmes raisons expliquent la
seconde vertu de la contestabilité, à savoir l'absence de
gaspillage et d'inefficacité. Car, si une firme, quelle qu'elle soit, a
des coûts plus élevés que les coûts les faibles que
permettent d'obtenir les connaissances et la technologie du moment, un entrant
plus efficace pourra en tirer avantage, exactement de la même
façon que dans le cas des profits excessifs. Ce qu'il faut bien voir est
que des prix excessifs offrent toujours, par eux-mêmes, une
opportunité d'entrer, que ces prix découlent de profits
excessifs, de coûts inutiles, ou de toute autre cause.
L'élimination des
gaspillages
L'absence de gaspillage
sur un marché de contestabilité parfaite recouvre plus de choses
qu'on ne pourrait le dire à première vue. L'inefficacité
dans l'allocation des ressources est évidemment exclue- c'est le type
gaspillage que la théorie économique étudie volontiers.
Elle exclut l'emploi du facteur x par la firme A et du facteur y par la firme
B si x donne un produit de valeur plus grande que s'il est employé par
B, et y une valeur plus grande s'il est employé par A. Par ailleurs,
l'absence de gaspillage qu'impose la contestabilité parfaite interdit
l'inefficience- x, ce phénomène sur lequel Harvey Leibenstein a
attiré l'attention et qui englobe toutes les formes
d'inefficacité en dehors de la mauvaise allocation des ressources
qu'étudie souvent la théorie économique courante: il
s'agit, par exemple, du gaspillage du à une direction
incompétente, à des erreurs, au manque d'initiative entre autres.
La contestabilité parfaite, de même, est incompatible avec la
perte d'efficacité due à des retards dans l'adoption
d'améliorations technologiques, car ces délais entraînent
eux aussi des coûts que l'on aurait pu éviter. Cela signifie que
la contestabilité demande exactement que les nouvelles techniques de
production soient adoptées dès qu'elles deviennent disponibles
(mais elle ne règle pas le problème du « passager
clandestin » qui va pair avec le développement des connaissances ou
les inventions nouvelles, de sorte qu'elle ne garantie pas un niveau
socialement optimal des dépenses de recherche ou un flux optimal
d'innovations).
L'élimination des
pratiques de prix artificiellement bas
Le troisième
avantage heureux de la contestabilité parfaite est qu'elle interdit tout
système de « prix de prédateurs » et de
prix artificiellement bas ; c'est la une propriété
essentielle dans la perspective du contrôle des monopoles et des
entreprises disposant d'un pouvoir sur le marché, lorsqu'il s'agit
notamment d'éviter que celles-ci ne renforcent encore leur position
dominante.
Il y a des prix de
prédateurs quand une firme en place pratique des prix qui impliquent une
perte délibérée de profit, afin, soit de chasser du
marché un concurrent, soit d'empêcher l'entrée d'un nouveau
rival. Une fois cela obtenu, le prédateur peut révéler ses
prix pour retrouver les profits excessifs qui compenseront ceux qu'il a
antérieurement sacrifiés. Comme la perspective des profits futurs
excessifs est inhérente à la prédation, et que la
contestabilité parfaite, en assurant par des coûts d'entrée
nuls une pression concurrentielle permanente, ne permet pas aux profits
d'être excessifs, la prédation perd alors tout attrait. Les
« subventions croisées », la seconde bête
noire des théoriciens du monopole, posent des problèmes plus
subtils. La « subvention croisée » existe quand un
ensemble de clients d'une firme peut acheter certains produits à un prix
qui entraîne une perte pour la firme et que cette perte est couverte par
des prix excessifs imposés à d'autres clients. On dit alors que
ces derniers accordent aux premiers une subvention interne.
Cela est, en général, une accusation lancée
par une firme qui se plaint d'une concurrence déloyale parce qu'elle
doit faire face à des prix anormalement bas financés par une
telle subvention interne, tandis que la firme accusée compense les
subventions qu'elle pratique par les prix qu'elle impose sur les produits
où elle détient un monopole.
Nous voulons montrer maintenant comment la contestabilité
parfaite empêche ces subventions. Pour cela, remarquons d'abord,
qu'aujourd'hui, les économistes suggèrent de prendre le
coût total supplémentaire lié à la fourniture d'un
nouveau produit comme critère de l'inclusion ou de l'absence d'une
subvention interne dans le prix de ce produit. En d'autres termes, si ce prix
est tel qu'il engendre un revenu total au moins égal au coût total
supplémentaire lié à la fourniture du produit
c'est-à-dire à l'augmentation de coût total supporté
par la firme due à la fabrication de ce produit- on peut dire que les
acheteurs de celui-ci ne bénéficient pas d'une subvention
interne, car ils paient la totalité du coût supporté par la
firme pour la fabrication de ce produit. Mais, dans le cadre de la
contestabilité parfaite, tout prix engendrant un revenu inférieur
à ce coût total supplémentaire est incompatible avec
l'équilibre, et par conséquent, une subvention interne ne peut
exister. Un exemple fera bien comprendre ce raisonnement.
Considérons une firme qui fournit trois produits x, y et
z, et supposons que le revenu tiré de la vente de x soit
inférieur au coût total supplémentaire correspondant. Un
entrant peut alors survenir et n'offrir à la vente que y et z à
des prix légèrement inférieurs à ceux de
l'entreprise en place. En s'abstenant de produire x, l'entrant abandonne le
revenu provenant de x, mais évite de supporter l'augmentation de
coût, plus élevée que ce revenu, due à cette
fabrication ; il en résulte une addition nette aux profits de
l'entrant, qui dépassent ceux de l'entreprise en place.
Ainsi, la subvention interne permet à l'entrant de dégager
un profit en s'emparant des profits des marchés
bénéficiaires de l'entreprise en place, et en partageant avec les
acheteurs de ces produits des recettes qui allaient auparavant dans la
subvention interne.
L'analyse de ces
différents avantages nous permet de voir que la théorie de la
contestabilité peut jouer un rôle important dans
l'efficacité du secteur public dans les pays en voie de
développement.
Nous avons vu que la
contestabilité empêche une hausse trop forte des prix parce
qu'au-delà d'un certain niveau (c'est-à-dire au-delà du
coût de fonctionnement d'un entrant), ces prix susciteront
l'arrivée de nouveaux concurrents. Sur un marché parfaitement
contestable, les prix peuvent s'approcher de ce niveau, mais ils ne peuvent
jamais le dépasser. Ainsi, les forces de la contestabilité
parfaite, imposent aux prix un plafond qui se situe au niveau qui justifierait
l'entrée.
De la même
manière, la contestabilité parfaite impose aux prix un plancher
qui protége les intérêts légitimes des producteurs
concurrents, exactement comme le plafond protége les
intérêts des consommateurs.
A l'intérieur de ces
limites, la firme opérant sur un marché contestable est libre
d'établir son prix à un niveau quelconque, ou plus exactement
d'adapter le prix de chacun de ses produits à l'état de la
demande de ce produit. Et les prix ainsi encadrés ne peuvent engendrer
de profits car, dans un régime de contestabilité, les profits
excessifs suscitent toujours une entrée ; ils signifient que
certains, au moins, des prix de la firme excèdent le plafond qui fixe la
frontière entre la profitabilité et la non profitabilité
de l'entrée.
La signification globale de
tout ceci pour la politique d'un pays en développement est qu'il est
possible, en veillant à préserver la contestabilité des
marchés, de protéger à la fois les consommateurs et les
petites firmes rivales des plus grandes sans recourir à des mesures
strictes et coûteuses au plan économique telles que les
nationalisations ou des contraintes très restrictives sur les
entreprises. Si l'objectif poursuivi est d'entretenir un climat concurrentiel,
il est possible d'y parvenir avec quelques règles simples, en
particulier par l'adoption de limites supérieure et inférieure
applicables aux prix des firmes considérées comme ayant un
certain pouvoir sur le marché ; ces limites seront calculées
de telle sorte qu'elles correspondent à celles qu'imposerait la pression
de la concurrence dans un régime idéal de contestabilité
parfaite.
Chapitre II/ Investissement
et bien être social
Les télécommunications
ont la particularité d'être coûteuses, les infrastructures,
l'entretien ainsi que le renouvellement représentent une charge trop
lourde pour le budget d'un pays. L'Etat du Sénégal a senti la
nécessité de faire participer les personnes privées au
développement de ce secteur. Cependant susciter l'intérêt
des personnes privées pour une activité donnée dans un
marché n'est pas une affaire facile. Cela nécessite une
participation des cadres législatif, réglementaire et
institutionnel à l'attraction des investissements privés. Il est
établit que mis à part le faible pourcentage d'aides et de dons,
les personnes privées ne s'intéressent à un domaine
donné que dans le cadre de l'investissement. Or celui-ci implique un
placement, un emploi de capitaux dans une entreprise en vue d'un profit
à long terme, d'un résultat de cette action. Par essence, il ne
s'agit pas d'une activité philanthropique d'où l'exigence de la
réunion par les Etats demandeurs d'un certain nombre de critères
qui assurent la rentabilité et la sécurité de
l'investissement. Dans ce sens, il s'attache en premier lieu à parler de
l'influence de l'investissement sur la croissance d'un pays et en second lieu
des politiques de soutien de l'investissement.
Section I / L'investissement,
moteur de la croissance durable
L'investissement est l'opération
qui permet de renouveler et d'accroître le capital d'une économie.
Cette décision, indispensable pour maintenir le niveau de
productivité des facteurs de production, présente des effets
à court terme sur le plan économique et une influence sur la
croissance durable d'un pays.
Paragraphe I / Les effets
à court terme de l'investissement
L'investissement joue un double rôle : il participe
à la demande, ce qui se traduit par le mécanisme du
multiplicateur ; il est également un élément de
l'offre selon le processus d'accélération.
Le multiplicateur
Une augmentation exogène de la demande globale, par
l'investissement, exerce un effet multiplicateur sur le niveau
d'activité de l'économie. En effet lorsqu'une hausse initiale de
la production intervient pour satisfaire une demande nouvelle d'investissement,
des revenus supplémentaires sont distribués sous la forme de
salaires versés aux employés, de profits dégagés
par les entreprises, ou d'intérêts perçus. Une partie de
ces revenus nouveaux sera consommée, dans une proportion égale
à C, si C est la propension marginale à consommer comprise entre
0 et 1.
Un mécanisme cumulatif de consommation et de
création de revenus est déclenché, mécanisme qui
permettra d'atteindre un niveau de revenu égal à 1 / (1 - c)
fois la dépense d'investissement additionnelle : ce coefficient
supérieur à 1 constitue le multiplicateur d'investissement,
rapport entre l'accroissement du niveau de production et celui du niveau
d'investissement. Ce multiplicateur repose cependant sur des hypothèses
qui ne sont pas toujours vérifiées :
- il suppose que l'économie est fermée et par
conséquent le surcroît de demande ne peut pas être satisfait
par des importations supplémentaires.
- il se fonde sur la possibilité de trouver des
ressources de main d'oeuvre inemployées. En situation de plein emploi ou
plus probablement d'absence de possibilité de recrutement rapide de main
d'oeuvre qualifiée le surcroît de demande se traduira par une
hausse des prix et non par une production supplémentaire.
L'accélérateur
La décision d'investissement a également un
effet d'accélération. Pour parvenir à une augmentation
d'un montant donné de la production, il est nécessaire de
consentir un effort d'investissement supérieur à ce même
montant : ce phénomène, appelé << effet
d'accélération >> s'explique par le fait les biens
d'équipement participent au processus de production au delà de la
seule période ou ils sont acquis. La mesure de cet
accélérateur se fait par le rapport entre le stock de capital et
le niveau de production : la constante obtenue appelée <<
coefficient de capital >> caractérise l'intensité du
phénomène d'accélération. Plus elle est
élevée, plus l'investissement doit être important pour
atteindre le montant de production souhaité.
Le rôle de
l'investissement dans le cycle économique : l'oscillateur de
SAMUELSON
Pour l'américain Paul Samuelson20(*), la combinaison des effets
d'accélération et de multiplicateur joue le rôle d'un
oscillateur, pouvant expliquer les variations de la croissance d'une
économie nationale. D'un coté l'effet multiplicateur prend en
compte les interactions entre investissement et demande, de l'autre
l'accélérateur illustre la liaison entre la formation du stock de
capital et l'offre : ces deux phénomènes sont donc
complémentaires.
Le modèle qu'il a élaboré a
été perfectionné par John Richard Hicks (1950). Ces
travaux même anciens, n'ont pas été fondamentalement
démentis et leur principe peut être décrit comme
suit :
Une demande exogène nouvelle (fournir des
exportations par exemple) aboutit à un premier accroissement des
investissements (accélérateur) pour la satisfaire. Ceci conduit
alors à distribuer un supplément de revenu (multiplicateur) qui
alimente un nouveau cycle de hausse de la formation de capital des
entreprises : une phase d'expansion de l'économie se produit.
Cependant cette croissance est à un moment limitée soit par une
pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs, soit par des goulots
d'étranglement21(*)
à certaines étapes du processus de production. Ces contraintes
mettent un terme au processus d'investissement qui n'a plus de raison,
d'être contre tenu du fait que toute la demande a été
satisfaite.
La fin de la production des biens d'équipement
joue à ce moment un impact négatif sur la demande (effet
multiplicateur jouant dans le sens inverse), qui, diminuant, entraînera
à son tour un report ou une annulation des décisions
d'investissement des entreprises faute de débouchés suffisants.
Ce phénomène cumulatif provoque une récession, qui prend
fin par un retournement naturel de l'oscillateur, lorsque les capacités
de production deviendront insuffisantes.
Ce modèle illustre bien le rôle central de
l'investissement dans l'évolution à court terme de la
croissance : c'est par ses variations que le cycle économique est
déterminé.
Paragraphe II /
L'investissement et la croissance durable
Au delà des effets à court terme de
l'investissement dans la conjoncture économique, celui-ci exerce une
influence déterminante sur le niveau de croissance durable d'un pays.
C'est le point souligné dans la phrase attribuée au chancelier
allemand Helmut Schmidt : << les profits d'aujourd'hui sont les
investissements de demain et les emploies d'après demain >>.
L'augmentation et le renouvellement du stock de capital ont en effet un
rôle spécifique dans la diffusion de l'innovation et
l'évolution de l'emploi.
L'investissement et innovation :
Le poids décisif de l`innovation et du
progrès technique dans la croissance a été souligné
par Schumpeter (1934) et repris par les économistes Carré, Dubois
et Malinvaud dans leur étude sur la croissance pendant la période
des << trente glorieuses >> en France : pour eux l'innovation
est à l'origine des cycles longs de croissance et elle est liée
au montant des investissements consentis par l'économie. Le cycle de
croissance actuel liée à l'essor des technologies de
l'information en est une illustration. Ainsi, il est certain que
l'investissement a un rôle de diffuseur du progrès dans
l'économie, et donc agit sur la compétitivité, même
s'il n'est pas toujours la source de ce progrès.
L'investissement et l'emploi
L'augmentation des capacités de production ne
devrait pas avoir un rôle néfaste sur l'emploi. La fonction de
production est rigide à court terme, une hausse de la demande ne pouvant
être satisfaite que par une croissance simultanée et
proportionnelle des facteurs de production, ce qui garantit une
amélioration de la situation de l'emploi. Mais le processus
d'investissement permet de s'affranchir, à plus long terme, de cette
courbe de production : une quantité supérieure de biens peut
être produite avec un niveau équivalent, voire plus faible, de
main d'oeuvre. L'amélioration de la compétitivité des
entreprises, fruit de leurs investissements leur permet de gagner des parts de
marché et par conséquent d'augmenter leurs capacités de
production. Un cercle vertueux d'expansion se déclenche, le gain de
nouveaux marchés permettant de réinvestir et d'effectuer de
nouvelles embauches.
Section II / Les moyens de
promotion de l'investissement dans le secteur des
télécommunications
Les préoccupations de l'investisseur sont
essentiellement basées sur la sécurité de son investissent
qui pose le problème de la récupération de ses flux
financiers. Il appartient dès lors à l'Etat, pour encourager
l'investissement des personnes privées, de créer un cadre qui
permettrait à celles ci de ne pas être sceptiques.
Paragraphe I/ Le
crédit à l'impôt
Si l'Etat ne peut pas maîtriser
tous les déterminants de l'investissement, il dispose d'une série
d'instruments pour agir sur lui. Si le monde des affaires est convaincu que
l'Etat s'engage à maintenir la stabilité économique, les
entreprises auront moins d'aversion pour le risque et seront davantage
disposées à investir. Mais il est infiniment difficile de
prévoir et plus encore de contrôler la psychologie des dirigeants
des entreprises.
L'Etat peut stimuler l'investissement en
améliorant la confiance des entreprises, en particulier en s'engageant
sans ambiguïté à maintenir l'économie à des
niveaux d'emploi et de production élevés, en subventionnant
l'investissement au moyen du système fiscal, en baissant le taux
d'intérêt et en augmentant la disponibilité du
crédit. Il accorde ainsi un crédit d'impôt22(*) pour rendre l'investissement
plus attrayant. Dans ce cas, une fraction du montant alloué à
l'investissement est déductible de ses impôts. Des variations
fiscales temporaires peuvent être particulièrement efficaces. Un
crédit d'impôt provisoire a le même effet qu'une
vente : une société qui achète une machine durant la
période de crédit d'impôt provisoire épargne de
l'argent, exactement comme si son fournisseur diminue temporairement son prix.
Les conséquences de ces variations fiscales provisoires sont davantage
plus prévisibles que les effets des politiques visant à modifier
le climat psychologique. Les variations fiscales provisoires peuvent aussi
créer des distorsions dans l'allocation des ressources, bien que les
profits macro économiques qu'apportent des niveaux de production
élevés puissent très bien valoir les pertes micro
économiques résultant de ces distorsions.
Cependant, l'Etat a recours, le plus souvent, à la
politique monétaire, qui influe à la fois sur la
disponibilité du crédit et sur les conditions d'emprunts des
entreprises. Naturellement avec le crédit d'impôt, l'entreprise
investira davantage.
Longtemps méconnu du dispositif fiscal
sénégalais, le Fonds commun de placement d'entreprise23(*) vient d'être introduit
dans le code général des Impôts à travers la loi
2004-12 du 06/02/2004.
Le régime fiscal des organismes de placement collectif
de valeurs mobilières est incitatif aussi bien pour les fonds communs,
les épargnants que pour les sociétés commerciales.
En même temps que la nouvelle loi augmente dans la
liste des assujettis à l'IS24(*), les personnes morales domiciliées à
l'étranger lorsqu'elles réalisent des plus values à la
suite de cessions d'actifs, elle exempte d'IS, les sociétés
d'investissement pour les plus values réalisées lors de vente de
titres. C'est le cas du Fonds commun d'entreprise Sonatel.
La nouvelle loi a aussi introduit une innovation dans ce
domaine ; les abondements ou versements complémentaires
effectués à l'occasion d'émissions ou d'achat de parts de
fonds commun sont des charges déductibles de l'IS, à condition
que ledit fonds soit établi au Sénégal Sonatel
bénéficie de cette faveur.
Paragraphe II / La
régulation
Par l'intérêt qui lui est porté, le
marché représente le point de jonction entre la régulation
et l'investissement. Le terme est polysémique. Il représente pour
l'investisseur une débouchée économique, un ensemble de
clients qui achètent ou peuvent acheter une production alors qu'en terme
de régulation, le marché désigne le cadre d'application
des règles de droit et des compétences des institutions
étatiques. Ce qui justifie que le souci de rendre la régulation
déterminante par rapport à l'investissement intègre la
réglementation de marché.
Ce choix s'explique par le fait que les
télécommunications sont très évolutives, les
nouvelles technologies connaissent un essor considérable qui ne cesse de
se faire sentir. De ce fait réglementer l'utilisation en tant que telle
de ces technologies s'avérerait difficile pour ne pas dire impossible.
Rien que pour la téléphonie mobile les générations
se succèdent mais ne se ressemblent pas. Du global system for mobile
communication (GSM) qui permet à l'utilisateur de communiquer par le
transfert de la voix, des messages entre abonnés d'un même
réseau ou de différents réseaux selon les conventions
existantes, la technologie du mobile est passée à l'universal
mobiles telecommunications systems (UMTS) qui non seulement assure les
mêmes services que les GSM mais y ajoutent des fonctions comme
l'accès aux services de l'Internet, le contact visuel avec le
correspondant etc.
Ainsi le moyen le plus efficace et d'ailleurs le plus
usé pour apporter une certaine réglementation à ce secteur
et par là même occasion promouvoir l'investissement c'est de se
limiter à réglementer le marché dans ses composantes.
Hormis le point de vue de l'investisseur qui considère le marché
comme une zone d'exercice d'une activité lucrative, la qualité de
structure du marché doit être prise en compte. Ainsi une
réglementation efficace prendra en compte les constituants
matériels de cette structure : les réseaux et services ainsi
que les structures de celui-ci. Le marché des
télécommunications renvoie au réseaux et services de
télécommunications du Sénégal. Par réseau de
télécommunication, le législateur désigne toute
installation ou tout ensemble d'installations assurant soit la transmission,
soit la transmission et l'acheminement de signaux de
télécommunications ainsi que l'échange d'informations, de
commande et de gestion qui y est associé entre les points de terminaison
de ce réseau. C'est le code des télécommunications qui
précise le régime juridique des réseaux. Au niveau de
ceux-ci il faut faire une distinction de taille entre les réseaux
ouverts au public et les autres réseaux qui ont fait l'objet d'une
définition à l'article 2 du code. Il faut signaler que même
si la précision n'a pas été faite au niveau du code, la
réglementation des réseaux ne concerne pas les installations de
l'Etat pour la défense et la sécurité publique, les
installations radioélectriques de l'Etat comme ceux de l'aviation
civile.
S'agissant des réseaux de télécoms
ouverts au public, ce sont des réseaux établis ou utilisés
pour la fourniture de services de télécommunications. Au
Sénégal les réseaux de télécommunications
sont assez limités. En fait les réseaux de télécoms
qui en tant que tel peuvent être considérés comme des ou un
ensemble d'installations assurant la transmission et ou l'acheminement de
signaux de télécommunications ainsi l'échange
d'informations de commande et de gestion qui est associé entre les
points de terminaison de ce réseau, ce sont pour la
téléphonie ceux de la Sonatel et de Sentel. Le réseau de
la Sonatel est le plus complet puisque le premier opérateur privé
dispose de la globalité du champ d'action. La société
Sentel quant à elle, est limitée dans ses activités. De ce
fait ces infrastructures servent à la fourniture des services de
téléphonie mobile et pour les fréquences radio
électriques, les différents réseaux assurant des services
de radio communication et de diffusion. Le régime juridique qui organise
ces réseaux c'est celui de la licence avec signature d'une convention de
concessions et d'un cahier de charges. Depuis la décision de la
libéralisation du secteur de la téléphonie, l'engagement
sur un nombre de licences et donc sur le nombre d'opérateurs sur le
marché n'a pas été prise. L'arrivée des
opérateurs téléphoniques risque donc de se faire de
manière progressive si on se limite pour l'instant à admettre un
seul nouvel opérateur sur le marché. Il faut dire que la
propriété de l'exploitation d'un réseau de
télécommunications ouvert au public s'accompagne de conditions
générales d'établissement et d'exploitation assez strictes
qui font l'objet d'une énumération par le
législateur25(*) .
Une précision s'impose par rapport aux infrastructures dont doit
disposer un opérateur de télécoms titulaire d'une licence.
Celui-ci peut avoir à sa disposition la capacité
excédentaire des exploitants d'infrastructures alternatives par le biais
d'une participation au capital de l'exploitant ou par location fixée par
une convention. Les infrastructures alternatives désignent toute
installation ou ensemble d'installations pouvant assurer soit la transmission,
soit la transmission et l'acheminement de signaux de télécoms
sans les équipements actifs qui les transforment en
réseaux26(*) .
Quant aux autres réseaux, il faut d'abord mettre à part les
réseaux indépendants c'est-à-dire ceux qui sont
réservés à un usage privé ou partagé. Il
s'agit par exemple de réseaux propres à une entreprise ou d'un
groupe fermé d'utilisateurs bien identifiables. Tous les autres
réseaux sont établis librement avec une distinction à
faire entre les réseaux internes, les réseaux indépendants
de proximité autre que les radios électriques, les installations
radio électriques à faible puissance et de faible portée
etc.27(*) Le panorama des
services de télécommunications tranche avec le petit nombre de
réseaux disponibles au Sénégal. La gamme des services de
télécommunication est assez conséquente. Les services
disponibles au niveau du marché sénégalais vont des
services téléphoniques au service de
télécommunication et de diffusion en passant par les services
télex, de communication de données par commutateur, par paquets
ainsi que les services à valeur ajoutée. L'exploitation de ces
services à valeur ajoutée est soumise au régime de
déclaration. Cette dernière doit être faite au niveau de
l'Agence de Régulation des Télécommunications avec un
certain nombre d'informations28(*).
Les rapports entre les acteurs du marché ont une
place importante pour une régulation tournée vers la promotion de
l'investissement économique et pour assurer les grands équilibres
du marché. La prise en compte de considérations
d'intérêt général intègre une
réglementation des rapports entre les acteurs. Mais le préalable
de l'identification des acteurs du marché s'impose. La première
distinction à faire c'est celle de l'investisseur opérateur
économique en télécommunications et institutions de
l'Etat. Les deux catégories ont souvent des intérêts
divergents sans pour autant être totalement autonome l'un
vis-à-vis de l'autre. Les Etats ont besoin d'investissements
privés pour la construction et le développement de leurs
infrastructures de base souvent coûteuses tandisque les investisseurs ont
besoin de marchés pour s'établir et pour fructifier leurs
capitaux. De ce fait le partenariat public - privé est mis en place au
milieu d'un organe d'équilibrage, initiative de l'autorité
étatique mais indépendante d'elle.
S'agissant des opérateurs économiques dans
le domaine des télécommunications, la distinction doit être
faite selon leurs activités dans le secteur. Ainsi, on distinguera les
opérateurs des réseaux de télécommunications. A ce
propos les services à valeur ajoutée ont connu un formidable
essor avec la prolifération des télé centres qui ont
considérablement participé à l'accessibilité du
téléphone par exemple pour les populations rurales. Ces services
permettent ainsi la participation du secteur privé
sénégalais au développement du secteur des
télécommunications. L'expansion des cyber espaces
témoignent aussi de ce phénomène même si entre les
investisseurs qui s'activent au niveau de la fourniture de certains services et
les investisseurs étrangers (gros opérateurs titulaires d'une
licence d'établissement et d'exploitation), il existe une
catégorie intermédiaire de gros fournisseurs qui s'activent par
rapport à certains services spécifiques. Mais il est quand
même nécessaire de bien faire la précision suivante, un
opérateur titulaire d'une licence peut tout aussi bien assurer la
fourniture des services en utilisant la capacité de liaison de son
réseau de télécommunications. Leurs rapports existants ou
pouvant exister entre ces opérateurs du secteur sont de diverses
natures. Tout d'abord la filiation permet à un opérateur
intervenant dans le marché sous la forme d'une société
titulaire d'une licence, d'assurer la fourniture de services de
télécoms par l'intermédiaire d'une de ses filiales. Il
s'agit d'une technique d'organisation d'entreprise en vue d'une
efficacité et d'une efficience de celle-ci. Mis à part les
rapports filiale société mère, il peut y avoir des
rapports d'interconnexions entre les acteurs par le biais de conventions. Enfin
ces rapports peuvent être des rapports concurrents entre deux
opérateurs qui exercent les mêmes activités au niveau du
marché sénégalais. La détermination de la nature de
ces rapports est très importante notamment par rapport aux règles
de concurrence et de la qualification de certaines pratiques prohibées
par les règles de concurrence.
A coté de ces rapports, il faut compter les
rapports entre consommateur et professionnel car le consommateur est le
bénéficiaire final qui par exemple par un contrat de
téléphonie bénéficie de ces prestations moyennant
le versement d'une contrepartie financière. La nature de ces rapports
est tout aussi importante puisqu'elle détermine l'application des
règles du droit de la consommation et des règles civiles
contractuelles. La promotion de l'investissement doit être faite par une
action sur les règles d'accès et les composantes du
marché. Mais le marché des télécoms appelle
à l'intervention d'un certain nombre de règles relatives aux
entreprises en tant que telles. Des règles qui dans le cadre de la
promotion de l'investissement font l'objet d'une harmonisation.
CONCLUSION
Aujourd'hui, l'économie privée est
considérée comme la source principale de création de
richesse et le moteur du progrès économique et social. Donc,
c'est en faisant fructifier, dans les conditions de liberté les plus
larges possibles le capital qui lui est confié, que l'entreprise
privée contribue à la prospérité de toute la
société. C'est dans cette optique que s'inscrit l'Etat
sénégalais en privatisant certains secteurs réputés
névralgiques et qui relevaient de son contrôle direct. La
privatisation est conçue comme un instrument de management public.
Ainsi, l'Etat se décharge de certaines de ses responsabilités ou
de certains biens ou services pour les confier au secteur privé. En
effet, l'ouverture du capital de la Sonatel au privé, donc la
privatisation de cette lui permet de mieux s'adapter au nouveau contexte de
plus en plus concurrentiel.
Le secteur des télécommunications est
actuellement en cours de libéralisation. De ce fait, le marché
doit être ouvert à d'autres opérateurs pour instaurer la
concurrence. Mais quelques conditions préalables doivent être
satisfaites pour que cette privatisation puisse contribuer à la
croissance économique et donc, à l'amélioration du bien
être social.
Dans les secteurs qui conduisent à la
création ou à la persistance d'une situation de monopole naturel,
la privatisation ne peut être économiquement efficace que si elle
s'accompagne d'une réglementation forte et effective des monopoles. Ce
processus ne devrait pas précéder la mise en place du
système de réglementation. En effet, la gestion publique d'un
monopole est plus efficace que la privatisation en l'absence d'une
réglementation forte et effectivement appliquée. Le danger de
privatiser, avant de mettre en place un cadre concurrentiel ou une
réglementation efficace dans le cas des monopoles naturels, vient du
fait que, une fois que l'on crée un intérêt privé,
il a la motivation et les moyens financiers de maintenir sa position de
monopole en étouffant la mise en place d'un cadre réglementaire
et la concurrence, et en semant au passage la corruption dans la vie politique.
Ainsi, la privatisation de la Sonatel est le déclic qui a
favorisé la nouvelle réglementation dans le secteur des
télécommunications dans la mesure où l'initiative
privée doit désormais prospérer et que les
autorités doivent faire face au processus de transition du monopole
administratif au marché réglementé.
Au-delà, l'arrivée de nouveaux
intervenants, plus professionnels (entreprises étrangères), doit
avoir un impact bénéfique sur l'ensemble de l'économie en
introduisant de nouvelles méthodes de gestion et en permettant une
réduction des coûts de production.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
1
Partie I/ Analyse de la situation actuelle du
marché des télécommunications
4
Chapitre I / La privatisation de la Sonatel et
ses conséquences
4
Section I / La structure du monopole de la Sonatel
sur le segment du fixe
5
Paragraphe I / La politique optimale du
monopole
5
Paragraphe II/ La poitique de prix : la
discrimination entre les consommateurs
10
Section II / Les conséquences du monopole de
la Sonatel
16
Paragraphe I / La restriction de la production
16
Paragraphe II / La recherche de rente
18
Chapitre II / La libéralisation
progressive du marché des télécommunications
20
Section I / L'ouverture du marché
20
Paragraphe I / L'intéret des
enchères dans la gestion publique
21
Paragraphe II / Le processus de
libéralisation du secteur
26
Section II/ Quelle régulation pour une
industrie de réseau ?
29
Paragraphe I/ Du monopole
réglementé à l'ouverture à la concurrence
29
Paragraphe II / La nécessité
d'une autorité sectorielle
31
Partie II / Le problème de la
réglementation
36
Chapitre I / Les politiques publiques dans le
secteur des télécommunications
37
Section I / La concurrence comme un facteur de
développement
37
Paragraphe I / Les mesures incitatives
à la concurrence
38
Paragraphe II / Le monopole de la
Sonatel : un frein à la concurrence
40
Section II / La théorie des
marchés contestables
41
Paragraphe I / La contestabilité parfaite,
un critère d'un marché idéal
41
Paragraphe II / Les avantages de la
contestabilité parfaite
43
Chapitre II/ Investissement et bien être
social
47
Section I / L'investissement, moteur de la
croissance durable
48
Paragraphe I / Les effets à court terme de
l'investissement
48
Paragraphe II / L'investissement et la croissance
durable
51
Section II / Les moyens de promotion de
l'investissement dans le secteur des télécommunications
52
Paragraphe I/ Le crédit à
l'impôt
52
Paragraphe II / La régulation
54
CONCLUSION
59
* 1 Libéralisation du
service de téléphonie mobile depuis 1998.
* 2 Depuis 1998, on assiste
à une concurrence limitée sur le segment de la
téléphonie cellulaire où deux opérateurs (SONATEL
et SENTEL) se partagent le marché.
* 3 Le marché des
télécommunications a crée 30000 emplois directs avec les
télé centres, cybercafé, et autres distributeurs de cartes
téléphoniques.
* 4 En situation de concurrence
pure et parfaite, le prix est déterminé par le marché
(prix du marché).
* 5 Le monopole a la
possibilité de fixe son propre prix de vente.
* 6 C'est la surface
située en dessus de la courbe de demande.
* 7 C'est la surface
située au dessus de la courbe d'offre.
* 8 La fonction de demande
inverse exprime le prix en fonction de la quantité, pour chaque niveau
de demande de bien 1, elle mesure le prix du bien nécessaire pour que le
consommateur choisisse ce niveau de consommation.
* 9 Chaque vente de chaque
unité au prix maximum que l'acheteur est prêt à payer
caractérise la discrimination.
* 10 Elle mesure, pour
chaque niveau de demande de bien, le prix de ce bien nécessaire pour que
le consommateur choisisse ce niveau de consommation.
* 11 Prix
déterminé par le marché en référence
à l'ensemble des entreprises concurrentes.
* 12 Ou, symétriquement,
à un acheteur désirant acquérir un objet unique et
indivisible de sélectionner le fournisseur parmi plusieurs
concurrents.
* 13 Il peut se
présenter des cas où les objectifs du vendeur sont plus
complexes, par exemple savoir entre quelles mains l'objet vendu va tomber, quel
usage va être, d'où proviennent les ressources financières
de celui qui achète etc.
* 14 Cf. Mougeot et Cohen
[2001], rapports sur Enchères et gestion publique.
* 15 Le code des
télécommunications en énumère 13 au total (article
22). Voir annexe
* 16 Levy B. et Spiller
P.T.(1996), Regulations, Institutions and Commitment : Comparative Studies
of Telecommunications, Cambridge, Cambridge University Press.
* 17 C'est la
répartition équitable des ressources ou des charges entre ceux
qui doivent les consommer ou les supporter.
* 18 Politiques qui s'opposent
aux situations de monopole et aux pratiques restrictives et qui encouragent la
concurrence
* 19 Article 5 du code des
télécommunications.
* 20 Prix Nobel
d'économie en 1970, auteur en 1939 de Interactions between the
Multiplier Analysis and the Principle of Acceleration.
* 21 Point d'un processus
responsable de la limitation de la capacité de production.
* 22 Disposition du code fiscal
selon laquelle l'Etat autorise une entreprise à déduire de ses
impôts une somme égale à un pourcentage de ses
dépenses d'investissement.
* 23 Ce sont des fonds
dédiés aux salariés d'une entreprise. Les fonds
collectés sont investis dans le cadre de l'intéressement et de la
participation des salariés de l'entreprise aux résultats.
* 24 Impôt sur les
sociétés
* 25 Art 22 CT.
* 26 Art 2.6 CT Il s'agit
souvent des infrastructures d'une entreprise dont l'activité principale
n'est pas une activité de télécommunications mais qui a
besoin d'infrastructures de communication pour les besoins de son
exploitation.
* 27 Art 35
* 28 Art 31 CT. Ces
informations concernent les modalités d'ouverture du service ; la
couverture géographique ; les conditions d'accès ; la
nature des prestations objet de service ; les tarifs qui seront
appliqués aux usagers.
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