WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Dynamiques transfrontalières et développement local urbain dans un contexte de décentralisation: le cas de la commune de Rosso Sénégal

( Télécharger le fichier original )
par Souleymane Diallo
Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal) - DEA de géographie (Aménagement Environnement et Développement 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PROBLEMATIQUE

Le propre d'une agglomération urbaine est d'établir avec son arrière-pays, plus ou moins étendu, des liens multiples qui traduisent une complémentarité démographique et économique. « La ville n'est pas un point isolé au sein d'un milieu atone. Des impulsions lui viennent de l'extérieure proche ou lointain et sous diverses formes... » 3(*). Aussi entretient-elle avec son environnement lointain ou immédiat des relations qui sont essentielles pour sa structuration économique et sociale. Comme le dit GARNIER « la ville noue des relations avec d'autres villes qui lui sont proches ou lointaines, qui entretiennent des relations avec elle »4(*). On note ici un pouvoir d'attraction de la ville (de l'agglomération) qui comme l'affirme VANNETIER, « s'exerce principalement dans deux domaines : humain et économique »5(*). Le dynamisme d'une économie urbaine, l'identification des facteurs qui font sa faiblesse ou sa performance, sont des éléments incontournables pour envisager et définir les voies qui permettent d'assurer des conditions de vie acceptables aux populations.

D'une manière générale, l'économie d'une ville peut être considérée comme étant constituée de quelques complexes d'activités correspondant à quelques fonctions essentielles de la ville. Parmi ces fonctions on distingue: celle de nourrir, de subvenir aux autres besoins essentiels des populations, de produire, de faire circuler l'argent, d'administrer, d'échanger etc. La capacité que peut développer une ville à nouer et à entretenir des relations avec d'autres homologues contribue beaucoup à la construction d'une économie locale dont la bonne tenue reste largement dépendante de la qualité, de l'efficacité et de l'efficience de ces relations. Ces dernières sont vécues à tous les niveaux et secteurs de la vie économique et sociale. Ce sont principalement des relations d'échange qui concernent l'essentiel des domaines d'activités.

Cette réflexion sur les économies locales des villes du Delta intervient dans un contexte où les politiques de décentralisation sont en cours d'expérimentation ou d'exécution dans la plus grande majorité des pays de l'Afrique de l'ouest particulièrement au Sénégal. Les politiques de décentralisation ont comme fondement et se caractérisent par la responsabilisation plus accrue des collectivités de base qui sont devenues des structures autonomes. Cette autonomie recouvrée des établissements humains à caractère urbain est un pas considérable dans la dynamique et le processus de responsabilisation des sociétés à la base mais elle pose néanmoins la problématique du développement des agglomérations urbaines périphériques de dimensions petites et moyennes. Au Sénégal, il est clairement indiqué que: «  pour accomplir les missions de développement qui leurs sont dévolues, les collectivités locales disposent...de ressources propres. »6(*) Cette disposition est très claire dans sa formulation mais elle ne définit que partiellement les ressources des collectivités locales et ne permet pas d'avancer quand il s'agit de définir les potentialités locales. Quand bien même, au Sénégal, la décentralisation est un mode de gouvernement et aussi une sérieuse option adoptée par l'Etat pour asseoir les conditions d'un développement local durable.

Il faut cependant souligner que les réussites espérées de ces politiques de décentralisation restent liées, d'une part, à la capacité de ces structures de base de définir, d'identifier et de mobiliser les ressources locales dont elles disposent et, d'autre part, au dynamisme de tous les acteurs intervenants en leur sein, qu'ils soient publics ou privés, institutionnels ou non institutionnels, formels ou informels.

En effet, la responsabilisation des collectivités locales signifie une diminution des interventions de l'Etat central qui n'est plus, ni le seul, ni le principal acteur du développement. Ce désengagement de l'Etat est plus ressenti par les collectivités dites de dernière génération. Il s'agit des petites et moyennes villes, localités éloignées des centres de décisions comme c'est le cas des villes de la région de Saint- Louis. Nombre de petites villes de la région administrative du Nord du Sénégal ont acquis le statut de centre urbain en dehors du contexte de l'Etat-providence, l'Etat bâtisseur des cités. Elles n'ont donc pas profité des « prodigalités » de celui-ci et, par conséquent, n'ont pas bénéficié des investissements comme ce fût le cas de leurs aînées. Cette situation nouvelle déteint les modes de fonctionnement de ces organismes dont l'éloignement et la marginalité sont à l'origine de nouveaux comportements tant du point de vu social, politique, qu'économique. Les villes du Delta du Sénégal semblent dans ce cas. Leurs structures économiques et leur mode de fonctionnement font l'objet de multiples réflexions et d'études surtout avec les nombreuses difficultés qui freinent le décollage franc du secteur de l'agriculture qui pendant longtemps - durant la colonisation et pendant les premières décennies d'indépendance est restée une priorité et une des options phares dans la quête de développement avec des fonds énormes qui ont été investis notamment dans l'aménagement de la vallée avec les résultats que l' on voit - fût considéré comme la locomotive qui devrait tirer la région vers le développement économique et social.

Avec une structure démographique fortement caractérisée par une augmentation de la population d'une manière générale d' une part et, d' autre part, un accroissement exponentiel de la proportion des jeunes dans cette population globale, ajoutées à cela les crises économiques et financières qui ont poussé l'Etat du Sénégal à s'engager dans la voie de l'ajustement structurel avec ses corollaires, il est évident que les secteurs de l'économie primaire se trouvent asphyxiés et ne sont plus, tout à fait, capables d'absorber tous les flux et les demandes en offrant du travail et des occupations générateurs de revenus etc. Pourtant, dans les villes du Delta, les économies locales fonctionnent tant bien que mal. Mieux, elles recouvrent de nouvelles prérogatives et de nouvelles missions dont la réussite dépend, en grande partie, de leurs possibilités et capacités économiques. C'est pourquoi, il est nécessaire de les examiner pour mieux les appréhender.

Pour comprendre l'économie des villes de la région nord du Sénégal, il faut les repositionner dans leur situation de cités « à la marge» : très éloignées des centres de décisions, très loin de la capitale politique et administrative du pays. Saint-Louis qui est le chef-lieu de région n'est pas doté d'une assez puissante capacité d'attraction sur elles. Du coup, elles ne lui sont pas directement dépendantes. Ces villes sont aussi marquées par leur proximité avec les localités du Sud mauritanien avec lesquelles elles développent et entretiennent des relations plus ou moins intenses. S'il est admis que, pour tout établissement humain « l'espace voisin, les organismes analogues peuvent être des domaines d'interférence potentiels privilégiés»,7(*) il est alors indéniable qu'il existe des interférences entre les villes mauritaniennes et celles de la région de Saint-Louis. Ces dernières revêtiraient même un caractère spécifique et primordial. Dans ce contexte territorial précis, la proximité joue un rôle très important. La présence d'une frontière qui se remarque par son extrême porosité que les deux Etats ont du mal à contrôler et à surveiller, « ne supprime pas les solidarités de fait ... » entre les deux territoires qui, du reste, font partie du même bassin frontalier : -le bassin frontalier Sénégalo-mauritanien avec les divers types de complémentarités socio-économico-culturelles qui les caractérisent.

Dans l'armature urbaine de la vallée, on note l'existence de villes bordières, anciennes escales qui ont prospéré avec la colonisation et qui s'égrènent le long du fleuve Sénégal. Ce dernier représente la limite septentrionale du territoire national et n'en constitue pas moins la frontière avec la Mauritanie. Ces localités bordières sont les lieux de dynamismes locaux. L'existence d'une frontière ne semble point être un obstacle encore moins un frein qui les empêche de se tourner les unes vers les autres. D'ailleurs, le fleuve n'a jamais été vécu par les peuples de la vallée comme un obstacle encore moins comme une frontière8(*). Cette ouverture a favorisé l'existence de relations plus ou moins intenses dans divers domaines variés : matériels et immatériels. On peut noter des échanges de services, de biens, de ressources naturelles, de populations etc. On les observe également dans les domaines socioculturels et commerciaux.

Les échanges commerciaux sont, sans conteste, les plus prépondérants. Ils concernent essentiellement les produits et marchandises, les denrées de première nécessité, des matériels divers: appareils électroniques et électroménagers. Aucun doute ne persiste en ce qui concerne l'importance et la diversité des échanges effectués entre ces deux Etats. Cette activité fournit des dividendes considérables (ressources assez importantes) aussi bien pour les Etats que pour les collectivités locales directement concernées, grâce aux taxes prélevées sur les biens et les personnes et sur la valeur ajoutée. Aujourd'hui, ils occupent une partie non négligeable de la population locale ainsi que des personnes venues d'autres localités plus ou moins lointaines qui animent ainsi les activités à la frontière.

Les échanges sont relativement dynamiques et se font au niveau des deux Etats qu'on peut qualifier d'officiels, de formels dont les volumes sont susceptibles d'une évaluation car passant par les voies officielles. Cependant, la majorité des échanges se fait en dehors des règles préétablies donc en toute illégalité. Ce fait rend difficile et ardue toute perspective d'un diagnostic ou d'une évaluation. En effet, il est pratiquement impossible de dresser des statistiques fiables qui puissent rendre compte de manière fidèle et scientifique l'information sur les quantités et la qualité, mêmes approximatives, des échanges effectués.

La frontière qui se confond ici avec le fleuve est le modèle type de frontière poreuse. Les villes et la multitude des villages qui la jalonnent, jouxtent d'autres villages sur la rive droite. On assiste alors à une démultiplication des points de transit avec comme conséquence première la dispersion des flux frontaliers. La seconde est la perte du monopole du trafic des marchandises et des personnes pour la ville de Rosso Sénégal malgré son poids important dans le dispositif global des échanges frontaliers. Une bonne partie de ces derniers se déroule au niveau des villages frontaliers qui sont ainsi des relais puissants dans la distribution des marchandises dans les localités de la région. Ce rôle de relais des villages et hameaux logeant le fleuve est rendu possible par l'existence presque dans chacun de ces points de passage d'une flotte piroguière et des populations riveraines qui, naturellement, maîtrisant la zone mieux que les agents de la douane, participent au trafic rendant ainsi difficile toute action de surveillance.

Cela pose, bien entendu, la problématique des réseaux d'échange, de leurs acteurs, de leurs composantes, de leur organisation et de leur animation. Il serait intéressant d'étudier la configuration de ces réseaux mais aussi et surtout leur opérationnalité dans le contexte géographique et socioculturel de notre cadre d'étude : Rosso Sénégal.

Les échanges transfrontaliers attirent dans la ville de Rosso un nombre important d'acteurs et d'activités qui constituent l'épine dorsale de l'économie locale. Celle-ci englobe l'ensemble des activités et des transactions dont les gens dépendent pour leur vie quotidienne. Une bonne partie de population de la ville de Rosso Sénégal trouve sa raison d'être et ses activités de subsistance dans le niveau de base de l'économie. Cette dernière a, en effet, fait ses preuves en ce qui concerne ses capacités de création d'emplois, de génération de ressources, d'accès aux biens etc. Si on reconsidère aujourd'hui la situation économique de cette cité frontalière, on voit qu'elle est aussi sensible à l'environnement macro économique et politique.

Rosso fait partie des dernières communes instituées au Sénégal. C'est, à tout point de vue, une ville de transit, une cité carrefour, un couloir d'échange, une étape, un passage presque obligé. Elle coïncide aussi à une limite de deux zones de monnaies différentes ce qui en fait un vivier d'opportunités économiques importantes dans le cadre des lois économiques évidentes. Sa communalisation récente, outre le fait de lui conférer un nouveau statut et de nouvelles responsabilités politiques, vient poser la difficile question du développement urbain. Ce dernier passerait non seulement par sa capacité de mobilisation des ressources mais aussi par les compétences des acteurs locaux à transformer les potentialités locales en ressources au service du développement local. Pour la ville de Rosso Sénégal, il est possible de voir les secteurs qui sont les constituants traditionnels des économies des villes de la vallée à savoir : l'agriculture, l'élevage et la pêche qui apparaissent parfois comme leurs seuls avantages comparatifs. Seulement, pour ce qui est du cas précis de Rosso Sénégal, en plus de ces secteurs traditionnels, s'ajoute un autre qu'il est difficile de ranger mais qui est un fait économique, géographique et politique assez important : le secteur des échanges frontaliers. Il est à même de devenir une mine de potentialités qui peut s'avérer une source de ressources dont la mobilisation et la bonne utilisation est susceptible d'impulser l'épanouissement économique et social de la collectivité. Ce dernier dépendra davantage des investissements que consentira la commune mais aussi des efforts que les acteurs économiques et institutionnels aussi bien nationaux que locaux accepteront de fournir. Elle sera condition, également, de la prise de conscience des acteurs en présence que l'effet frontière, au lieu d'être toujours lu comme une entrave, doit faire l'objet d'analyses plus approfondies pour servir à l'épanouissement de la localité.

Par ailleurs, l'avenir économique et socio-démographique de la ville apparaît indissociable au fleuve (la frontière), à la «mouvance sénégalo-mauritanienne »9(*) et surtout à la dynamique sous-régionale. Donc, il se pose la question de savoir quel est le rôle que jouent les dynamiques transfrontalières dans la gestion de la ville, dans la promotion économique et sociale et dans ses objectifs de développement ? La frontière est-elle pour Rosso Sénégal un catalyseur d'énergies suffisamment puissantes et efficaces pour procurer à la nouvelle collectivité les ressources de son épanouissement ? Ou bien, au contraire, les activités transfrontalières constituent-elles des handicaps au détriment de certains secteurs de l'économie urbaine du fait de l'absence d'une complémentarité entre les économies des deux pays voisins ? Quelle place doit être accordée aux activités frontalières dans le processus de diagnostic, d'identification et d'exploitation des ressources qui sont le socle sur lequel repose toute la problématique du développement local des collectivités territoriales et, par conséquent, de Rosso Sénégal ?

V HYPOTHÈSES DE RECHERCHE :

1. Les échanges transfrontaliers, catalyseurs de nombreuses activités impliquant une mosaïque d'acteurs intervenants, participent à la structuration de l'économie locale de Rosso Sénégal.

2. Les échanges frontaliers constituent le principal levier du développement local de la commune : grâce aux ressources générées par la frontière, au degré d'appropriation du territoire et à l'identification à celle-ci des les populations ; au niveau de conception et de participation au projet de développement local. (Cette participation au développement local se lit dans la capacité de gestion et de mobilisation des ressources par les acteurs en charge du développement économique et social et, enfin, par les compétences de négociation et de synergie avec les autres collectivités nationales et /ou mauritaniennes qui lui sont proches et avec lesquels elle partage le même cadre géographique.)

* 3 Pierre VANNETIER, 1991,  Les villes d'Afrique tropicales, Masson 2ème édition, Paris 334pages.

* 4 Jacqueline Beaujeu GARNIER (1997) « géographie urbaine »,4ème édition Paris, 349 p.

* 5 Pierre VANNETIER, 1991, op. Cit.

* 6 Code des collectivités locales du Sénégal. Ce document sert de cadre légal et règlementaire de la décentralisation au Sénégal

* 7 Jacqueline Beaujeu GARNIER, 1980, Géographie urbaine, 1ere édition 

* 8 Voire Boubacar BARRY, (1999), « Histoire et perception des frontières en Afrique du XIXème siècle au XXème : les problèmes de l'intégration Africaine » in Des frontières en Afrique du XIIème au XXème siècle. UNESCO/CISH. www.unesco.org

* 9 Bouna Warr et ali. Relance des économies locales du Delta. Club du sahel/OCDE, 1998

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry