1.3. Les critiques
1.3.1. Critique de l'instrumentalisation du journalisme
Albert Londres, grand reporter français du
siècle passé, soulignait par ces propos le rôle de
contre-pouvoir du journaliste, parfois dérangeant, touj ours utile :
<< Un journaliste n 'est pas un enfant de choeur et son rôle ne
consiste pas à précéder les processions, la main dans une
corbeille de pétales de roses. Notre métier n 'est pas de faire
plaisir, non plus de faire tort, il est de porter la plume dans la plaie
>>1. Ce rôle joué par les médias est
cependant contradictoire: constituant indéniablement une institution
politique à part entière, le quatrième pouvoir a deux
grandes faiblesses : d'une part, il est détenu par des personnes qui
n'ont été ni élues, ni nommées pour leur
compétence. D'autre part, il est sujet aux exigences commerciales comme
toute autre entreprise.
Pour résoudre cette équation, la solution la
mieux adaptée, mélange de droit et de responsabilité
socioprofessionnelle, c'est la déontologie. Cet instrument, ensemble de
principes et de règles établis par la profession, a une vocation
: permettre aux médias de servir au mieux les individus qui composent
son public.
Parmi les principes de base de la déontologie
journalistique, l'un deux nous intéresse particulièrement dans
cette étude : il s'agit de l'indépendance des
médias. Ce principe, largement accepté dans nos contrées
dites démocratiques, consiste en l'affirmation selon laquelle le
journaliste n'a de compte à rendre à personne, si ce n'est
à son public, puisque c'est son intérêt qu'il tend à
servir. Pourtant, cette indépendance se révèle, somme
toute, fort relative : un directeur d'une maison de presse peut-il
réellement s'offrir le luxe de faire un pied de nez à un
actionnaire en publiant une enquête négative sur la qualité
de ses produits ? Est-il réellement indépendant de l'État
lorsque celui-ci lui alloue des subsides conséquents ? La presse se
meurt sans revenus publicitaires. Peut-on dès lors la qualifier de libre
? Commercialement, non. D'où l'exigence d'une totale transparence en
matière de propriété et de gestion des
médias2.
1 Cette phrase devenue célèbre est tirée de
Terre d 'ébène, qu'il écrit au retour d'un
séjour de quatre mois en Afrique française, en 1927. L'ouvrage
est un violent réquisitoire contre la politique coloniale
française.
2 Résolution 1003 du Conseil de l'Europe sur
l'éthique du journalisme, article 12.
Politiquement, un média est rarement neutre. Pourtant,
une orientation idéologique des éditeurs doit être
légitimement respectée pour autant qu'elle soit limitée
par les exigences incontournables de la véracité des nouvelles et
de rectitude morale des opinions, exigées par le droit fondamental des
citoyens à l'information1. Qu'un organe de presse adopte une
orientation idéologique reste donc possible, s'il respecte certaines
conditions. Le danger ici n'est donc pas de présenter une orientation
politique, puisque celle-ci est déontologiquement acceptable, mais
d'arriver à rester indépendant de toute pression,
intérieure ou extérieure, consciente ou inconsciente,
affirmée ou insinuée. La presse ne doit servir aucun
intérêt particulier, si ce n'est celui de ses publics, dans toute
leur diversité. Elle doit aspirer à offrir les qualités
d'un service public - au sens de << responsabilité sociale
>> et non de lien avec l'État -, offrant une tribune à
toutes les orientations politiques et sociales, assurant au mieux les
différentes tâches dont elle a la fonction : observer et fournir
une image représentative du milieu environnant, assurer la communication
sociale, transmettre la culture ainsi que contribuer au bonheur via le
divertissement.
Dès lors qu'un journal, une radio ou une station de
télévision dédie ses pages ou ses ondes à la gloire
de l'État, d'un modèle politique, d'une religion, ou d'une race,
on se doit de rejeter ce type de production de la catégorie <<
journalisme >>, pour la classer dans la rubrique << propagande
>>. C'est en cela que l'on se doit de rejeter le journalisme dès
lors qu'il se met au service de... de quoi au juste ? De quoi que ce soit qui
diffère de l'intérêt du public, de ses besoins et de ses
désirs.
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