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Les obstacles à la bonne qualité de l'eau dans les rivières péri-urbaines. L'exemple du bassin versant de l'Azergues (Rhône)

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par Nicolas Talaska
Université Lumière Lyon 2 - Maîtirise de géographie 2007
  

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1.2 Les enjeux de l'assainissement révèlent l'ubiquité de la qualité de l'eau

La primauté accordée aux travaux d'assainissement dans le cadre du contrat de rivière peut s'expliquer pour plusieurs raisons.

La première tient à la compétence historique des contrats de rivière. « Conçus, à l'origine comme des outils pour la mise en oeuvre des cartes d'objectifs de qualité » 104(*) issus de la loi de 1964, les contrats de rivière ont largement gardés ce champ d'action, même si leurs missions se sont élargies aux milieux aquatiques, en relation avec leurs bassins versants, et non plus exclusivement à la rivière105(*). Le volet A des contrats de rivière (réduction des pollutions) capte toujours la plus grosse part du budget. Le contrat de rivière Azergues le démontre.

La seconde raison tient au problème général de l'assainissement en France. La mise en conformité des systèmes de traitements des eaux usées au titre de la directive européenne Eaux Résiduaires Urbaines (ERU) de 1991 accuse un sérieux retard en France106(*). Cette directive fixait des objectifs de moyens pour réduire les flux de substances polluantes par les eaux de rejets domestiques107(*). Le retard français a déjà conduit à une condamnation par la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), en 2004, pour la mauvaise application de la directive. Cette condamnation visait les agglomérations concernées par l'échéance du 31/12/1998, mais la commission européenne a poursuivi son analyse de l'application de la directive pour les agglomérations concernées par l'échéance du 31/12/2000. Cette situation a abouti, le 13 décembre 2005, à deux mises en demeure qui demandent des précisions pour les agglomérations posant problèmes. Or, en 2007, le problème n'est toujours pas réglé puisque 20 % des collectivités ne seraient pas à jour au vu des obligations de traitements imposées par les directives européennes108(*).

C'est dans ce contexte que l'Etat tente d'accélérer la mise aux normes des traitements des eaux usées pour ne pas avoir à payer les fortes amendes prévues par l'Europe en cas de non respect des directives. Une circulaire publiée en janvier 2007 prévoit ainsi des mesures exceptionnelles pour parvenir aux mises aux normes, préalables indispensables à l'atteinte des objectifs de la DCE sur la qualité des eaux. Par exemple, les préfets pourront utiliser la procédure de « travaux d'office » prévu par le Code de l'environnement. Ce type de circulaire n'est qu'une version plus sévère d'une précédente datée de 2002.

Les collectivités compétentes et responsables de l'assainissement, et derrière elles les élus locaux, n'ayant pas encore satisfait aux exigences de la directive ERU n'ont donc plus le choix. La DIREN Rhône-Alpes abonde dans ce sens en précisant qu'« Actuellement une deuxième condamnation de la France (avec amende et astreintes journalières) paraît hautement probable. La mise en conformité des systèmes d'assainissement est donc une priorité, et tous les efforts qui seront engagés dans ce sens contribueront à réduire l'importance de cette condamnation » 109(*).

Si aucune agglomération du bassin de l'Azergues n'est concernée par la mise en demeure de 2005, certaines collectivités n'auraient pu poursuivre leur urbanisation si elles n'avaient pas engagé la mise aux nomes de leur dispositif de traitement des eaux usées. Par ailleurs, les agglomérations de Anse et de la Basse-Azergues sont soumises à des échéanciers plus stricts car leurs tailles dépassent 10 000 EH110(*), et elles sont situées dans une « Zone Sensible »111(*). Elles devaient donc être aux normes avant le 31 décembre 1998. Ces échéances étaient déjà dépassées lors de la mise en oeuvre du contrat de rivière en 2003.

On comprend alors mieux l'enjeu que représente l'assainissement des collectivités du bassin de l'Azergues. Au-delà de la réduction des pollutions des cours d'eau, il s'agit bien de permettre aux communes de poursuivre leur urbanisation dans un contexte géographique et historique qui y est très favorable. Cette mise en perspective permet de relativiser le discours des élus sur la qualité de l'eau. En réalité le traitement des eaux usées vise moins à protéger l'Ecrevisse à pattes blanches, même si cela y contribue, qu'à respecter les exigences réglementaires, et ainsi permettre le légitime développement démographique, urbain et économique des territoires du bassin versant. On peut alors s'interroger sur la réelle finalité environnementale d'un contrat de rivière dont 75 % du budget est consacré à l'assainissement. Dans la première version du contrat de rivière, l'assainissement représentait même 90 % du budget. Ce à quoi les financeurs se sont refusés en expliquant qu'un contrat de rivière devait programmer d'autres types d'actions, plus orientées vers la protection des milieux aquatiques.

Si le gain environnemental des travaux d'assainissement, en termes d'amélioration de la qualité physico-chimique et biologique de l'eau n'est pas contestable, la récupération d'un discours à tendance environnementaliste par les élus l'est plus. Quelques personnes rencontrées lors des entretiens pensent ainsi que le contrat de rivière est considéré par les élus comme «  une pompe à fric » pour financer des solutions à des problèmes d'urbanisation.

En outre, d'autres acteurs font remarquer que la focalisation sur l'assainissement tend à diminuer l'attention sur d'autres compartiments de l'hydrosystème tout aussi importants, comme les milieux physiques. Or la dégradation physique des cours d'eau contribue à l'altération des qualités biologiques. Cette remarque émane des gestionnaires de rivières (Contrat de rivière et Fédération de Pêche), mais aussi des acteurs régionaux comme ceux de l'Agence de l'Eau. « La prise de conscience de l'intérêt d'agir plus nettement sur le volet de la restauration physique, se heurte trop souvent à une conception de la gestion environnementale encore très axée sur la maîtrise des pollutions. Les rejets sont ressentis comme le facteur essentiel de la dégradation des milieux, celui sur lequel les capacités techniques d'interventions sont bien « rodées » »112(*).

Enfin, si l'amélioration de l'assainissement est nécessaire, ses conséquences en terme d'extension urbaine peuvent avoir des effets indirects négatifs sur la qualité de l'eau. Par exemple, la création de plans d'eau de loisirs peut engendrer de nouvelles perturbations des milieux aquatiques. Parfois situés en tête de bassin de petits cours d'eau, les plans d'eau submergent des zones humides qui font, par ailleurs, l'objet de mesures de protection. Il faut également citer la perturbation des conditions écologiques des cours d'eau à l'aval des retenues qui sont néfastes pour les populations piscicoles et astacicoles.

On voit donc bien toute l'ubiquité de la question de la qualité de l'eau. L'assainissement est une réponse à un problème donné (la qualité physico-chimique de l'eau), à un endroit donné (un cours d'eau ou un tronçon de cours d'eau), à un moment donné (échéance réglementaire). Mais cette réponse peut amener d'autres types de problèmes en d'autres lieux à des moments différents. Cette ubiquité est d'autant plus complexe qu'elle fait intervenir différents acteurs ayant chacun une représentation différente de la qualité de l'eau. La qualité paysagère ou piscicole du plan d'eau vu par le riverain ou le pêcheur s'oppose à la représentation de la qualité du technicien de la fédération de pêche qui verra dans le plan d'eau une disparition des zones de fraies du poisson et une perturbation des conditions écologiques du cours d'eau à l'aval. Or, si ce dernier type de représentation est proche des préoccupations de la DCE, elle l'est beaucoup moins de celle des élus ou des riverains dont la perception de la qualité se base plus sur des critères paysagers. Les élus souhaitent le bien-être de leurs administrés, lesquels ne disposent pas des mêmes critères d'appréciation de la qualité que ceux utilisés dans le cadre de la DCE. Comment dans ce cas parvenir à une « bonne qualité » de l'eau telle qu'elle est définie par la DCE, alors que les prescriptions pour y arriver semblent entrer en contradiction avec les demandes des « profanes » ?

C'est en cela que Treyer remet en cause l'approche écologique et écosystémique de la DCE qui devrait primer à l'avenir sur une approche par les usages113(*). En effet, une partie de la communauté scientifique tend à remettre en question cette approche spécifique de la DCE. Un programme de recherche initié par l'Inra et le Cemagref114(*), dans le but de « doter ces organismes d'un outil d'appui à une réflexion stratégique pour piloter la recherche » dans le cadre des nouveaux objectifs de la DCE, a donné lieu à des analyses du système eau et milieu aquatique plus centrée sur l'eau comme ressource que sur l'eau comme milieu. Par exemple, « la prise en compte de l'ensemble des acteurs et des relations de pouvoir sous-jacentes à toute situation de gestion de l'eau » a été considérée de manière approfondie et pas seulement en terme « d'analyses géopolitiques sur le partage des ressources transfrontalières ».

* 104 DUPORT (L.), 1991, « De l'aménagement intégré à la gestion globale des rivières : Les contrats de rivière ont 10 ans », La houille Blanche, n° 7, pp. 549-552.

* 105 « Depuis la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, la loi paysage du 8 janvier 1993 et le plan risque de 1994, le contrat de rivière intègre l'approche globale de la gestion de l'eau et des milieux aquatiques à l'échelle d'un bassin versant » (SALLES D., 2006, 99).

* 106 « C'est un fait, depuis une quinzaine d'années la France est à la traîne en ce qui concerne la mise en oeuvre de la directive européenne du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires ». Source : Cartel Eau. (Page consultée le 10 mai 2007). Communes : nouvelle circulaire sur la mise en conformité de la collecte et du traitement des eaux usées. [En ligne]. Adresse URL : http://www.carteleau.org

* 107 Les articles 3 et 5 de la directive ERU prévoyaient des échéances échelonnées ;
- au 31 décembre 1998 pour les agglomérations dont les EH sont supérieurs à 10 000 et qui rejettent leurs eaux résiduaires dans un milieu récepteur considéré comme "zone sensible" ;

- au 31 décembre 2000 pour les agglomérations dont les EH sont supérieurs à 15 000 et ;
- au 31 décembre 2005 pour les agglomérations dont les EH sont compris entre 2 000 et 15 000.

Les agglomérations ne correspondent pas à la définition « géographique » commune mais sont définies comme des « Zones dans lesquelles la population ou les activités économiques sont suffisamment concentrées pour qu'il soit possible de collecter les eaux pour les acheminer vers un système d'épuration unique » (Décret du 3 juin 1994 relatif à la collecte et au traitement des eaux usées)

* 108 Cartel Eau, ibid.

* 109 DIREN Rhône-Alpes. (Page consultée le 10 mai 2007). Contentieux Directive ERU pour les échéances 1998 et 2000 - Situation en Rhône-Alpes, [En ligne]. Adresse URL : http://www.rhone-alpes.ecologie.gouv.fr

* 110 EH : Equivalent Habitant. Unité de mesure permettant d'évaluer la capacité d'une station d'épuration. Cette unité de mesure se base sur la quantité de pollution émise par personne et par jour. La directive européenne ERU du 21 mai 1991 définit l'équivalent-habitant comme la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d'oxygène en cinq jours (DBO5) de 60 grammes d'oxygène par jour. 1 EH = 60 g de DBO5/jour soit 21,6 kg de DBO5/an. (Source : http://www.actu-environnement.com )

* 111 Les Zones sensibles ont été délimitées par arrêtés dans le cadre de la directive ERU. Elles identifient des espaces sensibles à l'eutrophisation des cours d'eau. Les délais de mises aux normes, dans ces espaces, sont plus stricts et les systèmes de traitements doivent mieux éliminés le phosphore, élément responsable de l'eutrophisation.

* 112 Comité de bassin Rhône Méditerranée, 2005, Etat des lieux bassin du Rhône et des cours d'eau côtiers méditerranéens : Caractérisation du district et registre des zones protégées, p 187.

* 113 TREYER (S.), 2006, « L'eau et les milieux aquatiques : enjeux de société et défis pour la recherche. Un exercice de prospective. Compte rendu d'une recherche », Nature Sciences Sociétés, n° 14, pp. 91-93.

* 114 SEBILLOTE (M.), HOLFLACK (P.), LECLERC (L.A.), SEBILLOTTE (C.), 2003, Prospective: L'eau et les milieux aquatiques. Enjeux de société et défis pour la recherche, Paris, INRA éditions / Anthony, Cemagref éditions.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote