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Les obstacles à la bonne qualité de l'eau dans les rivières péri-urbaines. L'exemple du bassin versant de l'Azergues (Rhône)

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par Nicolas Talaska
Université Lumière Lyon 2 - Maîtirise de géographie 2007
  

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Chapitre 2 . Postures scientifiques et méthodologie utilisée

1. L'anthroposystème, un concept opérationnel pour approcher les problématiques de la gestion de l'eau

Le concept d'anthroposystème a été formulé dans le cadre du Programme Environnement Vie et Sociétés (PEVS) du CNRS afin de fédérer des champs disciplinaires différents et éclatés sur un objet de recherche commun : l'environnement. Mais « au delà du discours quelque peu incantatoire sur l'interdisciplinarité », ce concept à une vocation opérationnelle pour étudier l'interaction sociétés-milieux à l'échelle (privilégiée) régionale. Les Zones Ateliers ont clairement été créées dans cette optique. Le Bassin du Rhône a obtenu le label « Zone Atelier » en 2001, il s'agit de la Zone Atelier Bassin Rhône (ZABR).

L'anthroposystème se définit comme un « système interactif entre deux ensembles constitués par un (ou des) sociosystème(s) et un (ou des) écosystème(s) naturels et/ou artificialisé(s) s'inscrivant dans un espace géographique donné et évoluant dans le temps. Ces écosystèmes sont occupés, aménagés, et utilisés par les sociétés, ou bien s'ils ne le sont pas, leur existence est nécessaire à leur vie et à leur développement social. Les sociétés qui vivent ou utilisent cet espace sont constituées de groupes sociaux ayant des intérêts et des jeux propres ».35(*)

Le concept d'anthroposystème est très récent dans le champ scientifique. Il a été formulé par LEVEQUE en 2003. Il s'inspire d'autres concepts (l'écosystème de Tansley (1935), le Géosystème de Bertrand (1978, 1982), l'éco-socio-système de Montgolfier (1987)) et fait ainsi partie d'une lignée de concepts qui ont cherché à intégrer dans une analyse globale, dite environnementale, l'interdépendance et l'interaction des systèmes sociaux et naturels. En revanche l'anthroposystème se démarque des autres concepts qui donnent chacun une importance plus grande soit aux systèmes naturels (écosystème et dans une moindre mesure Géosystème), soit aux systèmes sociaux (Sociosystèmes). Les concepteurs de l'anthroposystème se targuent ainsi de considérer le naturel et le culturel sur le même plan d'égalité. « Ces derniers forment un tout du point de vue structurel et sont indissociables dans leurs relations imbriquées, ce qui implique la coévolution fonctionnelle des sous-systèmes naturels et sociaux au fil du temps. »36(*)

Beaucoup de travaux réalisés à partir du concept d'anthroposystème ont concernés, et concernent encore, les systèmes fluviaux. Les Zones Ateliers sont largement vouées à ce type d'approche. Dans le cadre de la ZABR, les travaux de la Maison du fleuve Rhône sur « l'observation sociale du fleuve » optent pour une entrée par les sociosystèmes, mais ils s'intègrent toujours dans des politiques de gestion de l'eau. Une étude anthropologique sur les représentations de la rivière Drôme, par les différents usagers, a permis une gestion éclairée des flux sédimentaire dans le cadre du volet restauration physique du SAGE Drôme37(*). Cette entrée par les sociosystèmes dans le cadre de la gestion de l'eau est devenue nécessaire tant les usages des milieux aquatiques sont multiples et parfois générateurs de conflits. La prise en compte de tous les usages de l'eau est par ailleurs clairement énoncée depuis la loi sur l'eau de 1992 et réaffirmée dans la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 200638(*). La considération du facteur humain dans la gestion de l'eau est aujourd'hui essentielle.

A ce titre, on peut citer les travaux du Groupe de Recherche Rhône-Alpes sur les Infrastructures et l'Eau (GRAIE) qui s'intéressent à « la demande sociale » dans leur programme « aménagement des rivières urbaines et demande sociale »39(*). Des enquêtes sur les pratiques et les perceptions des rivières par les usagers et les propriétaires riverains ont été réalisées dans le cadre de programmes de gestion de l'eau (SAGE et Contrats de Rivières). Cuaz, Meuret, Piégay (1996) en démontrent l'utilité40(*).

2. La prise en compte des perceptions et des représentations pour mettre en lumière les `qualités subjectives' de l'eau

Pour reprendre l'expression de S. Allain (2001), « s'intéresser à la gestion du domaine de l'eau, c'est s'intéresser à la gestion d'un anthroposystème ». Une des portes d'entrée de l'étude de l'anthroposystème-Eau peut être celle qui s'intéresse aux représentations sociales de l'eau. Ce domaine de recherches à été investit par les travaux du GIP Hydrosystèmes dans le cadre de son axe « Hydrosystèmes et sociétés »41(*). Par représentations sociales on entendra « toutes créations sociales ou individuelles de schémas pertinents du réel » (Guérin, 1989). Ch. Aspe explique que les représentations sont des systèmes explicatifs construits par les individus pour comprendre et agir malgré l'incertitude et la complexité des interactions homme-nature dans le cas des problématiques environnementales. Ces construits dépendent des connaissances scientifiques existantes et de leur diffusion mais aussi de la culture des individus.

La prise en compte de ces représentations est essentielle pour comprendre les stratégies que les acteurs mettent en place pour agir sur l'espace, et dans notre cas sur la qualité de l'eau des rivières. D'une manière générale cette posture implique de considérer l'espace géographique dans ses deux dimensions42(*). La première est celle des formes concrètes de l'espace (l'organisation spatiale du bassin versant, les aménagements de la rivière et du lit majeur, etc.), la seconde est le sens de ces formes (les perceptions qu'en ont les individus, les idéologies sous jacentes à la construction des formes spatiales). Prendre en considération le sens de l'espace, c'est donc s'intéresser aux acteurs qui en sont à l'origine. Appliqué à notre sujet de recherche, l'espace considéré est la rivière mais aussi son bassin versant et ce toujours à travers le prisme de la qualité de l'eau. Les acteurs considérés sont des personnes concernées ou impliquées dans la gestion de la qualité de l'eau des rivières (élus locaux, agriculteurs, pêcheurs, techniciens...).

L'analyse des perceptions est elle aussi riche d'enseignements. H. Piégay (2007) souligne le rôle des perceptions négatives du bois mort en rivière dans les difficultés de gestion écologique du fonctionnement physique des cours d'eau. Dans sa thèse sur les contrats de rivières dans le bassin versant de la Saône, A. Brun fait part des divergences de perception de la qualité de l'eau des rivières et de son évolution entre les acteurs de la gestion de l'eau en fonction de leur aire géographique d'intervention43(*). Enfin, une enquête de l'Ifen démontre qu'il existe aussi des divergences de perceptions de la qualité de l'eau des rivières en fonction des catégories socioprofessionnelles44(*).

Ces deux dernières citations démontrent qu'au-delà d'une définition « objective » et scientifique de la qualité de l'eau, il existe des qualités « subjectives » de l'eau portée par des individus ou groupes d'individus. Cette divergence reflète des représentations différentes de ce qui fait la bonne qualité de l'eau d'une rivière. C'est ici une de nos hypothèses. Or ces divergences de représentations peuvent être des obstacles à la réussite d'une politique de gestion de l'eau qui se fixe comme objectif d'atteindre une « bonne qualité » de l'eau déterminée objectivement. En effet comment atteindre un objectif si les acteurs concernés ont une conception différente du contenu de cet objectif ?

Postuler ici qu'il n'existe pas de réel objectif en dehors de nos représentations n'est pas nouveau. Cette conception platonicienne est affirmée chez KANT qui montre que les sciences n'accèdent pas aux objets qu'elles souhaitent étudier, mais à certaines de ses qualités (Bailly, 2001). On l'a vu à travers la définition de la « bonne qualité » de l'eau. Elle ne se définit qu'en ne tenant compte que de certaines caractéristiques de l'eau. Ces réductions pragmatiques du réel, pour établir des normes ou des seuils de qualité en vue d'une politique de gestion, sont liées à des représentations particulières de l'eau non sans rapport avec des contextes sociopolitiques favorables soit à l'exploitation de la ressource en eau, soit à la conservation des milieux aquatiques.

Il importe donc de s'intéresser d'une part aux perceptions de la qualité de l'eau, pour voir si elles divergent des définitions objectives de la qualité élaborées selon des méthodes scientifiques et admises comme références, préalables à toutes actions de gestion de l'eau. D'autre part il faut s'intéresser aux représentations de la bonne qualité de l'eau d'une rivière pour comprendre le sens des actions engagées dans le cadre des politiques de protection ou de reconquête de la « bonne qualité » de l'eau des rivières. Là encore, il s'agit de confronter les représentations des acteurs locaux (agissant dans le bassin versant de l'Azergues) avec les représentations sous jacentes de la DCE, pour la plupart retranscrites dans le SDAGE.

* 35 LÉVÊQUE (Ch.), MUXART (T.), ABBADIE (L.), WEIL (A.), van der LEEUW (S.), 2003, « L'anthroposystème : entité structurelle et fonctionnelle des interactions sociétés-milieux » ; pp 110-129 in Quelles natures voulons-nous ? : LÉVÊQUE (Ch.) et van der LEEUW (S.), (Eds.), 2003, Paris, Elsevier, 324 p.

* 36 LÉVÊQUE (Ch.), MUXART (T.), ABBADIE (L.), WEIL (A.), van der LEEUW (S.), ibid.

* 37 Paradoxes, obstacles et enjeux de la restauration physique de la rivière Drôme. Volet anthropologique du programme « Sciences, transformations de l'action publique et prospective : la gouvernance de l'eau en question dans le bassin de la Drôme ». Programme de recherche EVS-CNRS, dans le cadre du site atelier Drôme de la ZABR. (juin 2005).

* 38 « Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. ». Article 1er.

* 39 Frédéric RICHARD

* 40 CUAZ (M.), MEURET (B.), PIEGAY (H.), 1996, «  L'enquête auprès des usagers et des propriétaires riverains, quel intérêt pour la gestion des rivières ? », Revue de Géographie de Lyon, Vol 71, n°4, pp. 353-362.

* 41 ASPE (C), POINT (P). (Coord), op.cit.

* 42 GUMUCHIAN (H.), GRASSET (E.), LAJARGE (R.), ROUX (E.), 2003, Les acteurs ces oubliés du territoire, Paris, Anthropos Economica, 186 p.

* 43 BRUN (A.), op. cit.

* 44 ROY (A.), 2004, La qualité de l'eau une préoccupation environnementale forte, Institut Français de l'Environnement, les données de l'environnement, N° 91, 4 p.

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