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Les obstacles à la bonne qualité de l'eau dans les rivières péri-urbaines. L'exemple du bassin versant de l'Azergues (Rhône)

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par Nicolas Talaska
Université Lumière Lyon 2 - Maîtirise de géographie 2007
  

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2.2. Les enjeux de la notion « d'état de référence »

La définition de « l'état de référence » revêt une importance capitale car c'est en fonction de lui que sera évaluée la qualité des milieux aquatiques et donc les mesures à mettre en oeuvre pour atteindre le « bon état écologique». Pourtant la définition de cette référence pose quelques problèmes techniques et suscite des interrogations quant à la notion même de référence, autrement dit de normalité.

Un rapide passage en revue de la bibliographie permet de rendre compte des nombreuses difficultés techniques que pose la définition de l'état de référence. Une bonne partie des données est à collecter, et des méthodes d'évaluation appréciant la qualité biologique en fonction des facteurs physiques et physico-chimique restent à élaborer31(*). Se posent ensuite des problèmes d'ordres spatiaux et temporels. Sur le plan spatial, on peut s'interroger sur l'existence même de sites de références pour mesurer l'ensemble des paramètres relatifs aussi bien à la composition et la pollution de l'eau, l'hydrobiologie et l'hydromorphologie (Perreira-Ramos). Sur le plan temporel, l'époque qu'il convient de considérer pour définir l'état de « non perturbation anthropogénique », en fonction des différents paramètres à mesurer, ne fait pas l'unanimité. Des travaux associant plusieurs disciplines pour définir l'état de référence de l'estuaire de la Seine le démontrent. « Pour un sédimentologiste, l'état de référence se trouve vers 1850, avant la Révolution industrielle, avant que l'homme ne modifie la morphologie du lit du fleuve ; pour ceux qui étudient les poissons, l'état de référence se trouve il y a deux mille ans, avant que nos ancêtres n'introduisent des carpes et autres poissons dans la Seine ; pour la pollution chimique, l'état de référence était moins lointain, tandis que pour la pollution microbienne, l'état de référence se trouve avant le Moyen Age, qui était très pollué »32(*). Ces considérations laissent à penser, comme la qualité, que l'état de référence n'existe pas en soi. L'état de référence est relatif et non absolu.

Finalement ces problèmes techniques sont liés à une conception particulière de la nature, sous jacente à la notion d'état de référence. Le « très bon état écologique », défini comme un état non perturbé par l'homme, semble correspondre à l'idée de la nature sauvage, la wilderness des Anglo-Saxons, une nature idéale et idéalisée préexistante à l'humanité (Larrère, 1997). Cette vision de la nature est culturelle, et souvent liée au mythe d'une nature idéale toujours plus ancienne à celle existante. Par exemple, les principes de la gestion patrimoniale des tourbières visent à retrouver un état de fonctionnement écologique définit comme idéal. Mais au fond cet état correspond aux paysages idéalisés du XIXème siècle, « celui qui fut façonné par une paysannerie avec laquelle notre société a rompu au nom du progrès »33(*). Il est aujourd'hui admis, au moins par la communauté scientifique, que la wilderness n'existe pas en Europe. Les paysages naturels actuels sont le fruit d'aménagements de l'homme depuis plusieurs siècles. Or la définition du « très bon état écologique » donnée dans l'annexe de la directive reste assez floue et ne précise pas s'il s'agit, par exemple, de revenir un état pré-anthropique, ou seulement préindustriel (Perreira-Ramos).

En outre, choisir une référence comme objectif à atteindre à l'horizon de plusieurs dizaines d'années, sous-tend l'idée de stabilité. Or cette conception proche du concept de climax est aujourd'hui fortement remise en cause par les scientifiques (Veyret, 2004. Larrère, 1997). L'équilibre des écosystèmes n'est que temporaire. Par exemple, des travaux récents ont mis en évidence la variabilité sur des temps très courts, parfois de l'ordre de la décade, de la morphologie de cours d'eau de têtes de bassins dans des environnements très sensibles à l'érosion des versants34(*). J.P. Bravard (2003) souligne ainsi que « les recherches sur l'histoire de l'environnement, couplant archives naturelles et culturelles, ne font qu'étendre les limites de la variabilité connue ».

L'état de référence est donc bien relatif, et définir cet état relève, comme pour la qualité, d'un choix quant aux critères à prendre en compte. Choisir un état de référence revient à poser la question : « quelle nature voulons nous ? » (Lévèque, 2003). Sans oublier l'interrogation de Morand (1971) : « faut-il conserver la nature ou la nature des hommes ? ». On peut émettre comme hypothèse que le « bon état écologique » vise à conserver la nature puisque les critères retenus pour le définir relève d'une conception biocentrique de l'environnement. Mais au fond il s'agit bien de conserver la nature des hommes puisque le retour à un état de référence est en quelques sortes l'institutionnalisation de plusieurs décennies de revendications environnementales et aussi un moyen de pérenniser des usages anthropiques.

Bref, fixer comme référence un état des milieux aquatiques non perturbé par l'homme reste difficile à définir sur des sites qui restent à trouver. N'est-ce pas ici une « double utopie » ? F. Schmitt parle d'ailleurs, non sans ironie, de « l'utopie environnementale de la bureaucratie européenne ».

On peut toutefois constater le pragmatisme de la DCE qui admet que certains milieux ne peuvent revenir à un état non perturbé. Les MEFM ont pour objectif un « bon potentiel ». En revanche la question reste posée pour tous les autres cours d'eau.

Pour pallier aux difficultés d'atteindre un état écologique utopique, J.P. Bravard (2003) propose d'adopter une « démarche d'écologie prospective » capable de rendre compte et d'intégrer les évolutions conjointes des écosystèmes et des sociosystèmes. Cette démarche s'écarte de la définition d'un stade idéal et ultime de la `bonne qualité' en optant plutôt pour l'intégration, dans les politiques de gestion, des formes de variabilité. Les bases théoriques de cette démarche font appel au concept d'anthroposystème.

* 31 « Les difficultés de mise en oeuvre [de la définition du « état écologique »] sont liées au manque de données de terrain ainsi qu'au manque d'outils scientifiques ». GUERIN (N). (Page consultée le 27 mai 2007). Directive cadre européenne sur l'eau : qu'est ce que le bon état écologique, [En ligne, résumé].

Adresse URL : http://www.aquadoc.fr

* 32 SCHMITT (F.). (Page consultée le 27 mai 2007). L'homme cet intrus, [En ligne].

Adresse URL : http://www.larevuedesressources.org

* 33 BRAVARD (J.P.), 2003, « Dynamiques à long terme des systèmes écologiques ou de l'Eden impossible à la gestion de la variabilité » ; pp. 133-139 in : Quelles natures voulons nous ? : Sous la direction de LEVEQUE (C.) et VAN DER LEEUW (S.), Paris, Elsevier, 2003, 324 p.

* 34 BRAVARD (J.P.), LANDON (N.), 2003, «  Les ajustements du Bez, un torrent du Diois (Alpes du Sud). Essai de micro-histoire géomorphologique. » Colloque d'Hammamet (Tunisie) du 13 au 16 novembre 1998 "Eau et environnement - Tunisie et milieux méditerranéens", Ed. Presses ENS-Fontenay-St-Cloud, Coll. Sociétés Espaces Temps, 2003.

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