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Le Réseau Formation Fleuve au Sénégal : pour une régulation participative de l'offre de formation agricole et rurale

( Télécharger le fichier original )
par Xavier MALON
Université Toulouse 1 Sciences sociales - Diplôme d'Université - Ingénierie de formation et des systèmes d'emploi 2007
  

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Approche par la demande (de formation ?)

Après plusieurs décennies durant lesquelles chacun en était arrivé à estimer que la compétence d'un prestataire de formation se mesurait à la qualité de son catalogue de produits, une inversion de tendance s'est amorcée depuis quelques années, en partie liée au fait que de nombreux organismes, qu'ils soient publics ou privés, se sont contentés de gérer une rente en renouvelant peu leur offre.

Ce constat, largement partagé par les clients habituels, s'est traduit d'abord par une désaffection puis un rejet de l'offre-catalogue (les tentatives de mesurer l'impact réel des formations dispensées sur l'amélioration des performances des bénéficiaires, organisations et individus, n'y sont pas non plus étrangères).

La demande s'est alors largement réorientée vers l'attente de services « sur mesure », individualisés, pour tenter de réduire le gap constaté entre les apports trop abstraits, trop généraux, de la formation, au regard de la complexité et de la spécificité des réalités du terrain.

Bon gré mal gré, les offreurs de formation ont donc été contraints de se réajuster, dans un contexte de concurrence de plus en plus vive. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui, tous les opérateurs de formation se réclament d'une démarche d'approche par la demande de formation.

Dans la région de Kaolack (bassin arachidier), une quarantaine d'entretiens conduits et initiés par le Bureau de la Formation Professionnelle Agricole (Ministère de l'Agriculture) auprès d'acteurs situés sur l'offre, sur la demande, et pour certains sur les deux volets, a mis en évidence que tous revendiquent une approche guidée par la demande de formation, qui recouvre selon les cas des modalités, des postures et des compétences très diverses et parfois assez éloignées.28(*)

Dans certains cas rencontrés, l'expression des besoins a lieu annuellement, à l'occasion d'une assemblée générale villageoise ; parfois, elle constitue une étape, au démarrage du projet. En règle générale, les outils généralement mis en oeuvre sont peu nombreux : diagnostic rapide, étude-filière, entretiens préalables, bibliographie existante sur le sujet.

Force est de constater cependant qu'un biais considérable est introduit au début même du processus ; ce biais se situe à un double niveau :

  • n Au niveau du demandeur, conscient que l'outil formation est généralement le moins coûteux et le plus facilement accepté par le bailleur de fonds sollicité, le problème initialement identifié va plus ou moins consciemment orienter l'intéressé vers une recherche de solution axée sur la formation, couplée avec la pré-identification de personnes ou structures ressources dont les compétences sont reconnues sur ce domaine d'intervention.
  • n Au niveau de l'offreur, qui a donc été approché sur la base de ses compétences en formation, le souhait d'aller dans le sens du demandeur est évidemment légitime, tout au moins commercialement parlant. De plus, c'est un formateur qui va se charger « d'analyser la demande » reçue ; dès lors, on peut mettre en doute sa capacité de recul pour aborder dans une approche systémique le contexte de la future intervention à définir, d'une part parce qu'il ne possède pas nécessairement les outils adaptés, et d'autre part parce qu'il est humain, devant une situation méconnue, de se raccrocher à ce qu'on sait faire.

On constate donc que cette nouvelle approche, proclamée comme une révolution dans le monde de la formation, a peu modifié les pratiques, et n'a que modérément permis d'atteindre les effets escomptés, à savoir une plus grande satisfaction du demandeur, et un impact plus visible sur les pratiques des formés.

Tout au plus peut-on mettre à son actif l'instauration d'un dialogue moins superficiel entre l'offreur et le demandeur, lequel accède ipso facto au statut d'interlocuteur crédible ; il s'agit bel et bien d'une avancée, toutefois l'atteinte des résultats espérés bute encore sur l'absence ou la maîtrise limitée d' outils spécifiques.

Au Sénégal, le diagnostic sur l'offre et la demande de formation agricole et rurale réalisé en 2004, avec l'appui du CNEARC de Montpellier, a permis de mettre en évidence l'intérêt et d'appliquer le concept de construction sociale de la demande de formation. Ce souhait reposait au départ sur la volonté de mettre en pratique les principes issus de l'atelier de 1999 qui a abouti à la définition de la stratégie nationale FAR :

  • n Passer d'une logique de projet d'assistance classique à une logique d'accompagnement où l'initiative est laissée aux acteurs ruraux.
  • n Impliquer les acteurs ruraux dans l'identification et la formulation de leurs propres besoins de formation.
  • n Créer des cadres de concertation entre ruraux et formateurs'

Dans le cadre de l'agriculture familiale, les mêmes interlocuteurs expriment à la fois une demande sociale et une demande économique. Dès lors, les services techniques d'appui au développement, rural comme local, doivent s'adapter pour remplir efficacement leur rôle d'accompagnement des acteurs locaux dans un environnement complexe et fluctuant. Des responsables d'organisations professionnelles agricoles, d'associations de développement féminines, le disent à leur façon :

- « L'environnement de la production est plus important que la production elle-même ».

-« Le travail sur la demande, trop parcellaire, aboutit encore souvent à « des demandes passéistes, éventées », par méconnaissance des opportunités potentielles que pourrait offrir l'environnement global.29(*)

Dans l'approche mise en oeuvre au cours de ce diagnostic dans la région de Ziguinchor30(*), nous avons considéré que :

1) Tout changement technique ou organisationnel durable résulte d'un processus social de construction de problèmes et de recherche de solutions, menés par les professionnels, face à une situation qu'ils jugent difficile,

2) Ces processus de dialogue, réflexion, expérimentation produisent de la connaissance,

3) La formation est un levier, parmi d'autres, d'accompagnement des acteurs dans le changement.

Dans ce cadre, la demande est donc l'expression par les professionnels de leurs préoccupations, dans un cadre qui permet de les transformer en problèmes traitables. Il s'agit donc en réalité d'une demande d'aide à la recherche de solutions, la solution pouvant éventuellement être de la formation.

On parle donc de construction de la demande : une demande ne s'identifie ni ne se recueille, elle n'est jamais donnée, mais construite, grâce à un processus interactif de réflexion. On parle de construction sociale, car l'ensemble des acteurs concernés sont impliqués dans l'analyse et le dialogue.

A la démarche traditionnelle identification, recensement des besoins de formation, nous privilégions désormais l'appui à la formulation d'un problème et la recherche d'une solution (la formation pouvant en être une). Ce passage s'appuie sur les travaux de Jean-Pierre DARRE31(*), docteur en ethnologie et fondateur du GERDAL (Groupe d'expérimentation et de recherche  développement et actions localisées) ainsi que sur les travaux du CNEARC32(*) de Montpellier qui s'en est inspiré. Cette démarche guide depuis 2003 les interventions du Bureau Formation Professionnelle Agricole du ministère de l'agriculture du Sénégal.

Les besoins de formation recensés posent comme évidente la logique du « problème », que sous-tend la demande initiale ; une expression courante traduit parfaitement cette façon de procéder : « recueillir les besoins de formation » ; on serait tenté de forcer le trait en parlant de « cueillette des besoins de formation ».

La réalité est somme toute plus complexe dans la majorité des cas ; un problème s'apparente davantage à une construction intellectuelle qu'à un fruit que l'on cueille, et la recherche de solutions peut commencer quand le problème est formulé. Dans cette perspective, la demande est le point de départ de l'appui, mais : qu'entend-on par demande ? Comment la faire exprimer ?

Le point de départ

une situation, vécue comme non satisfaisante

la demande initiale

un point de vue, une préoccupation (pour l'acteur concerné)

point de vue lui même résultant d'une position sociale et d'une pratique professionnelle

l'appui à la construction sociale de la demande

1- transformation en problème traitable

Aide à l'exploration, à l'extension de la surface du problème

2- formulation d'un problème :

comment faire pour .... ?

3- recherche co-active de solutions

(agriculteurs, élus, agents de développement, formateurs)

Dans ce schéma, les principaux intéressés à l'origine de la demande sont acteurs du processus ; ils participent à la réflexion, à l'analyse de la situation, apportent leur connaissance de l'environnement social, environnemental, économique.

La recherche de solution conduite avec eux rend possible leur prise d'initiative et rend plus improbable la perspective de solutions inapplicables car trop éloignées des contraintes qu'impose le contexte : nous sommes très loin d'un besoin de formation au sens d'une situation subie, au sens d'un besoin physiologique.

C'est pourquoi nous serons tenté de conclure ce paragraphe en considérant qu'il est plus prudent de parler d'approche par la demande, par opposition à l'approche par la demande...de formation.

* 28 Dossier de capitalisation des expériences de formation dans la région de Kaolack -BFPA disponible sur le net.

* 29 Atelier sur l'approche par la demande - Kaolack 06/2006.

* 30 Dossier 1 - restitution finale, in Diagnostic de l'offre et de la demande de FAR 05/2004 (CNEARC-CESAG)

* 31 Auteur de La production de connaissances pour l'action. Arguments contre le racisme de l'intelligence, Paris, Maison des sciences de l'Homme, 1999

* 32 Equipe BROCHET M.- TOUZARD I.-BOUSSOU V. (CNEARC Montpellier)

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