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Le Réseau Formation Fleuve au Sénégal : pour une régulation participative de l'offre de formation agricole et rurale

( Télécharger le fichier original )
par Xavier MALON
Université Toulouse 1 Sciences sociales - Diplôme d'Université - Ingénierie de formation et des systèmes d'emploi 2007
  

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    Xavier MALON Sous la direction

    de François DASCON

    Ecole Nationale de

    Formation Agronomique

    ENFA - TOULOUSE



    MEMOIRE DE RECHERCHE

    LE RESEAU FORMATION FLEUVE AU SENEGAL :

    POUR UNE REGULATION PARTICIPATIVE DE L'OFFRE DE FORMATION AGRICOLE ET RURALE

    Diplôme d'Université

     

    Ingénierie de la Formation

     

    Et des Systèmes d'Emploi

    Janvier 2007

    UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES - TOULOUSE 1

    MEMOIRE DE RECHERCHE

    LE RESEAU FORMATION FLEUVE AU SENEGAL :

    POUR UNE REGULATION PARTICIPATIVE
    DE L'OFFRE DE FORMATION AGRICOLE ET RURALE

    Les agricultures du Sénégal

    TABLE DES MATIERES

    INTRODUCTION 7

    I- PREMIERE PARTIE LE CONTEXTE 10

    I .1- L'importance du secteur agricole au Sénégal 10

    I.1.1- Les missions assignées 10

    I.1.1.1- Nourrir la population. 10

    I.1.1.2- Fournir des ressources en devises 11

    I.1.1.3- Permettre à ses acteurs de vivre de leur travail dans des conditions décentes 12

    I.1.1.4- Gérer l'exploitation durable des ressources naturelles 12

    I.1.1.5- Générer des emplois 13

    I.1.2- Agriculture, pauvreté et sous-alimentation 13

    I.2- La régression de l'agriculture au Sénégal : essai d'explication 16

    I.2.1- De l'ère coloniale au 21ème siècle : des missions de moins en moins assumées 16

    I.2.2- L'évolution des politiques agricole Vs la réalité du développement rural 18

    I.2.3- Un dispositif global de formation professionnelle en lambeaux 22

    I.2.3.1- Formation de techniciens et encadreurs 22

    I.2.3.2- La formation professionnelle des producteurs 23

    I.3- Les défis à relever pour les quinze prochaines années : des enjeux majeurs pour la formation 28

    I.4- La Vallée du Fleuve Sénégal : une région entièrement à part 30

    I.4.1- L'utopie séculaire d'un potentiel stratégique 30

    I.4.2- Un foisonnement d'acteurs et d'initiatives 32

    I.4.3- Un terreau attractif pour les expérimentations 33

    I.5- Le RESOF : une tentative de réponse-formation territorialisée 35

    I.5.1- Des utopies coloniales et post-coloniales de la mise en valeur du fleuve Sénégal, à la Stratégie Nationale de F.A.R de 1999 35

    I.5.2- La naissance du RESOF en 2000 : des ambitions communes affichées, mais une initiative externe 39

    PROBLEMATIQUE 41

    DEUXIEME PARTIE Approche théorique d'un réseau d'acteurs
    de la formation agricole et rurale dans un territoire
    43

    II- DEFINITION DES CONCEPTS MOBILISES 43

    II.1- FORMATION AGRICOLE ET RURALE 44

    II.2- LES RESEAUX 49

    II.3- L'OFFRE ET LA DEMANDE : l'Approche par la demande (de formation ?) 57

    L'offre de formation 57

    La demande de formation 57

    Approche par la demande (de formation ?) 58

    II.4- REGULATION 62

    II.5- REGULATION PARTICIPATIVE 67

    II.6- DEVELOPPEMENT LOCAL 70

    Troisième partie : le Réseau Formation Fleuve (RESOF) 74

    AVERTISSEMENT 74

    III.1- La naissance du RESOF : une finalité équivoque 76

    III.2- Acteurs et systèmes en présence 80

    III.2.1- Les invariants du système RESOF 80

    III.2.1.1- Les informations porteuses de sens 80

    III.2.1.2- Le système à considérer 82

    III.2.1.3- Les marges de manoeuvre du système RESOF 88

    III.2.1.4- Les solutions déjà tentées 90

    III.2.1.5- Les évolutions prévisibles 92

    II.2.2- Les interactions récurrentes 93

    III.3.3- Les produits du système : quelle valeur ajoutée ? 94

    III.4- Un fonctionnement perfectible ? 97

    Conclusion 99

    1- Quelle lecture de l'impact du RESOF ? 99

    2- Quelques propositions pour avancer 100

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 101

    WEBOGRAPHIE 103

    TABLE DES ILLUSTRATIONS 105

    ANNEXES 106

    LA CHARTE DU RESOF 107

    Principes et règles de fonctionnement 109

    REPARTITION DES ORGANISATIONS MEMBRES 113

    Panorama des structures de formation rurale au Sénégal
    (dont la formation est la mission principale)
    115

    Actes de l`atelier de réflexion et de partage sur le pilotage de la Formation
    Agricole et Rurale dans la Vallée du Fleuve Sénégal (30/11 -01/12/2004)
    116

    REMERCIEMENTS

    Je tiens ici à remercier Monsieur François DASCON, professeur à l'ENFA, pour avoir accepté de diriger ce mémoire et pour ses précieux conseils.

    Mes remerciements s'adressent également au coordinateur du RESOF, Monsieur Mody AW, et à Monsieur Jacques FAYE, sociologue rural, pour les informations et le temps qu'ils m'ont consacré malgré des emplois du temps chargés.

    Je remercie enfin du fond du coeur tous mes collègues du Bureau Formation Professionnelle Agricole que je veux nommer ici :

    Monsieur Abdourahmane FAYE,

    Monsieur Souleymane SARR,

    Monsieur Elhadji Abdou GUEYE, Chef du Bureau

    Qui m'ont été d'un grand secours, à chaque instant, par leur soutien moral, leur bonne humeur et leur compréhension.

    Un grand merci enfin à mon épouse et mes enfants, pour leur compréhension sans faille et leur présence irremplaçable dans les moments parfois difficiles.

    INTRODUCTION

    La construction progressive d'un dispositif cohérent et articulé de formation agricole : une impérieuse et incontournable nécessité

    De très majoritairement rurale, la société sénégalaise est passée en quelques décennies à une urbanisation exacerbée, largement alimentée par l'exode rural et l'attrait de l'activité économique foisonnante de la capitale, Dakar.

    Depuis 2004 en effet, la population urbaine représente désormais 51 % de la population totale, et cette proportion va encore croître, nous y reviendrons.

    Cependant, à la différence de pays comme la France, qui a aussi connu ce basculement rural-urbain, le Sénégal ne peut compter sur un secteur secondaire développé et en expansion pour absorber les flux de main d'oeuvre issus de l'exode rural.

    L'activité économique, qui se situe massivement dans « l'informel » (à plus de 90%), n'offre aucune garantie aux plus exposés, c'est à dire à ceux qui n'ont que leur seule force de travail pour faire vivre leur famille ; les diplômés, y compris du Supérieur, ne sont guère logés à meilleure enseigne étant donné l'étroitesse du marché de l'emploi relatif au secteur formel (le seul qui permette de valoriser un niveau de formation certifié).

    Il est difficile dans ces conditions de se construire un avenir, et pire même : de l'imaginer.

    On en mesure mieux aujourd'hui la conséquence la plus visible et la plus médiatisée ; il s'agit du phénomène des « pirogues-people », né immédiatement après les évènements tragiques qui se sont produits dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, en 2005, et dont l'ampleur n'a fait que révéler crûment une émigration moins visible mais croissante jusqu'à cette date.

    Ce phénomène, qui révèle l'état de désespérance des jeunes, prêts à affronter la mort pour une hypothétique clandestinité dans des pays qu'ils ne connaissent le plus souvent que par la télévision, semble vouloir être combattu par les plus hautes autorités de l'Etat depuis mi 2006.

    Celles-ci misent beaucoup sur un plan de retour vers l'agriculture, destiné aux clandestins rapatriés au Sénégal, mais aussi à tous ceux qui sont tentés par l'émigration.

    Toutefois, au vu des conditions de vie peu enviables du paysannat, les jeunes ont largement fait savoir que leurs ambitions étaient toutes autres.

    La question est donc : comment faire pour améliorer l'attractivité des métiers de l'agriculture, tant sur le plan de la réduction de la pénibilité des travaux, que sur celui d'une rémunération plus décente du travail ?

    Un rapide survol du développement rural, au cours des cent dernières années, nous renseigne sur les leviers qui ont été actionnés pour faire décoller le secteur agricole ; ils ont pour noms culture attelée, encadrement et vulgarisation de nouvelles technologies, aménagements hydro agricoles, semences améliorées, intégration verticale de filières destinées à l'exportation, telle l'arachide.

    Pour l'essentiel, la formation n'a concerné que les seuls agents d'encadrement et les cadres techniques de l'Etat, ce qui a pu apparaître logique dans une agriculture administrée, la seule qui intéressait véritablement les décideurs.

    Les quelques tentatives d'expérimentation de formation à l'intention des agriculteurs ont toutes tourné court, du fait de financements non pérennes, et du désintérêt manifeste des principaux bénéficiaires visés.

    Ceux ci se sont très vite rendus compte que les formations proposées (et les formateurs avec) méconnaissaient largement les contraintes de leur propre réalité au quotidien, et ne s'attachaient qu'à transférer des techniques importées d'ailleurs, qu'eux-mêmes n'avaient pas les possibilités financières de mettre en pratique. Sans en connaître le nom, ces paysans touchaient déjà du doigt ce qui s'apparente à une injection paradoxale.

    Nous sommes tentés de résumer tout ceci en soulignant que le développement rural, sous sa forme la plus institutionnelle, s'est focalisé sur l'augmentation de la production, en oubliant de s'intéresser à l'amélioration de la productivité de l'agriculture, et plus encore à la productivité des exploitations agricoles, dans une optique de durabilité et d'amélioration des systèmes de production.

    C'est ainsi que cette agriculture « de cueillette », au sens ou il s'agit prioritairement de cueillir à moindre coût la fertilité des ressources naturelles, a laissé de côté le développement humain (au sens de capital humain). Une expression couramment répandue permet de déceler cet état de fait : si ailleurs on parle de paysans, de cultivateurs ou d'éleveurs, d'agriculteurs, ici le vocable le plus utilisé est sans conteste celui de producteurs : un producteur doit ...produire, c'est sa principale raison d'être !

    Ce faisant, on oublie un peu vite qu'un producteur ne peut se contenter de produire : il doit anticiper sur ses futures spéculations, en fonction du marché, des aléas climatiques, il doit évidemment vendre sa production, combiner au mieux les facteurs de production à sa disposition pour, si possible, vivre du fruit de son travail. Il doit enfin, si les conditions requises sont réunies, essayer de développer son exploitation, pour en vivre de mieux en mieux et satisfaire durablement les besoins de la famille.

    Bien sûr, appliquée de façon solitaire, la solution Formation ne peut seule laisser espérer des gains significatifs de productivité, et à travers eux, une attractivité nouvelle des métiers de l'agriculture.

    En revanche, nous savons désormais que le déploiement d'un dispositif de mesures de relance du secteur, qui ferait l'impasse sur ce levier privilégié pour obtenir des changements, est par avance condamné et donc doublement coûteux.

    La prise de conscience tardive, au plan international, du caractère indispensable et prioritaire d'une Education Pour Tous, va dans ce sens ; c'est désormais fort heureusement une des toutes premières priorités, mais elle ne saurait à notre sens se suffire à elle-même.

    Comment ces Etats, très jeunes et économiquement fragiles, pourront-ils gérer demain les résultats du processus EPT ?

    Ce sont des cohortes de plusieurs centaines de milliers de jeunes instruits et diplômés qui exigeront impatiemment des emplois qualifiés et rémunérés en conséquence, qui n'existent pas aujourd'hui à cette échelle.

    Pour le Sénégal, comme pour ses voisins, il est difficile d'imaginer comment la structure actuelle de l'emploi salarié formel pourrait évoluer pour être à même d'y faire face dans les quinze années à venir.

    Sans rejeter à priori les marges de progrès afférentes à cette frange de l'économie nationale, il semble pour le moins réaliste et urgent se s'attacher à mettre en place des conditions plus favorables aux initiatives individuelles, créatrices d'auto emplois notamment en milieu rural, qui concentre en 2005 plus des deux tiers de l'ensemble emplois et auto-emplois.

    Ainsi, en partant de la finalité recherchée, à savoir des acteurs économiques qui ont envie d'investir et de s'investir dans une activité en milieu rural, nous proposons de « remonter la chaîne des logiques à l'oeuvre », de la façon suivante :

    A la suite de ces constats, nous nous attacherons à étudier comment la formation devrait être imaginée pour en espérer des résultats tangibles : quelles sont les modalités de définition et de mise en oeuvre les mieux à mêmes d'en garantir l'efficacité ?

    I- PREMIERE PARTIE LE CONTEXTE

    I .1- L'IMPORTANCE DU SECTEUR AGRICOLE AU SÉNÉGAL

    I.1.1- LES MISSIONS ASSIGNÉES

    Les travaux de Pierre Debouvry produits au cours de la dernière décennie constituent une référence incontestée au plan international. Partant des missions généralement assignées au secteur agricole, il se livre à un travail approfondi de collecte et d'analyse des données disponibles au niveau d'un Etat, pour mettre en perspective l'évolution en tendance des performances du secteur agricole, à l'aune des projections démographiques pour les vingt prochaines années.

    Nous nous appuierons donc largement sur ces travaux, d'autant plus que nous avons eu la chance de l'accompagner durant deux semaines en octobre 2004, lors de l'étude Sénégal1(*) que le Bureau de la Formation Professionnelle lui avait demandé de produire sur financement Banque Mondiale. (étude disponible sur le site d' Agropolis, ou sur celui du BFPA)

    Ces missions, parfois contradictoires puisque les priorités seront différentes selon les acteurs en présence, peuvent être résumées au nombre de cinq :

    Nous reviendrons sur chacune de ces missions, en indiquant dans quelle mesure elle est assumée par le secteur agricole, dans le cas du Sénégal.

    I.1.1.1- Nourrir la population.

    Si l'on regarde l'évolution des principales productions agricoles de 1990 à nos jours, force est de reconnaître qu'il s'agit au mieux d'une stagnation générale. En parallèle, sur la même période, la population est passée de 7.6 à plus de dix millions d'habitants en 2005.

    L'analyse des importations de céréales (riz et blé) est sans équivoque : celles-ci ont doublé au cours des quinze dernières années, et sur la période 1960 - 2003, elles ont pratiquement décuplé, passant de 90 000 tonnes à 870 000 tonnes en volume annuel, pendant que la population totale triplait ; ces importations ne sont donc pas proportionnelles à l'évolution démographique. Elles sont aujourd'hui du même ordre de grandeur que celles du Nigéria, pourtant douze fois plus peuplé.

    L'évolution des importations céréalières per capita confirme cette dégradation  : (toujours pour la même période) elles ont crû de 72 à 93 kg par habitant.

    Ainsi, il n'est pas exagéré d'affirmer que dans un contexte d'urbanisation rapide, le secteur agricole n'est plus capable d'alimenter correctement les populations des centres urbains, obligeant l'Etat à mobiliser une part croissante de ses devises pour importer la nourriture nécessaire à cette partie désormais majoritaire de la population sénégalaise.

    I.1.1.2- Fournir des ressources en devises

    Les ressources du secteur primaire exportées sont peu nombreuses, il s'agit presque exclusivement, et dans un ordre décroissant, de l'arachide, des produits halieutiques et du coton.

    Pour ce dernier, la production n'a connu qu'une hausse de 10% depuis 1993, pour se situer à environ 55 000 tonnes. La situation est tendue du fait notamment du très haut niveau de subventions pratiqué par les Etats-Unis.

    Après une période de forte croissance, la production halieutique connaît aujourd'hui au mieux une stagnation, du fait de la pression trop forte sur la ressource.

    Enfin, l'arachide est une filière en crise, structurellement, en raison d'une désaffection importante des consommateurs mondiaux, qui lui préfèrent d'autres huiles d'origine végétale.

    De un million de tonnes au début des années 60, la production est tombée à moins de 400 000 tonnes au début des années 2000.

    En partie du fait de la mondialisation des échanges commerciaux, qui induit une concurrence souvent inégale avec les agricultures subventionnées des pays développés, l'agriculture sénégalaise assume à l'évidence de moins en moins cette mission qui, faut-il le rappeler, fut la première assignée d'abord par le colonisateur, puis par le nouvel Etat indépendant.

    I.1.1.3- Permettre à ses acteurs de vivre de leur travail dans des conditions décentes

    En raison de la dégradation de la fertilité, du morcellement croissant des unités de production à chaque génération, de l'absence d'investissements structurels dans les exploitations agricoles mais aussi en milieu rural de façon générale (écoles, santé, approvisionnement en énergie, réseaux de communications), la situation devient critique.

    Les dernières études conduites dans le cadre du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) montrent que la pauvreté se concentre en milieu rural (à près de 75 %) et rend particulièrement fragile cette population.

    Le métier d'agriculteur ou d'éleveur repousse aujourd'hui plus qu'il n'attire, comme le résumait fort bien, lors de la restitution du diagnostic que le Bureau Formation Professionnelle Agricole a conduit avec l'appui méthodologique du CNEARC de Montpellier et du CESAG de Dakar en mai 2004, le représentant régional du CNCR en Casamance en affirmant que «  pour rien au monde, aucun Sénégalais ne voudrait que ses enfants deviennent paysans », et il a défié quiconque parmi les 40 participants présents de lui affirmer le contraire : il n'a pas été démenti !

    I.1.1.4- Gérer l'exploitation durable des ressources naturelles

    Cet aspect a été évoqué indirectement un eu plus haut : la montée des densités rurales, dont la population continue d'augmenter, accentue les prélèvements sur les ressources naturelles (parcours de bétail, sols, ressources halieutiques, déforestation), qui ne disposent plus du temps nécessaire à leur régénération naturelle.

    Les jachères ont quasiment disparu, les sols du bassin arachidier sont en partie victime de remontées salines, tout comme les terres situées de part et d'autre de la route nationale Saint Louis - Matam dans la Vallée du Fleuve Sénégal sans compter l'érosion, les pirogues rentrent au port de moins en moins pleines et les conflits agriculteurs - éleveurs deviennent récurrents.

    On le voit, la dégradation des ressources naturelles, engendrée par la surexploitation, est bien réelle. Si l'on y prend garde, l'abandon de l'activité agricole, déjà en cours dans certaines régions, va prendre de l'ampleur, sans que n'existent des solutions palliatives pour fournir une activité économique à leurs habitants. A terme, sans changement des modes de gestion, c'est bien l'ensemble des capacités productives du secteur qui est menacé, durablement qui plus est.

    I.1.1.5- Générer des emplois

    Nous l'avons abordé dans notre partie introductive : les jeunes générations, qui accèdent plus facilement qu'avant à l'école, ne veulent plus travailler dans les mêmes conditions que leurs parents.

    A ce constat vient s'ajouter le fait que les mentalités évoluent également à la campagne, et qu'il est de plus en plus difficile pour un jeune qui a accès aux médias de masse tels que la télévision, d'accepter d'attendre un âge mûr (autour de 40 ans) pour se voir enfin libre de décider de ses décisions ; les anciens ont en effet toujours la haute main sur le foncier, qu'il s'agisse de la ressource productive ou de la caution qu'elle peut représenter pour accéder au financement de certains investissements productifs.

    Dans cette optique, l'école et le niveau d'éducation qu'elle procure sont perçus comme le moyen privilégié d'échapper à la condition « ancestrale » du paysan ; de plus l'absence d'enseignement des sciences du vivant (tout au moins une initiation) au Primaire ne milite pas en faveur d'une connaissance plus objective du métier de leurs parents.

    Si l'on ajoute à tout ce qui précède un développement plus que timide des métiers d'amont et d'aval de la production, l'on ne s'étonnera guère de l'accentuation de l'exode rural vers les villes et de l'émigration vers les pays du nord. Déjà aujourd'hui, certaines petites régions naturelles sont en proie à un déficit de main d'oeuvre au moment des pointes de travaux agricoles.

    En conclusion, nous sommes contraints de reconnaître que le secteur agricole et rural assume de plus en plus difficilement les principales missions qui lui sont dévolues.

    I.1.2- AGRICULTURE, PAUVRETÉ ET SOUS-ALIMENTATION

    Sous ce titre, nous souhaitons attirer l'attention sur la permanence des maux dont souffrent les ruraux. Nous ne pouvons nous empêcher d'établir un parallèle entre les agriculteurs sénégalais et leurs voisins de Guinée, pays que nous connaissons bien pour y avoir séjourné plusieurs années.

    Le Sénégal bénéficie d'une manne financière considérable à travers l'aide publique au développement bi et multilatérale, sa transition vers l'Indépendance a été réalisée en douceur, sans soubresauts, et sa démocratie est encore aujourd'hui plutôt considérée comme un modèle de réussite dans cette partie du monde.

    A l'inverse, la Guinée « Sékou Touré » comme l'appelle l'homme de la rue, a été saignée à blanc dès le lendemain du « Non » de Sékou Touré au général de Gaulle ; l'administration coloniale est partie en quelques jours, en emportant avec elle sa connaissance et toutes ses archives.

    L'isolement diplomatique qui s'en est suivi, assez mal compensé par l'aide des pays du bloc soviétique et de Cuba, a marqué le début d'une longue descente aux enfers sur le plan économique où la pénurie est devenue la règle commune, et qui s'est accompagnée de la montée en puissance d'un régime dictatorial et passablement sanguinaire (exécution de milliers d'opposants, ainsi que du secrétaire général de l'OUA, DIALLO Telly, exposition fréquente plusieurs jours durant des pendus sous le pont désormais tristement célèbre à l'entrée de la ville, persécution des Peulhs du Fouta-Djalon, plus nombreux à l'extérieur que dans le pays, etc.).

    Dans ce contexte, l'aide international se situe à un niveau infiniment inférieur à celle que reçoit le Sénégal depuis 45 ans.

    Malgré tout, nous sommes frappés par une observation simple, à la portée immédiate de quiconque s'aventure dans le territoire rural de ces deux pays : la condition des paysans est exactement la même.

     
     
     

    Même niveau de revenus, mêmes méthodes et outils de travail, même inconfort de l'habitat (peu de constructions en dur, accès à l'eau et à l'électricité problématique), même indigence des services sociaux de base, taux d'analphabétisme comparable, sous-nutrition à certaines périodes de l'année, taux de mortalité néo-natale et infantile élevés et comparables.

    Tout se passe en fait comme si l'aide au développement, pourtant massivement orientée vers le secteur rural au cours des premières décennies post-indépendance, avait été détourné au seul profit des communautés urbaines ; il n'est pour s'en convaincre qu'à comparer l'architecture de Dakar et celle de Conakry, ancienne perle de l'Afrique de l'Ouest au temps des colonies.

    A tel point qu'aujourd'hui, ce sont près de 30% des sénégalais qui vivent dans la capitale et sa banlieue.

    Nous sommes tentés face à ce constat de dénoncer ce cercle vicieux, où la pauvreté concentrée en milieu rural ne peut guère produire autre chose que des pauvres de plus en plus pauvres, qu'il convient de briser au plus vite, pour éviter autant que possible des catastrophes humanitaires de grande ampleur lors d'une prochaine et inévitable sécheresse.

    Le développement du monde rural ne pourra nous semble t-il s'asseoir durablement que s'il est réellement pris en charge et porté par les principaux intéressés, au quotidien sur le plan local, mais aussi au plan national et sous-régional, à travers la construction d'un poids d'influence significatif pour peser sur la définition des politiques macro-économiques.

    I.2- LA RÉGRESSION DE L'AGRICULTURE AU SÉNÉGAL : ESSAI D'EXPLICATION

    I.2.1- DE L'ÈRE COLONIALE AU 21ÈME SIÈCLE : DES MISSIONS DE MOINS EN MOINS ASSUMÉES

    Il est difficile de résumer plus de deux siècles d'évolution en quelques lignes, aussi face à cette tâche ardue, nous nous bornerons à signaler différentes étapes historiques qui peuvent en donner un aperçu succinct.

    Quelques repères chronologiques2(*) :

    1444 : Nuno Tristâo « découvre »l'embouchure du fleuve Sénégal.

    1628 : Première installation du comptoir du Sénégal.

    1638 : Thomas Lambert s'établit à l'embouchure du fleuve.

    1659 : Fondation de Saint-Louis du Sénégal par Louis Caullier.

    1749 : Mission du botaniste Michel Adanson à Saint-Louis pour étudier la possibilité d'y cultiver des denrées coloniales.

    1763 : Traité de Paris signé par Louis XV et sanctionnant la dissolution du domaine colonial français.

    1783 : Traité de Versailles redonnant le Sénégal à la France.

    1809-1816 : Seconde occupation anglaise.

    1814 : Traité de Paris restituant le Sénégal à la France.

    1815 : Traité de Paris confirmant la restitution du Sénégal.

    Du dernier tiers du XVIIème siècle à la fin du XVIIIème : la traite se développe, caractérisée par une vive rivalité entre la France et l'Angleterre, qui occuperont à tour de rôle et à plusieurs reprises le Sénégal. Cependant, les possessions françaises représentent peu de choses au moment du départ des Anglais en 1816 ; elles se limitent à quelques îlots fortifiés (Saint-Louis, Gorée) et quelques petits comptoirs dispersés sur la côte3(*).

    1848 (27 avril) : Abolition de l'esclavage par la France.

    Les mesures anti-esclavagistes et le tarissement du trafic humain obligent progressivement à une reconversion du commerce, ce qui se traduit par plusieurs missions d'exploration à l'intérieur des terres, durant la première partie du XIXè siècle.

    Mais c'est surtout après 1850, sous l'impulsion de Faidherbe, que va s'esquisser la pénétration en direction du Niger par le biais de traités et de protectorat, plutôt que par administration directe. Parallèlement, moins de dix ans seront nécessaires pour unifier la zone littorale (construction d'un fort après le débarquement à Dakar en 1857).

    Les axes de pénétration , créés et sécurisés par Faidherbe, vont se révéler de formidables voies de communication qui vont transformer le commerce et assurer la propagation de l'arachide.

    En effet, dès 1830, l'Europe connaît des besoins croissants en oléagineux, et l'arachide semble en mesure de répondre à la demande (huile de table, savon de Marseille, tourteaux et lubrifiants).

    La France s'appuiera alors sur sa main-mise sur le Sénégal pour satisfaire cette demande, celui-ci acquérant le titre de principal pourvoyeur dès la seconde moitié du 19e siècle.

    Après 1890, d'importantes dynamiques migratoires coloniales, essentiellement en provenance du nord, se traduiront par une forte expansion du Bassin arachidier, pour des raisons non seulement économiques, mais aussi religieuses4(*).

    L'arachide a transformé profondément les rapports économiques, et l'intérêt du colonisateur a paradoxalement permis aux paysans non seulement de s'émanciper des règles dictées par l'aristocratie locale, en faisant d'eux des acteurs économiques capables de décider de vendre et d'acheter (et surtout capables économiquement d'acheter des biens manufacturés importés !), mais aussi à certains d'entre eux d'accéder aux anciennes positions tenues par cette aristocratie.

    Il existe cependant un revers à cette médaille : la forte dépendance des paysans à une culture de rente, essentiellement destinée à l'exportation, dont la structure et l'évolution du marché leur étaient totalement étrangères.

    L'Afrique Occidentale Française est créée en 1895, et fait de Saint Louis du Sénégal sa capitale, avant de rejoindre rapidement Dakar dès 19025(*).

    C'est ainsi que le développement de la monoculture arachidière devient le pivot de l'économie coloniale, qui perdurera jusqu'en 1960.

    On notera avec intérêt que ce développement considérable ne repose ni sur des investissements conséquents de la puissance coloniale (sauf après la seconde guerre mondiale, avec l'intervention du Fonds d'Investissement et de Développement Economique et Social des Territoires d'Outre-Mer), ni sur une importation massive de colons français pour exploiter et diriger des fermes arachidières performantes.

    Les performances relevées, techniques, commerciales et humaines (car ce sont bien des humains qui en sont les acteurs) sont indéniables. De 25 000 tonnes en 1887, les exportations d'arachide sont passées à 141 000 tonnes en 1900, puis 480 000 tonnes en 1926 et 892 000 tonnes en 1960.

    Ainsi naît l'extrême dépendance du Sénégal à l'arachide, et l'extraversion de son économie.

    Nous avons tenté au chapitre précédent de mettre en relief un certain nombre de constats, qui laissent peu de doute quant à la façon dont le secteur agricole assume les différentes fonctions qui lui sont assignées. La description des dégradations survenues doit cependant s'accompagner d'une analyse destinée en mettre en exergue la prégnance d'un contexte global, responsable des orientations retenues en matière de développement rural.

    A la suite de cette revue historique qui met le focus sur l'arachide, nous observerons le contexte post indépendance sous l'angle de l'évolution des politiques agricoles, et tenterons de montrer leur décalage par rapport aux réalités du développement rural « de terrain », et en premier lieu par rapport aux ressources humaines de ce secteur.

    I.2.2- L'ÉVOLUTION DES POLITIQUES AGRICOLE VS LA RÉALITÉ DU DÉVELOPPEMENT RURAL7(*)

    Nous passerons très rapidement sur les premières décennies qui conduiront au début de l'effondrement marqué par l'ajustement structurel, imposé par les institutions financières internationales de Brettons Wood à des Etats au bord du dépôt de bilan.

    A l'avènement de la République et de l'autonomie interne, en 1958, le Sénégal se tourne brièvement vers des options socialistes (c'est la période des coopératives et de l'animation rurale), mais dès 1964, le virage vers des politiques productivistes est pris. Nous le résumerons à travers l'importance accordée aux transferts de technologies, à l'encadrement des producteurs agricoles et l'administration des populations rurales.

    Il s'agit plus d'un modèle d'économie administrée que d'une véritable libéralisation de l'économie. C'est la période de gloire des Offices nationaux et des Sociétés Régionales de Développement Agricole (contrôlés par l'Etat), mais aussi des écoles de formation agricole qui tournent à plein régime pour fournir les bataillons nécessaires à l'encadrement des producteurs, sans se soucier de leur devenir, puisque leur intégration au sein de la Fonction Publique est automatique.

    Tout ce dispositif finira par coûter trop cher aux finances publiques et, les comptes de la nation se dégradant, conduira en 1979 aux portes de l'ajustement structurel qui, de l'avis de nombreux observateurs, n'est toujours pas terminé aujourd'hui.

    Pour le secteur agricole, cet ajustement conduira à l'élaboration du Programme d'Ajustement Structurel du Secteur Agricole (PASA), qui consista essentiellement à supprimer les Offices et sociétés de développement étatiques, sans vraiment proposer d'alternatives : du jour au lendemain, les paysans se retrouvent sans interlocuteurs ni techniciens, et éprouvent les plus grandes difficultés à s'approvisionner en intrants.

    Le Programme d'Investissement pour le Secteur Agricole en sera la suite logique mais tardive ; le mal est fait, mais surtout sa traduction opérationnelle sur le terrain mettra des années à se mettre en place (les premiers programmes et ou projets viennent seulement de s'achever en 2005).

    L'évaluation du Programme National de Vulgarisation Agricole (1990 - 1995) n'est guère réjouissante : elle pointe du doigt i)une approche thématique ne tenant pas compte des préoccupations des producteurs dans le cadre de leurs systèmes de production, ii) un faible taux de couverture malgré un dispositif lourd et iii) la faible implication des Organisations de Producteurs dans la définition des programmes.

    En 1995, la Lettre de Politique de Développement Agricole se veut un cadre pour asseoir de nouvelles orientations en vue de corriger les dysfonctionnements constatés dans les précédentes politiques, de saisir les opportunités offertes par le changement de parité du FCFA (dévaluation de 100% en 1993) et d'impulser une dynamique de croissance dans le secteur agricole.

    Elle redéfinit les missions de services publics du Ministère de l'Agriculture en distinguant celles qui sont régulièrement dévolues à l'Etat, telles que la définition des politiques et stratégies agricoles au niveau national et leur traduction au niveau régional, la recherche agricole, la vulgarisation et la formation de base, la police et le contrôle pour l'application des lois et règlements ou encore la collecte et la diffusion de l'information (statistiques) et enfin les actions préventives et curatives face aux risques majeurs et aux calamités naturelles.

    Toutes les autres missions sont transférées aux acteurs non étatiques du monde rural, telles que l'animation et la structuration du monde rural, l'assistance technique et la diffusion des technologies et la participation des plus démunis ( jeunes, femmes et petits producteurs )

    Le Document d'orientations stratégiques (DOS)

    Lors de la réunion du Groupe consultatif des bailleurs de fonds sur le Sénégal d'avril 1998, le Gouvernement a présenté le Document d'orientations stratégiques pour le secteur (DOS) et s'est engagé à établir les conditions de réalisation d'une croissance soutenue du secteur agricole sur la base d'un renforcement de la capacité du secteur à améliorer sa productivité et sa compétitivité. Ce document a pour objectif essentiel de relancer le secteur agricole après l'ajustement intervenu au niveau des différentes filières.

    Les composantes majeures du DOS sont :

    i) le renforcement des capacités des collectivités locales et des organisations paysannes;

    ii) le développement de l'investissement privé;

    iii) la mise en place de services agricoles (recherche, vulgarisation, formation, structures techniques d'encadrement) adaptés au contexte de régionalisation et de partenariat avec les organismes socioprofessionnels;

    iv) la mise en place des infrastructures en milieu rural.

    La Lettre de Politique de Développement Institutionnel du secteur agricole ( 1999)

    Elle vient confirmer les orientations fixées par la LPDA, en affirmant que la politique de l'Etat privilégiera trois axes :

    Elle reconnaît que les Organisations de Producteurs sont devenues des interlocuteurs crédibles et que le processus de décentralisation habilite progressivement les collectivités locales dans la prise en charge de la gestion de leurs ressources et leur développement économique et social.

    Il n'est pas exagéré d'affirmer que cette LPDI constitue l'annexe principale de l'accord de crédit signé avec la Banque Mondiale pour le financement du Programme des Services Agricoles et d'Appui aux Organisations de Producteurs (PSAOP, dont la seconde phase devrait démarrer dans les prochaines semaines).

    Elle constitue aujourd'hui le « socle politique » sur lequel s'appuient tous les acteurs en ce sens qu'elle reconnaît le rôle dominant de l'agriculture paysanne multi fonctionnelle à travers des exploitations familiales polyvalentes. Elle aborde et officialise également, et c'est une première, la modernisation irréversible des systèmes de production, et la nécessité de rendre durables les systèmes de production en tenant compte de la préservation des ressources naturelles.

    Cette même année 1999, la Lettre de Politique de Développement Rural Décentralisé s'est focalisée sur des objectifs stratégiques, plaçant les populations rurales au centre du processus de développement rural au niveau local. Ces populations doivent être les promotrices et maîtresses d'ouvrage, par le biais de leurs institutions décentralisées (Conseil rural) et de leurs structures associatives, dans le cadre d'un partenariat effectif avec l'administration du territoire et les services déconcentrés de l'État.

    L'objet de la LPDRD est de permettre aux populations d'accéder efficacement aux services sociaux essentiels et aux infrastructures de base avec comme conséquences des indicateurs de développement humain améliorés et le désenclavement total de toutes les Communautés rurales (CR) du pays. Elle met l'accent aussi sur une gestion durable des ressources naturelles qui sont à la base des activités de production à travers une meilleure maîtrise des systèmes de production.

    Le principe retenu dans la LPDRD de co-gestion et de partage des coûts de réalisation et de maintenance des infrastructures socio-économiques entre l'État et les collectivités décentralisées a connu un début de mise en oeuvre avec le Programme national des infrastructures rurales (PNIR), et le Programme de soutien aux initiatives de développement local (PSIDEL). Cette mise en oeuvre se poursuit avec la toute récente fusion du PNIR et de l'Agence du Fonds de Développement Social, au sein d'un programme très ambitieux de plus de 100 milliards de FCFA (Programme National de Développement Local).

    L'objectif premier de la LPDRD est de consolider le partage du processus de gestion du secteur agricole avec l'ensemble des partenaires de l'État sur la base d'un système de concertation, de participation dans les prises de décisions dans la conception, l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques de développement agricole.

    La Stratégie Nationale de Formation Agricole et Rurale (SNFAR)

    A la même époque, une réflexion engagée en 1998 va aboutir à la validation en juin 1999, lors d'un atelier national réunissant 120 acteurs de la formation agricole et rurale, d'un document de référence intitulé : « Former les acteurs d'une nouvelle économie agricole et rurale - Orientations et stratégies de formation à l'horizon 2015 ».

    Cet exercice a été suivi et encouragé par les différents ministères concernés jusqu'à la concrétisation de ce document, qui sert aujourd'hui de référence. Son contenu est organisé autour d'une triple analyse historique, diagnostique, et prospective, qui propose le choix de la modernisation de l'agriculture paysanne face à la tentation d'une agriculture sans paysan. Ce choix permet d'esquisser un ensemble cohérent de politiques inclusives en faveur d'un développement agricole et rural durable.

    A partir des constats mis en évidence, le document pose la problématique en ces termes :

    « La Formation Agricole et Rurale doit avoir pour priorité la modernisation de l'agriculture familiale, l'émergence d'une véritable économie rurale et leur intégration dans une économie nationale et internationale ouverte. Elle doit appuyer aussi le développement d'une agriculture intensive à base de capitaux. »

    Quatre grandes orientations et les stratégies d'intervention ont été définies à partir de ces nouvelles missions et priorités :

    Nous terminerons logiquement ce tour d'horizon des politiques agricoles par la Loi d'Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) dont l'esprit a été guidé par les documents de politique qui l'ont précédé.

    La loi d'orientation, aux ambitions très (trop ?) vastes, a le principal mérite d'inclure dans la législation du Sénégal des notions fondamentales telles que la nécessité d'accompagner le développement de l'exploitation familiale, la nécessaire reconnaissance des métiers de l'agriculture, ainsi que le statut des Organisations Professionnelles, désormais habilitées de par la Loi à prendre part à la définition, à la mise en oeuvre et au contrôle des politiques agricoles.

    Dans un soucis d'exhaustivité, nous signalerons également les lois de décentralisation de 19968(*), transférant aux collectivités locales neuf domaines de compétence ; la Loi n° 96-07, dans son Titre second, liste ainsi les responsabilités de la Région, de la Commune, et de la Communauté Rurale pour chacun des quatre volets suivants : l'éducation, l'alphabétisation, la promotion des langues nationales et la formation professionnelle.

    Si les orientations reflétées par l'évolution des politiques agricoles vont dans le même sens, ce qui est plutôt encourageant, il n'en reste pas moins que le décalage est profond avec la réalité quotidienne vécue par les « producteurs » et les autres ruraux.

    Les intentions sont louables et l'Etat, sous la pression des autres acteurs (notamment les Organisations Professionnelles et les Partenaires au développement), a admis qu'il ne peut plus être le seul maître à bord.

    Au quotidien, subsistent cependant des velléités de toute puissance héritées d'un long passé d'administration de l'agriculture, mais subsistent surtout des lacunes dans la gestion des filières (quasi absence d'interprofessions), ou même dans la réorganisation des circuits d'approvisionnement en intrants et de collectes des produits.

    Là ou l'Etat a dû se désengager, qui concerne des aspects éminemment stratégiques tels que les semences, la mise à disposition d'engrais au bon moment, le secteur privé peine à s'implanter : il semble plus exact d'affirmer qu'il n'en manifeste pas l'envie, du fait de conditions assez peu favorables (atomisation de la demande, besoins formulés au dernier moment en raison de trésoreries fragiles, concurrence de produits subventionnés par l'Etat épisodiquement, par exemple dans le cadre de programmes spéciaux de relance d'une culture).

    Enfin, dans les domaines de la formation et du conseil agricole, l'expression de la demande est encore largement conditionnée par l'offre de services, souvent plus proche de l'organisme financeur que le demandeur lui-même.

    Même dans les cas où les producteurs, via leurs organisations représentatives, sont réellement les commanditaires des actions de renforcement de capacités qu'ils sollicitent, l'expérience montre que l'absence de dispositif devant accompagner une réelle construction de la demande de services n'a pas permis de faire en sorte que les actions déroulées s'écartent des sentiers battus9(*) :

    I.2.3- UN DISPOSITIF GLOBAL DE FORMATION PROFESSIONNELLE EN LAMBEAUX

    Assez naturellement, c'est vers la puissance colonisatrice que le Sénégal s'est tourné, pour s'inspirer d'un modèle de formation professionnelle agricole.

    Nous avons déjà eu à évoquer le fait que pour l'essentiel, la formation des producteurs agricoles a en réalité été le fait de la vulgarisation et de l'encadrement technique, les agents techniciens de l'Etat ayant pour principale, voire unique mission, de s'assurer de la bonne application des recommandations techniques et de « paquets technologiques » imposés aux agriculteurs.

    Cependant, plusieurs tentatives pour implanter des systèmes de formation agricole, formelle et non formelle, ont vu le jour, toujours à titre plus ou moins expérimental. Nous dresserons un rapide portrait d'ensemble des instruments mis en place.

    I.2.3.1- Formation de techniciens et encadreurs

    La formation des techniciens a toujours relevé exclusivement du dispositif de formation public. A notre connaissance, la plus ancienne école date de 1938 : il s'agissait alors d'un centre de formation d'aides-vaccinateurs ; celui-ci a évolué au fil du temps pour devenir d'abord l'Ecole des Agents Techniques d'Agriculture10(*), puis en 1990, le Centre National de Formation des Techniciens d'Elevage et des Industries Animales. (CNFT.EIA)

    La seconde à voir le jour sera l'école d'horticulture de Dakar en 1962, destinée à former les ouvriers de la Direction des Parcs et Jardins publics de Dakar ; basée dans la banlieue de Dakar, elle existe toujours sous le nom de Centre de Formation Professionnelle Horticole de Cambérène, et délivre un CAP et un Brevet de Technicien Horticole.

    Au cours des années 60 et 70, d'autres écoles de techniciens ont été créées, en nombre très limité cependant ; citons pour information :

    Une particularité mérite d'être soulignée à ce stade : tous ces centres revêtent un caractère monopolistique, en ce sens qu'ils constituent des cas uniques, chacun dans leur spécialité ou domaine de formation.

    Ajoutons également que, jusqu'à la décision prise au début es années 90 de mettre un terme au recrutement automatique dans la Fonction Publique des sortants de ces écoles, toutes formaient uniquement des élèves-fonctionnaires, ainsi qu'un nombre variable mais non négligeable de jeunes ressortissants de pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre.

    « Par définition » pourrait-on dire, aucun producteur au sens « commun » ne pouvait y accéder, même s'il convient de remarquer que depuis 1992, quelques techniciens formés et non fonctionnarisés se sont malgré tout installés comme exploitants agricoles. Cette réalité est cependant marginale et ne concerne que quelques individus, souvent pluri-actifs ; du reste, aucun décompte n'est disponible.

    I.2.3.2- La formation professionnelle des producteurs

    Nous aborderons successivement ces deux pendants, que sont l'offre de formation initiale, et l'offre de formation continue.

    I.2.3.2.1- L'offre de formation initiale (non diplômante, en totalité)

    A quelques rares exceptions près11(*), celle-ci est l'apanage (relatif) d'un dispositif de formation public, dont les premiers centres ont été créés à la suite de l'école d'horticulture de Cambérène déjà citée, au tout début des années 60.

    Il s'agit d'un dispositif (national) de modeste ampleur, qui compte six Centres d'Initiation Horticole (CIH) aux configurations très proches (3 formateurs en moyenne), répartis dans la moitié des onze régions administratives que compte aujourd'hui le Sénégal. (Dakar, Thiès, Saint-Louis, Diourbel, Kaolack et Ziguinchor).

    La nouvelle école d'horticulture de Cambérène, et ses premiers produits formés, ont constitué une opportunité pour doter en personnels formateurs les CIH, qui furent imaginés par la tutelle de l'époque (Ministère de la Promotion Humaine) comme une réponse à la difficulté d'insertion des jeunes ruraux quittant précocement le système scolaire (écueil du concours d'accès en 6ème). Il s'agissait donc de leur proposer d'acquérir une capacité technique en maraîchage, aviculture, petit élevage et en apiculture, dix mois durant.

    Cette formation devait théoriquement permettre à ces jeunes ruraux (de 16 à 24 ans) de retourner dans l'exploitation familiale, pour y mettre en pratique les techniques « modernes » apprises au centre et ainsi contribuer à la modernisation progressive de ces exploitations, en améliorant la productivité (jugée trop faible) et les techniques de production (jugées archaïques) d'un paysannat généreusement qualifié de traditionnel par les techniciens de l'Etat.

    De 1965 à la fin des années 90, moins de 20 jeunes (âgés de 14 à 24 ans) ont été formés annuellement dans chaque CIH, dont un cinquième environ a pu poursuivre une formation diplômante (CAP) au Centre de Formation Professionnelle de Cambérène.

    Depuis qu'il a été mis fin au système d'aides scolaires, au bénéfice des apprenants, les centres peinent de plus en plus à recruter : certains ont mis un terme à ce cycle standardisé, d'une durée de 9 mois et non diplômant, depuis 1999, faute de candidats tandis que d'autres ont abandonné les tests de sélection à l'entrée et malgré cela doivent se contenter de promotions aux effectifs réduits (de l'ordre de la douzaine). Une réflexion est en cours avec la profession agricole, à l'initiative de la tutelle, pour adapter le dispositif en place à la demande réelle, et lui permettre de recouvrer une utilité sociale qu'il semble bien avoir perdu.

    En parallèle du dispositif ci-dessus, peu attractif, des initiatives éparses, localisées et non reliées entre elles existent ou ont existé ; citons rapidement :

    On le constate donc, le tableau d'ensemble est sombre et il n'est pas exagéré d'affirmer que, si la formation initiale des jeunes futurs agriculteurs s'est de tout temps cantonnée dans la marginalité, elle a quasiment disparu du paysage aujourd'hui.

    Sans vouloir analyser ici en détail cet échec manifeste, qui fait l'objet d'un développement dans le cadre du dossier élaboré en lien avec le module de base du cours Systémique de cette formation Master, nous pouvons toutefois donner quelques éléments d'ordre explicatif.

    Commençons tout d'abord par ce constat irréfutable :

    Dans un pays majoritairement rural, dont la moyenne d'âge est de 15 ans et où la majorité des ruraux vivent principalement ou accessoirement des activités agricoles et d'élevage, force est de reconnaître que l'offre plurielle de formation professionnelle agricole initiale n'attire pas les jeunes, ni aujourd'hui, ni même hier !

    Selon les données du Recensement National Agricole de 1999, il existait 450 000 exploitations agricoles au Sénégal ; or, sur la base d'un renouvellement générationnel tous les 30 ans, nous en déduisons approximativement que ce sont environ 15 000 exploitations familiales qui changent de main annuellement.

    Il est donc périlleux d'affirmer dans ces conditions que la demande de formation (au moins potentielle) est inexistante ; vraisemblablement, il semble s'agir plutôt d'un problème de pertinence et/ou d'attractivité de l'offre de formation proposée.

    Pour essayer d'éclairer cette hypothèse, nous sommes tentés de résumer la philosophie qui prévalait dès la fin des années 60 par la « sentence » suivante, qu'il nous arrive encore d'entendre parfois, à l'occasion d'un discours introductif dans tel ou tel séminaire :

    « l'avènement d'un secteur agricole productif et performant passe par le remplacement de nos paysans traditionnels, cultivant sur un mode archaïque, par une nouvelle race d'agriculteurs modernes, pilotes, capables d'exploiter des équipements et des techniques de pointe, identiques à ceux qu'utilisent les agricultures des pays développés du nord ».

    Ainsi, de ce postulat découle l'idée simplificatrice qu'il suffirait de former des jeunes, plus réceptifs, à l'utilisation de techniques importées et performantes, pour progressivement doter le secteur agricole au sens large de ressources humaines de qualité.

    Avec le recul, on le sait désormais, c'était aller un peu vite en besogne, en faisant totalement abstraction de l'environnement global du secteur productif en milieu rural, et de ses nombreuses contraintes qui rendent pour le moins hypothétique le bénéfice attendu d'un simple transfert de technologie. Cependant, cette logique correspondait à tout point de vue à celle des tutelles successives du dispositif CIH ( Education nationale, puis Formation Professionnelle, en enfin Agriculture depuis 1998 jusqu'en 2003), mais aussi des autres acteurs (Maisons Familiales exceptées, nous y reviendrons).

    Dans les programmes de ces formations, le focus est mis systématiquement sur la création d'un nouveau profil de professionnel : le paysan moderne ! A aucun moment, l'enseignement mis en place n'essaie de comprendre comment les paysans environnants pratiquent, ni quelles sont les raisons qui les poussent à pratiquer de la sorte.

    C'est en quelque sorte sur une négation délibérée de la réalité quotidienne environnante que se sont implantés dans le paysage rural ces centres de formation professionnelle, avec pour principale conséquence que les produits formés se sont retrouvés dans l'impossibilité technique, financière mais aussi sociale de reproduire à leur retour dans leur famille ce qu'ils avaient appris durant leur formation.

    La distance certaine entre l'institution Education Nationale et les problématiques de développement rural explique sans doute en partie ce parti pris d'isolement, fondé sur la croyance que rien d'intéressant ne pouvait être emprunté aux pratiques multi séculaires d'un paysannat massivement analphabète.

    Si elle l'explique en partie, elle n'explique cependant pas tout ; en effet, la plupart des centres de formation agricoles (et leurs programmes) a été largement inspirée par le modèle de l'enseignement agricole français (LEGTA, CFPPA), qui a participé directement à les façonner, soit par des partenariats directs avec des lycées agricoles, soit par le détachement d'enseignants français en position de coopérants techniques.

    Là encore, le mirage du transfert de savoirs et de technologies, comme réponse unique et irrécusable aux problèmes rencontrés par les agricultures du sud, n'a pas facilité l'ancrage et l'adaptation de ces centres de formation dans leur terroir.

    La tentative d'implantation à l'identique du système des Maisons Familiales Rurales Françaises s'avérera également trompeuse : bien que s'attelant cette fois à construire à partir de l'existant, pour l'améliorer, la formation initiale en alternance sur le modèle français atteindra vite ses limites (en raison principalement de son coût, mais pas uniquement) avant d'être purement et simplement abandonnée.)

    Ce dispositif se cherche actuellement un second souffle ; c'est d'ailleurs en ce sens qu'il a demandé en 2006 l'appui du dispositif MFR français, qui l'a répercuté au Comité mixte Franco-Sénégalais pour le développement du secteur agricole, qui s'est réuni en septembre 2006 à Gorée, sous la présidence de l'ancien directeur général de l'Enseignement et de la Recherche du Ministère français de l'agriculture, Monsieur Henri-hervé BICHAT.

    I.2.3.2.2- L'offre de formation professionnelle continue (professionnels en activité)

    Cette offre est éminemment plurielle, mais au final très peu diversifiée. Le secteur public est moins présent que dans le domaine de la formation initiale : seuls subsistent aujourd'hui deux Centres de Promotion Agricole, en quasi cessation d'activité.

    Mis en place durant la période du Programme Agricole, caractérisée par un fort interventionnisme de l'Etat dans les années 70 (intrants, commercialisation, équipements et subventions, encadrement) grâce à l'appui technique et financier du Bureau International du Travail (BIT), ce dispositif qui comprenait également des centres de formation d'artisans ruraux a vécu sous perfusion, de façon relativement artificielle : les adultes en formation étaient obligatoirement de jeunes couples, et la bourse accordée, à laquelle s'ajoutait le fruit de leur travail pratique sur l'exploitation « moderne » du centre de formation durant toute une année, étaient censés leur permettre de s'installer ensuite à leur compte, avec un capital de départ.

    Mis à part ce cas anecdotique, l'ensemble de la formation continue proposée aux producteurs en activité est le fait d'ONG, de consultants individuels et bureaux d'études, et de quelques (mais rares) fédérations d'Organisations Professionnelles. Elle est de très courte durée (un jour à une semaine) et revêt un caractère très ponctuel, du fait de l'incertitude liée aux canaux de financement, largement exogènes au milieu rural.

    Autrement dit, l'élaboration rationnelle d'un plan de formation se heurte en général (pour sa mise en oeuvre) à la rareté ou l'imprévisibilité des bailleurs de fonds intéressés. (les possibilités de contribution pécuniaire des bénéficiaires directs permettant rarement de dépasser 10 à 20 % du budget nécessaire).

    Enfin, et bien que ce secteur de la formation fasse l'objet d'une forte marchandisation, en raison de la forte compétition des acteurs en présence sur l'offre, la qualité ne semble pas au rendez-vous tant l'impact global apparaît manquer de visibilité.

    L'expression de la demande est encore largement conditionnée par l'offre de services non renouvelée, souvent plus proche de l'organisme financeur que le demandeur lui-même.

    Même dans les cas où les producteurs, via leurs organisations représentatives, sont réellement les commanditaires des actions de renforcement de capacités qu'ils sollicitent, l'expérience montre que les actions déroulées ne sortent pas des sentiers battus :

    · aux femmes les thèmes récurrents de fabrication de savon ou de teinture et tricot ;

    · aux hommes, l'embouche bovine et le maraîchage, « de A à Z » et du nord au sud du pays.

    L'inventaire des libellés des multiples actions de formation entreprises par les projets, programmes, ONG et même par les Organisations professionnelles agricoles prouve à loisir qu'il ne s'agit pas d'une exagération.

    Dès lors, on pourrait presque affubler l'offre de formation (dans son acception globale) des qualificatifs d'apesanteur et d'atemporelle.

    En conclusion, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que la plupart de ces établissements de formation professionnelle s'adressent principalement voire exclusivement, au marché du travail...salarié (pour la formation initiale), ou à un public considéré comme captif car peu solvable par lui-même (formation continue).

    Or, le secteur agricole, et plus largement rural, se situe très majoritairement dans le secteur informel, lequel valorise plutôt mal le diplôme acquis. Pire, l'emploi dans le secteur agricole est en réalité de l'auto emploi, dans plus de 90% des cas, et la prise en compte du profil de chef d'entreprise (ou chef d'exploitation) est totalement absente des référentiels et programmes de formation en vigueur.

    Il y a là matière à réflexion, au niveau de la définition des politiques éducatives nationales, d'autant plus que les singularités évoquées ci dessus pour caractériser le secteur rural se trouvent être les mêmes dans les secteurs secondaires et tertiaires (rappelons à nouveau les données issues de l'étude de Pierre Debouvry d'octobre 2004, basée sur les données officielles au plan macro-économique, qui font état d'un secteur formel national ne représentant que 8% de l'emploi et auto-emploi, secteurs public et privé confondus).

    I.3- LES DÉFIS À RELEVER POUR LES QUINZE PROCHAINES ANNÉES :
    DES ENJEUX MAJEURS POUR LA FORMATION

    Le Bureau de la Formation Professionnelle Agricole a demandé en octobre 2004 à Pierre Debouvry, consultant indépendant, de réaliser une étude destinée à mettre en lumière les enjeux auxquels le Sénégal sera confronté au cours des vingt prochaines années12(*). Il s'agissait pour nous de disposer d'arguments forts pour convaincre les Pouvoirs Publics d'investir massivement dans le sous secteur de la formation, pour relever ces défis posés.

    La compréhension de cette étude peut se limiter à la lecture d'une quinzaine de graphiques, proposés en annexe, qui se suffisent à eux-mêmes. Ils sont basés sur les données officielles disponibles. Ces enjeux sont quintuples, et peuvent se décliner comme suit :

    Transition démographique

    Education Pour Tous

    Productivité du secteur agricole et préservation de la fertilité

    Insertion socioprofessionnelle des cohortes de jeunes

    Emigration, exode rural et entretien de l'espace rural.

    Dans ce paragraphe, nous nous appuierons essentiellement sur ces travaux pour montrer l'ampleur des défis à relever, et pour lesquels la formation agricole et rurale pourrait être un levier puissant pour faire évoluer plus favorablement la situation d'ensemble, en développement les capacités des ressources humaines du secteur rural, et en permettant à une partie des jeunes ruraux d'être mieux armés pour s'insérer à la ville.

    Résumées très brièvement, les projections faites à partir des tendances démographiques du Sénégal révèlent un Sénégal autour de 17 millions d'habitants en 2025 (contre 11 aujourd'hui, et 3 millions en 1960). Cette prévision est plausible, même si la fécondité diminue, ne serait-ce qu'en raison du nombre croissant de femmes en âge de procréer. Elle se traduit par une urbanisation galopante et l'inversion du ratio urbains/ruraux ; nous allons passer de 1 urbain pour 7.75 ruraux en 1930, à 1 urbain pour 0.8 ruraux en 2025.

    Cela pose le problème de la productivité du travail dans le secteur agricole, et signifie en principe que chaque rural devrait produire dix fois plus de denrées pour alimenter les villes.

    Malgré l'exode rural, la population rurale va encore continuer d'augmenter, certes plus lentement que la population urbaine, mais la densité rurale est déjà telle que cela va encore accroître considérablement la pression sur le foncier : de 40 habitants au km² en 1960, il est prévu d'atteindre 110 habitants/km² en 2020.

    Cette pression risque de se traduire, en l'état actuel des choses, par une dégradation continue de la fertilité des sols et des parcours, et plus largement une dégradation de l'ensemble des ressources naturelles qui risque de s'accélérer (halieutiques, forêts, salinisation des sols, appauvrissement de la biodiversité et disparition des jachères).

    Face à ce constat démographique, l'évolution de la sécurité alimentaire paraît problématique ; en effet, les productions agricoles, vivrières ou d'export, progressent peu depuis 40 ans tandis que les importations céréalières « explosent » ; elles ont déjà décuplé entre 1960 et 2003, jusqu'à friser le million de tonnes. On notera d'ailleurs qu'au delà de l'augmentation de la population, ce décuplement est largement dû aux transformations des habitudes alimentaires puisque on est passé de 30 kg de céréales importées par habitant ( 1960), à plus de 90 kg/tête en 2003.

    La répartition des emplois et auto emplois au plan national indique par ailleurs que le secteur formel (public et privé) ne « pèse » que 8 % du total des actifs, tandis que le secteur rural massivement situé dans l'« informel » représente 64 % de l'ensemble.

    C'est donc pour l'essentiel dans ce secteur d'activités, qu'on le veuille ou non, que trouveront à s'insérer chaque année l'essentiel des 360 000 jeunes de la tranche 15 - 24 ans (effectifs correspondant au 1/10ème de la tranche 15-24 ans).

    La combinaison des tendances démographiques, et de la volonté d'atteindre rapidement l'Education Pour Tous, vont entraîner un doublement des cohortes à scolariser entre 1990 et 2030, et un triplement des jeunes à insérer sur le marché du travail pour la même période. Les jeunes qui arrivent en terminale ne représentent que 7 % des cohortes scolarisées ; ils constituent donc de fait une élite ; malgré tout, certains établissements de formation agricole au niveau technicien espèrent toujours recycler leurs programmes classiques pour permettre à cette élite de s'installer sur des exploitations agricoles.

    Sur cette base, les exclus du système sont les suivants : accès en Cours d'Initiation : 262 319 (hors redoublement), accès en CM2 : 126 266 ; accès en 6ème  : 64 483 jeunes.

    De fait, La très grande majorité des futurs chefs d'exploitation aura au mieux un niveau voisin du Certificat de Fin d'Etudes Primaires, et c'est à eux que doit s'adresser prioritairement le dispositif global de formation, ce qui n'a jamais été fait auparavant. La majorité de ceux-ci s'insèrent par un processus de dévolution de l'exploitation paternelle largement enraciné socialement, à la différence des expériences malheureuses d'installation de jeunes diplômés bacheliers, transplantés avec un pécule de départ dans un milieu qu'ils ne connaissent pas ou dont leur trajectoire scolaire les a coupé.

    Au Sénégal, les processus de dévolution entre les générations, sur la base d'un total de 450 000 exploitations familiales, concernent donc environ 15 000 jeunes (parfois âgés de 40 ans). Une action systématique dans leur direction ne pourra donc se concevoir sous les formes existantes actuellement (formation à plein temps, longue et diplômante), dans la mesure où le total des établissements concernés se caractérise par des flux annuels de l'ordre de la centaine seulement.

    Pour restaurer les missions premières assignées au secteur agricole, la formation de masse pour engendrer un impact significatif sur la productivité d'ensemble s'apparente à ne obligation impérieuse ; cette condition n'est toutefois pas suffisante, car l'amélioration de l'environnement de la production et des services sociaux en milieu rural conditionnera en grande partie la capacité d'absorption des jeunes à insérer dans la vie active, en milieu rural.

    C'est bien ce dernier point que mettent en avant les candidats à l'émigration, qui ne veulent ni du type de travail ni des conditions de vie qu'ils ont fui en quittant leurs villages.

    C'est bien la stabilité politique et la cohésion sociale qui sont en jeu pour les prochaines années.

    I.4- LA VALLÉE DU FLEUVE SÉNÉGAL : UNE RÉGION ENTIÈREMENT À PART

    I.4.1- L'UTOPIE SÉCULAIRE D'UN POTENTIEL STRATÉGIQUE13(*)

    Après la double période d'occupation anglaise, la France récupère ses anciennes colonies ; la société coloniale africaine, fondée par des négociants bordelais, affrète une expédition de quatre navires destinés à acheminer la nouvelle administration (et les soldats) au Sénégal.

    Cette aventure restera gravée dans l'Histoire : l'un des quatre bâtiments est en effet la frégate La Méduse, à bord de laquelle se trouve le nouveau gouverneur de Saint Louis, le colonel Schmaltz.

    Le 2 juillet 1816, à la suite d'une erreur de navigation, La Méduse se brise sur un banc ; les naufragés les plus élevés dans l'échelle sociale embarquent sur des chaloupes, remorquant un radeau imposant sur lequel est entassé le petit peuple. Le commandant Duroys de Chamareis, pour accélérer l'allure des embarcations, finira par couper les amarres du célèbre radeau, condamnant à une mort lente la plupart de ses passagers.

    Quelques mois plus tard, une première expérience de colonisation agraire par des métropolitains tournera court : deux cent colons en feront les frais, victimes du climat et des moustiques.

    Le souvenir de cet échec cuisant devait cependant s'effacer, dans un contexte marqué par l'abolition de la raite, devant une volonté politique forte de « compenser la suppression du trafic de bois d'ébène par la revalorisation des produits traditionnels », selon la formule utilisée par le ministre de la Marine, Portal.

    D'un cantonnement classique à quelques comptoirs de la côte Atlantique, on passe alors à la prospection vers l'intérieur des terres, en longeant le Fleuve Sénégal et en sécurisant par des accords avec les chefs locaux cette voie de navigation indispensable pour acheminer les produits d'exportation jusqu'au port côtier.

    La voie ainsi libre permet d'esquisser la mise en oeuvre de la colonisation agricole, dont la réussite repose sur une représentation idyllique du potentiel démographique et es potentialités des zones riveraines du fleuve, sur plusieurs centaines de kilomètres jusqu'à Bakel. L'idée était double : approvisionner la métropole en produits exotiques appréciés (café, indigo, coton), et assurer une dépendance croissante et irréversible des populations indigènes.

    Il n'est pas superflu de rappeler que le Pacte Colonial consistait d'abord en l'obligation faite aux colonies de commercer exclusivement avec la puissance colonisatrice. (accessoirement, il leur interdisait également de transformer sur place leurs produits agricoles).

    Bien vite, les ambitions doivent être revues à la baisse ; en effet, les attaques répétées orchestrées par les populations Maure et Bambara obligent le colonisateur à se rabattre sur un territoire plus aisément maîtrisable, limité entre Saint Louis et Dagana (ce que l'on appelle aujourd'hui le delta du fleuve Sénégal).

    Les troubles inter-ethniques, les négociants qui s'opposent au système de monopole, et l'adversité Maure auront finalement raison de l'implantation des colons.

    Entre alors en scène le baron Roger...

    En 1822, Jacques ROGER est nommé gouverneur de Saint Louis ; il était depuis trois ans intendant du jardin d'essai de l'habitation royale créée par son prédécesseur. Sorte de gentleman farmer, idéaliste mais plein d'entregent, il réussira à se faire nommer baron rapidement, en vantant ses « succès » au gouvernement lointain.

    Il ambitionne pour le Sénégal de remplacer la place qu'occupaient auparavant les colonies perdues des Caraïbes, pour approvisionner la France, et il a été choisi pour son option pacifiste (coloniser par les outils agraires plutôt que par les canons).

    En réalité, quelques colons seulement répondirent à l'appel : quarante deux exactement, qui mirent en valeur 1200 hectares sur les dix mille qui leur furent concédés. La main d'oeuvre attendue fit cruellement défaut, les sénégalais libres préférant travailler leurs propres champs, en s'opposant à la spoliation foncière.

    L'instauration d'un système incitatif coûteux de primes à la plantation (ricin, coton, café et indigo) n'y changera rien : en repiquant à tout va des branches de leurs plantations, qui se dessèchent un peu plus tard, les rusés colons (dont une bonne partie sont des Saint louisiens) s'emparèrent des primes et permirent au baron Roger de claironner SA réussite : 4,5 millions de plants de cotonnier recensés.

    Sur les trois années qui suivirent, on ne récolta en tout et pour tout que 50 tonnes de coton, et pas d'indigo !

    Les rapports flatteurs sur son bilan que Roger adresse régulièrement au gouvernement finiront par être rattrapés par la brutalité des chiffres : les recettes d'exportation ne couvriront qu'un huitième des dépenses consenties...

    Les inspections qui seront diligentées par un gouvernement de plus en plus suspicieux aboutiront à la conclusion que les conditions particulières du « Sénégal » (sols, climat, facteur humain) sont peu compatibles avec sa mise en valeur agricole, et qu'il convient de favoriser à nouveau et au plus tôt le commerce, moins risqué. En 1829, ces évaluations du bilan du baron Roger proposaient donc d'en revenir à la simple exploitation des comptoirs.

    Comme le remarque très justement P. DEBOUVRY, cette longue litanie d'erreurs, seulement esquissée ici, n'empêchera pas le modèle de se reproduire pendant les cent cinquante années suivantes. « il annonçait, contre toute logique, la série des futurs projets de mise en valeur fondés sur l'imposition autoritaire de structures et de formes d'exploitation de l'espace, en s'appuyant sur l'injection massive de capitaux et d'expertise, sans soucis des us et coutumes des populations locales ».

    Dès 1850, une approche différente, plus inductive, à l'initiative du gouverneur PROTET allait assurer l'essor fulgurant de l'arachide, sans intervention directe sur la production mais en sécurisant son environnement et son écoulement. La pistache de terre, comme on l'appelait à l'époque, originaire du Brésil correspondait à une nouvelle demande européenne (huile de table, savon) et sa production (expérimentale au départ, par des maisons de négoce bordelaises) allait passer de 1000 à 20 000 tonnes entre 1840 et 1870, pour atteindre un million de tonnes en 1970.

    Ainsi naîtra le bassin arachidier, caractérisé par sa monoculture, au centre du pays...bien loin de la Vallée du Fleuve Sénégal qui restera à l'écart de cette dynamique.

    I.4.2- UN FOISONNEMENT D'ACTEURS ET D'INITIATIVES

    De ce point de vue, le contraste est flagrant entre la région septentrionale de Saint Louis et la Casamance au sud, de Ziguinchor à Kolda.

    Dans cette dernière, la pluviométrie importante du climat soudano-guinéen, à l'origine d'une végétation luxuriante et de la forêt riche en produits de cueillette, et l'abondance des terres agricoles ont pour beaucoup contribué à l'autarcie très marquée qui caractérise encore cette région et ses habitants. Aujourd'hui encore, il est socialement très mal vu de vendre ou d'acheter du riz (pour un rural s'entend), cette culture à la base de l'alimentation devant être produite par la famille, pour la famille.

    Aux facteurs naturels, il convient bien évidemment d'ajouter l'isolement de cette région, lié d'une part à l'enclave Gambienne issue du tracé des frontières par la France et l'Angleterre, et d'autre part au conflit casamançais qui s'éternise ; l'origine de ce dernier a du reste beaucoup à voir avec l'isolement géographique de cette région agro écologique, et le sentiment que le pouvoir central de Dakar n'a pas consenti, loin s'en faut, les mêmes efforts qu'ailleurs pour en assurer le développement économique et social.

    A l'inverse, la bande la plus septentrionale du Sénégal st caractérisée par un écosystème sahélien, à la frontière du Sahara dont seul le fleuve Sénégal la sépare par endroit. Les conditions de survie y sont naturellement plus rudes pour l'homme et, en l'absence d'investissements hydro-agricoles massifs, le milieu se prête peu au développement d'une agriculture pluviale intensive et performante.

    Ces conditions hostiles, l'histoire de sa colonisation et de ses échecs agraires, l'omniprésence du fleuve et la culture Maure proche ont donc été propices au développement du commerce, générateur d'échanges multiples, et de brassage de flux monétaires assez importants pour générer de multiples dynamiques (les dynamiques organisationnelles n'étant pas des moindres, nous y reviendrons plus loin).

    En l'absence de tissu industriel, avec un secteur primaire peu développé au début, ce sont donc les services qui ont porté durablement l'économie régionale : petit commerce, artisanat, puis progressivement des services plus « intellectuels », tels que le conseil et la formation.

    Les tentatives de la puissance coloniale pour y développer l'agriculture, avec le succès que l'on sait, à l'aide d'apports financiers très importants ont contribué à accentuer ce phénomène, en permettant à de multiples acteurs économiques de graviter autour de l'environnement de la production, laquelle s'apparente presque à un prétexte. Il est ainsi frappant de constater aujourd'hui à quel point la rive gauche du Fleuve Sénégal est une zone de concentration de bureaux d'études et de conseil, de consultants de tout poil et autres formateurs.

    Dans l'histoire contemporaine, les ressources financières mobilisées pour le développement de cette région, qui n'ont pas d'équivalent dans le reste du pays, ont été à l'origine de modes d'organisation évolués et très répandus ; les interventions sont multiples, du barrage aux casiers rizicoles aménagés, e passant par le foisonnement de micro-actions générées par la coopération décentralisée, plus présente qu'ailleurs.

    C'est dans la Vallée du fleuve Sénégal qu'on dénombre le plus d'organisations professionnelles et d'associations de toute sortes, dont l'origine peut être attribuée à deux causes principales et généralement liées :

    De fait ces organisations, dont bon nombre ont été suscitées pour bénéficier d'appuis externes, se pérennisent en cherchant à développer non seulement des services en direction de leurs membres, mais aussi et de plus en plus en développant des prestations à l'externe, pour générer davantage de revenus.

    Ainsi chaque organisation, et chaque détenteur d'une compétence particulière en leur sein, est donc un prestataire de services en puissance. Il s'en suit un secteur très concurrentiel, et une marchandisation parfois exacerbée de toutes formes de prestation.

    C'est dans ce contexte particulier que nous observerons comment fonctionne le Réseau des acteurs de la Formation de la vallée du Fleuve Sénégal (RESOF), qui fut créé pour permettre à ses membres de contribuer à la régulation des pratiques dans le domaine des prestations de formation, et à l'assainissement du secteur.

    I.4.3- UN TERREAU ATTRACTIF POUR LES EXPÉRIMENTATIONS

    Là ou partout ailleurs dans le pays (Dakar excepté) les ressources financières font défaut, rendant problématiques les contributions financières même modiques des bénéficiaires des appuis, la Vallée fait exception. Il faut souligner la contribution singulière des émigrés qui rapatrient une partie de leurs revenus.

    Ces fonds seraient de l'ordre de 50 milliards de Francs CFA par an, si l'on se base sur les mouvements comptabilisés (Transfert union notamment).

    Ainsi à Bakel, petite ville proche de la frontière malienne, il n'est pas are que le petit commerçant de détail vous rende la monnaie ...en Euros.

    Il convient bien sûr de rappeler également l'importance des investissements lourds consentis dans l'agriculture irriguée depuis les années 60, par le truchement de la société d'aménagement des terres du delta (SAED) ; cette structure étatique tentaculaire durant les deux premières décennies, a employé des effectifs considérables de techniciens et encadreurs.

    L'ambition de faire de cette région le grenier à riz (après le coton et l'indigo) s'est traduite par l'aménagement de nombreux périmètres irrigués en gestion collective, confiés à des unions hydrauliques qui négocient chacune des centaines de millions de FCFA de prêts annuels avec la Caisse National de Crédit Agricole.

    Enfin, l'installation d'agro-industries pour rentabiliser en partie les investissements hydro-agricoles est une autre spécificité de la région ; la SOCAS (concentré de tomate), la CSS (canne à sucre), et tout dernièrement les Grands Domaines du Sénégal (Fruitière de Marseille) pour les cultures maraîchères d'exportation versent chaque mois une masse salariale importante (les GDS emploient jusqu'à 3500 saisonniers, et ce n'est qu'un début).

    Les masses financières qui drainent ainsi régulièrement la Vallée ne sont donc pas étrangères à l'importance des multiples dynamiques locales. Il en va ainsi dans des domaines très variés : Plans locaux de développement, charte du domaine irrigué, mise en place d'un cadastre dans plusieurs Communautés Rurales (échelon de base de la décentralisation), implantation du conseil de gestion et comptabilité pour les Organisations Professionnelles Agricoles, tourisme et croisière fluviale, centre de formation paysanne, soutenu par la Coopération française et reconnu d'utilité publique par l'Etat, etc.

    Ce n'est donc pas un hasard si l'expérimentation d'un dispositif de régulation participative de la Formation Agricole et Rurale s'est porté instinctivement sur cette région, et y a rencontré un écho favorable.

    I.5- LE RESOF : UNE TENTATIVE DE RÉPONSE-FORMATION TERRITORIALISÉE

    I.5.1- DES UTOPIES COLONIALES ET POST-COLONIALES DE LA MISE EN VALEUR DU FLEUVE SÉNÉGAL14(*), À LA STRATÉGIE NATIONALE DE F.A.R DE 1999

    Prenant sa source en Guinée, dans le massif du Fouta-Djalon, le fleuve Sénégal coule vers le nord, et traverse des contrées de plus en plus arides, confinant au désert près de son embouchure. De tout temps, la crue du fleuve a été essentielle à la mise en culture des deux rives, d'autant plus que les pluies se raréfiaient. Cette crue annuelle apparaît en fin de saison des pluies et permet l'exploitation de la moyenne vallée, plaine alluviale cultivée en saison sèche après le retrait des eaux. Un système de production millénaire s'est ainsi construit dans le temps, jouant de la complémentarité des cultures et parcours de décrue dans le Walo (basses terres), qui succédaient aux cultures et pâturage s sous pluie du Diéri (hautes terres).

    Selon une étude de l'IRD pour l'Organisation de Mise en valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) en 1999, sur la période 1946-1971 65 000 hectares sont cultivés côté Sénégal, alors que les surfaces inondées sont estimées à 312 000 ha des deux côtés du fleuve (pour 108 000 ha cultivés).

    Ainsi que l'explique assez crûment Adrian Adams, « .../...Les projets de mise en valeur du fleuve, fondés depuis l'époque coloniale sur la riziculture irriguée, n'ont jamais tenu compte de ce système de production millénaire. A partir des années 1960, les pluies et la crue ont fortement diminué, disparu même certaines années. Pour l'élevage comme pour l'agriculture, la sécheresse allait simplifier les choses, en permettant aux « développeurs » de faire comme si les systèmes de production traditionnels de la Vallée appartenaient désormais au passé ; l'avenir, c'était l'agriculture irriguée. Avec l'adhésion du Sénégal au programme de l'OMVS, la politique de la table rase devenait irrévocable ; les barrages projetés ne supprimeraient pas la pluie, mais ils permettraient de supprimer en grande partie la crue ».

    Plusieurs décisions de l'OMVS, créée en 1972, lui donnent malheureusement raison, nous allons le découvrir.

    Au nombre de ses objectifs figurent la sécurisation des économies pour les rendre moins dépendantes des conditions climatiques, et l'amélioration des revenus des habitants du bassin du fleuve, cette organisation annonce un programme fondé sur la construction de deux barrages estimés à 136 milliards de FCFA fin 70, l'un pour constituer une réserve en amont et l'autre en aval pour empêcher la remontée des eaux salées.

    L'irrigation, la navigation et l'énergie (centrale hydro-électrique au barrage de Manantali) sont les trois volets prévus.

    Il était prévu de mettre en valeur rien de moins que 400 000 hectares de cultures irriguées (blé et riz), soit quatorze fois plus qu'avant, et dans un délai de moins de dix ans ; après vingt ans de crue artificielle mais dégressive, il paraissait évident que l'intégralité de la population de la Vallée serait occupée à travailler dans les périmètres irrigués (PNUD- OMVS, 1974).

    En 1987 et de 1989 à 1992, l'OMVS est directement responsable de l'absence d'emblavement puis de la destruction des cultures de décrues : elle privilégie la hauteur d'eau du réservoir et refuse d'opérer les lâchers nécessaires, ou le fait à contre emploi, noyant ce qui a été emblavé.

    Peu à peu, on assiste à une dichotomie régionale :

    Les stratégies traditionnelles de survie, où l'on se détourne ponctuellement de l'agriculture lorsque les conditions de l'année hypothèque la rentabilité des maigres moyens disponibles, risquent alors d'aboutir à l'exclusion des paysans « historiques » du domaine irrigué, dont on doit rentabiliser l'investissement initial chaque année, et si possible deux fois l'an.

    A la suite de plusieurs études et critiques très virulentes contre la politique de l'OMVS, de 1987 à 1990, les travaux de l'Institute for Development Anthropology, basé aux Etats-Unis, démontrent le double intérêt des cultures de décrue, plus rentables et productives à surfaces égales, en minimisant les risques. Le Sénégal est favorable à cette option, privilégiant l'idée d'une crue permanente contrôlée à partir du barrage, sans que cela ne soit incompatible avec la production d'électricité.

    Ce point de vue s'attirera les foudres du Haut Commissaire de l'OMVS qui le considérera comme un affront à l'autorité de l'OMVS, et l'expert de l'Institut ayant produit cette étude se verra rappeler par le personnel OMVS « qu'il était dangereux même de poser des questions au sujet de la crue artificielle, car cela pourrait donner à croire aux paysans qu'ils y avaient droit ».

    Au final, comme au temps du baron ROGER, la réalité des chiffres ramène les objectifs initiaux à ce qu'ils n'ont jamais cessé d'être, c'est à dire des utopies :

    Potentiel irrigable : 240 000 hectares

    Superficies aménagées : 94 000 hectares

    Superficies encore exploitable  : 64 000 hectares ( où la maîtrise de l'eau est possible)

    Surfaces cultivées : 35 à 40 000 hectares (tous systèmes confondus)

    Production de riz : 85000 tonnes (début 60), jusqu'à 200 000 T (2002-2004)

    On notera pour l'anecdote que l'objectif fixé l'an passé est de doubler cette production d'ici à trois ans (seulement) pour satisfaire la demande nationale ; celle-ci a obligé le pays à importer (en moyenne sur la période 2000 - 2003) 630 000 tonnes de riz, et 240 000 tonnes de blé...

    En 1985, la Nouvelle Politique Agricole, qui butera sur les contraintes de l'ajustement structurel, puis le Programme National de Vulgarisation Agricole jusqu'en 1995, se focaliseront au plan national sur l'augmentation de la production, pour accroître les recettes d'exportation du jeune Etat Nation. Elles oublieront l'importance de la productivité, et feront peu de cas du Capital Humain du secteur agricole, réduisant le rôle du producteur à la seule exécution des tâches techniques de production, très encadrées par les techniciens de l'Etat.

    Le bon encadreur, pour avoir des résultats, n'hésitait pas parfois à brandir la menace de la chicote lorsqu'un producteur de son secteur manifestait quelques velléités d'indépendance.

    La chute tendancielle des cours mondiaux des matières premières agricoles, combinée aux effets de la sécheresse (et de la descente au sud des isohyètes), ainsi que le désengagement brutal de l'Etat des fonctions d'approvisionnements et de collecte, laissera exsangue l'économie rurale et ses principaux acteurs, peu préparés à s'adapter à un nouvel environnement plus contraignant, dont ils ignorent les règles de fonctionnement du marché.

    Cette situation sonnera le glas de la vulgarisation de type « training and visit », conceptualisée par le « gourou » de la Banque Mondiale, D. BENOR.

    Il s'agissait en ait d'un système de type Top-down de transmission de consignes techniques (sous forme de paquets technologiques) identifiées par le sommet de l'échelle du dispositif comme les plus pertinentes ; mais cette position était très éloignée des réalités sociologiques et du terrain. Les vulgarisateurs étaient désormais évalués sur le nombre de thèmes techniques diffusés, le nombre de visites effectuées chez les producteurs, et accessoirement sur le taux d'adoption de ces nouvelles pratiques performantes en milieu paysan.

    Malheureusement pour ce système de développement et ses défenseurs, et heureusement pour les paysans, leur bon sens légendaire leur permettra de faire le tri des innovations dont ils pouvaient tirer une plus value, et d'ignorer les autres, dont certaines étaient manifestement inadaptées aux réalités, ou qui auraient pu leur coûter cher.

    Nous citerons par exemple l'incitation à abandonner les cultures associées dans les champs de case, technique jugée trop brouillonne et peu compatible avec la performance moderne et cartésienne, qui utilisent pourtant rationnellement l'espace, la fertilité du sol et les complémentarités de plantes aux besoins différents, et qui représentent surtout par leur diversification une garantie de sécurité alimentaire plus efficace que la monoculture, en cas d'attaque parasitaire massive ou d'incident climatique.

    L'ancien paradigme, qui avait montré ses limites, laissera alors la place à une approche participative, non directive et plus réactive : la naissance du Conseil Agricole et Rural renvoie la vulgarisation ancienne formule à la préhistoire.

    Sous l'impulsion de la Banque Mondiale, la plupart des pays d'Afrique sub-saharienne élaborent durant la seconde partie des années 90 des Programmes de Services Agricoles (conseil, recherche) et d'Appui aux Organisations de Producteurs.

    Englués dans la crise liée à l'affaiblissement de l'Etat, mais aussi sans doute aveuglés par leur statut social avantageux qui les avait coupé durablement des réalités du monde agricole, les acteurs du dispositif national de formation agricole, quasi-exclusivement public, ne surent saisir l'opportunité de prendre en marche le train des réformes du développement rural.

    La réflexion nationale qui conduira à la conception, puis la mise en oeuvre du programme PSAOP, à l'aube du troisième millénaire, laissera les professionnels « institutionnels » de la formation sur le bord du chemin. Il s'agissait pourtant du principal programme d'investissement du secteur agricole issu de l'ajustement structurel, et l'un des plus largement dotés en financement.

    Au démarrage de sa mise en oeuvre, ce sont essentiellement des chercheurs sénégalais qui s'apercevront du hiatus ; ils initieront et piloteront à son terme une vaste réflexion spécifique à la F.A.R, en considérant que même si le dispositif existant était jusque là très peu impliqué dans la formation directe des producteurs, il n'en demeurait pas moins le seul dispositif pourvoyeur de ressources humaines qualifiées dont avait besoin le nouveau Conseil Agricole et Rural. La nouvelle Agence Nationale du Conseil Agricole et Rural (ANCAR) prévoyait de pourvoir assez rapidement chacune des 320 Communautés Rurales en conseiller agricole de base, via ses dix directions régionales.

    Cette réflexion spécifique, qui durera un an et demi s'appuiera sur une triple analyse historique, diagnostique et prospective, pour proposer en mai 1999 une Stratégie Nationale de FAR ; celle-ci sera validée au cours d'un atelier national réunissant 120 acteurs de la formation et du développement rural.

    En faisant le choix d'une agriculture paysanne familiale, elle pointe pour la première fois la nécessité de répondre aux besoins des ruraux dans tous les domaines, pour accompagner les mutations d'une nouvelle économie rurale dans laquelle émergeront de nouveaux métiers (liés au désengagement de l'Etat d'un certain nombre de fonctions qu'il assumait jusque là).

    En insistant par ailleurs sur l'indispensable alphabétisation de tous les ruraux, la SNFAR recommande de mettre en place, sous forme participative, la régulation du sous-secteur pour améliorer la qualité globale des prestations offertes, et réduire le décalage important constaté entre l'offre et la demande de F.A.R.

    A la suite de cet atelier national, l'Etat créera un comité national de planification stratégique de la FAR (2000), qui restera lettre morte en raison de l'alternance politique intervenue au même moment.

    La coopération suisse, très engagée dans la FAR depuis 1975 (à travers un appui direct aux établissements de formation des techniciens et ingénieurs), et dont la représentation locale compte plusieurs acteurs de la Recherche Agronomique sénégalais, sera à l'initiative de plusieurs expérimentations conduites à l'échelon local et régional, dont notamment :

    I.5.2- LA NAISSANCE DU RESOF EN 2000 : DES AMBITIONS COMMUNES AFFICHÉES, MAIS UNE INITIATIVE EXTERNE

    Notre entretien avec Jacques FAYE, sociologue rural et ancien directeur général de l'Institut Sénégalais de Recherche Agronomique (ISRA) au moment des faits, éclaire les conditions dans lesquelles a émergé l'idée de faire travailler en réseau les acteurs de la formation agricole et rurale, dans la Vallée du Fleuve Sénégal. C'est lorsqu'il travaillait sur le nouveau projet d'établissement de l'ISRA, qui a conduit à la création du Fonds National de Recherche Agricole et Agroalimentaire, que cette idée a germé.

    La question centrale était alors la suivante : « Comment s'organiser pour en faire davantage, sachant que nos pays disposent de moyens limités ? »

    Le constat était unanimement partagé : des personnels nombreux, répartis dans de nombreuses institutions oeuvrant dans le développement rural. Il paraissait donc logique de les faire travailler ensemble, pour permettre d'additionner les avantages comparatifs de chaque institution, tout en décloisonnant des institutions qui travaillaient pour le même bénéficiaire final.

    La question qui venait immédiatement après était donc  : comment on va s'y prendre ?

    Deux options se présentaient alors  :

    1) fusion de ces institutions

    Mais très rapidement, les nombreux freins identifiés incitèrent à penser que cette solution ne menait nulle part.

    2) les faire fonctionner en réseaux (sur des sujets d'intérêt commun).

    Dans ce cas, il fallait que quelque chose motive les gens à aller dans ce sens car une limite apparaissait immédiatement : les moyens financiers. En effet, « outre le fait qu'il n'est pas illimité, l'argent qu'on « flaire » attire du monde, et pas nécessairement pour la bonne cause ».

    Le contexte général était cependant favorable pour conduire certaines réformes ; le ministre de l'époque (Robert SAGNA) souhaitait redonner une image positive au ministère, et le gouvernement voulait remettre un peu d'ordre dans le secteur.

    Il était également question de créer une véritable Direction de la Formation Professionnelle Agricole ; le président de la République avait donné le feu vert, et la Banque Mondiale et la Coopération Française étaient également d'accord pour l'appuyer.

    Tous les décideurs s'accordaient sur la prégnance d'un exode rural déjà bien visible à cette époque. Il paraissait évident que tous les jeunes ruraux ne pourraient pas s'installer en tant qu'agriculteurs, et que la Formation (Agricole et Rurale) était un moyen de donner aux jeunes les clés pour entrer dans l'économie urbaine, et les armer pour qu'ils puissent affronter cette mutation avec un minimum de chances de réussite d'insertion.

    « Au départ, l'idée était aussi de concéder le service public aux ONG et opérateurs privés qui souhaitaient gérer des centres de formation. Cette idée valait également pour le Conseil agricole, car selon moi, l'ANCAR ne devait pas disposer de personnels de terrain (contrairement à la version actuelle qui a été mise en place dans le cadre du programme des Services Agricoles et d'Appui aux Organisations de Producteurs(trices) PSAOP). »

    « On a donc dit à ces acteurs, qui se situent dans le champ de l'opérationnel : « Si vous vous mettez en réseau, en nous expliquant pour quoi faire, on vous donnera les moyens de travailler » ! C'est la « carotte » que nous avions trouvé pour les inciter à aller dans ce sens. »

    Six ans plus tard, Jacques FAYE reconnaît que les avancées sont minces, et en attribue d'abord la cause à l'alternance politique de 2000, la nouvelle équipe gouvernementale aurait découragé les acteurs impliqués en mettant « au placard » les dossiers en cours, hérités de l'équipe précédente.

    En vérité, au nombre de ces acteurs figuraient en bonne place les paysans eux-mêmes, et ils ne semblent pas s'être beaucoup investi dans les réseaux émergents, peut être en raison du fait que cette initiative n'était pas parti d'une demande formelle de leur part.

    Pourtant, l'idée de départ se limitait à rendre visible quelque chose qui existait en partie déjà dans les faits, au quotidien. Ainsi, les représentants de la profession, comme le président de l'imposante Fédération des Périmètres Autogérés, et l'Ecole Nationale d'Economie Appliquée, travaillaient déjà ensemble sur les problématiques du Conseil et de la Formation Agricole.

    Cet éclairage nous incitera à nous intéresser au point de vue des divers membres du RESOF, lorsque cette idée leur a été proposée en 2000, pour mieux appréhender leurs motivations respectives et mieux comprendre comment celle-ci pouvait trouver sa place dans les dynamiques en cours.

    PROBLEMATIQUE

    Le Réseau des acteurs de la Formation de la Vallée du fleuve Sénégal (RESOF), créé en 2000, regroupe un certain nombre d'acteurs ruraux, situés soit sur l'offre, soit sur la demande de formation (public, privé et associatif).

    La Stratégie Nationale de Formation Agricole et Rurale, déclinée en 1999, recommandait aux acteurs de la formation de s'organiser en réseaux pour leur permettre de faire jouer les complémentarités et pour mettre en oeuvre collégialement une régulation de leurs pratiques.

    Six ans plus tard, la visibilité du RESOF semble perfectible, les acquis semblent fragiles tant pour des raisons internes qu'externes (absence de cadre de pilotage du sous-secteur), et le dispositif semble faire du « sur place » à cause principalement de la vive concurrence sur le marché de la formation ; il s'en suit que les échanges de pratique tout comme les velléités d'assainir le secteur avec une plus grande transparence, butent sur une méfiance générale.

    Notre travail consistera à répondre à la question suivante :

    En quoi l'organisation en réseau, au sein d'un territoire donné, des acteurs situés sur l'offre et sur la demande de formation agricole et rurale (F.A.R.) peut-elle contribuer à la régulation participative de l'offre de services, pour permettre à celle-ci de mieux satisfaire la demande ?

    Nous explorerons dans un premier temps les différents concepts mobilisés pour nos travaux afin de leur donner une signification concrète, et d'en tirer des indicateurs observables pour mesurer les avancées obtenues par le RESOF et ses acteurs dans le champ de la régulation de la formation agricole et rurale.

    Nous aborderons successivement  :

    1) La notion de Formation Agricole et Rurale (FAR)

    2) L'organisation d'acteurs en Réseaux

    3) L'offre et la demande de formation

    4) La Régulation

    5) Le concept de participation appliqué à la régulation

    6) Le développement local

    Afin d'étayer notre raisonnement, nous nous adosserons aux deux hypothèses de départ suivantes :

    · Un réseau favorise la production d'une intelligence collective, qui va au delà de la somme de ses membres. Il peut constituer un cadre privilégié où s'élabore une vision holistique partagée et où se construit le consensus.

    · Mais les réseaux (humains) ajoutent de la complexité aux problématiques déjà complexes qui ont motivé leur création.

    En l'occurrence, la régulation envisagée sous forme participative (plutôt que directive) par le réseau concerne un secteur d'activité marchand où une partie de ses membres offreurs de formation, publics et privés, se retrouvent en situation de concurrence, tandis que d'autres membres se situent sur la demande (acheteurs de formation). Cette mixité, à priori complémentaire, peut s'apparenter de ce fait à un frein lorsqu'il s'agit de proposer et mettre en oeuvre une régulation des pratiques.

    Dans un second temps, nous ferons appel aux indicateurs que nous aurons mis en évidence pour procéder à l'analyse du RESOF, au cours de laquelle nous nous attacherons à observer i) les connaissances et les compétences nouvelles (et partagées) éventuellement produites, ii) les innovations en termes de régulation, imputables à l'influence du RESOF, et iii) les changements d'ordre comportemental induits.

    DEUXIEME PARTIE
    APPROCHE THÉORIQUE D'UN RÉSEAU D'ACTEURS DE LA FORMATION AGRICOLE ET RURALE DANS UN TERRITOIRE

    II- DEFINITION DES CONCEPTS MOBILISES

    DEUXIEME PARTIE

    Approche théorique d'un réseau d'acteurs de la formation agricole et rurale dans un territoire

    DEFINITION DES CONCEPTS MOBILISES

    II.1- FORMATION AGRICOLE ET RURALE

    Cette appellation peut sembler saugrenue, en raison de l'apparent pléonasme qu'elle renferme ; en effet les formations agricoles sont déjà incluses dans le domaine des formations rurales.

    Avant d'aller plus loin, nous nous sommes tournés vers Alain Maragnani et Pierre Debouvry, qui nous proposent un glossaire mentionnant ces deux termes15(*) :

    FORMATION AGRICOLE

    Formation professionnelle concernant les activités de production, transformation, distribution des produits agricoles et alimentaires et de services à l'agriculture.

    Elle peut être initiale (apprentis, élèves et étudiants), ou continue (exploitants et exploitantes agricoles, jeunes en cours d'installation, salariés agricoles ou des organisations professionnelles agricoles).

    FORMATION RURALE

    Les formations rurales concernent toutes activités de formation en zones rurales.

    Elles peuvent être d'éducation primaire, d'éducation de base, d'enseignement technique (agricole ou non), de formation professionnelle initiale (notamment d'apprentissage) ou continue.

    A l'origine, il était question de formations agricoles au sens premier du terme, c'est à dire « agricolo-agricoles », centrées sur le métier d'agriculteur, mais par la suite est apparue la nécessité d'adopter une approche plus systémique.

    Nous notons que le concept de « Formations Agricoles et Rurales » (FAR) semble plutôt réservé aux pays en développement. En qualité de pur produit de l'enseignement agricole public français, nous devons avouer que cette terminologie nous était inconnue jusqu'au moment où nous nous sommes expatriés.

    Dans les lycées agricoles, outre l'enseignement et la formation professionnelle agricole, on parlait jusqu'à aujourd'hui de ruralité, de diversification, voire de pluri activité (de plus en plus), de gîtes ruraux, de transformation et de vente à la ferme...mais pas de formations agricoles et rurales.

    La raison est en sans doute, qu'en France, les professions sont parfaitement définies et que la quasi totalité des activités est encadrée par autant de réglementations (ou de législations) spécifiques et fort détaillées. (en tout cas depuis la fin de la seconde guerre mondiale). A l'inverse, dans un pays d'Afrique sub-saharienne tel que le Sénégal, les normes sont l'exception :

    De ce fait, le « métier » de paysan (certains parlent plutôt de condition) consiste à gérer de courtes périodes de pointe et une inactivité agricole qui peut s'étaler sur huit mois de l'année.

    Les rendements sont faibles (largement inférieurs à dix quintaux par hectare en vivrier, quand les agriculteurs du Bassin Parisien se plaignent de rendements inférieurs à 90 qx en blé tendre) tout comme le sont les superficies unitaires des exploitations familiales (de dix à vingt fois inférieures à leurs homologues françaises en céréaliculture et polyculture-élevage). Pourtant, il faut générer un revenu qui permette à la famille de subvenir à ses besoins toute l'année.

    Dans ces conditions, chacun des membres de la famille en âge de se livrer à une activité professionnelle essaie ailleurs de monnayer en morte saison ses compétences et sa force de travail. C'est ainsi que la grande majorité des paysans possède au moins les rudiments de deux ou trois métiers différents : agriculteur, maçon ou menuisier, conducteur d'engins de TP, etc.

    Les jeunes p artent temporairement dans les grandes villes avec un attelage pour y être charretier, d'autres manutentionnaires ou manoeuvres. Les femmes s'emploient sur place à la vannerie, au tissage, à la teinture et à la cueillette de nombreux produits végétaux et forestiers. Selon les opportunités, elles n'hésitent pas à partir travailler comme ménagères à la ville ; elles sont nombreuses dans la Vallée du Fleuve Sénégal à traverser le fleuve pour trouver à s'employer comme « bonnes » en Mauritanie.

    Cette extraordinaire diversité de situations n'a jamais été prise en compte par les différentes catégories d'opérateurs de formation agricole, dont l'offre de service trop spécialisée conduirait la plupart du temps à segmenter artificiellement un ensemble cohérent d'activités professionnelles complémentaires et parfaitement synchronisées tout au long de l'année, pour sécuriser le revenu de la famille.

    D'un autre côté, la formation professionnelle classique, dans les secteurs secondaire et tertiaire, s'intéresse exclusivement elle aussi à la technicité de métiers parfaitement identifiés et spécialisés dans un seul domaine, comme la plupart des métiers de l'artisanat (s'agissant du monde rural). C'est donc en réponse au décalage important entre l'offre de formation spécialisées et la demande, caractérisée par une pluri activité élevée au rang de règle généralisée, qu'est né le concept de formation agricole et rurale.

    Rapidement cependant, ce concept engloba l'ensemble des activités professionnelles, pour peu qu'elles se déroulent en milieu rural. C'est ainsi que s'en emparèrent les professionnels de la santé, de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de la démographie et du planning familial, de la décentralisation, de la nutrition, et bien d'autres encore.

    Très vite, les problématiques de l'agriculture stricto sensu se sont retrouvées noyées, pour ne pas dire à la marge Ainsi sommes nous tentés de justifier cet apparent paradoxe : formations agricoles et rurales, pour que l'agricole ne soit pas oublié dans la masse des préoccupations s'intéressant à un (juste) titre ou un autre aux acteurs du monde rural dans son ensemble.

    Après une période assez stérile de polémiques, où les adeptes du « tout-global » se sont vu opposer une résistance farouche des « agriculturophiles » , chacun a fini par se rendre à l'évidence : vouloir intervenir simultanément sur toutes les facettes de la ruralité conduit à la dispersion des efforts et des ressources, sans véritable impact visible si ce n'est un accord général sur la complexité d'une telle approche.

    La FAR est ainsi revenue naturellement à sa vocation première : s'intéresser au développement rural, plutôt qu'au développement provincial ! Son champ d'intervention mieux circonscrit, les difficultés ne font pourtant que commencer tant le domaine est étendu, depuis l'alphabétisation, fonctionnelle ou non, jusqu'aux formations supérieures agronomiques et vétérinaires. S'ajoute à cette difficulté l'approche (pas toujours critique) par les formateurs de la notion de professionnalisation, dans le contexte des agricultures paysannes que nous avons brièvement évoqué plus haut.

    En effet, dans le domaine agricole également, le formateur lambda de la formation professionnelle a le défaut d'être avant tout un technicien, aux yeux duquel les savoirs paysans traditionnels ne trouvent pas grâce. Le technicien est épris de techniques modernes et productives (et de techniques seulement) qui sont sous ces cieux généralement importées et rarement adaptées en l'état à un contexte fort différent de celui pour lequel elles ont été mises au point. Le second défaut du formateur tient au fait que la prégnance de la dimension pédagogique tend à réduire son champ de vision et de compréhension, dans son approche de la formation, comme le rappellent Denis Pesche et Loïc Barbedette16(*) dans l'encadré ci dessous.

    Relativiser la dimension "pédagogique" dans l'approche de la formation : Cette première remarque - dont nous forçons volontairement le trait - peut paraître paradoxale, d'autant que nous sommes nous-mêmes issus de "l'espace des pédagogues" ; elle s'est pourtant imposée à nous à travers l'expérience : les questions de méthodes pédagogiques ne sont pas premières et sont souvent des "questions refuge". En cela nous partageons tout à fait l'hypothèse qui avait été avancée par le groupe "formation" du réseau recherche-développement dans le travail précédemment cité et selon laquelle l'adoption d'innovations et l'acquisition de nouveaux savoir-faire par les paysans (et de façon plus générale les acteurs adultes) n'est pas d'abord une question de pédagogie : quand les conditions externes (économiques, écologiques, institutionnelles...) favorables existent ou sont créées, les acteurs qui ont une structure cognitive de base (ce qui est le cas de la plupart des adultes, même non alphabétisés) apprennent vite s'ils peuvent avoir accès aux sources d'information pertinentes.

    On reviendra à propos de "l'apprentissage" sur les implications de cette observation. Pour le moment elle indique l'importance qu'il y a à prendre en considérations d'autres domaines (le développement global, la profession, le cadre de dialogue...) que le seul domaine de la formation, et ainsi de pouvoir identifier les "conditions-cadres" dans lesquelles vont s'inscrire les stratégies de formation, mais sur lesquelles il peut aussi s'avérer prioritaire d'agir pour permettre le développement de capacités.

    Tous ces éléments contribuent à faire douter de la pertinence d'un dispositif de formation agricole et rurale, qui serait calqué sur le modèle conventionnel de la formation professionnelle classique. (ce qui peut expliquer l'état comateux de l'actuel dispositif mis en place au lendemain de l'Indépendance)

    L'inéluctable nécessité de prendre en compte l'apprentissage familial ( Pierre Debouvry )17(*)

    (...) "En Afrique de l'Ouest, la formation professionnelle agricole est de fait assurée, dans la très grande majorité des cas, par le canal de l'apprentissage familial. Dans ce contexte, la formation gestuelle se fait principalement par l'observation ; l'apprenti regarde ses parents travailler, peu à peu, il essaie seul, par mimétisme, de reproduire ce qu'il a vu, il se corrige et se fait corriger ; il s'informe, notamment sur le "comment" et le "pourquoi" auprès de ceux qui savent. Il n'a pas de "cours" mais des "situations de formation" apportant des enseignements au fur et à mesure de la maîtrise des techniques par l'apprenant et au rythme des calendriers agricoles.

    L'apprenti est d'abord un autodidacte. Cette formation ne se limite pas à la transmission des pratiques manuelles et des savoirs technologiques comme le font le plus souvent les écoles; elle prépare également le/la formé(e) à toutes les fonctions de relations sociales du métier : avec la famille et la collectivité villageoise (éducation sociale), les fournisseurs et les clients (qui, quoi, où, comment, combien ?), l'Etat (état civil, fiscalité, législation foncière), les autres producteurs/trices et autres métiers ruraux avec les systèmes d'épargne et/ou de crédits (formels, informels).

    Tous ces aspects relationnels sont, en règle générale, sous-estimés dans les enseignements initiaux, y compris professionnels, qui sont censés former des "agents du secteur moderne" (fonction publique, entreprises agricoles, agro-industrie), où le futur employeur assumera l'essentiel de ces relations avec l'extérieur, pour ne laisser aux employés que la production et la relation au savoir technique. L'apprentissage familial est donc beaucoup plus qu'une simple transmission de savoirs gestuels et techniques. Fondé sur la "pédagogie de l'activité" et "l'auto-formation", il permet à l'apprenant de se forger par l'expérience des attitudes (ajustement, défense, expression, caractérisation) nécessaires à l'exercice des fonctions sociales.../...

    Cette distinction entre formation et apprentissage bouleverse l'univers de pensée traditionnel...des formateurs, comme l'explique très clairement le même Loïc Barbedette :

    « .../... le quatrième cas de figure identifié par Quaternaire-Education (transformation d'un milieu de travail en milieu éducatif) était à l'époque le plus nouveau et apparaissait comme le plus porteur d'avenir. La mise en oeuvre d'interventions selon cette orientation supposait que "toutes les tâches d'ingénierie dont un milieu de travail est le siège soient faites sous une forme participative". La perspective éducative est ici inversée : elle n'est plus centrée sur la formation et la relation du formateur vers le formé, mais sur l'apprentissage, c'est à dire sur la construction du rapport de l'apprenant au savoir. Depuis lors, le courant de pensée D.O. ("développement organisationnel") a élaboré cette distinction entre formation et apprentissage. »

    dans un secteur très exposé aux conséquences de la mondialisation, qui peut faire d'une culture rentable aujourd'hui une spéculation déficitaire demain, la finalité n'est plus le transfert de connaissances et l'acquisition de savoirs-faire techniques, mais bien de développer davantage l'autonomie de pensée et d'action des acteurs, en développant leurs capacités d'auto apprentissage.

    Enfin, la dimension sociologique a été trop longtemps sous estimée par les professionnels de la formation agricole ; la plupart du temps, les dispositifs classiques de formation s'efforcent de préparer les individus à exercer un métier, alors que l'apprentissage familial, sur le tas, s'est toujours donné pour mission première de préparer à vivre dans la société rurale, et à y exercer des responsabilités au plan social.

    Les paroles de plusieurs responsables de la Fédération des ONG au Sénégal (FONGS), lors d'un échange avec Daouda Diagne18(*) et Denis Pesche en 200219(*), sont édifiantes sur ce dernier point :

    « La formation traditionnelle était un support pour acquérir les connaissances globales pour s'insérer dans la société, disposer des éléments pour cela. La motivation n'était pas le métier, mais vivre dans sa société. Cela existe toujours dans les temps modernes. Quand je pars dans le champ avec mon fils, je lui explique que ce que l'on fait apporte la sécurité à la famille. Ce n'est pas l'apprentissage du métier qui est déterminant, mais qu'il comprenne que le travail est indispensable pour vivre. »

    « Former, oui, mais pour qui ? est-ce individuel ou plus global ? Je reviens sur l'exploitation familiale : est-ce que dans la famille la transmission ne se faisait pas en fonction d'un objectif global, qui touche toute la famille (j'apprends en fonction de tous), alors que l'apprentissage moderne ne concerne que l'individu. Celui qui est formé globalement appliquait de façon collective, alors que l'individu trace son avenir en solo. »

    « Dans le bassin arachidier, c'est le chef d'exploitation seul qui a bénéficié de la vulgarisation agricole, pourtant, les femmes travaillaient aussi dans les champs. Cela a créé un déséquilibre. Cette tare des techniciens, on en retrouve les effets aujourd'hui. Impliquer les femmes, cela a été le défi de l'animation rurale, faire en sorte qu'elles participent aux réunions sous l'arbre à palabre. Dans la famille, il faut qu'il y ait un équilibre dans la formation entre les différentes personnes. »

    « Quand tu vas à l'école, tu es calé à partir du diplôme ; quand tu es formé sur le tas, tu es calé à partir de la responsabilisation. »

    Comment prendre en compte et valoriser le modèle dominant de formation que représentent les apprentissages paysans au Sénégal ?

    Cette question nous ramène instantanément à la réflexion que devrait logiquement s'approprier les acteurs qui se positionnent sur la régulation du sous secteur de la FAR. Le RESOF est l'un de ces acteurs dans la Vallée, et l'appui à la mise en oeuvre de la régulation participative est l'une de ses principales missions...

    II.2- LES RESEAUX

    Le réseau en tant que forme d'organisation est d'origine récente ; cependant, au fil d'une évolution des organisations de toutes formes, marquée par une complexification croissante du fait d'interactions et d'interdépendances toujours plus nombreuses, les réseaux prolifèrent.

    Même si beaucoup meurent précocement, il s'en crée de plus en plus chaque jour, à l'image des associations (de type Loi 1901), dont le rythme de création annuel est passé en France de 20 000 en 1960 à plus de 60 000 au début des années 90.

    Au delà du domaine informatique qui a grandement contribué à populariser la notion de réseau, nous nous intéresserons essentiellement aux réseaux humains, composés d'acteurs reliés entre eux pour le bénéfice d'une cause commune, que celle-ci soit à haut risque comme un réseau de résistants, ou pour faire avancer la connaissance et en retirer un intérêt économique ou social.

    Les exemples sont légion, du Réseau Voltaire20(*) fondé en 1994 pour la défense des libertés individuelles et de la laïcité», au réseau international des Instituts Pasteur créé en 1988, mais parti de l'impulsion de Jacques Monod lorsqu'il créa en 1972 le conseil des Directeurs des Instituts Pasteur.

    Un réseau tentaculaire peut parfois partir d'une action individuelle ; c'est le cas du Réseau des Réseaux, dont le libellé exact est Mouvement des Réseaux d'Echanges Réciproques de Savoirs. (MRERS).

    Au tout début des années 1970, une institutrice d'Orly21(*) ressent la nécessité d'éveiller l'esprit des enfants et d'ouvrir l'école sur la cité. Cette première coopération entre les acteurs de la ville et l'école primaire, en favorisant son ouverture, se donnera pour objectif de créer du lien social pour favoriser la réussite scolaire. Dix ans plus tard, celle-ci participera activement à la naissance du Réseau d'Evry, ville nouvelle en plein chantier, dont les responsables ont pris conscience de la nécessité d'humaniser les échanges entre ses habitants.

    L'esprit du réseau est basé sur la réciprocité des échanges...de savoirs : « je connais quelque chose qui peut intéresser d'autres personnes, donc je peux échanger cette connaissance ou ce savoir-faire avec quelqu'un qui, en retour, pourra m'apprendre ce que je cherche et que je maîtrise mal » ; il s'agit bien d'une forme de troc de la connaissance universelle, sans incidence financière.

    La vitalité de ce réseau est aujourd'hui intacte (il rassemble plus de 600 réseaux en France, et près de 150 en Afrique et en Amérique Latine) même s'il connaît depuis l'été 2006 des difficultés financières qui lui ont valu un redressement judiciaire.

    Qu'est ce exactement qu'un réseau ?

    De nombreuses définitions sont proposées, pour l'essentiel dans les domaines de l'informatique et des télécommunications ; voici celle que nous propose le site Wikipédia22(*) :

    Un réseau est un ensemble d'objets ou de personnes connectés ou maintenus en liaison, et désigne par métonymie l'ensemble des liaisons ainsi établies. Un réseau est plus souvent désigné par la nature et le nombre de ses liaisons que par la nature des objets qui le composent.

    La définition du Petit Larousse Illustré est relativement étroite ; si l'on met de côté les références aux réseaux hydrographiques, ferroviaires, électriques, elle définit le réseau comme « un ensemble de personnes qui sont en liaison, en vue d'une action clandestine ».

    L'éthymologie du mot réseau nous vient du latin RETS, qui renvoie au filet des pêcheurs ou des dentellières. L'image est forte et permet de comprendre d'un coup le mode d'organisation et de fonctionnement des réseaux  : aucun des noeuds n'occupe une position centrale ou dominante, mais tous sont en relation.

    Ainsi, les réseaux de professionnels sont ils des systèmes organisés de relations entre des acteurs, et caractérisés par les points suivants23(*) :

    Plus qu'une mode, les réseaux sont devenus une nécessité pour progresser dans un mode plus complexe, dès lors qu'apparaissent les limites de l'action individuelle.

    Cette mode (en apparence seulement) repose sans doute en bonne partie sur les possibilités nouvelles qu'offrent aujourd'hui les technologies modernes de l'information et de la communication, dont les performances progressent chaque jour : ainsi depuis 1965, la loi de Gordon Moore nous enseigne sans être démentie par les faits que le nombre de transistors des microprocesseurs sur une puce de silicium double tous les dix huit mois environ.

    Or, le dynamisme d'un réseau (et donc ses performances) est directement lié aux moyens de communication : téléphone portable, internet, messageries instantanées permettent désormais de communiquer en temps réel et en s'affranchissant des distances, pour s'échanger de multiples informations sous les formes les plus diverses : voix, sons, images, données.

    Le quadrillage d'un territoire, accompagné d'une réduction sensible des coûts d'équipements, d'accès et de connexion, nous amène tout droit dans une ére nouvelle où la seule limite semble être d'ordre humain : comment se mettre d'accord autour d'objectifs communs, et imaginer ce qui pourrait être fait mais qui n'existe pas encore.

    La limite de l'action individuelle apparaît de plus en plus fréquemment ; qu'il s'agisse de grands projets d'aménagements urbains ou de l'organisation de la prise en charge de certaines pathologies, leur complexité provient pour l'essentiel de la diversité des compétences à mobiliser dans des champs très différents. De multiples compétences disciplinaires, souvent très pointues, doivent être combinées pour concevoir une réponse globale et cohérente. Même le CNRS fait désormais de l'interdisciplinarité une priorité, en y consacrant 20 % des postes de chercheurs qui seront ouvert à l'avenir.

    Les réseaux ont aussi leur raison d'être dans la régulation et l'amélioration du fonctionnement des organisations qui ont atteint un haut degré de complexité ; tournant le dos au taylorisme, l'organisation du travail privilégie désormais la souplesse, la réactivité et la polyvalence pour que leur capacité d'innovation puisse affronter la concurrence.

    Travailler en flux tendus ne s'improvise pas, surtout avec un objectif de qualité totale. A tous les niveaux d'intervention, de l'ouvrier au responsable de site de production, prendre la bonne décision dans l'urgence d'une situation inattendue ne peut relever raisonnablement de la seule intuition, mais doit au contraire pouvoir s'appuyer sur des savoirs-faire explicites qui servent de référence collective.

    Les réseaux peuvent et doivent produire de l'innovation, grâce à la rencontre de compétences et de points de vue multiples. Le réseau permet de pallier la parcellisation excessive des savoirs épars en permettant de les re-combiner et de partager les bonnes pratiques et les expériences, jouant ainsi un rôle central dans les processus de capitalisation que les anglophones nomment Knowledge Management, et concrétisant ainsi le concept nouveau de méta-connaissance.

    D'un point de vue économique, les réseaux de communautés professionnelles permettent un travail collaboratif qui optimise les savoirs et les ressources en les mutualisant pour abaisser les coûts de production et de développement. Ces nouvelles formes de partenariat, holistiques par nature, peuvent déboucher sur une productivité d'ensemble accrue, là où chacun des segments pris isolément semblait atteindre sa limite.

    Pour bien fonctionner, le réseau a besoin que ses membres développent une culture de la communication, où l'on accepte de donner pour recevoir.

    Cette forme d'organisation, multicéphale et guidée par un esprit de convergence de ses acteurs, est aussi un formidable outil de veille, que ce soit en terme d'évolution des marchés ou de surveillance d'épidémies.

    La moindre prémisse qui aurait pu passer inaperçu depuis un niveau centralisé d'observation va ainsi être repérée localement, et cette « nouvelle » va pouvoir être transmise par les canaux appropriés à l'ensemble des membres, quasiment à la vitesse de la lumière.

    On le voit, les avantages d'un réseau et les multiples possibilités d'application sont légions.

    Ces atouts peuvent se résumer simplement : c'est la construction d'une intelligence collective, qui permet d'explorer de nouvelles dimensions hors de portée des compétences individuelles ou solitaires. L'ère de la méta-connaissance et des méta-organisations24(*) est plus qu'une simple mode passagère, c'est une nouvelle voie de progrès rendue obligatoire par les tensions de l'économie et l'obligation du zéro-défaut dans de nombreux domaines sensibles.

    La diversité des buts poursuivis par les réseaux nous incline à penser que leur mode d'organisation n'est pas uniforme, pas plus que ne le sont les compétences nécessaires pour qu'un réseau fonctionne efficacement.

    Guy Le Boterf, dans son ouvrage entièrement consacré au travail en réseaux25(*), propose une typologie fondée sur la mission principale qu'ils poursuivent ; selon lui, quatre types distincts de réseaux peuvent être retenus sur cette base. Il s'agit :

    1) des réseaux de support d'un acteur (individuel ou collectif)

    2) des réseaux d'action collective

    3) des réseaux de partage et de capitalisation des pratiques

    4) des réseaux d'appui et d'apprentissage mutuel.

    Nous passerons sans nous y attarder sur la première catégorie, dont la raison d'être est de fournir les ressources dont a besoin un professionnel dans sa relation avec le client ou l'usager ; il peut s'agir par exemple de centres de réinsertion, des missions locales pour l'emploi ou de la prise en charge de pathologies lourdes avec un médecin référent.

    Le quatrième modèle s'apparente à une bourse d'échanges de savoirs, dont l'exemple a déjà été fourni précédemment avec le Mouvement des Réseaux d'Echanges Réciproques de Savoirs.

    Nous examinerons plus en détail les deux derniers types de réseaux, dans la mesure où leur finalité se rapproche le plus des objectifs assignés au Réseau Formation Fleuve (RESOF) à sa création.

    Les réseaux d'action collective

    Tournés vers l'action, ils se différencient du premier type évoqué par leur orientation au service d'une mission collective ; il peut s'agir de la gestion du changement dans le cadre de la fusion d'entreprises, de mission de veille technologique, sanitaire ou marketing, de l'accompagnement de l'individualisation des réponses dans les dispositifs de formation en alternance, ou encore dans le cadre d'un projet de territoire pour mieux gérer les compétences mobilisées. Les réseaux d'influence ou le Réseau Européen d'accompagnement des Femmes vers l'Emploi relèvent également de cette catégorie.

    En fonction du « déroulé » des étapes intermédiaires qui conduisent vers l'objectif, sa configuration peut évoluer selon les besoins du moment ; la qualité et la réactivité de leur coordination est primordiale, au moins tant que la coopération entre les acteurs peine à devenir un réflexe.

    Les flux d'échanges sont avant tout horizontaux ; le rôle de la coordination se limite à éviter les fausses notes, à donner le rythme et à identifier et lever les contraintes qui freinent le déroulement des échanges ; ce n'est pas rien.

    Le RESOF pourrait donc être assimilé à un réseau d'action collective, de par sa finalité de contribuer à réguler les interventions et les opérateurs oeuvrant dans le sous secteur des formations agricoles et rurales.

    Par contre, nous verrons plus tard que son mode de fonctionnement est au contraire caractérisé par des flux verticaux, qui peuvent s'expliquer par la difficulté à concilier l'intérêt collectif (en l'absence des Pouvoirs Publics et des Collectivités Locales) et les intérêts individuels d'acteurs situés tant sur la demande que sur l'offre de services, et parfois même les deux simultanément.

    Les réseaux de partage et de capitalisation des pratiques

    Leur mission prédominante consiste à permettre à chacun de partager ses pratiques professionnelles avec les autres, pour que tous puissent progresser et produire simultanément un savoir commun, des références communes. Ce type de réseau doit donc faire face aux nombreuses difficultés propres aux processus de capitalisation en règle générale :

    Sur la forme :

    Problèmes relationnels, maîtrise des techniques de communications, qualité d'écoute et respect de la diversité.

    Sur le fond  :

    · Domaines traités parfois sensibles, dans un secteur concurrentiel ou la plupart des membres sont déjà liés par ailleurs, en dehors du cadre du réseau.

    · Difficulté à expliciter des savoirs-faire tacites.

    · Embarras à soumettre au regard des autres ses propres façons de faire.

    · Prise de recul nécessaire pour décontextualiser les expériences décrites, les conceptualiser afin de pouvoir ensuite les recontextualiser.

    Cette construction collective est en général l'affaire de spécialistes ou de passionnés dans leur domaine ; les individus sont plus engagés que les organisations qu'ils représentent, ce qui peut poser problème à l'occasion car un réseau est grand consommateur de temps, et les progrès collectifs enregistrés sont lents. La compréhension de leur hiérarchie doit aller jusqu'à les soutenir, faute de quoi le réseau pourrait cesser de fonctionner prématurément.

    Le partage et la capitalisation des pratiques figurent en bonne place dans les missions assignées au RESOF. Par le biais d'une régulation participative, il en était attendu une plus grande synergie entre des acteurs aux compétences complémentaires, une plus grande transparence destinée à assainir le secteur et à terme, une amélioration sensible de la qualité des prestations.

    Il nous faut maintenant nous pencher sur les menaces qui planent sur le fonctionnement des réseaux. A la différence d'une entreprise ou d'une administration dans lesquelles l'organigramme répartit clairement les rôles et les responsabilités de postes concrets de travail, à la différence également de réseaux physiques, ferroviaires ou hydrographiques, les réseaux d'acteurs ne sont que virtuels !

    Suscitant l'engouement général au départ, cette immatérialité en fait leur force, en échappant ainsi au carcan des organisations classiques, mais elle n'est pas exempte de faiblesses.

    La vie d'un réseau ne vaut que par les flux d'échanges entre ses acteurs ; que ceux-ci soient déçus par les retombées obtenues, par la lenteur de la progression ou par les motivations à visées trop personnelles de certains membres, et c'est alors la vulnérabilité du réseau tout entier qui est posée. Guy Le boterf identifie une dizaine de dérives possibles, conduisant à la sclérose d'un réseau ; parmi celles-ci, nous retiendrons :

    1. la dérive du réseau en faisceau

    Dans un tel cas, le réseau multipolaire, qui doit faciliter la communication horizontale entre tous ses membres, dérive insensiblement vers une coordination centralisée et son corollaire, la communication verticale et hiérarchisée. Cette tendance apparaît souvent en réponse à des dysfonctionnements répétés, souvent causés par la lenteur des processus engagés ou le manque de coopération de certains acteurs.

    2. la routine, ou le sur-place

    lorsque le réseau devient victime de l'habitude, il ne produit plus que du conformisme ; malgré l'activité apparente, la production ne répond plus aux attentes des membres. La désillusion, l'absence de visibilité face à l'avenir et au chemin déjà parcouru, conduisent progressivement au désintérêt des acteurs et à la paralysie du réseau. Le rôle de l'animateur est alors crucial pour ne pas en arriver à cette perte collective de sens et de repères.

    3. D'autres formes de dérive sont liées à l'intérêt personnel ou catégoriel.

    C'est le cas lorsqu'un acteur s'accapare le pouvoir du fait de sa position ou de son statut, ou encore lorsqu'un des membres ne vise qu'à piller le travail collectif pour le présenter ensuite comme le sien.

    4. D'autres dérives réduisent considérablement l'intérêt et la plus-value d'un réseau.

    Tel est le cas de la juxtaposition des membres, qui remplace progressivement leurs interactions et la mise en synergie recherchée : chacun travaille dans son coin, sur le modèle de la division du travail.

    Nous terminerons ce tour d'horizon des risques encourus par une dérive fréquente dans les réseaux de mutualisation de pratiques, liée à la difficulté de transférer ces pratiques ; en effet, il ne suffit pas de décrire ses pratiques professionnelles aux autres, ni même de les écrire noir sur blanc, pour qu'ils puissent en tirer profit dans leurs propres contextes.

    Fonctionner en réseau implique pour ses acteurs de savoir, de pouvoir26(*), et de vouloir travailler différemment des méthodes habituelles qui prévalent au sein de leurs organisations respectives.

    Un réseau est d'abord, et peut être même seulement, un construit humain caractérisé par l'imprévisibilité du comportement individuel de ses membres, mais aussi par l'indétermination à priori de sa cohésion collective.

    Dans ce domaine, les recettes n'existent pas et la pertinence des comparaisons avec les systèmes mécaniques paraît bien douteuse, et Guy Le Boterf nous le rappelle à juste titre : les hommes ne sont pas des rouages qu'il suffirait de bien huiler pour qu'ils fonctionnent de façon idéale, conformément à leur programmation.

    Par contre, une métaphore provenant des Etats-Unis semble beaucoup plus pertinente, il s'agit du « gardening management » ; Plutôt que de paraphraser maladroitement Le Boterf, nous préférons rapporter in extenso la description qu'il en fait :

    « De même que le jardinier ne tire pas sur ses plants pour les faire pousser, de même le manager ne peut forcer les membres d'un réseau à coopérer !

    la stratégie du jardinier consiste à créer et à entretenir un environnement favorable aux plantes : traitement du sol, ventilation, ensoleillement, tuteurs, etc. Plus cette écologie comportera un ensemble cohérent de conditions favorables, plus la probabilité de réussite sera grande. La démarche est donc probabiliste, et non déterministe. »

    Le schéma ci-dessus résume l'ensemble des conditions favorables dont ont besoin les trois pôles du Savoir, du Vouloir et du Pouvoir pour faire fonctionner efficacement un réseau.

    Si le Savoir coopérer relève selon nous de processus collectifs d'apprentissage sur la forme (d'une nouvelle manière de travailler avec les autres), il nous semble que le Vouloir et le Pouvoir coopérer relèvent quant à eux d'une méthodologie de « guidance » du réseau, portant prioritairement sur le fond.

    « Piloter » (cf. concept Pilotage), préciser les résultats attendus et les étapes intermédiaires, formaliser celles-ci en les capitalisant, instaurer des moments de régulation avant que la désorientation ne s'installe, tout ceci relève de fonctions vitales pour la pérennité et l'efficacité du réseau, qui ne pourrait survivre longtemps au désintérêt de ses acteurs.

    Nous en terminerons par un rappel de la difficulté à conduire avec succès des démarches de capitalisation, objectif commun à tous les réseaux de partage et de mutualisation des pratiques professionnelles. Leurs fréquents échecs se traduisent par l'insatisfaction des acteurs, qui ont beaucoup donné et qui croulent parfois sous une montagne d'informations accumulées sans que celles-ci ne puissent être utiles dans l'opérationnel, tant semble impossible leur adaptation à des contextes particuliers différents.

    Pour dépasser cet écueil, Guy Le Boterf propose une méthode de partage d'expériences, partant des savoirs tacites jusqu'à leur recontextualisation.

    Il n'entre malheureusement pas dans ce cadre de traiter l'ampleur de cette démarche globale, au risque de la caricaturer ; sa complexité et l'importance des outils connexes qu'elle mobilise mériteraient qu'un travail spécifique y soit entièrement consacré.

    Nous aurons cependant l'occasion d'y faire référence dans notre dernière partie.

    II.3- L'OFFRE ET LA DEMANDE : L'APPROCHE PAR LA DEMANDE (DE FORMATION ?)

    Ces aspects ont déjà fait l'objet d'une exploration par Alain Maragnani27(*) en juin 2004, la place est donc étroite mais il est possible d'y ajouter quelques éléments en se référant spécifiquement au contexte des agricultures paysannes familiales subsahariennes, et en s'appuyant sur les travaux réalisés sur la formation agricole et rurale au Sénégal depuis mi 2004.

    L'offre de formation

    A. Maragnani s'étonnait à l'époque de n'avoir pu trouver aucune définition pour cette expression, ni dans la terminologie AFNOR, ni dans les dictionnaires d'éducation et de formation, ni sur le net. Deux ans plus tard, ce constat reste valable à une exception près, dénichée sur un site belge, qui propose la définition suivante :

    « Description de l'action proposée par un organisme de formation (privé, public ou associatif). Elle peut revêtir la forme de : un catalogue, une réponse à une demande spécifique, une réponse à un appel d'offre. »

    La qualité de l'offre peut être approchée par la norme NF X 50 - 760 »

    On le voit, cette définition est assez étroite, en la limitant aux seuls organismes de formation, c'est à dire aux organisations dont la formation constitue l'activité principale voire unique. C'est faire peu de cas de la pluralité des catégories d'acteurs qui se positionnent sur « l'offre de formation » : ONG, associations, bureaux d'études, consultants, organisations professionnelles, chambres consulaires, etc., qui pour la plupart ne font pas de la formation leur principale activité.

    L'offre de formation est évidemment plurielle, elle peut recouvrir en partie l'enseignement dispensé au sein du système scolaire (formation professionnelle initiale), et s'étend depuis l'alphabétisation fonctionnelle des adultes jusqu'au fameux Capacity Building, que traduit fort mal l'expression francophone galvaudée : Renforcement de capacités.

    Plus encore, la formation se définit généralement comme un processus d'acquisition de connaissances, de compétences et de qualification, qui se déroule dans le temps avec des moments situés dans un espace social déterminé.

    Or, cette définition n'est qu'un pis aller, dans la mesure où l'on s'accorde généralement à considérer qu'une compétence se construit plutôt qu'elle s'acquiert d'une part, et que d'autre part la mise en situation professionnelle au quotidien, en forgeant l'expérience face aux multiples situations imprévues, est elle-même source d'apprentissage donc de formation.

    Nous aurons l'occasion de revenir sur ces aspects lorsque nous aborderons la qualité de la formation dans la troisième partie.

    La demande de formation

    L'AFNOR précise que « la demande de formation est l'expression d'un souhait ou de résultats attendus, exprimés par des personnes salariées ou non, des responsables hiérarchiques, des entreprises ou institutions ».

    Il est généralement admis jusqu'à aujourd'hui qu'une demande de formation, s'il y est donné suite, va enclencher un processus d'ingénierie de formation devant nécessairement conduire à la définition de besoins de formation.

    Dans l'économie « formelle », les processus sont parfaitement normalisés ; ainsi, la norme AFNOR NF X 50- 756 définit elle les informations à communiquer par une entreprise (client) à ses prestataires potentiels, pour l'aider à clarifier sa demande afin d'obtenir une prestation de service correspondant à ses besoins.

    Or, il n'existe pas une, mais des demandes, qui peuvent être contradictoires en fonction des points de vue respectifs des différents acteurs d'un secteur donné. De même, au sein d'une même organisation, il est important de savoir qui porte la demande, s'il en est à l'origine ou non, quels sont les réseaux informels internes, pour mieux relativiser l'importance des fonctions officielles détentrices de pouvoir dans l'organigramme.

    Mais surtout, on ne peut considérer comme un manque ce qu'on ignore ; pourtant, dans la majorité des cas, on sollicite la formation dans l'espoir inconscient qu'elle soit la réponse la mieux adaptée au problème plus ou moins exploré du moment, ce qui est tout sauf évident.

    Souvent aussi, la formulation d'une demande de formation s'apparente dans le milieu de l'entreprise à un moyen de satisfaire à bon compte les revendications des partenaires sociaux.

    Si l'on tente de recontextualiser ces différentes données à prendre en considération, pour les utiliser dans le secteur du développement rural au Sénégal, on s'aperçoit assez rapidement que leur niveau de sophistication les rend impropre à un usage tel quel (copier-coller). Cette inadaptation tient pour l'essentiel aux caractéristiques suivantes du contexte d'intervention :

    A notre sens, la demande de formation est ainsi une notion qui, souvent, est mise en avant trop tôt : parler de demande de formation dès la phase de l'expression d'une demande d'appui revient à considérer à priori que la réponse-formation va de soi.

    Il ne faut pas oublier également que cette demande peut avoir été exprimée formellement (courrier adressé à un prestataire), qu'elle peut avoir été suscitée dans le cas du démarrage d'un nouveau projet, ou encore reposer sur un rapide recueil de « doléances », à l'occasion d'une tournée d'animateurs de terrain.

    Dans ces conditions, on ne s'étonnera pas que le consultant, ou pire le formateur appelé à la rescousse pour établir un diagnostic préalable (et souvent rapide), se fasse un devoir de proposer une liste plus ou moins longue de besoins de formation à satisfaire.

    Approche par la demande (de formation ?)

    Après plusieurs décennies durant lesquelles chacun en était arrivé à estimer que la compétence d'un prestataire de formation se mesurait à la qualité de son catalogue de produits, une inversion de tendance s'est amorcée depuis quelques années, en partie liée au fait que de nombreux organismes, qu'ils soient publics ou privés, se sont contentés de gérer une rente en renouvelant peu leur offre.

    Ce constat, largement partagé par les clients habituels, s'est traduit d'abord par une désaffection puis un rejet de l'offre-catalogue (les tentatives de mesurer l'impact réel des formations dispensées sur l'amélioration des performances des bénéficiaires, organisations et individus, n'y sont pas non plus étrangères).

    La demande s'est alors largement réorientée vers l'attente de services « sur mesure », individualisés, pour tenter de réduire le gap constaté entre les apports trop abstraits, trop généraux, de la formation, au regard de la complexité et de la spécificité des réalités du terrain.

    Bon gré mal gré, les offreurs de formation ont donc été contraints de se réajuster, dans un contexte de concurrence de plus en plus vive. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui, tous les opérateurs de formation se réclament d'une démarche d'approche par la demande de formation.

    Dans la région de Kaolack (bassin arachidier), une quarantaine d'entretiens conduits et initiés par le Bureau de la Formation Professionnelle Agricole (Ministère de l'Agriculture) auprès d'acteurs situés sur l'offre, sur la demande, et pour certains sur les deux volets, a mis en évidence que tous revendiquent une approche guidée par la demande de formation, qui recouvre selon les cas des modalités, des postures et des compétences très diverses et parfois assez éloignées.28(*)

    Dans certains cas rencontrés, l'expression des besoins a lieu annuellement, à l'occasion d'une assemblée générale villageoise ; parfois, elle constitue une étape, au démarrage du projet. En règle générale, les outils généralement mis en oeuvre sont peu nombreux : diagnostic rapide, étude-filière, entretiens préalables, bibliographie existante sur le sujet.

    Force est de constater cependant qu'un biais considérable est introduit au début même du processus ; ce biais se situe à un double niveau :

    On constate donc que cette nouvelle approche, proclamée comme une révolution dans le monde de la formation, a peu modifié les pratiques, et n'a que modérément permis d'atteindre les effets escomptés, à savoir une plus grande satisfaction du demandeur, et un impact plus visible sur les pratiques des formés.

    Tout au plus peut-on mettre à son actif l'instauration d'un dialogue moins superficiel entre l'offreur et le demandeur, lequel accède ipso facto au statut d'interlocuteur crédible ; il s'agit bel et bien d'une avancée, toutefois l'atteinte des résultats espérés bute encore sur l'absence ou la maîtrise limitée d' outils spécifiques.

    Au Sénégal, le diagnostic sur l'offre et la demande de formation agricole et rurale réalisé en 2004, avec l'appui du CNEARC de Montpellier, a permis de mettre en évidence l'intérêt et d'appliquer le concept de construction sociale de la demande de formation. Ce souhait reposait au départ sur la volonté de mettre en pratique les principes issus de l'atelier de 1999 qui a abouti à la définition de la stratégie nationale FAR :

    Dans le cadre de l'agriculture familiale, les mêmes interlocuteurs expriment à la fois une demande sociale et une demande économique. Dès lors, les services techniques d'appui au développement, rural comme local, doivent s'adapter pour remplir efficacement leur rôle d'accompagnement des acteurs locaux dans un environnement complexe et fluctuant. Des responsables d'organisations professionnelles agricoles, d'associations de développement féminines, le disent à leur façon :

    - « L'environnement de la production est plus important que la production elle-même ».

    -« Le travail sur la demande, trop parcellaire, aboutit encore souvent à « des demandes passéistes, éventées », par méconnaissance des opportunités potentielles que pourrait offrir l'environnement global.29(*)

    Dans l'approche mise en oeuvre au cours de ce diagnostic dans la région de Ziguinchor30(*), nous avons considéré que :

    1) Tout changement technique ou organisationnel durable résulte d'un processus social de construction de problèmes et de recherche de solutions, menés par les professionnels, face à une situation qu'ils jugent difficile,

    2) Ces processus de dialogue, réflexion, expérimentation produisent de la connaissance,

    3) La formation est un levier, parmi d'autres, d'accompagnement des acteurs dans le changement.

    Dans ce cadre, la demande est donc l'expression par les professionnels de leurs préoccupations, dans un cadre qui permet de les transformer en problèmes traitables. Il s'agit donc en réalité d'une demande d'aide à la recherche de solutions, la solution pouvant éventuellement être de la formation.

    On parle donc de construction de la demande : une demande ne s'identifie ni ne se recueille, elle n'est jamais donnée, mais construite, grâce à un processus interactif de réflexion. On parle de construction sociale, car l'ensemble des acteurs concernés sont impliqués dans l'analyse et le dialogue.

    A la démarche traditionnelle identification, recensement des besoins de formation, nous privilégions désormais l'appui à la formulation d'un problème et la recherche d'une solution (la formation pouvant en être une). Ce passage s'appuie sur les travaux de Jean-Pierre DARRE31(*), docteur en ethnologie et fondateur du GERDAL (Groupe d'expérimentation et de recherche  développement et actions localisées) ainsi que sur les travaux du CNEARC32(*) de Montpellier qui s'en est inspiré. Cette démarche guide depuis 2003 les interventions du Bureau Formation Professionnelle Agricole du ministère de l'agriculture du Sénégal.

    Les besoins de formation recensés posent comme évidente la logique du « problème », que sous-tend la demande initiale ; une expression courante traduit parfaitement cette façon de procéder : « recueillir les besoins de formation » ; on serait tenté de forcer le trait en parlant de « cueillette des besoins de formation ».

    La réalité est somme toute plus complexe dans la majorité des cas ; un problème s'apparente davantage à une construction intellectuelle qu'à un fruit que l'on cueille, et la recherche de solutions peut commencer quand le problème est formulé. Dans cette perspective, la demande est le point de départ de l'appui, mais : qu'entend-on par demande ? Comment la faire exprimer ?

    Le point de départ

    une situation, vécue comme non satisfaisante

    la demande initiale

    un point de vue, une préoccupation (pour l'acteur concerné)

    point de vue lui même résultant d'une position sociale et d'une pratique professionnelle

    l'appui à la construction sociale de la demande

    1- transformation en problème traitable

    Aide à l'exploration, à l'extension de la surface du problème

    2- formulation d'un problème :

    comment faire pour .... ?

    3- recherche co-active de solutions

    (agriculteurs, élus, agents de développement, formateurs)

    Dans ce schéma, les principaux intéressés à l'origine de la demande sont acteurs du processus ; ils participent à la réflexion, à l'analyse de la situation, apportent leur connaissance de l'environnement social, environnemental, économique.

    La recherche de solution conduite avec eux rend possible leur prise d'initiative et rend plus improbable la perspective de solutions inapplicables car trop éloignées des contraintes qu'impose le contexte : nous sommes très loin d'un besoin de formation au sens d'une situation subie, au sens d'un besoin physiologique.

    C'est pourquoi nous serons tenté de conclure ce paragraphe en considérant qu'il est plus prudent de parler d'approche par la demande, par opposition à l'approche par la demande...de formation.

    II.4- REGULATION

    Ce concept a été largement exploré, et ses fondements théoriques justifieraient à eux seuls d'y consacrer un Mémoire de recherche spécifique. Pour donner une idée de sa complexité, nous nous bornerons simplement à évoquer, dans le champ de l'économie, l'Ecole française de l'Approche par la Théorie de la Régulation (ATR), née au moment de la crise économique du milieu des années 70, ce qui ne signifie nullement, bien évidemment, qu'elle soit à l'origine du terme Régulation, bien plus ancien.

    Nous renverrons pour cela le lecteur à la conférence de Mr Benjamin CORIAT33(*), à Nagoya - Japon 1986, auteur de « La théorie de la régulation . Origines , spécificités et perspectives ». Les références y sont nombreuses, des approches néo-classiques (le paradigme de base est celui du marché autorégulateur et de l'équilibre) aux positions keynésiennes et marxistes.

    Instruit de la complexité des notions, champs d'application et théories que ce terme, simple d'apparence, recouvre, nous commencerons prudemment par rechercher un panel de définitions couramment proposées, couvrant pour l'essentiel des champs d'application susceptibles de nous intéresser, au moins par similarité.

    Quelques définitions :

    · Branche de l'automatisme, dont le but est d'étudier et de concevoir des systèmes qui font en sorte qu'une valeur (de sortie) soit égal à la valeur consigne (entrée). (Source : encyclopédie Wikipédia/Snyke - http://encyclopedie-fr.snyke.com/articles/regulation.html - recherche du 30/09/2006).

    · Dans le secteur des télécommunications, la régulation peut se définir comme l'application par l'autorité compétente, dite de régulation, de l'ensemble des dispositions juridiques, économiques et techniques en vue de permettre aux activités de télécommunications de s'exercer dans des conditions optimales, conformément aux lois et règlements en vigueur.34(*)

    · Toute action qui concourt à faire mieux fonctionner le système de soins, en permettant d'assurer l'accès de tous à des soins de qualité au meilleur coût. Cela dans le cadre d'un budget donné. Par exemple :

    - diffusion des bonnes pratiques médicales ;
    - signature d'accords de bon usage des soins ;
    - campagnes de prévention ;
    - formation des médecins, par exemple sur la prescription des médicaments génériques ou sur le bon usage des antibiotiques ;
    - contrôle des pratiques et des prescriptions

    (Source : Site de l'Assurance-Maladie en Ligne)35(*)

    En référence aux nombreuses analogies entre le corps humain et la machine, tous deux ayant progressivement glissé vers la dénomination de systèmes, nous mentionnerons également ici un dossier proposé par le Centre National de Documentation Pédagogique, consacré à « L'être vivant conçu comme une machine. »36(*)

    Nous y apprenons que dès 1865, Claude Bernard se distingue en traitant l'organisme humain comme une machine, dont la spécialisation des composants et la complexité de l'ensemble nécessitent une coordination.

    C. Bernard invente le concept de milieu intérieur qui permet de rendre compte du transport des substances, et assure une certaine constance des conditions de vie des cellules. Il découvre un mécanisme de régulation et de contrôle de cette constance, appelé d'abord sécrétion interne.

    L'existence d'un milieu intérieur dont la constance est obtenue par compensation des écarts ou des perturbations constitue, pour les organismes régulés, une assurance d'indépendance relative face aux variations survenant dans les conditions externes : L'être vivant est un système informé et régulé.

    Nous en arrivons ainsi à l'origine de la définition que nous livre le Petit Robert :

    · Opération qui consiste à maintenir une grandeur entre des limites fixées.

    · Les fonctions de régulation assurent la constance des caractères du milieu intérieur d'un animal, en dépit des variations du milieu extérieur.

    On le voit, la régulation ne se définit pas par elle-même, mais par rapport à un secteur d'activité, ou un système. Dès lors, cette régulation ne saurait être mise en oeuvre de façon isolée, par un individu, mais relève plutôt de la responsabilité d'un système également, mais quel système ?

    On imagine mal une instance de régulation qui, livrée à elle-même, définirait sa propre feuille de route, son champ d'intervention, déciderait des moyens à mobiliser et des résultats à atteindre.

    Cette fonction de régulation, composée de rétroactions critiques et de procédures correctives, a besoin qu'on donne du sens à son action ; en d'autres termes, elle a besoin de connaître le cap à suivre : sans cap clairement fixé, comment procéder aux ajustements nécessaires pour atteindre un objectif ?

    La fixation de ce cap à suivre, ou plus précisément la définition des orientations, relève de ce que l'on a coutume d'appeler le pilotage.

    Cette expression relativement galvaudée s'apparenterait presque aujourd'hui à un truisme, et il n'est pas certain que cette évocation fort répandue soit toujours précédée d'une réflexion sur le sens qu'il convient de lui donner, sur la délimitation des responsabilités qu'elle recouvre.

    Pour augmenter à la confusion, on rappellera que les termes de pilotage et de régulation sont souvent accolés dans la même phrase.

    Dans ces conditions, il paraît souhaitable de proposer une distinction aussi claire que possible entre ces deux expressions, afin de prévenir d'éventuelles confusions dans les rôles respectifs des acteurs.

    Si l'on s'intéresse aux définitions existantes, force est de reconnaître qu'elles ne nous sont que de peu d'utilité dans cet essai de distinction.

    Quelques définitions du terme Pilotage

    · Etre aux commandes ; diriger (Petit Robert)

    · Action de guider, programmer et gérer.

    (Source Agence de Médecine Préventive d'Abidjan : extrait du glossaire du cours "Formation des Personnels", partie intégrante du Programme EPIVAC aboutissant au Diplôme Inter-Universitaire de 3ème cycle "Organisation et management des systèmes publics de prévention vaccinale dans les pays en développement", délivré par les Universités de Paris-Dauphine (France) et Cocody-Abidjan. ( http://www.transfer32.bj.refer.org/dleab/index.html)

    · Le pilotage est défini comme " l'action de diriger, conduire, donner des orientations, surveiller, contrôler et ajuster le déroulement d'un processus".

    (Source : Guy Herniaux, 1993, cité par Melchior Salgado de l'Université Claude Bernard Lyon I, et Stéphan Bourcieu, de l'Université Lumière Lyon 2 )37(*)

    · L'entreprise assurant le pilotage est la seule responsable devant le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage, tant en ce qui concerne la qualité des prestations, que le respect du calendrier d'exécution.

    (Source : Centre de Ressources et d'Informations Techniques38(*), service créé par l'École d'Architecture de Nancy en partenariat avec l'École d'Architecture de Strasbourg).

    A dire vrai, les choses sont moins tranchées qu'on pouvait l'espérer de prime abord : il s'agit presque des deux faces d'une même médaille, dans la mesure où l'on peut se rallier à l'énoncé suivant, formulé par le recteur Alain Bouvier à l'occasion d'une conférence39(*) à l'académie de Clermont-Ferrand le 21 mai 2003 :

    « Le pilotage exprime la volonté d'un système de vouloir réguler son action ; parler pilotage, c'est donc vouloir réguler son action, c'est à dire procéder à des réajustements dans les processus en cours pour, in fine, améliorer la qualité et/ou l'efficience des résultats. »

    La complexité est croissante dès lors qu'on entre dans le vif du sujet :

    · de quel système parlons-nous : une entité au degré d'organisation peu sophistiqué ? un système concret de formation ? le dispositif national de FAR au Sénégal  ? ...

    · le pilotage ne se réalise pas seul, mais par un système d'acteurs ; on peut donc parler de système de pilotage, qui doit avoir autant de complexité que le système qu'il pilote, s'il se veut performant.

    Ainsi, exercer une responsabilité de pilotage consiste à vouloir influer sur ce qui se passe à la sortie du système (outputs) dont on a la responsabilité. Cependant, cette influence serait illusoire si l'on n'a pas les moyens d'agir aussi sur les entrées, et sur le fonctionnement de tout le système. Or, c'est ce qu'on appelle faire de la régulation !

    Le recteur A. Bouvier ajoute encore à la difficulté lorsqu'il propose une typologie des différents modes de pilotage :

    Qu'est ce qu'un pilotage par les procédures et les process, sinon, selon notre compréhension, le pouvoir de décision relatif à la mise en oeuvre d'un ensemble de procédures correctives en amont de la transformation du produit dont on souhaite réajuster les caractéristiques ?

    Comment s'y retrouver lorsqu'il s'agira d'appliquer ces deux concepts de régulation et de pilotage à la stratégie nationale de formation agricole et rurale, qui n'est pas à proprement parler un système, même s'il est déjà question de mettre en place un Système national de Formation Agricole et Rurale  ?

    En guise de synthèse de ce qui précède, nous nous risquerons à formuler un ensemble de considérations, comme suit :

    · Pilotage et régulation traduisent des fonctions opérationnelles différentes, mais intimement liées.

    · En amont, Piloter consiste à définir le cap à suivre, les orientations, et à programmer les actions qui concourent à tendre vers les objectifs définis.

    · En aval, Piloter consiste à s'assurer de la qualité des produits, en se référant aux objectifs fixés.

    · Les fonctions de surveillance et de contrôle assumées par l'instance de pilotage seront sans effets sur l'atteinte des résultats attendus, si cette dernière ne dispose pas du pouvoir (et des moyens correspondants) nécessaire pour ajuster le déroulement des processus.

    · La Régulation consiste à opérer ces ajustements, en agissant sur les intrants du système ET sur l'amélioration des processus de transformation donnant naissance aux extrants.

    Dans ces conditions, on mesure mieux l'importance des risques de dévoiement et de blocage engendrés par une instance de régulation qui serait souveraine et indépendante de l'instance de pilotage. Le cap suivi n'aurait pas probablement rien d'une ligne droite, et on pourrait craindre que les résultats escomptés initialement ne se fassent attendre.

    De même, une instance de pilotage, nationale ou régionale, qui se limiterait à définir des orientations sans disposer du pouvoir d'influer sur leur mise en oeuvre, revêtirait une efficacité douteuse.

    En définitive, il revient donc à l'instance de pilotage de définir non seulement les orientations d'un système considéré, mais également de piloter les mécanismes de régulation qui lui permettront de maintenir le cap lors des ajustements successifs tendant à faire coïncider la valeur de sortie et la valeur consigne.

    Enfin, dans un soucis de re-contextualisation, nous ne résisterons pas au plaisir de citer les objectifs qu'assignent à cette régulation les chercheurs Sénégalais qui sont à l'origine de la définition de la stratégie nationale de formation agricole et rurale (SNFAR), et qui sont aujourd'hui en position de l'appuyer.

    Se basant sur le fait que l'Etat du Sénégal a reconnu depuis des années qu'il ne peut pas être le seul opérateur de la formation, mais qu'il doit rester un Etat stratège et co-régulateur, Adama FAYE et Alain MBAYE40(*) estiment que « l'Etat doit organiser un système ouvert où les opérateurs associatifs (ONG, OP) et privés, les collectivités locales et les bénéficiaires participent, avec les services publics, au pilotage, au financement et à la gestion de la formation professionnelle pour le développement rural. »

    Cet objectif recouvre plusieurs aspects, principalement  :

    « 
    · assurer l'adéquation entre l'offre et la demande ;


    · garantir la qualité de l'offre en certifiant les compétences et les services fournis par les différents opérateurs ;


    · développer une capacité de veille sur le système de formation en créant des synergies entre les institutions publiques, associatives et privées, la recherche, les organisations de conseil agricole et rural ;


    · faire participer les collectivités territoriales et les utilisateurs au pilotage du système et à sa durabilité sur le plan financier. »

    Nous examinerons donc l'activité du RESOF sous ces quatre angles, dans la troisième partie.

    II.5- REGULATION PARTICIPATIVE

    Une recherche rapide sur le net ( Google ) a donné le résultat suivant, appliquée au changement :

    «Models of change are those that recommend change managers to consult widely and deeply with those affected and to secure their willing consent to the changes proposed.» 41(*)

    Nous traduirons celle-ci par :

    « Les modèles de changement participatifs sont ceux qui recommandent aux responsables en charge d'un changement à conduire de procéder à une consultation large et approfondie de tous ceux qui en seront affectés, pour mieux s'assurer de leur consentement durant la phase de mise en oeuvre de ce changement. »

    Bien que se référant à un objet particulier, cette définition semble très « orientée » : l'approche participative n'est envisagée que comme un moyen nécessaire pour s'assurer du consentement ultérieur d'une population qui sera affectée par les changements...imaginés et décidés par d'autres.

    Il nous semble que nous sommes dans ce cas plus proche d'une manipulation collective, que de l'acception courante : « participer ensemble à... », où encore « impliquer tous les acteurs concernés, pour construire collectivement quelque chose ».

    Par analogie, nous commenterons les interventions de Joël de Rosnay, lors d'un débat sur Lemonde.fr en janvier 2006, intitulé «  Internet, dix ans de révolution »42(*).

    A la question de savoir si, grâce aux NTIC, les citoyens pourront à l'avenir intervenir de plus en plus dans la gestion de leur ville et de leur pays, Joël de Rosnay avait répondu que « la technologie ne résout pas les problèmes d'ordre sociétal, mais que par contre, leur ré-appropriation sociétale par les citoyens, en fonction de leurs besoins et de leurs souhaits, peut contribuer à trouver des voies. »

    Un peu plus loin, précisant que les internautes ne font plus confiance à l'information ou aux réglementations descendantes (top-down), celui-ci en vient à évoquer une nouvelle forme de démocratie participative, et même une co-régulation citoyenne, qui nous rapproche singulièrement du concept de régulation participative, sans que ce terme ne soit formellement utilisé.

    Bien que le sujet du débat auquel nous nous référons soit pour le moins éloigné de notre objet d'étude, nous ne pouvons nous empêcher d'y voir d'étranges similitudes. En effet, à la suite de l'ajustement structurel et de la dévaluation du début des années 90, qui ont contribué à l'affaiblissement des services publics et de l'intervention étatique, une multitude d'opérateurs privés et associatifs ont investi le secteur de la formation, sous les yeux d'un Etat affaibli et non préparé à assumer ses fonctions régaliennes de contrôle, dans un paysage recomposé.

    C'est dans ce contexte qu'est apparue la nécessité d'imaginer de nouveaux modes de régulation, visant à garantir la qualité des prestations offertes, plus participatifs et qui tiennent compte non seulement de la place prise par les différentes catégories d'acteurs issus de la société civile, mais aussi de leurs compétences.

    En réponse aux carences relevées au niveau des services étatiques, et à la méfiance généralisée qu'elles induisaient, cette nécessité se fondait plus précisément sur le double intérêt d'un filtrage collaboratif, gage d'une plus grande transparence des pratiques individuelles, et d'un processus collectif de vérification de la qualité à chaque niveau d'intervention.

    Nous citerons une dernière fois J. de Rosnay, qui propose l'image suivante :

    « c'est un peu comme dans l'industrie automobile où, sur la chaîne de montage, la voiture totalement assemblée n'est pas testée seulement à la fin pour sa qualité, mais à chaque vis ou à chaque poignée introduite au cours de l'assemblage ».

    Ce parallèle nous permet de souligner que, dans un marché au fonctionnement imparfait (dû à l'information elle-même très imparfaite des acteurs), régulation participative ne signifie pas que chacun va intervenir comme il l'entend, en s'affranchissant de toute contrainte (à quoi ressemblerait alors le produit final ?), mais plutôt que doivent être créées les conditions d'une régulation coordonnée par l'Etat, à laquelle collaborent tous les acteurs impliqués.

    Nous terminerons ce rapide tour d'horizon en nous intéressant au caractère supposé novateur que les agents de développement et les décideurs accolent généralement au paradigme du développement participatif.

    Pour Jean Pierre Chauveau43(*), l'histoire institutionnelle du développement semble pouvoir être caractérisée par deux sortes de légitimité s'appuyant sur des systèmes disposant de leurs propres systèmes de valeur :

    Pour JP Chauveau, cette culture populiste du développement sera à l'origine « d'une représentation stéréotypée du milieu rural africain, invariablement communautaire, solidaire et égalitariste. »

    Réfutant les idées couramment admises qui voudraient faire du développement participatif une conception alternative et récente du développement rural, JP Chauveau propose, pour dater la diffusion du modèle participatif de développement rural dans les administrations coloniales française et britannique, la période post conquête militaire, durant laquelle les tentatives d'implanter des entreprises coloniales se révélèrent des échecs patents, et lorsque l'expérience d'une économie administrée (durant la première guerre mondiale) par les puissances occupantes se révéla utopiste.

    Il en veut pour preuve l'influence qu'exerça « l'Indirect Rule » britannique sur notre administration coloniale d'après guerre, qui évoluera ainsi sensiblement du Pacte colonial, fondé sur une exploitation autoritaire des ressources « minières » à l'association des paysans. Le ministre Sarraut prônera ainsi une politique de mise en valeur axée sur la croissance économique mais aussi sur le développement humain.

    A ce stade, il nous faut conclure : en quoi concrètement cette exploration va enrichir notre observation du Réseau des acteurs de la Formation dans la Vallée du Fleuve Sénégal (RESOF) ?

    La question pourrait être formulée ainsi :

    A quels niveaux se situe la participation des membres du RESOF dans les aspects régulation de l'offre de formation et de ses pratiques ?

    Si nous préférons à ce stade la première hypothèse, nous devrons toutefois nous intéresser à la pluralité des niveaux auxquels se prennent les décisions et s'élaborent les consensus, ainsi qu'aux différents échelons de leur opérationnalisation (où s'effectuent, comme sur une chaîne d'assemblage, les différents points de contrôle de la qualité d'ensemble recherchée).

    II.6- DEVELOPPEMENT LOCAL

    La paternité du concept de développement semble pouvoir être attribuée au père Joseph LEBRET ; devant la détresse des petits pêcheurs bretons durant la crise des années 30, cet ancien officier de marine devenu frère prêcheur dominicain s'attachera à les aider. Ce faisant, il développera une théorie humaniste, dans laquelle l'économie se mettrait enfin au service de l'Homme.

    Fondateur d'Economie et Humanisme, le père LEBRET influencera de nombreux chrétiens et intellectuels engagés, en Europe mais aussi en Amérique latine et au sud du Sahara. Avant sa mort en 1966, il accédera au rang de conseiller du pape Paul VI, et inspirera largement l'Encyclique papale publiée en 1967 et consacrée au développement : « Populorum Progressio ». Celle-ci affirmait entre autres que la question sociale était devenue mondiale, avec l'émergence du Tiers-Monde44(*).

    L'expression « mondialisation » n'était pas encore connue à l'époque, pourtant certains passages de l'Encyclique pressentaient les interdépendances croissantes des économies nationales, et entre les continents ; celles-ci justifiaient désormais d'appréhender la justice sociale et la solidarité à l'échelle mondiale, toutes deux garantes d'une paix durable sans laquelle « le développement de tout l'Homme et de tous les hommes »45(*) ne peut accompagner, pour l'humaniser, la croissance économique.

    L'Indépendance fraîchement acquise, le jeune Etat sénégalais46(*) invitera le père LEBRET, en tant qu'économiste, pour conseiller le gouvernement dans l'élaboration du premier Plan, dont la prise en compte du développement économique et social du pays se voulait une rupture pour tourner la page de l'administration coloniale.

    Sa contribution sera à l'origine de la Loi 66-64 du 30 juin 1966 d'abord, portant Code de l'administration communale, puis de celle du 19 avril 1972 ; cette dernière crée les Communautés rurales, qui constituent le premier maillage de la décentralisation à l'échelon du pays tout entier.

    Les Communautés Rurales peuvent être comparées (par soucis de simplification) aux communes françaises, bien que leur emprise géographique soit beaucoup plus importante : 320 Communautés rurales se partagent en effet un territoire national équivalent à la moitié de la France métropolitaine.

    Ce processus de décentralisation se poursuivra par la suite avec les deux lois de 1996, portant transfert de compétences aux régions, aux communes (urbaines) et aux communautés rurales, dont le fonctionnement sera régi par le nouveau Code des Collectivités Locales.

    Il convient de noter à ce stade une particularité « sénégalaise » : en effet, dès 1872 la décentralisation y était à l'honneur, à la suite de la décision de la puissante occupante d'ériger Saint-Louis et Gorée en communes (conférant la nationalité française à leurs ressortissants) ; celles-ci seront rejointes en 1880 et 1887 respectivement par Rufisque (banlieue de Dakar, et ancien port commercial) et Dakar.

    Ce rappel historique de la popularisation du terme « développement », depuis la France jusqu'au Sénégal, nous conduit à mieux distinguer croissance et développement.

    Si la première fait expressément référence aux lois de l'économie, en exprimant l'augmentation quantitative de la richesse d'un pays, le développement quant à lui procède davantage du qualitatif ; c'est un processus au long cours, qui vise à une transformation en profondeur de la société pour faire évoluer les comportements et les mentalités, dans une optique humaniste par opposition au matérialisme qu'induit la croissance économique.

    Les progrès engendrés par un développement raisonné et volontaire se traduisent par des transformations structurelles majeures. Education et démocratie, démographie, assistance aux plus démunis et mutualisation des risques de la vie, etc. : tous ces domaines participent de la qualité de vie des hommes.

    Lorsque le développement s'intéresse à un territoire particulier, une commune, une région ou une petite région naturelle, on parle alors de développement local.

    En France, le développement local est un concept relativement jeune ; est-il besoin de rappeler que notre pays « jouit », au moins depuis Colbert, d'une solide réputation internationale de centralisme politico-administratif, c'est à dire où les orientations et les financements « descendent » depuis la capitale jusqu'aux administrés.

    Dans un article paru sous le titre « Découpages administratifs et territoires vivants : le cas français », Paul Houé retrace avec une grande clarté les principales étapes de l'évolution du mode de gouvernance de notre pays : depuis la Révolution jusqu'aux lois DEFERRE de 1982, qui induisent par la décentralisation un nouvel équilibre dans les rapports entre l'Etat central et les collectivités territoriales, en passant par la Vème République (déconcentration de l'Etat, avec les préfets de départements puis de Région) et la crise économique provoquée par les chocs pétroliers, qui fera rentrer dans le rang la Délégation à l'Aménagement du Territoire (DATAR) créée en 1963.

    Le cas français s'apparente à un paradoxe : raillée pour son centralisme étatique omnipotent dans la conduite « de la vie de la Cité », la France compte pourtant depuis près de deux siècles 36 550 communes !

    Le paradoxe n'est cependant qu'apparent, un Etat fort se satisfait pleinement de l'atomisation des pouvoirs locaux.

    Mais ce n'est pas la seule justification ; en effet, les Français (comme leurs 500 000 élus municipaux) sont très attachés à leur identité locale. La suppression régulièrement envisagée de milliers de communes à peine viables et dépeuplées soulève invariablement une levée de boucliers, tandis que leur regroupement sous la forme de communautés de communes fait généralement grincer les dents.

    S'il en existait déjà 95 en 1972, leur nombre ne dépassait pas 1241 en 1998. Par comparaison, il existe 17 523 syndicats intercommunaux, dont l'attrait est considérable : ils permettent de développer une coopération technique intercommunale, sans perte identitaire.

    Sans prendre parti, nous nous contenterons d'évoquer le rapport de la Commission MAUROY, « Refonder l'action publique locale », qui évoque une « richesse démocratique irremplaçable et unique en Europe ».

    Cette affirmation semble donner raison à Paul HOUE, pour qui « si rien ne naît sans les hommes, rien ne dure sans les institutions » : celles de l'Etat, et celles relevant de territoires vivants, qui permettent de dépasser les approches exclusivement sectorielles ; de leur capacité à coopérer naît la démocratie participative, où chacun apporte sa contribution et son implication au service d'un développement ascendant.

    Dans son analyse des expériences françaises, Jacqueline MENGIN met en exergue plusieurs éléments qui structurent les dynamiques de développement local47(*) :

    Au Sénégal, comme dans d'autres pays sub-sahariens et ex colonies françaises, la nécessité de démarches d'appui au développement local a été mise en évidence par les projets de gestion de terroirs villageois de la coopération française ; ces terroirs dépassant généralement l'emprise foncière du village, le besoin d'impliquer les acteurs locaux, via des mécanismes de décision et de suivi inter-villageois, ouvrait ainsi la voie à leur plus grande responsabilisation.

    Sans argent_ »nerf de la guerre »_, la responsabilisation des acteurs locaux, c'est à dire leur capacité à décider ou influer sur les décisions, n'est que virtuelle, tout comme leur responsabilité devant leurs concitoyens.

    C'est la raison pour laquelle, dans un contexte de relative pauvreté au plan individuel et de difficultés récurrentes pour collecter les taxes locales à un niveau significatif, le principal instrument imaginé pour servir de déclencheur aux projets de développement locaux revêt généralement la forme de fonds d'investissements locaux.

    Ces financements exogènes, sans lesquels rien ou presque n'est possible au plan opérationnel, sont constitués d'argent « froid », c'est à dire dont la valeur est toute relative pour les bénéficiaires qui n'ont pas eu à « transpirer » pour l'obtenir.

    Aussi, pour éviter d'éventuelles dérives, des mécanismes bien rôdés ont été mis en place, pour intégrer la contribution financière (obligatoire) de ces bénéficiaires. Cet apport, variable selon les actions envisagées entre 5 et 25 % du coût total des investissements, et intégré dans une enveloppe globale, responsabilise pécuniairement les acteurs locaux, en leur permettant d'apparaître comme les commanditaires des actions de développement à l'échelle locale.

    Tout n'est pas parfait cependant, au vu du triple constat suivant :

    Ces inconvénients sont également prégnants au Sénégal. Sa souveraineté récente, la jeunesse de sa démocratie, combinées aux responsabilités nouvelles des collectivités locales (issues des lois de 1996), augmentées d'un taux élevé d'analphabétisme en milieu rural, peinent à rendre comptable de leurs décisions les élus locaux devant leurs administrés.

    La pauvreté occupe également une place importante dans ce tableau, en limitant les ressources fiscales de collectivités auxquelles l'Etat du Sénégal a transféré d'un coup neuf domaines de compétences, sans que la dotation globale qu'il leur consent n'atteigne un niveau suffisant pour leur exercice.

    Dès lors, il ne nous paraît pas surprenant que la Région manifeste peu d'empressement pour s'impliquer réellement dans la « feuille de route » du RESOF, tant l'écart semble important entre les moyens disponibles et les missions à assumer.

    Peut être faudrait-il également pointer du doigt la difficulté, pour les élus du Conseil Régional, à concilier la satisfaction de la population urbaine de la capitale régionale, et les attentes d'un territoire essentiellement rural.

    TROISIÈME PARTIE : LE RÉSEAU FORMATION FLEUVE (RESOF)

    AVERTISSEMENT

    Le travail présenté dans cette dernière partie ne prétend ni à l'exhaustivité ni à l'impartialité ; de ce fait, il doit être compris comme une réflexion préalable portant sur « l'expérimentation RESOF ».

    Il est du reste prévu que ce premier Mémoire (de diplôme d'Université) fasse par la suite l'objet d'un approfondissement conséquent, dans le cadre de notre Mémoire de Master IFSE, avec l'ambition de proposer des pistes viables d'amélioration et/ou d'évolution de l'existant.

    Les contraintes rencontrées sont liées d'une part à notre activité professionnelle et à l'intensité de la première partie du cycle Master (combiné au parcours de D.U), et d'autre part à l'étendue de l'objet d'étude ; le RESOF regroupe en effet une quarantaine d'organisations, certaines de plusieurs dizaines de milliers de membres, d'autres éloignées du siège du RESOF de plus de 400 kilomètres.

    C'est pourquoi il ne nous a pas été possible de rencontrer un échantillon suffisamment représentatif des différentes catégories d'acteurs membres (mais aussi non membres, en relation avec le RESOF).

    A l'exception de quelques rares entretiens, nos investigations reposent essentiellement sur nos échanges professionnels, liés à notre actuelle fonction, et sur la documentation existante : Procès-verbaux d'assemblée générale, compte-rendu de réunions, auto-diagnostics, programmes pluriannuels du Réseau et de son principal soutien, la coopération sénégalo-suisse.

    Par soucis d'honnêteté, ou pour prévenir la critique, nous devons d'ores et déjà affirmer que notre travail présenté à la suite n'est pas d'une objectivité indiscutable, pour au moins deux raisons, différentes de celles évoquées plus haut, et illustrée en page suivante :

    · Notre position d'observateur extérieur49(*),

    o Dont l'angle de vue peut déformer la réalité des interrelations qui se déroulent à l'intérieur du RESOF, entre ses membres.

    o Qui ne permet pas de se situer dans le même espace-temps :
    l'horloge biologique du Réseau (son rythme) est différente du nôtre, et calée sur celle de ses membres qui doivent eux-mêmes composer avec les contraintes de leurs organisations d'appartenance.

    D'autre part, le temps qui l'a modelé pendant six ans, en notre absence, ne peut que réduire la portée d'une observation statique, à un instant t.

    A la différence de l'observateur 1, celui situé à l'extérieur du système ne dispose pas des repères (les frontières intérieures) qui lui permettraient de situer les échanges relativement aux autres ; selon l'angle d'observation qu'il choisira, ou qui lui sera imposé, l'observateur 2 aura tendance à se focaliser sur les relations qui lui apparaissent les plus visibles, et à sous-estimer celles qui lui sont en partie cachées, et les plus éloignées de sa position.

     
     

    Même si les échanges de flux d'information au sein du RESOF ne sauraient rivaliser avec la vitesse de la lumière, le schéma ci-dessus permet de bien rendre compte du déphasage de la perception de l'observateur situé sur le quai, relativement à ce qui se passe dans le train. Nous rappellerons également que la théorie de la relativité nous a appris à nous méfier des apparences : on ne sait jamais si c'est l'observateur qui est en mouvement (par rapport à quelque chose d'autre) ou l'objet observé.

    · Notre positionnement professionnel, dans la dynamique FAR du Sénégal.

    o A la différence de la « virginité » d'un étudiant qui découvrirait le Sénégal, puis le Résof pour la première fois, notre position depuis septembre 2003 au sein du service du Ministère de l'Agriculture en charge de la coordination de la stratégie nationale implique un certain degré de connaissances du dispositif global et des principaux acteurs au plan régional. Nous avons eu d'ailleurs à travailler étroitement et à maintes reprises avec le Résof, notamment sur la question de la régulation.

    Il ne saurait donc être question d'un regard totalement neuf sur le fonctionnement et les dysfonctionnements éventuels de cette organisation, de même pour certains de ses membres, avec qui nous collaborons également.

    III.1- LA NAISSANCE DU RESOF : UNE FINALITÉ ÉQUIVOQUE

    La vocation première d'une organisation des acteurs de la FAR en réseau semble évidente aujourd'hui : impacter significativement sur la montée en puissance d'une régulation, sous forme participative, de l'offre de services ; il en est attendu une amélioration de la qualité de celles ci, devant en principe passer par des procédures normatives d'agrément, ainsi qu'une meilleure articulation avec les attentes des acteurs situés sur la demande.

    La dynamique qui a porté en 1999 la SNFAR sur les fonds baptismaux s'est heurtée à un défi gigantesque pour appliquer au niveau opérationnel les principes et orientations retenus : tout ou presque était à faire, depuis l'alphabétisation de tous les ruraux jusqu'à la réforme de l'enseignement supérieur !

    L'urgence de l'action, amplement démontrée par les constats d'alors, a sans doute contribué (selon notre perception) à brouiller les cartes de « l'opérationnel », en regroupant des objectifs parfois contradictoires au sein des programmes d'action.

    Ainsi, le document « Bilan et perspectives de la phase 1999-2002 » du programme d'appui au renforcement des capacités des acteurs du monde rural au Sénégal50(*) présente t-il le troisième chantier financé comme suit : « étude de faisabilité de Pôles régionaux de formation / recyclage des techniciens, conseillers agricoles, et des jeunes agriculteurs ».

    S'appuyant sur l'une des stratégies d'intervention recommandée par la SNFAR, il y est question de mettre en réseau au sein d'une même région les compétences dispersées dans les diverses structures publiques et privées (centres de formation, de recherche, bureaux d'études et ONG, sociétés de développement).

    Cette réorganisation sur une base territoriale était dictée par le soucis i) d'articuler l'offre à la spécificité de la demande locale, ii) d'exploiter le potentiel dispersé de l'offre de formation, et iii) de responsabiliser les élus, les OP et les opérateurs privés dans le pilotage et le financement de la formation agricole et rurale.

    Des économies d'échelle importantes en étaient attendues, à travers une réponse concertée et efficace à la demande de formation.

    Ce Bilan rappelle qu'à Ziguinchor, l'initiative a été prise par le Conseil Régional qui a mis sur pied un comité régional de planification stratégique de la FAR, regroupant les principales Organisations Professionnelles et les établissements publics et privés de formation.

    A Saint-Louis, ce sont les structures de formation qui ont conduit la concertation ayant abouti à la mise sur pied d'un réseau regroupant OP, écoles, ONG et services d'appui.

    Dès leurs débuts, ces deux entités (distantes de près de 800 km) se sont attelées à l'élaboration d'un répertoire de compétences.

    Le document du Bureau d'Appui conclut le chapitre consacré à ce troisième chantier en précisant que l'analyse de la demande et la réalisation de programmes-test de formation permettront de structurer et de consolider la démarche.

    Ce document nous inspire deux remarques :

    - au niveau de l'intitulé du chantier qui nous intéresse

    « étude de faisabilité de Pôles régionaux de formation / recyclage des techniciens, conseillers agricoles, et des jeunes agriculteurs ».

    il s'agit bien de mettre en réseau les compétences des différents offreurs de formation, pour mieux répondre à la demande régionale ; de ce fait, les acteurs sur la demande devraient rester à l'extérieur du réseau.

    En ce sens, la configuration idéale ressemble de très près à celle d'un réseau de santé, dans lequel la demande du patient va s'adresser à un interlocuteur unique qui va coordonner l'intervention de multiples compétences médicales et administratives en vue d'apporter une réponse globale au problème à traiter.

    Nous reviendrons par la suite sur la façon dont a évolué la représentation des acteurs de la FAR au sein du RESOF (et bien que nous ayons déjà eu à signaler que chaque acteur est un prestataire de services en puissance).

    La notion de pôles régionaux de formation traduit généralement l'idée de concentration et de complémentarité des forces présentes, et de leurs avantages comparatifs, pour les canaliser au service d'un but commun ; en l'occurrence la mission assignée consistait en « la formation / recyclage des techniciens, conseillers agricoles, et des jeunes agriculteurs ».

    Cependant, la mise en réseau des compétences ne signifie pas nécessairement participer à la régulation du sous-secteur de la FAR.

    De même, la mise en réseau des compétences (dispersées) semble assez éloignée d'un objectif de responsabilisation des élus, des OP et des opérateurs privés dans le pilotage et le financement de la Formation Agricole et Rurale.

    - au niveau des porteurs de l'initiative, que sont les seules structures de formation

    Cette prise de responsabilité laisse à penser que cette catégorie d'acteurs était inquiète, à la suite de la mise en évidence de ses lacunes importantes (diagnostic de la SNFAR), et qu'il était stratégique pour elle de piloter ce processus de réseautage pour ne pas être mise à l'écart par la suite.

    De là à imaginer que la motivation première des prestataires « institutionnels » de formation reposait davantage sur la conquête de nouveaux marchés (ou la consolidation de leurs créneaux traditionnels), il y a un pas que nous ne franchirons pas encore ; cependant le doute est d'ores et déjà permis...

    Chronologiquement, l'aboutissement de la SNFAR et le programme d'appui à la formation agricole et rurale évoqué plus haut se situent au même moment : ce dernier est en effet le cadre d'application de l'accord de coopération signé en juin 1999 entre la Suisse et le Sénégal. C'est donc bien dans le cadre du troisième chantier de ce programme d'appui que sont créées les conditions qui amèneront à la création du RESOF, le 21 juin 2000.

    Nous relevons dans le rapport d'activité de la coopération suisse de décembre 2000 les constats suivants (points 104 à 107 du rapport) :

    · Une méconnaissance, par la majorité des partenaires potentiels du pôle (élus locaux, OP, privés) de la stratégie nationale qui sous-tend la création de pôles régionaux de formation.

    · Des acteurs locaux qui peinent à clarifier le rôle du pôle et à aller au delà de la seule mise en place d'un cadre organisationnel.

    · La prégnance des écoles et centres de formation dans la dynamique nouvelle, avec « le risque de limiter le pôle à une simple expression de l'offre de formation ».

    Cette absence de vision partagée par tous les acteurs est pointée comme une faiblesse majeure, de nature à provoquer l'enlisement de la démarche.

    Du côté des élus locaux, il faut bien comprendre que les nouvelles responsabilités à assumer sont très larges ; depuis les lois de décentralisation de 1996, les collectivités locales se sont vues transférer neuf domaines de compétences, et elles n'ont pas les moyens de leur politique. Elles bénéficient d'une dotation globale de l'Etat central sous évaluée, et peinent à récupérer les impôts et taxes locales.

    Le conseil régional de Saint-Louis a pourtant mis en place son Agence Régionale de Développement, censée être le bras technique des différents échelons des collectivités locales, sans que toutes les ressources humaines et financières n'y soient affectées ; il a également piloté l'élaboration d'un Plan Régional de Développement Intégré, dont la mise en oeuvre bute sur les mêmes difficultés.

    Dans ce contexte, on peut comprendre la prudence des collectivités locales à s'engager, et leur réticence à mettre en commun leurs ressources et leurs compétences.

    D'autre part, au plan des logiques institutionnelles, leurs nouvelles responsabilités en matière d'éducation et de formation professionnelle les ont peut être porté à croire que le sous secteur des formations agricoles et rurales, éclaté entre de multiples tutelles, était marginal dans le dispositif éducatif global.

    Il s'y ajoute le fait, comme cela nous fut rappelé à plusieurs reprises, que l'agriculture ne figurait pas au nombre des compétences nouvelles transférées.

    Vingt mois plus tard, en janvier 2002, le rapport annuel du RESOF présente dans son préambule le « pôle » comme suit : « un cadre de concertation, de réflexion et d'échanges entre ses membres et avec l'extérieur, dans le domaine de la FAR ».

    L'évolution semble notable, et notoirement éloignée de l'idée originelle de pôle régional de formation, si tant est qu'un pôle de formation a vocation à faire de la formation (cf. notre précédent parallèle avec un réseau de professionnels de santé).

    Les objectifs déclinés dans ce même document le confirment : il s'agit désormais de faciliter la réflexion collective sur des thèmes fédérateurs et les échanges de pratiques, de diffuser les expériences, de faciliter la mobilisation des ressources et de contribuer à l'élaboration de la politique régionale de FAR.

    Un dernier objectif (en réalité, le premier de la liste) a trait à la promotion de la qualité dans la conception et la réalisation des programmes de formation.

    Ceci est du reste confirmé dans le projet de programme de mise en oeuvre du pilotage régional de la FAR. Ce document, proposé par le Secrétariat du RESOF en mai 2006, réaffirme son ambition « de faire une place primordiale à la régulation participative de la FAR dans la mise en oeuvre de la Stratégie Nationale dans la Vallée du Fleuve Sénégal ».

    Le démarrage du RESOF fut laborieux ; d'abord assurée par la structure hébergeante51(*) au cours des neuf premiers mois, son animation sera confiée en mars 2001 à l'assistant des programmes de formation du CIFA, qui deviendra ainsi l'animateur principal du RESOF. Au nombre de ses missions, figurent (déjà) la re-dynamisation du réseau et la mobilisation des acteurs majeurs présents dans son environnement.

    D'ailleurs, si à la naissance du RESOF en juin 2000, quinze organisations ont payé la cotisation annuelle (5 000 Francs CFA, soit moins de huit Euros), elles ne sont plus que trois l'année suivante, dont la structure hébergeante. (malgré l'adhésion de deux nouveaux opérateurs privés en 2001).

    Lors de la dernière Assemblée Générale du 29 décembre 2005, le décompte des membres ressort à 46 organisations (cf. Annexes). Celles-ci se répartissent à peu près équitablement sur les deux catégories de l'offre et de la demande.

    Cette longue introduction, relative aux finalités du réseau, tente de montrer que chacun des acteurs pressentis à l'origine pour participer à cette dynamique de rupture avec le passé est venu avec en perspective sa propre stratégie :

    · pour les uns, peu nombreux, il s'agissait de contribuer à mettre en place un instrument destiné à assainir les pratiques dans le secteur, et à faire évoluer la réponse-formation globale par des échanges de pratiques et la diffusion d'expériences originales ;

    · pour d'autres, les plus nombreux, il s'agissait davantage de se positionner, en perspective de remplir son carnet de commande ;

    · pour les organisations professionnelles et quelques associations de développement communautaires, le réseau semblait représenter un espace intéressant pour faire valoir leur point de vue en tant que demandeurs de formation.

    · quelques autres enfin, ont « acheté leur ticket, pour voir » ; il s'agit essentiellement des services d'appui au développement rural.

    Ces attentes multiples, et l'équilibre qui en est résulté, ont sensiblement modifié l'idée originelle de pôle régional de formation jusqu'à sa forme actuelle, plus proche d'un cadre de concertation.

    Nous verrons cependant par la suite que les activités conduites mêlent encore parfois les deux finalités, apportant parfois de la confusion lorsque le réseau commandite et prend en charge des actions de renforcement de capacités au bénéfice d'individus issus de ses organisations membres, ses situant alors en position de concurrence avec certains de ses membres, opérateurs, voire financeurs de formation.

    III.2- ACTEURS ET SYSTÈMES EN PRÉSENCE

    Notre approche, délibérément systémique, va conduire notre regard à se focaliser sur deux catégories d'éléments essentiels à la compréhension52(*) ; il s'agit :

    III.2.1- LES INVARIANTS DU SYSTÈME RESOF

    III.2.1.1- Les informations porteuses de sens

    III.2.1.1.1- La demande initiale

    La demande initiale qui conduira à la création du RESOF est d'origine exogène ; sa formulation résulte des recommandations du groupe de travail national qui conduiront à la validation de la stratégie nationale de formation agricole et rurale, lors de l'atelier national de mai 1999.

    De plus, les acteurs les plus volontaires et les plus influents à l'origine de cette dynamique appartenaient au monde de la recherche, et non à celui de la formation. On peut donc craindre, dès ce stade, que les professionnels de la formation se soient résignés « à montrer dans le train des réformes », sans nécessairement en partager les motivations, mais prêts à en saisir les opportunités qui pourraient leur convenir. En forçant le trait, nous sommes tentés de parler de mensonge par omission.

    III.2.1.1.2- Le déclencheur

    Le déclencheur, qui a permis de passer de la théorie à l'application, nous semble bien être le programme d'appui au renforcement des capacités des acteurs du monde rural au Sénégal, conçu et financé par le Bureau d'Appui à la Coopération sénégalo-suisse.

    Ce partenaire au développement est managé par d'anciens chercheurs de l'Institut Sénégalais de Recherche Agronomique, très actifs lors de la conception de la stratégie nationale.

    Ce déclencheur est donc beaucoup plus proche d'un prolongement de la demande initiale, telle que rappelée ci-dessus, que d'une préoccupation forte des principaux acteurs de la FAR dans la Vallée du Fleuve Sénégal.

    Ces deux premières informations appuient l'impression que, à défaut de subir, les acteurs régionaux sont restés pour le moins passifs jusque très tardivement dans le processus de création du RESOF.

    III.2.1.1.3- Les niveaux d'objectifs

    Le repérage des différents niveaux d'objectifs est destiné à mieux éclairer l'orientation et la cohérence de la demande. Au chapitre précédent (« une finalité équivoque »), nous avons tenté de montrer l'évolution des objectifs assignés au RESOF depuis son origine, et leur caractère ambigu au moment de sa création.

    Si nous convenons d'appeler N la période se situant juste avant la conception du RESOF, les niveaux d'objectifs se déclinent selon nous de la façon suivante :

    · Objectif à la date N

    Mettre en place un pôle de formation régional, pour faire jouer la complémentarité de compétences dispersées sur le territoire, et bénéficier d'économies d'échelle.

    · Objectif N+1 (proposition du groupe de réflexion préalable à l'assemblée générale constituante)

    Mettre en place une organisation de type réseau, légère, informelle et sur une base volontaire, ayant pour finalité de contribuer à l'élaboration d'une politique régionale de formation agricole et rurale au service du développement.
    Cette finalité était déclinée en trois objectifs : i) améliorer la qualité de la formation, ii) mettre en relation les membres, et iii) capitaliser les expériences de chacun.

    On notera que ces trois objectifs, s'intéressant spécifiquement à l'offre de formation, ne convergent pas nécessairement vers la finalité avancée, à savoir contribuer à l'élaboration d'une politique régionale de formation.

    · Objectif N+2

    En perspective, les acteurs envisageaient par la suite de contribuer, via cet instrument, au pilotage du secteur de la FAR dans la Vallée, afin de peser sur les orientations et l'allocation des financements. Cet objectif n'est sans doute pas étranger au poids équivalent de la représentation des acteurs situés tant sur la demande que sur l'offre de formation, au sein du RESOF.

    La formation professionnelle figurant au nombre des domaines de compétences transférés aux collectivités locales, et au vu de leur absence d'engagement dans ce processus, nous sommes en droit de douter du réalisme (à l'époque) des membres du RESOF, qui souhaitaient atteindre via celui-ci un poids « politique » pour peser significativement sur les orientations en matière de politique régionale de formation.

    Dans un autre registre, le staff technique du RESOF, composé du Secrétariat, de l'animateur et du directeur du CIFA, modérateur, a cru devoir préciser lors de l'assemblée générale de décembre 2005 que l'appui en équipements pédagogiques aux structures de formation n'entrait pas dans la vocation du Réseau.

    Nous retiendrons, pour ce qui nous concerne, que l'objectif réaffirmé de cadre de concertation et d'échanges d`expériences entre bel et bien dans une logique de régulation participative, où l'amélioration de la qualité des prestations se construit au quotidien par effet d'entraînement, plutôt que par l'instauration de procédures réglementaires descendantes, dont l'application et le contrôle se sont toujours révélés problématiques à la mise en oeuvre.

    Néanmoins, ce point positif est handicapé par l'adjonction d'autres objectifs, qui sont de nature à empêcher tous les acteurs en présence d'atteindre une vision partagée et claire du but à atteindre ; c'est ainsi que nous comprenons une partie des activités récentes de l'organisation, visant à dérouler des plans minimaux de formation des producteurs ; leur logique (et leur apparente incohérence avec les objectifs de départ) seront exposées dans la partie consacrée aux acteurs du système.

    III.2.1.1.4- Les résultats attendus

    Les résultats attendus de cette construction collective ne paraissent pas prêter à confusion ; parfaitement circonscrits dans la Stratégie Nationale de FAR, ils ont trait à :

    Les résultats attendus doivent être considérés comme les fondations des réponses cohérentes à construire ; sous cet angle, les tentatives ambitieuses de rayonnement géographique du Réseau sur quatre régions administratives, dont Louga relativement excentrée par rapport à la Vallée du Fleuve, ainsi que le démarchage engagé à une époque dans le bassin arachidier (région de Kaolack) semblent nuire à son efficacité.

    Ses efforts ne peuvent se concentrer sur une expérimentation territorialisée aux dimensions maîtrisables, et risquent de retarder d'autant l'impact des résultats attendus par ses membres, voire de les hypothéquer purement et simplement en exacerbant l'impatience et les frustrations.

    III.2.1.2- Le système à considérer

    III.2.1.2.1- Les acteurs ressources et freins

    Au delà d'un simple recensement des acteurs partie prenante du dispositif, l'analyse devrait conduire à identifier les acteurs neutres, les acteurs-ressources, et ceux qui constituent des freins à la progression de l'organisation ; l'idée sous-jacente est bien entendu de s'appuyer sur les ressources pour parvenir à gérer les résistances au changement, si sa nécessité apparaît incontournable.

    Comme nous l'avons rappelé dans l'avertissement au début de ce chapitre, nos investigations limitées ne nous permettent pas de traiter à ce stade cet aspect complexe et hautement délicat, avec tout le sérieux et les garanties nécessaires.

    Cette partie sera en revanche l'objet de toute notre attention lorsque nous nous attellerons à notre second Mémoire, de Master cette fois.

    Nous renvoyons donc le lecteur à la liste des 46 membres du RESOF53(*) figurant en annexe, pour disposer d'une vue d'ensemble du panel des acteurs représentés. Les prestataires de service, publics et privés, s'y retrouvent à égal niveau de représentation avec les Organisations Professionnelles agricoles et les associations de la société civile.

    La répartition géographique laisse transparaître un déséquilibre entre les trois pools, qui peut s'expliquer en partie par leurs superficies respectives : Pool de Saint-Louis : 23
    Pool du Delta : 8 Pool Podor/Matam/Bakel : 23 Kaolack : 1

    III.2.1.2.2- Les relations entre les acteurs

    Le RESOF est structuré comme suit :

    Le CIFA occupe les locaux de l'ancien centre de formation de la Société publique d'aménagement des terres du Delta (SAED) ; présidé par la profession agricole, il est reconnu d'utilité publique et reçoit via la SAED une dotation annuelle de l'Etat d'environ cinquante millions de F CFA.

    L'organisation du Réseau en pools a été décidée pour restaurer un caractère de proximité à son action, vis à vis de ses membres répartis tout au long de la Vallée du Fleuve Sénégal, de la côte Atlantique jusqu'à Bakel (région administrative de Tambacounda), où le fleuve pénètre au Sénégal.

    En avril 2004, un atelier organisé par le RESOF avec l'appui de l'International Institute for Environnement and Development (IIED) s'est déroulé dans la région de Louga. Regroupant entre autres six membres de cette région54(*), cet atelier s'inscrivait dans le cadre d'un des Résultats Intermédiaires du plan d'action 2003 - 2005 : « renforcer les acquis en vulgarisant l'esprit et les valeurs du réseau, en vue d'en re-dynamiser le fonctionnement ».

    Cet objectif découlait de la léthargie qu'avait connu le RESOF en 2002.

    Cet atelier de diagnostic visait à familiariser les participants avec les bonnes pratiques d'un réseautage efficace, et à évaluer les points faibles de l'organisation et du fonctionnement du RESOF.

    A partir de l'expression de chacun des participants, l'animateur de l'IIED en est arrivé à résumer la situation par la construction du schéma relationnel suivant :

    Animateur

    Pool

    St Louis

    Pool

    Dagana

    Pool

    Podor

    Secrétariat

    Inter-relations

    Absence de relation

    Exagérément simplificateur (les membres du secrétariat proviennent des trois pools), il a cependant le mérite d'être très parlant; un réseau au sein duquel les membres ne peuvent échanger entre eux que par l'intermédiaire d'un animateur est-il encore un réseau ? la réponse semble négative si l'on se réfère à la typologie des réseaux telle que proposée par G. LE BOTERF55(*).

    Ce schéma modélisant les relations a servi à mettre en relief les principales contraintes qui pèsent sur le fonctionnement du réseau, et qui se résument à la  :

    · Prégnance de l'animateur sur toutes les activités du réseau,

    · Faible participation des membres dans l'animation,

    · Absence de relations horizontales (d'égal à égal) entre les membres et les pools,

    · Mauvaise circulation de l'information en interne,

    Cette situation a pour conséquence un relatif désintérêt des organisations membres, insuffisamment informées, du fait également d'une trop grande personnalisation des relations.

    III.2.1.2.3- Les enjeux

    L'appréhension des enjeux est nécessaire pour rendre compte de l'implication des acteurs, tout au moins si l'on se place dans la perspective d'un changement à accompagner.

    Nous opérerons d'entrée de jeu une distinction nette entre les enjeux « affichés », relevant de l'organisation RESOF, et les enjeux spécifiques propres à ses membres, que révèle leur décision de matérialiser leur appartenance à travers leur adhésion.

    S'agissant des seconds, l'exercice n'est pas aisé car nous pourrions assez facilement répartir l'ensemble des organisations membres en une douzaine au moins de catégories d'acteurs selon les buts qu'ils poursuivent (au moins de par leur statut).

    Privés (bureaux d'études, conseil)

    Associations de dév. local

    Dispositifs de formations paysannes

    Ecoles et CF publics

    Organisations professionnelles

    projets

    Centres de formation privés

    Services étatiques d'appui

    Centres de formation interprofessionnels

    ONG

    Sociétés régionales de dévt

    Réseaux thématiques

    Là également, des entretiens de compréhension permettront dans un avenir proche de cerner plus précisément leurs attentes et stratégies respectives, à court terme et à long terme.

    Enfin, il n'est pas interdit de penser que les enjeux généraux affichés et les enjeux particuliers plus ou moins cachés puissent se recouper selon les acteurs, et selon les périodes.

    La difficulté de démêler l'écheveau des interrelations, des interactions et des stratégies émanant de quarante cinq organisations aux profils très variés s'apparente à un casse-tête chinois (les plus compliqués), sans compter les stratégies individuelles qui peuvent différer au sein de ces mêmes organisations.

    Au plan de la première catégorie d'enjeux, ceux pour lesquels l'entité RESOF oeuvre au quotidien, la visibilité n'est pas aussi parfaite que nous pourrions l'espérer de prime abord.

    Nous avons eu à en faire cas lorsque nous nous sommes attachés à montrer la diversité des finalités et objectifs poursuivis, et leur relative fluctuation dans le temps.

    Entre :

    · la mise en réseau de compétences, pour faire jouer les complémentarités et proposer une réponse-formation globale,

    · un cadre de concertation, de réflexion et d'échanges entre professionnels de la formation,

    · la régulation, pour assainir le secteur, piloter la rationalisation de l'allocation des financements qui le drainent et tendre vers une meilleure adéquation de l'offre à la demande de formation des ruraux,

    ...le grand écart semble difficilement contournable.

    Il est tentant (et sans doute trop facile) de faire le parallèle avec le jeu des chaises musicales : nul ne sait quand s'arrêtera la musique, mais chacun n'a qu'une préoccupation en tête, celle de batailler ferme pour trouver au final une place assise afin de ne pas se faire éliminer prématurément.

    Cette stratégie de positionnement produit nécessairement une dynamique ; en revanche, elle peut représenter une masse d'inertie redoutable dès lors que certains termes apparaissent porteurs de danger, à tort ou à raison.

    Il en va ainsi de la régulation, surtout lorsqu'on lui accole les expressions « certification » ou « agrément », qui peuvent à juste titre provoquer la crainte d'un bureau d'études ou d'un consultant, dont la vente de prestation formation est son gagne-pain.

    Cette inquiétude peut également peser sur des enseignants du secteur public, nombreux à intervenir en « freelance » au gré des opportunités.

    Dans un autre registre, la recherche de synergies entre des compétences (publiques et privées, qui plus est) jusque là en situation de concurrence sur le marché relève d'un équilibre subtil et instable ; tant que sa réalité n'a pas été éprouvée, l'espoir d'une relation gagnant-gagnant cède le pas au statu quo, par crainte d'y perdre.

    La satisfaction du statu quo ne représente certes pas la panacée, mais elle nous semble cependant traduire un consensus dont s'accommodent bon nombre des membres du réseau.

    L'approche douce annihile la défiance, produit de la confiance et du dialogue, et à terme de la transparence ; l'appartenance à un réseau d'envergure peut être source de légitimité voire de prestige pour les organisations les plus petites, elle procure dans tous les cas une « carte de visite ».

    Les relations développées et le carnet d'adresses mis en commun peuvent être source d'opportunités, tant pour les offreurs de services que pour les acteurs situés du côté de la demande, ou encore pour certaines structures d'intermédiation ou d'appui dans le développement rural, comme dans le développement local.

    La demande enfin, en côtoyant l'offre de services plurielle, peut parfaire son information et opérer une présélection discrète en vue de futures décisions.

    Ces aspects positifs ne sont pas négligeables, on peut seulement leur reprocher d'être difficilement mesurables. Finalement, chacun y trouve, peu ou prou, ce qu'il est venu chercher mais l'intérêt collectif, sur un plan plus « macro », reste mal quantifiable car le pas de temps gomme les avancées, comme le ferait une fonction de lissage pour une courbe.

    Un des champs d'action les plus fédérateurs, et le plus facile à mettre en oeuvre, consisterait dans ce contexte particulier à mobiliser des ressources (ce qui ne signifie pas ses ressources propres, issues des adhésions) pour développer des actions de renforcement de capacités au service de ses propres organisations membres ; les avantages sont quadruples :

    1) - Satisfaction des bénéficiaires directs,

    2) - Consensus général (une formation ponctuelle ne représente pas un danger pour l'avenir),

    3) - Génération d'activités, mobilisatrice : il se passe quelque chose,

    4) - Justification « visible » de la pertinence de la structure, qui est en mesure d'offrir des services à ses membres.

    Nous verrons un peu plus tard l'application concrète de ce principe, sous la forme de plans minimaux de formation des producteurs (notamment).

    Nous terminerons ce tour d'horizon relatif aux enjeux multiples, nous avons tenté d'en rendre compte, en nous intéressant aux acteurs extérieurs au RESOF, mais occupant une position institutionnelle privilégiée ; nous aborderons notamment le cas des Conseils régionaux (quatre sont directement concernés par la zone d'action du réseau) et des services déconcentrés des ministères sectoriels en charge du développement rural et de l'éducation.

    Le conseil régional a vocation à élaborer et conduire une politique de formation, à l'échelle de la région administrative. Or, si la « mécanique » très centralisée du dispositif Education Nationale lui échappe en grande partie pour la dimension éducative, en revanche la formation professionnelle, très éclatée entre de multiples acteurs institutionnels et non institutionnels, n'apparaît pas être mieux prise en charge à son niveau.

    Au cours d'un entretien récent auquel participait l'animateur du RESOF, le Secrétaire général du conseil régional de Saint-Louis nous a fait part de l'intérêt qu'il portait à l'élaboration d'une future « carte scolaire » de la formation professionnelle, notamment dans sa composante rurale, la plus dispersée et donc la moins connue.

    Ce cadre paraissait désireux de travailler avec le réseau dans ce sens, au moins pour un début de collaboration. Nous avions noté que cet acteur clé ne connaissait pas le RESOF, bien que ses services aient été démarchés à plusieurs reprises au cours des années précédentes (de même que l'Agence Régionale de Développement).

    Nous avons également souvenir du discours prononcé par le vice-président de celle collectivité, à l'occasion d'un atelier sur la mise en place d'un pilotage régional de la FAR dans la Vallée organisé par le RESOF en décembre 2004.

    Au cours de l'entretien évoqué plus haut, il nous avait semblé symptomatique que nos interlocuteurs confondent à plusieurs reprises le RESOF et le CIFA (qui l'héberge) ; nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir sur ce point.

    Les relations entre l'organisation et les trois autres conseils régionaux ne paraissent pas davantage suivies ; pourtant, l'objectif d'impliquer fortement les élus locaux dans le pilotage et le financement de la FAR, grâce à l'action du RESOF, est déjà ancien.

    Ainsi, au chapitre Perspectives, qui conclut le bilan réalisé par le Bureau d'Appui à la Coopération sénégalo-suisse, pour la phase 1999-2002, on peut lire que les conseils régionaux de Saint-Louis et de Ziguinchor sont impliqués dans la mise en place des pôles régionaux de formation.

    S'agissant des services étatiques déconcentrés, ou même des chambres consulaires, la situation est comparable ; citons parmi ceux-ci les Directions Régionales du Développement Rural, les Inspections Régionales des Services Vétérinaires, les Services Régionaux des Eaux et Forêts, et l'Inspection d'académie.

    La logique d'un réseau de ce type, par essence souple et informel, nous empêche de leur reprocher de rester à l'écart, c'est à dire de ne pas intégrer le réseau. Cependant les interactions pourraient être nombreuses dans le champ des formations rurales, et plus largement dans le domaine du renforcement de capacités.

    En réalité les moments de dialogue sont rares et, au quotidien, ces services ignorent superbement la présence du RESOF en tant qu'acteur du territoire, même s'il leur arrive de répondre ponctuellement à une invitation ; nous notons d'ailleurs que l'initiative des contacts est souvent à sens unique.

    Deux explications peuvent être avancées ; ces différents services doivent déjà gérer leurs propres contraintes de fonctionnement et de positionnement dans la logique de recentrage de l'Etat sur ses missions « régaliennes ».

    La seconde hypothèse tient peut être à ce que l'intérêt de développer un nouveau partenariat ne leur apparaît pas évident.

    Même si l'ambition du RESOF se limitait aux échanges de pratiques entre ses membres (ce qui n'est pas le cas) pour permettre à chacun de progresser, nous ne pourrions malgré tout que nous étonner du caractère aussi ténu du tissu relationnel développé par le RESOF avec les autres systèmes de son environnement qui sont sources d'interdépendances fortes dans le territoire : financements, aspects réglementaires, orientations politiques.

    III.2.1.3- Les marges de manoeuvre du système RESOF

    La marge de manoeuvre peut se définir comme l'autonomie marginale dont il dispose, après déduction de l'ensemble des contraintes qui pèsent sur son rayonnement (nous compléterons cet essai de définition par la suite).

    Or, ces contraintes sont nombreuses ; sans prétendre à l'exhaustivité, nous pensons en avoir identifié quelques unes, certaines d'ordre général, et d'autres plus spécifiques au réseau lui-même.

    · Le taux d'alphabétisation assez faible des ruraux, et plus encore pour les femmes, notoirement connues pour leur dynamisme et leur contribution à l'économie rurale. Ce frein pèse sur les échanges et sur l'accès à l'information d'une manière générale : ce qui va de soi dans un réseau en France pose problème ici.

    Sauf à vouloir travailler de façon élitiste, avec les seules personnalités les plus éduquées, c'est toute la stratégie de communication qui mériterait d'être repensée.

    · L'aire d'intervention du réseau est importante dans l'absolu

    Les régions de Saint-Louis, Matam et Louga totalisent 73 315 km², auxquels il convient d'ajouter une partie des 60 000 km de la région de Tambacounda ; cela équivaut à environ treize départements français, répartis sur une bande de plus de cinq cent kilomètres de longueur. La couverture de cette aire doit aussi s'apprécier au regard des voies de communication terrestres, dont seuls quelques axes principaux sont praticables en toute saison, mais aussi de l'accès encore limité aux NTIC en milieu rural.

    De ce fait, la communication interne se réduit parfois à une activité ponctuelle, aux temps forts que constituent les rencontres physiques entre ses membres à l'occasion d'une réunion ou d'un atelier.

    · Le caractère pressent des attentes particulières à satisfaire

    Nous opposerons ce point à la construction d'une intelligence collective, qui nécessite du temps ; le soucis de préserver la cohésion du groupe oblige à prendre en considération ces attentes, parfois relativement éloignées de la raison d'être de l'organisation.

    · Le mélange des membres, acteurs de l'offre et de la demande de formation.

    Sous certaines conditions que nous aborderons au terme de notre réflexion, cette réalité peut constituer un atout décisif ; néanmoins au stade actuel il nous semble que le focus sur l'objectif de satisfaction de la demande (en tant que membre) hypothèque l'évolution qualitative espérée initialement de la part des offreurs de service.

    Il est à craindre en retour que cette prégnance ne soit préjudiciable à la qualité des réponses apportées aux préoccupations des ruraux, et donc à leur impact ; en d'autres termes, la paix négociée à court terme peut s'avérer désastreuse sur le long terme si la valeur ajoutée collective du RESOF n'apparaît pas manifeste.

    · L'effacement des institutions membres derrière la forte personnalisation des relations

    On rétorquera que c'est là le propre des réseaux, toutefois, le poids potentiel du RESOF se mesure bel et bien à l'aune de ses organisations membres ; ce sont elles qui adhèrent en cotisant, et non les individus qui les représentent.

    Nous devrons encore poursuivre nos investigations avant de pouvoir affirmer que celles-ci sont régulièrement informées des activités du RESOF, et qu'elles se reconnaissent à travers son action.

    · L'apparente perplexité (mais peut être n'est-ce que de la prudence) dont font preuve les autres systèmes situés dans l'environnement du réseau ; le cas des collectivités locales a déjà été évoqué, aussi nous illustrerons notre propos à l'aide de deux autres exemples :

    o L'Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural (ANCAR), dont deux de ses directions régionales sont membres, et la SAED dont l'emprise sur la Vallée est très forte sont les principaux services d'appui, de conseil et d'intermédiation ; on pourrait croire que la collaboration est naturelle et quotidienne, mais cette hypothèse nous paraît hasardeuse à ce jour.

    o Les projets de développement rural, ou de développement local, dont l'énumération serait fastidieuse semblent pareillement ignorer le RESOF, alors qu'ils travaillent régulièrement avec une bonne partie de ses organisations membres.

    Lorsque l'on connaît le contexte rural dans lequel se déroulent les interventions des uns et des autres et la fréquence des opportunités de rencontres, on ne peut qu'être surpris de ce cloisonnement quasi étanche, dont le caractère artificiel apparaît à maints égards illogique.

    · L'identité floue du RESOF

    Il est peu sélectif, d'autant qu'il cherche à élargir sa base, et ses membres ont des profils très divers ; il n'a pas de statut formel et ne peut donc se prévaloir de la personnalité morale au plan juridique ; les actes techniques et de gestion qu'il pose portent donc la seule signature du CIFA, légalement reconnue.

    Pour couronner le tout, il est hébergé par ce même CIFA, dont un des formateurs assure à mi-temps l'animation du réseau ; on ne s'étonnera donc pas de la confusion entre ces deux entités dans l'esprit de nombreux acteurs, y compris parmi les organisations structurées qui sont représentées au sein de son secrétariat. Que dire alors de sa visibilité vis à vis des tiers ?

    · Une dernière contrainte, et non des moindres, nous paraît être l'extrême dépendance financière ; les fonds collectés par le biais des adhésions et cotisations annuelles ne sont guère plus que symboliques, et son existence ne dépend que du bon vouloir de son unique partenaire qu'est la coopération suisse.

    La marge d'autonomie est donc faible, et le fonctionnement peut être stoppé net indépendamment de sa volonté, comme l'a révélé le gel momentané des appuis financiers entre juillet et décembre 2003 (dont fait état le RESOF dans son rapport d'activité 2003-2005).

    A la suite de cette énumération, nous pourrons nuancer notre première définition des marges de manoeuvre, en y adjoignant un certain nombres d'atouts potentiels ; nous en avons identifié trois qui, subtilement manoeuvrés, peuvent se révéler de puissants moteurs :

    · De puissantes organisations membres

    Certaines ont prouvé leur capacité à négocier avec les partenaires au développement. La première d'entre elle, l'Association Sportive et Socio Culturelle des Agriculteurs du Walo (ASESCAW) se caractérise à la fois par un poids démographique très important, une dimension régionale, des ramifications au sein des collectivités locales avec un certain nombre d'élus, et compte parmi ses membres des acteurs d'un poids économique considérable (en lien avec la gestion des périmètres irrigués).

    Celle-ci jouit par ailleurs d'une légitimité historique dans le mouvement associatif sénégalais : ce sont ses responsables qui sont à l'origine du mouvement paysan : Fédération des ONG du Sénégal (FONGS - Action paysanne) d'abord, puis Conseil National de Coopération et de Concertation des Ruraux (CNCR) ; tous deux sont internationalement reconnus pour leur indépendance, leur capacité de mobilisation et leur force de proposition.

    · Les opérateurs de formation membres (publics et privés) ont des bases qui restent fragiles, et de ce fait pourraient être disposés à évoluer en se servant du RESOF comme levier.

    Les privés n'ont pas atteint la taille critique qui leur permettrait de lisser leur charge de travail, dans un secteur ou la compétition est d'autant plus féroce que les compétiteurs viennent souvent de Dakar.

    Les établissements publics sont en règle générale mal en point, et les ruraux ont pris l'habitude de bouder leur offre, à qui ils reprochent une rigidité excessive héritée du temps ou ces établissements formaient essentiellement pour le compte de l'Etat employeur ; ceux relevant de l'Education font exception, pas tous, mais ils sont confrontés au même désintérêt de leurs cibles lorsqu'ils s'aventurent sur le terrain de la formation continue, dont ils convoitent une partie des flux financiers.

    · La possibilité d'éveiller l'intérêt des décideurs locaux, et au premier chef les collectivités locales.

    Celles-ci pourraient, de par leurs pouvoir propre et leurs partenariats multiples, se révéler de puissants catalyseurs pour peu que le RESOF s'intéresse à leurs attentes spécifiques dans le domaine opérationnel, et fasse montre de réalisme en leur proposant un début de réponse sous une forme très concrète.

    Les contacts répétés de sensibilisation à leur endroit pourraient du reste être rangées au nombre des solutions déjà tentées par le RESOF, que nous aborderons à la suite.

    Au final, les marges de manoeuvre apparaissent à la fois limitées, du fait de la prégnance de contraintes objectives, mais aussi réelles, moyennant quelques adaptations nécessaires dans la forme et les méthodes.

    III.2.1.4- Les solutions déjà tentées

    Pour remédier aux difficultés que le RESOF a rencontré, dont certaines déjà évoquées sont récurrentes (léthargie, méconnaissance par ses membres de l'esprit de réseau, dispersion des objectifs poursuivis), des solutions ont été mises en oeuvre, à des périodes différentes.

    Il importe de les connaître pour mieux appréhender la trajectoire du RESOF, et pour en mesurer la pertinence à postériori, vis à vis des objectifs poursuivis par l'organisation.

    Comme l'explique P. WATZLAWICK56(*), « L'expérience montre que même, et peut-être surtout, en cas de perturbations maximales, les systèmes tendent à appliquer une recette aux effets généralement pervers, celle du toujours plus de la même chose, quitte à accroître inéluctablement les difficultés qui perturbent leur fonctionnement ».

    C'est dans cette catégorie que nous prendrons le parti de ranger les actions répétées de sensibilisation des membres à l'esprit de réseau, dont les résultats paraissent mitigés.

    Cet écart nous renvoie aux stratégies particulières des acteurs membres, aux multiples objectifs poursuivis par ceux-ci et qui peuvent s'opposer et prendre le pas sur ceux assignés au RESOF, ou encore aux finalités floues de cette construction collective.

    · Le « mécénat »

    C'est ainsi que nous qualifierons certaines des actions du réseau consistant à prendre en charge financièrement, lors de foires et salons, les stands de ses membres.

    Bien loin de sa raison d'être, ce type d'appui s'apparente à une tentative de séduction pour re-mobiliser les troupes ; il est susceptible de créer de la frustration chez les autres membres non servis, et présente le risque majeur de faire apparaître le réseau comme un bailleur de fonds. Si tel devait être le cas, les jours du RESOF seraient alors probablement comptés.

    · La création de pools géographiques

    Confronté à la difficulté d'être suffisamment au contact des acteurs de terrain qui se trouvent à l'échelon des Communautés Rurales (la collectivité territoriale de base), le RESOF a créé en 2004 trois pools répartis dans la Vallée, que sa plaquette présente comme « un dispositif décentralisé de concertation et de mise en oeuvre pour rapprocher l'offre et la demande locale de FAR, composé d'élus locaux, d'OP, d'opérateurs de formation et des projets de développement ».

    Ils sont personnalisés par autant de points focaux, à qui il revient d'en assurer l'animation et la liaison avec l'animateur du RESOF. Mais il est à craindre que les difficultés de communication et d'animation à l'échelon supra se retrouvent également dans le fonctionnement des pools, d'autant que leurs missions sont larges :

    o Concertation entre acteurs, pour définir les priorités de formation (mais quelle légitimité, sauf à apparaître comme un financeur ?).

    o Mobilisation des partenaires et diffusion de l'information.

    o Renforcement de capacités pour l'élaboration de programmes.

    o Validation des programmes de formation des OP

    o Appui à la recherche de financement

    o Suivi et évaluation de la mise en oeuvre

    o Participation à la régulation de la formation au niveau local

    Nous verrons, en lien avec le point suivant, que ces pools amènent l'entité RESOF à revendiquer la prise en charge de la demande de formation et de ses spécificités au niveau local, en prenant le risque de se positionner comme un concurrent des prestataires de formation classiques.

    Si l'attention portée à la proximité du terrain est légitime au regard du rayon d'action, le schéma des relations internes proposé par l'IIED57(*) révèle qu'avec les pools on a ajouté de la sophistication à ce qui était déjà complexe, mais ne renseigne pas sur la façon dont circulent les échanges au sein de ces sous-systèmes.

    · Les plans minimaux de formation des producteurs

    Imaginés depuis 2004, ils constituent, avec le pool, le second instrument décentralisé de gestion participative du programme du RESOF. Basé sur cinq modules conçus par les formateurs issus des organisations, le plan minimal est validé par le pool qui doit mobiliser toutes les ressources locales disponibles pour sa réalisation.

    Un programme de dix plans minimaux est en cours d'exécution, mais le RESOF avoue que la mobilisation des acteurs majeurs comme la SAED ou les agro industriels pose encore problème.

    · Le fonds de formation local

    Provenant d'une ligne budgétaire de l'appui suisse au RESOF, ce fonds local va bientôt être mis en place au niveau de chaque pool pour (nous citons) « construire une approche novatrice d'appui-conseil ».

    Ces deux derniers points feront l'objet d'un développement dans nos travaux futurs, cependant ils semblent confirmer à ce stade le glissement du Réseau vers la maîtrise d'oeuvre directe d'actions de formation au bénéfice des producteurs, et vers la réunion de la fonction opérationnelle de régulation et de celle de pilotage, via les fonds de formation.

    III.2.1.5- Les évolutions prévisibles

    Nous aborderons celles-ci sous l'angle des risques encourus, dans le prolongement du paragraphe précédent.

    Le RESOF ne poursuit pas de but lucratif, ce n'est ni un acteur économique, ni une association de défense d'intérêts catégoriels. Les évolutions récentes de cette structure transversale que nous avons jugé utile de relever portent à croire qu'il s'oriente désormais vers une intégration verticale rassemblant les rôles de maîtrise d'ouvrage (décision et financement), de maîtrise d'oeuvre (coordination, validation et choix des solutions) et d'opérateur via ses membres (réalisation des sessions de formation).

    Les procédures de gestion et de mise en place de ses fonds de formation étant en cours d'élaboration, nous éviterons de porter tout jugement précoce ; toutefois, il n'est pas interdit de penser que cette nouvelle configuration, dont le penchant à l'autarcie transparaît de prime abord, rende plus aléatoire la perspective de création d'une instance régionale légitime de pilotage de la FAR.

    De plus, le caractère conflictuel de leur future cohabitation, sur des missions qui se chevauchent, ne doit pas être écarté.

    Dans un tout autre registre, et à niveau constant de ressources humaines et financières, l'attention nécessaire que le RESOF devra consacrer aux activités relevant « de l'opérationnel » risque de faire passer au second plan l'importance des enjeux stratégiques originels.

    Sans enjeux stratégiques, et en l'absence d'enjeux économiques à forte visibilité, l'hypothèse d'un retrait des membres les plus influents au plan politique et économique ne peut pas être écartée.

    II.2.2- LES INTERACTIONS RÉCURRENTES

    pour dépasser l'apparence floue du fonctionnement du RESOF, l'observation et l'analyse systémique de ces interactions nous permettront d'accéder à la partie stable de l'organisation, où des règles précises structurent durablement les échanges entre acteurs et entre systèmes en leur permettant de se reproduire.

    L'école de PALO ALTO nomme redondances interactionnelles ces répétitions ordonnées qui rendent possibles les interactions récurrentes caractéristiques d'une organisation donnée.

    Il convient de souligner que c'est bien la structuration des échanges qui devra retenir notre attention, et non leur contenu58(*).

    Cette partie n'est rappelée ici brièvement que pour mémoire, son traitement ne pouvant s'envisager qu'à partir d'enquêtes de terrain suffisamment approfondies et d'observations dans la durée, par exemple à l'occasion d'un stage.

    III.3- LES PRODUITS DU SYSTÈME : QUELLE VALEUR AJOUTÉE ?

    Le système mobilise des intrants pour mettre en oeuvre des process au service de sa production.

    Les intrants

    Ils sont constitués essentiellement de moyens financiers (frais de fonctionnement, salaire de l'animateur), de compétences sollicitées et du temps qu'y consacrent les différents acteurs.

    Par exemple, le budget de l'année 2001 s'élevait à 11.5 MF Cfa et avait été exécuté à 90%. Sous l'intitulé « fonctionnement de l'animateur », le budget était ventilé entre frais généraux, frais de mission, carburant et entretien /réparation. Les fonds provenaient de la contribution du CIFA, pour 4.9 MF (soit 43 %), et de la coopération sénégalo-suisse pour 57 %. Celle-ci avait ajouté 1.8 MF, pour la tenue de deux journées thématiques d'information.

    Plus proche de nous, le programme 2005 - 2009 d'appui au renforcement des capacités des acteurs du monde rural (de cette même Coopération) alloue au RESOF une enveloppe de 70 MF, dont :

    30 pour le soutien à la promotion de programmes de formation régionaux ;

    30 pour la contribution à un fonds de formation dans la région de Saint-Louis ;

    10 millions pour le soutien à la concertation pour une régulation participative de la FAR.

    Ce programme d'appui s'inscrit très fortement dans une démarche de recherche-action, par le biais d'expériences pilotes incitant les acteurs à travailler ensemble, destinées à servir de support à l'approfondissement de la réflexion, et à orienter les actions futures au vu des résultats obtenus.

    Il en est ainsi des plans locaux de formation, conçus avec les services d'appui en réponse aux demandes des Organisations Professionnelles à la base, mais dont la phase préalable d'identification, puis les étapes de mises en oeuvre et de pilotage associent également les collectivités locales.

    Il en va de même des fonds de formation, co-gérés par les OP et les Collectivités locales.

    Le programme de ce partenaire vital, en renforçant les capacités des acteurs à la base par la formation, le conseil et l'information, « fait l'hypothèse qu'il contribue à leur donner les moyens de participer aux processus de concertation et de décision sur des questions stratégiques concernant leur développement économique et social ».

    La cohérence de l'ensemble du programme, que nous ne pouvons pas développer ici car il soutient de nombreux acteurs, n'appelle pas de critique particulière. Cependant, le poids de l'unique partenaire financier du RESOF semble influer considérablement sur la stratégie de celui-ci, en lui faisant porter la responsabilité de fonds de formation locaux, et de programmes de formation régionaux.

    Il n'est pas certain que ces nouvelles fonctions correspondent parfaitement aux missions d'un réseau d'échanges de pratiques entre professionnels et de capitalisation des expériences de ses membres, ayant pour finalité de contribuer à l'amélioration des pratiques de formation étendue, par effet d'entraînement, à l'ensemble des opérateurs de la Vallée.

    Les processus de transformation des ressources mobilisées sont de différente nature :

    Animation du réseau

    Promotion, communication, diffusion (interne et externe)

    Identification et/ou validation de besoins de formation, et appui à la mise en oeuvre de sessions de formation

    Collecte de données

    Organisation de journées de réflexion thématiques

    Organisation de la concertation

    Appui logistique aux membres

    Pilotage d'exercices de capitalisation, pour valoriser ce qui a été réalisé et produire de l'information utiles aux membres et aux autres acteurs de l'environnement.

    Tous ces processus apparaissent infiniment plus complexe que ceux nécessaires à la production d'un bien de consommation courante ! Ils ne sont pas normés, standardisés, et doivent s'adapter en permanence à des contextes et micro-contextes précis, non généralisables. De plus, le matériau de base est constitué d'hommes et de femmes, et d'organisations, éminemment complexes et imprévisibles.

    Or, les flux d'échanges horizontaux, entre les acteurs du réseau, sont faibles comme il a été signalé ; c'est donc essentiellement sur l'animateur (ses capacités, dans la limite des contraintes auxquelles il doit faire face) que repose la mise en marche de ces processus, mais aussi leur contrôle jusqu'au produit final. L'indisponibilité prolongée de l'animateur risque de gripper derechef les processus engagés ; même sans aller jusqu'à cette extrémité, des retards chroniques dans les délais de réalisation sont à craindre.

    Les « produits »

    Nous en dresserons tout d'abord la liste indicative, puis nous reviendrons sur les extrants qui nous paraissent majeurs en raison de leur forte adéquation (ou l'inverse) avec notre problématique.

    Quelle valeur ajoutée ?

    Sans conteste, les missions assignées sont ardues : impulser une prise de conscience collective, chercher à influer sur les représentations et les comportements tant individuels que collectifs, alimenter la réflexion, accompagner jusqu'à leur terme des processus de capitalisation sont des tâches complexes, qui demandent beaucoup de temps, et dont l'aboutissement n'est jamais tout à fait palpable, ni l'irréversibilité garantie.

    Tout ceci relève du domaine de l'immatériel, et la forme choisie (un réseau d'acteurs) ajoute à la difficulté de définir avec précision les contours de cet instrument et de son impact sur son environnement.

    Au nombre des avancées, la mise en relation des acteurs est incontestable ; ils se connaissent mieux, le dialogue est constructif et la transparence plus grande. Cet acquis n'est pas mince, car la confiance ne se décrète pas ; il est porteur d'espoir pour construire durablement des partenariats plus performants et complémentaires, qu'ils soient axés sur des intérêts économiques ou sur l'intérêt général de plus long terme.

    Cette avancée est appréciée à sa juste valeur à d'autres niveaux d'intervention, contribuant ainsi à la réputation du RESOF en dehors de « ses frontières ».

    Nous nous risquerons par ailleurs à déduire que, si les membres historiques y sont toujours fidèles, en dépit de périodes parfois difficiles, c'est peut être qu'ils y trouvent un motif de satisfaction : un espace d'ouverture sur l'extérieur, de dialogue entre pairs sur une problématique importante mais souvent ignorée, ou encore un porte-voix à l'occasion des manifestations organisées.

    A ce stade pourtant, le bénéfice direct de quelques actions de formation des membres ne nous paraît pas primordial dans leurs stratégies.

    Cependant, l'appréciation globale reste mitigée. Au bout de six années, son influence sur la régulation semble mineure ; l'information imparfaite des décideurs locaux est toujours d'actualité, et le réseau éprouve des difficultés à susciter leur intérêt.

    Le projet d'un pilotage partagé au niveau régional piétine depuis plusieurs années ; la production de nouvelles connaissances engendrée par l'intelligence collective reste méconnue : les travaux sont peu diffusés ; études de cas et partages de pratiques semblent confiner au confidentiel...

    La recherche d'économies d'échelle recherchée à l'origine semble avoir été abandonnée en cours de route, et les instruments de communication prévus au démarrage se font toujours attendre (bulletin électronique, lettre d'information, site web).

    Enfin, les activités pressenties telles qu'énumérées dans l'article 10 de l'annexe de la Charte, intitulé « Principes et règles de fonctionnement », semblent céder le pas à des actions de terrain plus directement opérationnelles, mais moins naturelles pour une organisation en réseau.

    III.4- UN FONCTIONNEMENT PERFECTIBLE ?

    Toute proposition visant à améliorer le fonctionnement d'un système devrait partir de la projection du but que souhaite atteindre l'organisation, en l'aidant à préciser celui-ci, pour choisir en fonction de la situation les leviers les plus pertinents pour y parvenir.

    Une autre démarche, plus courante mais que nous n'emprunterons pas, consisterait à se focaliser sur la recherche des causes explicatives des dysfonctionnements, supposés ou réels, au risque de faire « toujours plus de la même chose », ou de considérer que l'objectif à atteindre se réduit à résoudre le problème identifié au départ.

    Le facteur humain a battu en brèche la relation de causalité chère à la pensée rationaliste, pour qui toute reproduction de la cause identifiée reproduit invariablement les mêmes effets. L'exemple déjà ancien mais toujours cité de l'expérience de Elton MAYO, avec la Westhern Electric, a mis en évidence une relation de comportement-finalité, là où la non réversibilité de la relation de cause à effet ne pouvait plus expliquer les comportements des ouvriers59(*)

    Cette expérience doit nous inciter à la prudence.

    Dans le cas présent, la finalité de l'organisation est insuffisamment précisée, ce qui rejaillit nécessairement sur la définition des étapes intermédiaires. A l'examen, le vocabulaire employé porte les stigmates de cette perte de précision du sens : « le RESOF a appuyé, ...a participé... » (sous quelle forme, pour arriver à quoi ?).

    Les termes « consolidation », « promouvoir » participent également de ce qui pourrait être qualifié d'évitement de la précision pour décrire les activités réalisées et les processus qui y ont conduit.

    Les conséquences de cette « culture » sont traduites de la même façon : soucis (récurrent) de « de-dynamiser » le réseau, « prise en charge plus affirmée de la capitalisation des expériences », (recherche de l') « accroissement de l'implication des collectivités locales dans les activités du réseau », etc.

    Comme le note très justement Dominique BERIOT, dans le cas où l'on s'appuie sur l'objectif désigné, l'énergie mobilisée est entièrement tournée vers le futur, tandis qu(avec l'analyse des causes, l'expérience montre que cette énergie tend à se dissiper dans la compréhension du passé, qu'il faut reconstituer sans jamais y parvenir à l'identique, pour finir par s'y perdre.

    Notre préférence va bien sûr, on l'aura compris, à la logique systémique, qui nous paraît plus adaptée à la complexité du champ d'étude que la logique analytique, qui va délier des éléments qui ne font sens que par les relations qui les unissent.

    Ce choix nous permet maintenant de revenir à la question de départ : un fonctionnement perfectible ?

    Un recadrage nous paraît nécessaire pour ambitionner une vision partagée du rôle du réseau, et de ses objectifs.

    Décliner en termes plus explicites pour être opérationnels les finalités et objectifs actuels, très généraux, passe par la formulation de résultats attendus et bien évidemment d'indicateurs mesurables.

    Cette remise à plat (un effort collectif de clarification) permettrait à moyen terme de rendre plus visibles les avancées dont le RESOF pourrait se prévaloir, et valoriserait les étapes intermédiaires dans la mesure où le chemin serait mieux balisé ; nous y voyons là une source puissante de satisfaction pour ses membres. Or, la satisfaction entretient la motivation, et la motivation est la clé de l'engagement des acteurs.

    Conduite avec doigté et toute la qualité d'écoute requise, cette entreprise de clarification des objectifs ne devrait pas mettre en danger l'actuel consensus, obtenu presque par défaut tant ses bases paraissent floues. Une approche plus concrète pourrait au contraire « piquer » la curiosité et redonner du tonus à une organisation qui s'est déjà essoufflée à plusieurs reprises.

    Davantage de concret, ce peut être par exemple tester de nouvelles approches, ou produire des références :

    Plus de concret ne signifie pas nécessairement se lancer dans la mise en oeuvre et la gestion de sessions ou plans de formation, avec l'objectif premier de satisfaire la demande de formation des ruraux ; dans le champ opérationnel, les acteurs en lice sont pléthores et les actions de formation, sous leur forme la plus classique, y sont nombreuses.

    Un acteur supplémentaire n'aurait que peu d'incidences sur la configuration du paysage, et un tel positionnement dans un secteur hautement concurrentiel pourrait être mal perçu, jusqu'à hypothéquer les interactions recherchées.

    CONCLUSION

    1- QUELLE LECTURE DE L'IMPACT DU RESOF ?

    Le cadrage que nous proposons ne remet pas en cause les nouvelles orientations telles que les plans « minimaux » de formation des producteurs. Il offre au contraire l'opportunité de valoriser la mise initiale : en proposant aux acteurs de s'accorder sur un sens de plus long terme, et en conférant à cette initiative un caractère expérimental, plus qu'un but quantitatif, ces plans de formation pourront produire, au delà des résultats, des indications précieuses pour alimenter le processus de pilotage de la FAR dans la Vallée du Fleuve Sénégal.

    L'approche systémique se prête bien au cas du RESOF. S'il est malaisé de dire en quoi précisément il a permis de contribuer à mieux réguler l'offre de formation agricole et rurale, en revanche un constat simple doit retenir notre attention : gourmand en temps de bénévolat, non rémunérateur, à l'impact diffus, difficile à mettre en évidence, le RESOF cumule de nombreux inconvénients pour les individus qui le font vivre ; force est malgré tout de constater que ses acteurs y sont restés fidèles, et que les défections sont l'exception.

    Sauf à supposer un élan de masochisme collectif inexplicable, il faut bien envisager la possibilité d'un jeu à somme positive.

    Cette lecture doit également nous inciter à nous souvenir de notre position d'observateur extérieur, doublement extérieur en vérité : à la culture du Réseau, mais aussi à la culture sénégalaise (sans entrer dans la distinction pourtant fort utile entre Wolof, Peulh, Sérère), à laquelle la Vallée du Fleuve apporte une touche spécifique.

    Nous prendrons donc garde de porter un jugement trop hâtif et définitif sur ce système, tant il subsiste de zones d'ombre dans notre perception de la structuration des échanges qui s'y déroulent, comme dans le repérage des affinités et des oppositions entre ses membres.

    Il n'en demeure pas moins qu'au regard de quelques rares cadres de concertation relevant plutôt du secteur de l'Education, le RESOF apparaît comme le seul et unique cadre permanent de concertation sur la problématique Formations rurales.

    Le ciment qui a permis de sceller des alliances, tout comme les écueils qu'il a pu rencontrer en les surmontant à sa manière, sont autant d'atouts pour l'avenir ; la pugnacité de son partenaire financier l'a rendu possible, à la différence de l'approche traditionnelle de type projet, qui perdure encore malgré ses réalisations éphémères et bien que ses travers soient largement connus.

    Nonobstant, il faudra bien tôt ou tard que les principaux concernés prennent le relais, et prouvent leur appropriation de l'outil en « payant leur écot » : ce pourrait être les membres directement, ou via les instances par qui transite l'impôt, si un bénéfice collectif paraît être à portée.

    En ce sens, la mise sur pied d'une instance de pilotage régionale, dont la nécessité est relevée par l'ensemble des acteurs sans exception, pourrait représenter un début de solution.

    2- QUELQUES PROPOSITIONS POUR AVANCER

    Toutes les pistes d'amélioration qui apparaissent en filigrane au fil de notre développement devraient donc passer d'abord sur le « marbre », le gabarit des objectifs visés :

    · La fréquence plus rapprochée des rencontres, aux différents échelons du dispositif,

    · Une information plus conséquente, objet d'une diffusion plus large et plus systématique,

    · La mise en place de canaux facilitant les échanges internes,

    · L'imprévisibilité calculée, pour ne pas sombrer dans la routine,

    · Le changement d'approche en direction des décideurs, pour une relation gagnant-gagnant,

    · Une plus grande capacité de veille, pour une plus grande réactivité, et pour lutter contre l'entropie du système,

    · Des manifestations ciblées, à caractère stratégique, d'où émergent des idées nouvelles, ou bien qui portent en germe l'évolution des comportements de demain,

    · La recherche d'une identité plus visible, pour affirmer son expertise,

    · Un engagement net en faveur des bonnes pratiques, en les citant,

    · L'expérimentation de pratiques qui s'inscrivent clairement en rupture des modèles en usage.

    Tous ces points ne peuvent produire leurs effets de manière efficiente que si un point de mire se détache de l'horizon ; dans la négative, la dispersion des ressources occasionnée par les tâtonnements et les bifurcations, ainsi que la désorientation qui en résultera d'une partie des acteurs seront source de nouveaux problèmes.

    Nous sommes conscient des limites de notre entreprise, et nous prévoyons, si l'opportunité nous en est donnée, de consacrer davantage de temps sur le terrain par la suite, au contact des acteurs principaux pour « visualiser » les échanges à l'interne, et avec l'extérieur, et tenter d'en proposer une représentation graphique aussi fidèle que possible afin de mettre en relief les zones nodales et les points qui posent problème.

    Nous avons largement employé dans nos travaux le terme de régulation, appliquée aux pratiques à l'oeuvre dans le sous-secteur des formations agricoles et rurales, mais sans véritablement nous pencher sur la régulation interne du système RESOF, en tant qu'organisation autonome.

    Nous comptons bien par la suite axer nos investigations sur les différentes fonctions qui permettent au système d'assurer sa survie en poursuivant sa route, et sur l'analyse stratégique qui nous permettra de comprendre d'où partent les acteurs, comment ils s'y prennent pour vouloir coopérer, pour savoir coopérer, et pour pouvoir coopérer.

    Le handicap de l'observateur extérieur, que nous avons illustré auparavant, peut alors se métamorphoser en atout important, grâce à sa distanciation.

    En proposant aux acteurs du système une autre lecture des freins, des obstacles, mais aussi des espaces de liberté qui pourraient être mis à profit, il est permis de croire que les acteurs concernés, quels qu'ils soient, travaillent à améliorer cet outil unique au service du territoire, tant les enjeux, qu'il s'agisse de développement rural, de développement local, de citoyenneté, sont cruciaux pour cette région et ses habitants.

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    TABLE DES ILLUSTRATIONS

    Page de Couverture : Le radeau de la Méduse

    : Carte des agricultures du Sénégal

    Carte : densités de population entre 1960 et 1988 ...........................................4

    Graphique : évolution des importations céréalières depuis 1961 ...........................8

    Carte : baisse de la pluviométrie entre 1931 et 1990..........................................9

    Photo : membres d'un groupement maraîcher .............................................11

    Photo : Femme et arrosage manuel ..........................................................11

    Photo : récolte manuelle du riz, dans la zone du Delta .....................................11

    Carte : grands domaines climatiques .........................................................26

    Carte : aménagements hydro-agricoles de la Vallée du Fleuve ............................31

    Schéma : triangle du Savoir, du Pouvoir et du Vouloir Coopérer ........................52

    Schéma : démarche de capitalisation d'expériences ........................................53

    Schéma : biais lié à l'observation d'une personne A .......................................73

    Schéma : observation selon la théorie de la relativité ......................................73

    Schéma : les interrelations au sein du dispositif RESOF .................................82

    ANNEXES

    La charte du RESOF

    Principes et règles de fonctionnement

    Liste des organisations membres, et répartition des pools du RESOF

    Panorama des opérateurs de formation rurale (FAR) au Sénégal.
    (dont la formation est l'activité principale).

    Résumé de l`atelier de réflexion et de partage sur le pilotage de la Formation Agricole et Rurale dans la Vallée du Fleuve Sénégal (2004).

    Réseau Formation Fleuve

    LA CHARTE DU RESOF

    Des opérateurs de la formation agricole et rurale de la zone nord du Sénégal :

    · Issus des différents catégories socioprofessionnelles (Organisations Professionnelles Non Gouvernementales, instituts publics et privées d'enseignement, d'éducation et de formation, sociétés et projets de développement) qui entreprennent des actions dans la formation agricole et rurale ;

    · Considérant les orientations et les objectifs des nouvelles politiques économiques (désengagement de l'Etat, privatisation, libération...) et corrélativement le nécessité du développement de nouvelles compétences chez les producteurs appelés désormais à construire une nouvelle économie agricole et rurale ;

    · Déplorant les faiblesses actuelles de la formation agricole et rurale (absence de coordination de l'offre de formation, insuffisante politique de financement de la formation) ;

    · Considérant l'existence des atouts que sont les jeunes, les femmes plus réceptifs à la formation et la nécessité d'un potentiel humain et matériel de qualité pour une bonne conduite des formations ;

    Ont décidé de crée le Réseau Formation Fleuve

    Les membres de ce réseau placent au coeur de leurs préoccupations la formation des acteurs du monde agricole et rural.

    Cette formation s'inscrit dans un projet global de développement social, économique et humain de la Vallée du Fleuve Sénégal qui dépasse les seuls membres et concerne l'ensemble des organisations, institutions et populations de cette région.

    C'est en fonctionnement des orientations de l'Etat sénégalais en matière de politique agricole et rurale de la Vallée que les membres du réseau déterminent et mettent en oeuvre une politique et des actions de formation conformément à leurs responsabilités respectives.

    La qualité de membre du réseau formation fleuve s'acquiert par :

    L'adhésion aux objectifs suivants :

    · Faciliter la réflexion des membres sur des thèmes de formation importants et fédérateurs,

    · Promouvoir la recherche de la qualité dans la conception et la réalisation des programmes de formation,

    · Susciter l'échange sur des méthodes, outils et autres supports didactiques performants et adaptés au contexte de la vallée,

    · Favoriser la circulation de l'information sur les ressources (personnes et organismes) en termes de domaines d'expertise, de qualification et de compétence,

    · Mettre en relation les acteurs pour le développement de partenariat et d'échanges de stagiaires, moyens matériels et ressources humaines,

    · Mettre en place un espace nodal de capitalisation, valorisation et diffusion de larges gammes d'informations recueillies auprès des membres et de diverses autres sources (autres réseaux, abonnement de journaux, autres périodiques, autres publications, ...).

    L'engagement :

    · Au respect de la charte du réseau

    · A l'acquittement des droits d'adhésion de départ et des cotisations annuelles,

    · A la participation active à la vie du réseau au travers de ses activités,

    · Au partage de son savoir et de ses compétences avec les autres membres du réseau,

    · Au développement par ses actions d'une formation agricole et rurale de qualité.

    PRINCIPES ET RÈGLES DE FONCTIONNEMENT

    Préambule :

    Le réseau se définit comme un lieu de concertation, de réflexion et d'échanges entre partenaires. Il est surtout un lieu et un moyen de développement des compétences, de capitalisation et de diffusion des différentes expériences de formation agricole et rurale. C'est un carrefour de donner et du recevoir.

    · La contribution à l'amélioration de la qualité de la formation ;

    · La mise en relation des acteurs de la formation ;

    · La capitalisation des expériences.

    Article 1 - Création - Dénomination - Durée :

    Il est créé le 21 juin 2000 un réseau des acteurs de la formation agricole et rurale dans la vallée du fleuve sénégal. Le réseau est dénommé Réseau « Formation Fleuve » (RESOF). Sa durée est indéterminée.

    Article 2 - Objet :

    Le réseau sert de cadre de concertation, de réflexion et d'échanges entre les membres, et avec l'extérieur, dans le domaine de la formation agricole et rurale.

    Article 3 - Objectifs :

    Le réseau poursuit les principaux objectifs suivants :

    · Faciliter la réflexion des membres sur des thèmes de formation importants et fédérateurs

    · Promouvoir la recherche de la qualité dans la conception et la réalisation des programmes de formation

    · Susciter l'échange sur des méthodes, outils et autres supports didactiques performants et adaptés au contexte de la vallée

    · Favoriser la circulation de l'information sur les ressources (personnes et organismes) en termes de domaine d'expertise, de qualification et de compétence

    · Mettre en relation les acteurs pour le développement de partenariat autour de stagiaires, de moyens matériels, de ressources humaines

    · Mettre en place un espace nodal de capitalisation, valorisation et diffusion de larges gammes d'information recueillies auprès des membres et de diverses autres sources (autres réseaux, abonnement de journaux, autres périodiques, autres publications ...).

    Article 4 - Adhésion :

    Elle se fera par demande adressée au secrétariat du réseau.

    La décision d'acceptation de la demande sera faite sur la base des informations fournies par l'animateur du réseau sur le demandeur : identification des activités du demandeur, notamment.

    Article 5 - Obligations des membres :

    Les membres du réseau s'engagent à :

    · S'acquitter de leur droit d'adhésion, fixé au départ à 5 000 F par membre, qui donne droit à une carte de membre

    · S'acquitter de leur cotisation annuelle fixé au départ à 5 000 F la première année et modulable en fonction de la situation financières du réseau. La cotisation est destinée à contribuer aux frais de fonctionnement du réseau.

    · Respecter la charte du réseau

    · Participer activement aux activités du réseau.

    Article 6 - la perte de la qualité de membre :

    La perte de qualité de membre intervient par :

    · démission

    · exclusion prononcée par l'Assemblée générale ;

    · dissolution de l'organisme membre du RESOF.

    La perte de qualité de membre ne donne pas lieu au remboursement des cotisations quel que soit le motif de départ.

    Article 7 - Composition des membres :

    Peuvent être membres du réseau :

    · des personnes morales

    · des personnes physique, sous réserve de leur parrainage par, au moins, un membre du réseau.

    Des personnes physiques ou morale peuvent être invitées ou utilisées comme personnes ressources, en fonction des besoin et des thèmes de travail du réseau.

    Article 8 - Organisation du réseau :

    Le réseau sera structuré avec 3 niveaux :

    · Assemblée Générale des membres

    Elles est composée de l'ensemble des membres du réseau, chacun d'entre eux étant porteur d'une voix. Elle se réunit une fois par an pour faire le point des activités et des finances et pour définir les grandes orientations du réseau. Elle se réunit en plus de façon exceptionnelle en cas de besoin. Elle ne peut délibérer qu'en présence d'au moins la moitié des membres. Elle élit les membres du secrétariat et désigne la structure hébergeant.

    · Secrétariat général du réseau

    Le secrétariat est composé d'un animateur, de la structure qui héberge le réseau et de deux autres membres.

    La structure hébergeant est responsable de la gestion administrative et financière du réseau. Le secrétariat assure le suivi budgétaire et des activités. Il recrute l'animateur qui sera sous son autorité. Il délibère sur les demandes d'adhésion. Il se réunit une fois par trimestre. Le secrétariat prépare les réunion de l'Assemblée des membres.

    · Animateur

    Il représente le niveau opérationnel du réseau. Il bénéficie d'une souplesse de fonctionnement pour réaliser sa mission et appuyer les groupes de travail thématiques.

    En parallèle à ces trois niveaux :

    · La structure hébergeant sert de cadre de référence et d'appui à l'animateur, de même qu'elle est la structure de support et de contractualisation vis à vis de l'extérieur, des bailleurs de fonds notamment.

    · Des groupes de travail thématique sont spécialement et temporairement montés pour travailler sur des sujets d'actualité qui intéressent la majorité des membres.

    Article 9 - Rôle de l'animateur

    L'animateur :

    · Collecte, traite et diffuse l'information

    · Recherche avec le secrétariat les moyens financiers permettant de faire vivre le réseau

    · Appuie les groupes de travail en fonction des thèmes et des besoins

    · Développe un système d'informations et d'échanges au sein du réseau et à l'extérieur

    · Fait la promotion du réseau pour rechercher des partenaires actifs et de nouveaux adhérents

    · Réalise toute activité concourrant à la vie du réseau, sur sa propre initiative ou à la demande de l'Assemblée ou du secrétariat.

    Pour ce faire, l'animateur devra être un spécialiste de l'information et de la communication, ayant une bonne expérience du développement rural et de la formation.

    Article 10 - Activités du réseau

    Ses activités tournent autour des points suivant :

    · Diffuser largement l'information sur le réseau (charte, principe de fonctionnement, programme d'activités ...) pour susciter le maximum d'adhésion,

    · Mettre en place et alimenter un bulletin d'information de type flash sous forme de lettre du réseau,

    · Réaliser des journées de réflexions thématiques sur la base de documents élaborés par des groupes de travail thématiques,

    · Recueillir l'information la plus détaillée possible sue les adhérents, concernant leur identification, leurs ressources humaines, les méthodes et outils utilisés et produits,

    · Informatiser, traiter, classer et diffuser les données, périodiquement ou à la demande des membres

    · Produire, mettre à jour et diffuser semestriellement un répertoire organisé des membres sur des informations de base à définir,

    · Elaborer notre compréhension du concept de « la qualité » dans la formation, en précisant, à tous les niveaux, les éléments de sa qualification : critères de qualité, niveau / échelle, méthode d'évaluation ...

    REPARTITION DES ORGANISATIONS MEMBRES

    ASSEMBLE GENERALE ORDINAIRE DU RESOF, DU 29 DÉCEMBRE 2005

    Légende

    Organisations Professionnelles & associations : OP

    Etablissements publics de formation : EPF

    Opérateurs privés de formation : Prest

    Services d'appui (publics) : SAP

    Pool Saint-Louis

     
     
     

    Pool Delta

     

    Pool Podor-Matam-Bakel

    N°d'ordre

    STRUCTURES/localisation

    Pools

    1 Prest

    GRAPEF/ Louga

    SAINT-LOUIS

    2 OP

    CIFA Centre Interprofessionnel pour la Formation aux Métiers de l'Agriculture/Ndiaye

    Delta

    3 OP

    GROPEN : Groupe pour la promotion de l'élevage au nord/Richard-Toll

    Delta

    4 EPF

    CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en Economie Familiale et Sociale Dagana

    Dagana

    5 SAP

    ANCAR Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural

    SAINT-LOUIS

    6 SAP

    ANCAR Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural

    Matam

    7 Prest

    CONFORME ; Conseil Formation

    SAINT-LOUIS

    8 Prest

    MICRIFINEDABASE : micro finance et gestion de projets

    SAINT-LOUIS

    9 Prest

    GRIFEI : Groupe d'Initiative pour la Formation à l'Entreprenariat et à l'Insertion

    SAINT-LOUIS

    10 EPF

    CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en Economie Familiale et Sociale Saint-Louis

    SAINT-LOUIS

    11 EPF

    CPFP : Centre Polyvalent de Formation des Producteurs / Ogo

    Matam

    12 OP

    CNCF : Comité Nationale de Concertation de la Filière Patate Douce / Richard-Toll

    Delta

    13

    GIE Bamtaaré Cali

    Matam

    14 EPF

    CNFTEIA : Centre National de Formation des Techniciens de l'Elevage et des Industries Animales

    SAINT-LOUIS

    15 EPF

    CPP : Centre de Perfectionnement des Pêcheurs de Mbane

    Delta

    16

    RADI : Réseau Africain pour le Développement Intégré Saint-Louis

    SAINT-LOUIS

    17 OP

    FAFD: Fédération des Associations du Fouta pour le Développement/ Agnam Thiodaye

    Matam

    18 OP

    FEPRODES: Fédération des Groupements et Associations de Femmes Productrices du Delta du Sénégal

    SAINT-LOUIS

    19 OP

    ADENA: Association pour le Développement de Namarel

    Podor

    20 OP

    CORAD: Coopérative Rurale des Agropasteurs pour le Développement de Ndioum

    Podor

    21 OP

    AFUP: Association des Fédérations et Unions des Producteurs de Podor

    Podor

    22 Asso

    ARP/TPS: Association pour le Développement du Pulaar

    SAINT-LOUIS

    23 Prest

    CEFP: Centre d'Echanges et de Formation Pratique/ Bakel

    Bakel

    24 Asso

    Clubs UNESCO/Kanel

    Matam

    25 OP

    CECAP : Caisse d'Epargne et de Crédit des Artisans/ Ndioum

    Podor

    26 EPF

    CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en Economie Familiale et Sociale Matam

    Matam

    27 OP

    UJAK: Union des Jeunes Agriculteurs de Koyli Wirndé

    Podor

    28 OP

    Maisons Familiales Rurales de Guédé

    Podor

    29 Prest

    CGER: Centre de Gestion et d'Economie Rurale/ Ndiaye

    Delta

    30 Prest

    ASRADEC : Association pour la Recherche et l'Appui au Développement Communautaire

    Podor

    31 Prest

    AVC Association Vallée Consult/ Gamadji

    Podor

    32 Prest

    Nord Agrivet/ Ndioum

    Podor

    33 EPF

    CIH: Centre d'Initiation Horticole

    SAINT-LOUIS

    34 Prest

    EMRG: Entreprise Mamadou Racine Gaye/ Ndioum

    Podor

    35 OP

    ASESCAW: Association Socio-économique et Culturelle des Agriculteurs du Walo Ross-béthio

    Delta

    36 OP

    ADEBO: Association pour le Développement de Bombodé/ Ndioum

    Podor

    37 OP

    Association Ndoro fanaye/ Fanaye

    Podor

    38 OP

    GIE JAMM JALLO/ Richar-toll

    Delta

    ABSENTS

    1 Asso

    ANAFA : Association Nationale pour la Formation des Adultes

    SAINT-LOUIS

    2 Asso

    UASE : Union des Associations pour la Sauvegarde de l'Environnement/Ndiawara

    Podor

    3 OP

    DBAT : Association Dental Bamtaaré Tooro :Tarédji

    Podor

    4 OP

    FAED: Fédération des Agro éleveurs pour le Développement /Nguenar

    Podor

    5 Prest

    CSAO

    Kaolack

    6 SAP

    SAED

    SAINT-LOUIS

    7 Prest

    ID Consulting

    Podor

    8 ONG

    FPGL: Fondation Paul Gerin Lajoie

    SAINT-LOUIS

    PANORAMA DES STRUCTURES DE FORMATION RURALE AU SÉNÉGAL
    (DONT LA FORMATION EST LA MISSION PRINCIPALE)

    Source : BFPA

    ACTES DE L`ATELIER DE RÉFLEXION ET DE PARTAGE SUR LE PILOTAGE DE LA FORMATION AGRICOLE ET RURALE DANS LA VALLÉE DU FLEUVE SÉNÉGAL (30/11 -01/12/2004)

    RESUME EXECUTIF DU FORUM

    Le forum régional sur la FAR, organisé à Saint-Louis du 30 / 11 au 1er / 12 / 2004 grâce à l'appui de la coopération suisse s'assignait comme objectif de mettre en place une structure de pilotage de la FAR dans la vallée du fleuve Sénégal. Il visait à travers cet objectif d'assurer l'interface entre le niveau national,, la base et les partenaires.

    Cette exigence se justifie d'autant plus que l'état des lieux de la FAR dans la vallée du fleuve Sénégal révélait un ensemble de contraintes dont les plus importantes sont ;l'absence de qualification des dispositifs mis en place, l'utilisation peu rationnelle des moyens disponibles ,un système d'information peu fiable et un forte compétition entre les acteurs.

    L'ensemble de ces contraintes analysées par le forum produisent des conséquences dont l'impact négatif peut être décliné en un ensemble de difficultés dont les plus importantes sont : le défaut de coordination des actions ,la duplication des actions, l'insuffisance de la qualité, le faible niveau d'expertise qui sont autant de freins à l'amélioration des contenus et des stratégies de formation.

    Le forum ,à l'issue des deux jours de réflexion a abouti au constat de non operationnalité du CRPS de la FAR.

    Dans le chapitre des recommandations mandat a été donné au RESOF de mettre en place un comité de suivi qui pourra s'adjoindre toute personne utile pour proposer dans un délai de trois mois un cadre opérationnel de pilotage de la FAR dans la vallée du fleuve Sénégal, ceci en rapport avec le bureau de la formation du ministère de l'agriculture. Ce comité qui sera cogéré par les acteurs devra être souple et léger et ne devra pas comporter un effectif de plus de dix membres. L'ARD, le conseil régional ,les communes, les communauté rurales les centres de formation, les structures d'appui et de conseil ,les organisations des producteurs y seront représentés chacun par un membre
    Dans le même chapitre le forum a recommandé :

    --la mise en place d'une structure inter régionale de coordination et d'impulsion

    --la mise en place d'un fonds régional animé par le comité de pilotage dans le but de juguler la faiblesse des moyens financiers et la lenteur dans la mobilisation des ressources et l'iniquité et le déséquilibre dans l'utilisation des moyens

    · l'amélioration des règles de fonctionnement du RESOF. Ce dernier doit se restructurer aux niveaux inter régional, régional et local

    * 1 « Développement du capital humain du secteur agricole - Programme d'appui aux services agricoles et aux organisations paysannes (PSAOP) Mission d'appui à la mise en place d'un groupe de nationaux chargé de l'élaboration d'une « Stratégie nationale de Formation agricole »

    * 2 Source : Debouvry Pierre, in « Du commerce illicite au commerce licite »

    * 3 http://fr.wikipedia.org/wiki/Chronologie_de_l'esclavage

    * 4 Barry Boubacar, 1984, La Sénégambie du 15e au 19e siècle. Traite Négrière, Islam et Conquête Coloniale. Paris, L'Harmattan

    * 5 6 Ambassade de France http://www.ambafrance-sn.org/article.php3?id_article=319

    * 7 source : Jacques Faye. «  Evolution et impact des politiques agricoles de 1960 à 2005 » - Forum sur l'arachide au CNCR - 7 et 8 décembre 2005 à Dakar

    * 8 Loi n° 96-06 du 22 mars 1996, portant Code des Collectivités locales, et Loi 96-07 du 22/03/1996, portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales.

    * 9 Source : Rapport d'achèvement de la première phase du programme PSAOP

    * 10 On remarquera que cette appellation renvoie à un grade de la Fonction Publique, plus qu'à un diplôme.

    * 11 Voir panorama de l'offre de formation agricole et rurale en annexe.

    * 12 http://www.senswiss-far.org/part/bfpa/ter/debouvry1_far.pdf

    * 13 Ce chapitre s'inspire largement d'une série de recueil de fiches de lecture de P. Debouvry, dont notamment : « Du commerce illicite au commerce licite : abolition de l'esclavage et de la traite négrière », et « La saga des Bordelais, ou l'émergence de l'arachide sénégalaise ». (disponible chez l'auteur)

    * 14 Source : http://www.iied.org/pubs/pdf/full/X170IIED.pdf. L'auteur, Adrian Adams vit depuis vingt ans au Sénégal et travaille avec une association paysanne de la Vallée. Dans son dernier livre «A claim to land by the river : a household in Senegal 1720-1994» elle décrit comment les organisations paysannes ont lutté pendant 20 ans pour défendre leur vision du développement, centré sur les populations locales, en contraste avec les objectifs de développement des organisations gouvernementales responsables des projets d'irrigation dans la Vallée

    * 15 Extrait de « Ingénierie des dispositifs de formation professionnelle agricole et rurale - Glossaire ». Pierre DEBOUVRY, Alain MARAGNANI. 2005. http://www.agropolis.fr/formation/pdf/2005_Glossaire.pdf

    * 16 Denis Pesche et Loïc Barbedette : in « Formations professionnelles rurales en Afrique sub-saharienne. Prendre en compte les modes d'apprentissages paysans » - Annexe 3 : Repenser l'appui à la définition de stratégies de formation rurale dans les pays de la Zone de Solidarité Prioritaire ; Février 2002 Inter-Réseaux - http://www.inter-reseaux.org

    * 17 Annexe 4 de l'ouvrage « Prendre en compte les apprentissages paysans... », déjà cité plus haut

    * 18 appui technique de la FONGS, et membre du comité directeur d'Inter-Réseaux.

    * 19 Mécanismes d'apprentissages et modes d'acquisition des savoirs et savoirfaire chez les paysans, hier et aujourd'hui (Sénégal)

    * 20 fr.wikipedia.org/wiki/Réseau_Voltaire

    * 21 Claire HEBER-SUFFRIN. Voir le site du MRERS : http://www.mirers.org/

    * 22 fr.wikipedia.org/wiki/Reseau

    * 23 Source : Emmanuel LAZEGA - Réseaux sociaux et structures relationnelles. PUF 1998

    * 24 titre de l'ouvrage de D. Ettighoffer et P. Van Eneden : Met@-organisations - Village mondial - 2000

    * 25 G. Le Boterf - Travailler en réseau. Editions d'organisation - 2004

    * 26 le risque de l'injonction paradoxale est souvent découvert après coup : cela consiste à exiger quelque chose de quelqu'un, tout en l'empêchant d'y parvenir.

    * 27 Offre, demande et besoin de formation - Alain Maragnani (avec Pierre Debouvry pour le glossaire proposé).

    * 28 Dossier de capitalisation des expériences de formation dans la région de Kaolack -BFPA disponible sur le net.

    * 29 Atelier sur l'approche par la demande - Kaolack 06/2006.

    * 30 Dossier 1 - restitution finale, in Diagnostic de l'offre et de la demande de FAR 05/2004 (CNEARC-CESAG)

    * 31 Auteur de La production de connaissances pour l'action. Arguments contre le racisme de l'intelligence, Paris, Maison des sciences de l'Homme, 1999

    * 32 Equipe BROCHET M.- TOUZARD I.-BOUSSOU V. (CNEARC Montpellier)

    * 33 http://multitudes.samizdat.net/La-theorie-de-la-regulation.html

    * 34 (Source : Loi (2000) de la République d'Haïti, portant réforme institutionnelle du secteur des télécommunications - chapitre 1 - Définitions générales.) - http://www.rddh.org/documents/loi1.doc (recherche du 23/09/2006).

    * 35 ) http://www.ameli.fr/213/DOC/1247/article.html - (recherche du 23/09/2006).

    * 36 : http://www.cndp.fr/magsvt/genes/aprat_gene.htm

    * 37 http://www.eurotechnopolis.org/docs/Manag_cooperations_Salgado_Bourcieu.pdf

    * 38 http://www.crit.archi.fr/Web%20Folder/bois/Bois/9.Glossaire/p.html

    * 39 http://www3.ac-clermont.fr/cadres2/conferences/conf_bouvier_210503_cr.htm

    * 40 (Source : intervention de Adama Faye et Alain Mbaye aux 9èmes Journées d'études Ingénierie des dispositifs de formation à l'international - 8/9 décembre 2005 Montpellier/ Agropolis International : « Politique Agricole et enjeux de la Formation Agricole et Rurale au Sénégal : la question de la régulation »

    http://www.agropolis.fr/formation/pdf/9Idf/FayeMbaye.pdf

    * 41 www.prenhall.com/wps/media/objects/213/218150/glossary.html - recherche du 28/10/06.

    * 42 Auteur de « La révolte du pronétariat » (Fayard, 2006) - débat Lemonde.fr du 27/01/2006 : http://veillepedagogique.blog.lemonde.fr/veillepedagogique/files/pronetariat.doc

    * 43 Jean-Pierre Chauveau, « Le « modèle participatif » de développement rural est-il alternatif ? », in le bulletin de l'APAD n°3. Mis en ligne le 4/07/06, consulté le 2/10/06 http://apad.revues.org/document380.html

    * 44 Moins de quinze ans après que SAUVY eut employé pour la première fois l'expression « troisième monde ».

    * 45 Formule extraite de l'Encyclique de 1967.

    * 46 A l'instigation de Mamadou DIA, Président du Conseil.

    * 47 Ce paragraphe emprunte, une fois encore, à Pierre DEBOUVRY et sa fiche-méthode « développement local ».

    * 48 Ne dit-on pas que toute procédure mise en place éclaire les voies qui permettront de la contourner.

    * 49 Nous illustrerons cette différence de perception en empruntant deux schémas à André ANGOTTI : « Aborder facilement la complexité »- Editions d'organisation - 2004

    * 50 Conçu et financé par le Bureau d'Appui à la coopération sénégalo-suisse, unique soutien financier du RESOF.

    * 51 En l'occurrence le Centre Interprofessionnel de Formation aux métiers de l'Agriculture (CIFA), situé à Ndiaye, à 30 km de Saint-Louis.

    * 52 D'après le référentiel d'accès à la complexité proposé par D. BERIOT, dans son ouvrage « Manager par l'approche systémique » - Editions d'organisation 2006 ( préfacé par Michel CROZIER)

    * 53 à la date de la dernière Assemblée Générale du 29 décembre 2005.

    * 54 Conformément à la stratégie d'élargissement des bases du réseau telle que définie par son secrétariat

    * 55 Travailler en réseau - Guy LE BOTERF Editions d'organisation 2004

    * 56 WATZLAWICK P., WEAKLAND J., FISH R., Changements, paradoxes et psychothérapie, Ed. du Seuil 1975

    * 57 (cf. partie consacrée aux relations entre acteurs)

    * 58 Dominique BERIOT - Manager par l'approche systémique

    * 59 qui, après une augmentation de la productivité liée à l'amélioration des conditions d'éclairage, continuèrent à être encore plus productifs alors que, pour les besoins de l'expérience, l'éclairage ambiant était à nouveau réduit volontairement.






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault