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Du NOMIC au Sommet Mondial de la Société de l'Information : Le rôle de l'UNESCO dans la réduction de la fracture numérique

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par Destiny TCHEHOUALI
Université Stendhal (Grenoble) / Institut de la Communication et des Médias - Master 2 Recherche - Sciences de l'Information et de la Communication 2007
  

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Deuxième partie :

L'Afrique dans la société globale

de l'information

« Le numérique est entrain de créer un homme nouveau dans une civilisation nouvelle, la société de l'information, dans laquelle n'entre pas qui veut comme dans les premiers temps de l'humanité. Cette fois, il faut payer pour utiliser les équipements coûteux et complexes, ou rester isolé (...) Au Nord, on possède à la fois l'équipement et l'argent pour payer l'accès ou, si on ne possède pas l'équipement, le prix à payer pour la location, l'accès et l'utilisation. Au Sud, les exclus. Le Nord et le Sud communiquent de moins en moins, avec le risque de ne plus pouvoir communiquer (...) » Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal. « Fossé numérique et solidarité numérique » in Le Monde, 7 Mars 2003.

Deuxième partie : L'Afrique dans la société globale de
l'information

Chapitre 1 : Du rapport McBride à la société de l'Information

I- L'information à sens unique et la contestation des pays du Sud

Une analyse sémantique approfondie du concept d'information à sens unique nous révèle que le choix du vocable « Information » à la place de celui de « Communication » n'est peut être pas si innocente et hasardeuse. En effet, La démonstration nous est donnée par Antonio Pasquali (2002), qui, se prononçant sur la distinction entre information et communication, argumente: « Informer connote pour l'essentiel la circulation de messages unidirectionnels, causatifs et ordonnateurs, visant à modifier le comportement d'un récepteur passif, tandis que communiquer fait référence à l'échange de messages bidirectionnels, donc relationnels, dialogiques et socialisants entre des interlocuteurs pourvus d'une même capacité, libre et simultanée, d'émission/réception. Tandis que l'Information tend à dissocier et à hiérarchiser les pôles de la relation, la Communication tend plutôt à les associer ; ainsi seule la Communication peut donner naissance à de véritables structures sociales ».

Cette explication illustre bien le flux de circulation verticale de l'information à sens unique caractéristique d'une société hégémonique de l'information telle que celle qui légitimait déjà dans les années 1970 les rapports de dominants sur dominés.

Notre raisonnement, peut également s'appuyer sur la théorie de l'Américain Norbert Wiener, qui en développant le concept d'information, à la base de la notion de « société de l'information », constatait que ce concept souffrait déjà d'un tropisme originel qui réside dans le schéma cybernétique même du processus de communication. Lequel processus implique une vision de l'histoire comme représentation linéaire et diffusionniste du progrès : L'innovation et la modernité se diffusent du haut vers le bas, du centre vers les périphéries, de ceux qui savent vers ceux qui sont censés ne pas savoir.

Toutes ces constatations, toujours vérifiables aujourd'hui, dans les relations que nous qualifions (par simple référence au contexte historique de la géopolitique de l'époque) de relations Nord-Sud nous renvoient donc à la naissance des débats portant sur les inégalités en matière d'information et de communication, à l'échelle internationale.

En effet, Annie Chéneau-Loquay remarque que les causes premières de la circulation à sens unique de l'information qui dépouille les Etats du Sud et notamment les pays africains de leurs prérogatives de gestion de leur territoire, seraient: « Le passage à une gouvernance internationale qui favorise la mainmise des multinationales sur les infrastructures et sur les services, la remise en cause d'accords internationaux, et la relative dématérialisation des nouvelles technologies.»17

Les grands groupes de presse ou conglomérats médiatiques multinationaux (chaînes de télévision, radios, journaux, magazines,...) ont ainsi exercé un quasi-monopole en écartant les pays du Sud et en favorisant la circulation de l'information et des produits culturels du Nord vers le Sud. C'est sans doute le constat qui fait dire à Ozan Serdareglu que « les émetteurs du Nord assignent une identité à «l'autre» tandis que pour «les autres» (les pays du Sud), l'enjeu n'est pas de communiquer avec le Nord. »18. Dans ce même ordre d'idées, Herbert Schiller tout en restant radicalement opposé au point de vue des chantres de la modernisation du Tiers-Monde, partage néanmoins avec eux la conviction que les médias sont d'importants agents de l'occidentalisation ou plutôt de l'américanisation du globe.19

Le sentiment de frustration, engendré par ce qu'on pourrait nommer sans exagérer le « diktat médiatique de l'Occident », a amené les pays du Sud par la voix de certains chercheurs et de représentants à l'UNESCO à axer leurs analyses sur ces déséquilibres transfrontaliers en contestant les stratégies de domination inhérentes.

C'est d'abord la notion du droit à la communication qui a été publiquement avancée par Jean d'Arcy20 en 1969 au moment même où prend forme à l'Unesco le débat sur les libertés dans le domaine de l'information. Cette notion matrice prône le refus d'une communication depuis l'élite vers les masses, du centre vers la périphérie, des riches en matière de communication vers les pauvres et plaide pour le principe de la différence : sans distinction aucune d'origine nationale, ethnique, de langue, de religion.

17CHENEAU-LOQUAY Annie, Le fossé numérique, l'Internet, facteur de nouvelles inégalités ?, in revue Problèmes politiques et sociaux, n°861, p.34.

18 SERDAREGLU Ozan, « TV5, quand le Nord et le Sud se recentrent en français : on n'habite pas un pays, on habite une langue », pp. 187 et s., in Gilles Boëtsch et Christiane Villain-Gandossi (sous la direction de), Les stéréotypes dans les relations Nord-Sud, Hermès, n° 30, CNRS éditions, 2001.

19 MATTELART Tristan, La mondialisation des médias contre la censure, de Boeck, 2002.

20 JEAN d'ARCY est le pionnier de la télévision française, alors directeur de la division de la radio et des services visuels au Service de l'information de l'ONU à New York.

La Conférence Générale de l'UNESCO organisée à Nairobi (Au Kenya) en Novembre 1976 a finalement été le lieu de formulation des revendications des pays dominés en faveur d'un « rééquilibrage » de l'information entre le Nord et le Sud. Ces revendications sont regroupées en trois chefs d'accusation : Le silence autour du Tiers-Monde, la déformation dont les informations le concernant font l'objet dans les médias des pays du Nord, enfin la propagande culturelle du Nord en direction du Sud. Dès lors émergea une volonté officielle proclamée aussi bien par les pays du Sud que par les organisations internationales telles que l'UNESCO de libérer l'information de l'ingérence étrangère.

Mais l'UNESCO, en libérant l'information de l'ingérence étrangère, ne s'était-elle pas ingérée dans la gestion des politiques publiques nationales d'information et de communication des pays du Sud ? Puisque ses actions sont financées par certains pays industrialisés, l'UNESCO était-elle pour autant redevable envers ces pays en servant éventuellement leurs intérêts ? D'où une autre interrogation sur l'orientation donnée aux décisions de l'UNESCO par rapport à sa neutralité effective dans la régulation de la communication internationale. Les interventions et actions de cette organisation internationale favorisent-elles vraiment le développement de l'information en faveur d'un rééquilibrage des flux de circulation ou ces décisions creusent-elles davantage le fossé entre dominés et dominants. Mais avant toutes ces questions, il est primordial de savoir si l'UNESCO a pour mission de réguler la communication internationale alors que le terme même de communication n'apparaît pas dans son sigle.

A ce sujet, Wahid Khadraoui nous apporte la réponse dans son mémoire21 pour l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies en Sciences de l'information et de la communication. Selon lui, quoique le terme « Communication » ne figure pas comme tel dans le sigle de l'UNESCO, « l'importance de ce domaine d'activité n'a pas moins été reconnue dès la création de l'organisation ». En effet, « aux termes de son Acte constitutif, l'UNESCO est expressément chargé de faciliter la libre circulation des idées par le mot et par l'image et de favoriser la croissance et la compréhension mutuelle des nations en prêtant son concours aux organes d'information des masses. »

21 KHADRAOUI Wahid, Fractures Nord-Sud : Origines et enjeux de la fracture numérique, l'Afrique comme exemple, Grenoble : Institut de la Communication et des Médias, 2003, p.36 (Mémoire de DEA SIC).

Et en réalité, dans la décennie 70-80, l'UNESCO, avec à sa tête Amadou Mahtar M'Bow, était effectivement très sensible à cette question de rééquilibrage des rapports en matière d'information et de communication entre les pays industrialisés et ceux en développement. C'est d'ailleurs l'adoption systématique par les grands médias internationaux « prescripteurs » des schémas de pensée des pays les plus riches que dénonçait à l'époque Amadou Mahtar M'Bow. A la suite du cri poussé par M'Bow, de nombreuses voix se sont relayées pour se faire l'écho des contestations et revendications des pays dominés. Ainsi en 1978, Hervé Bourges a publié son ouvrage « Décoloniser l'information » dans lequel nous notons le remarquable travail accompli par Bertrand Cabedoche qui rapporte dans le quatrième chapitre dudit ouvrage un certain nombre d'entretiens et d'échanges avec des journalistes du Nord et du Sud, lesquels entretiens constatent et critiquent les lacunes et stéréotypes forgées sur l'ethnocentrisme culturel22 de la circulation à sens unique de l'information dans un contexte global de dépendance néocoloniale des dominés vis-à-vis des dominants. En 1978, les analyses critiquaient donc une construction médiatique occidentale de l'étrangéité souvent stéréotypée, réductrice et linéaire.23

Mais le regard rétrospectif que nous apportons à la lecture de ces événements nous permet aujourd'hui avec le recul du temps et en toute objectivité d'appréhender réellement non pas la responsabilité des médias occidentaux déjà tant accablés par les accusations des pays du Sud mais plutôt l'ampleur et la violence de l'affrontement diplomatique qui se déchaîna alors à l'UNESCO. Ce qui coûta d'ailleurs son siège à Amadou Mahtar M'Bow et entraîna le retrait des Etats-Unis de l'Organisation.

L'UNESCO a été (peut-être d'ailleurs pour la seule fois de son histoire) tellement engagé dans un combat qui compromettait les intérêts des Etats-Unis au point où le conflit diplomatique généré par la revendication du Nouvel ordre Mondial de l'Information et de la Communication a plongé dans une longue crise l'institution qui se proposait de devenir la « conscience du monde et des organisations internationales ».

22 Pour Michel Lemerle : « Par un véritable ethnocentrisme culturel, les pays riches délaissent trop à travers les

médias les problèmes du Tiers-Monde. Ils leur renvoient souvent une image déformée d'eux-mêmes, créant ainsi une sorte d'effet multiplicateur de la dépendance ... ».

23 BOURGES Hervé, Décoloniser l'information, Paris, Editions CANA, 1978, p. 134.

Nous sommes revenus sur cette partie sombre mais très importante de l'histoire de l'UNESCO car elle pourrait justifier aujourd'hui avec le retour des Etats-Unis au sein de l'organisation d'éventuels motifs d'influence et de pression subies par l'UNESCO et qui détermineraient sa position actuelle plus neutre et donc moins engagée par rapport aux questions de régulation de la communication internationale. A quoi donc auront finalement servi la revendication du NOMIC et le rapport rédigé par la commission internationale d'étude des problèmes de la communication de l'UNESCO, composée de personnalités de renommée internationale, et présidée par Sean Mac Bride ?

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