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Du NOMIC au Sommet Mondial de la Société de l'Information : Le rôle de l'UNESCO dans la réduction de la fracture numérique

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par Destiny TCHEHOUALI
Université Stendhal (Grenoble) / Institut de la Communication et des Médias - Master 2 Recherche - Sciences de l'Information et de la Communication 2007
  

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CONCLUSION

Des analyses faites dans les chapitres précédents émerge une série de constats concernant en premier lieu le type et la nature des discours et théories développées sur les TIC aussi bien par des auteurs en SIC que par des organisations internationales ; en deuxième lieu les liens entre le sous-développement de l'Afrique et le vécu de la fracture numérique ; ensuite le bilan du SMSI, et enfin les enjeux de la solidarité numérique à travers l'engagement de l'UNESCO dans la lutte contre la fracture numérique en Afrique.

Par rapport aux discours sur les TIC, nous avons pu noter qu'ils se fondent soit sur la théorie du déterminisme technologique, soit sur celle du déterminisme social, ou soit encore qu'ils se positionnent au milieu de ces deux théories sous un paradigme interactionniste entre sphère sociale et sphère technique qualifié par certains de déterminisme socio-technique. L'aspect politisé de ces discours sur la fracture numérique a été dévoilé par des exemples concrets de déclarations de certains dirigeants africains. Ces déclarations prouvent que la finalité de ces discours est que les États africains soutiennent la demande en matière de TIC dans un contexte caractérisé par la libéralisation et l'internationalisation des marchés de télécommunications. Il s'agit là des discours « prospectifs ou préfiguratifs » (Jean Guy Lacroix63), à finalité idéologique et politique, et ayant pour but de convaincre la population de la nécessité de la « nouvelle technologie » pour assurer l'avenir et le progrès d'une « nouvelle société » basée sur les dispositifs techniques de communication. En outre, il y a les discours promotionnels, dont la finalité est économique et commerciale. Ces discours ont pour but de convaincre la clientèle visée de l'utilité, des avantages et de l'efficacité supérieure de la technologie proposée. Enfin toujours selon la catégorisation de Jean Guy Lacroix, nous avons pu relever dans nos analyses les discours de type prescriptif, au sens strict du terme, dont le but est d'initier l'usager aux utilisations prévues et la finalité est organisationnelle ou éducative ».

63 LACROIX Jean-Guy, « Entrez dans l'univers merveilleux de Videoway », dans De la télématique aux autoroutes électroniques. Le grand projet reconduit, sous la direction de Jean- Guy Lacroix, Bernard Miège et Gaëtan Tremblay, Québec, Presses de l'Université du Québec, et Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1994, p. 137-162.

L'UNESCO alterne ces trois types de discours selon les éventuelles pressions et influences qu'il subirait (de la part des Nations Unies, des bailleurs de fonds, des multinationales privées,....) dans le cadre de la réalisation de ses programmes d'action en faveur du développement de la communication sur le plan international. Ceci confirme partiellement notre hypothèse selon laquelle l'UNESCO à travers son discours déterministe et promotionnel des TIC en Afrique, contribuerait à l'instauration d'une bureaucratie supranationale qui perturbe le libre jeu du commerce mondial (ultralibéralisme ou libéralisme dérégulateur) en défaveur des pays africains. Mais l'organisation a pris actuellement à coeur ces dernières années le combat pour la diversité culturelle. Ce qui sans directement infirmer notre déduction prolonge tout au moins le délai de vérification de l'hypothèse susmentionnée.

Au-delà des discours parfois tendancieux et sectoriels64 des organisations internationales, nos réflexions développées sur les conséquences de l'échec du NOMIC après l'étouffement du rapport McBride nous ont amené à vérifier les liens de causalité sous-tendant la relation entre sous-développement et fracture numérique. Il nous a été donné de démontrer ici que les statistiques émises par certaines organisations internationales ne reflètent pas réellement le vécu de la fracture numérique en Afrique. Ces statistiques s'inscrivent dans une logique technico-marchande qui réduit la fracture au manque d'équipement en justifiant par là-même la nécessité de diffuser les technologies et d'équiper en matériel informatique et de télécommunications les pays considérés comme les exclus de la société de l'information. A cet effet, Eric Guichard remarque avec pertinence à travers les résultats d'une enquête réalisée en 2001 « la totale disparité entre une utopie cognitive (l'acquisition des savoirs via les TIC) et sa prétendue mesure au travers de taux d'équipement » 65. A la question formulée dans son article « La fracture numérique existe-t-elle ? », il répond en définitive : « Oui, la fracture numérique existe, et elle n'est que la traduction d'une violente ségrégation culturelle et intellectuelle, qui ne fait que s'amplifier avec les « technologies ». Mieux, elle apparaît finalement, selon la conclusion de l'atelier du vendredi 8 Novembre 2002 à Bucarest lors de la Conférence régionale Europe-Amérique sur la diversité culturelle et la pluralité linguistique, comme une « superposition de différentes disparités nationales et

64 Jean-François Soupizet distingue en effet deux courants principaux issus du cloisonnement initial des TIC et de leur application : une approche sectorielle du domaine des TIC et une approche plus générale de leur impact. La première place le développement des infrastructures de télécommunications au centre des préoccupations tandis que la seconde approche élargit l'analyse en y incluant les différents aspects des TIC, tels que l'accès cognitif, les usages, les évolutions économiques et sociales qui les accompagnent. (SOUPIZET Jean-François, La fracture numérique Nord-Sud, Ed Economica, Paris, 2005, pp. 5-6.)

65 GUICHARD Éric, « La `fracture numérique' existe-t-elle ? », Atelier Internet, n 2. < http://barthes.ens.fr/atelier/geo/Tilburg.html>.

internationales : facture géographique, énergétique, technologique, linguistique, éducative et culturelle, mais surtout sociale et économique.» Et cette conclusion est valable à nos analyses sur les réalités de la fracture numérique quoique nous nous accordons avec Annie ChéneauLoquay sur le fait que « l'emploi de cette notion reflète la persistance d'une vision linéaire et déterministe du progrès qui, du courant cybernétique des années quarante avec Wiener à Castels aujourd'hui, et malgré les graves échecs de la « nouvelle économie », voit toujours dans la réduction de cette fracture la voie royale vers le développement et la réduction de la pauvreté66 ». On ne devrait pas, en effet, oublier que tout le monde ne peut pas se développer partout au même rythme. Ainsi, « en mettant l'accent sur les inégalités et sur les retards des pays pauvres, on occulte le fait que tout développement est par essence inégalitaire». C'est d'ailleurs sur cette idée réductrice de l'universalité d'accès au savoir comme édification mythique67 d'une « société de l'information » plus égalitaire et plein d'opportunités de développement pour les pays du Sud que s'est fondée l'organisation du SMSI de Genève et de Tunis. Un sommet dont le bilan s'avère mitigé dans l'ensemble, mais assez positif sur le plan organisationnel selon le point de vue des observateurs présents. La participation de la société civile est reconnue comme une originalité. Mais en réalité, la société civile était mise en vedette au moment où dans l'ombre, les représentants du secteur privé (pour la grande majorité des Américains) influençaient les débats et l'orientaient en tissant les ficelles en arrière plan. Car dans le nouveau contexte d'interdépendance globale et selon la « nouvelle donne internationale68 », les États-Unis au lieu d'affronter les organisations internationales les transforment en véritables vecteurs d'expansion du libre-échange généralisé.

De l'ethnocentrisme affiché depuis les années 70, à la tentative d'imposition d'un modèle de modernité aux sociétés considérées comme traditionnelles, en passant par l'impérialisme néo-libéral, la géopolitique de l'information a fini par dessiner une nouvelle cartographie et un nouvel ordre du monde, favorable à l'assouplissement des tensions internationales et au développement de la coopération et de la solidarité numérique.

66 Les fractures numériques en question, quels enjeux, quels partenariats : Thème du colloque international de Hourtin du 25 au 28 août 2003 dans le cadre de l'Université d'été de la communication

67 Pour Michel Mathien, il s'agit de « mythes et de réalités » qui opposent une représentation holiste du monde

à travers des rapports égalitaires aux réalités d'une société mondiale tourmentée et déséquilibrée par des rapports de force. (MATHIEN Michel, « La société de l'information » : Entre mythes et réalités, Bruylant, Bruxelles, 2005, 432 p.)

68 MIGNOT-LEFEBVRE Yvonne, « Technologies de communication et d'information. Une nouvelle donne internationale ? », in Revue Tiers Monde, t. XXXV, n°138, avril-juin 1994, p.256.

La solidarité numérique, nous l'avons vu, est un projet porteur d'espoir et le premier résultat concret du SMSI. Mais face à l'indifférence des superpuissances, le secteur privé s'accapare de ce concept et y investit le plus. Ce qui dénote une nouvelle fois d'enjeux économiques prioritaires de pénétration des marchés au détriment d'un véritable esprit de collaboration Nord-Sud. Un constat qui soulève la tendance d'une certaine dépendance technologique accentuée par cette solidarité censée faciliter l'intégration des pays africains dans la « société de l'information ». La solidarité numérique envers l'Afrique pourrait bien être une équivalence de « la politique de la main constamment tendue » par les pays africains. Le processus d'e-inclusion vient à peine d'être lancé comme palliatif à la fracture numérique que nous nous interrogeons sur les véritables enjeux de cette société inclusive et sur le sort réservé à la solidarité numérique. Une chose est certaine : les actions menées par l'UNESCO pour le développement de la communication internationale, notamment l'installation au Mali, au Bénin, au Burkina, au Sénégal et en Côte d'Ivoire... des « Centres Multimédia Communautaires », ainsi que l'engagement de l'Organisation à travers le PIDC se révèlent être très insuffisantes pour la réduction de la fracture numérique. La plupart de ces actions et de ces projets souffrant de manque de financement, sont souvent entamés mais ont du mal à aboutir et finissent parfois à être abandonnés aux populations qui n'arrivent même pas à s'en servir car ces technologies sont la plupart du temps « inadaptées ». Ce qui confirmerait que l'Afrique soit un véritable cimetière des technologies, des technologies inadaptées.

Mais même avec des solutions régionales privilégiant l'adaptabilité des technologies aux réalités locales, force est de remarquer que le coût élevé des projets retarde leur mise en oeuvre. C'est par exemple le cas du projet volontariste de constellation de satellites africains RASCOM (Regional African Satellite for Communication) qui peine à être une réalité compte tenu justement du coût de la connexion des zones rurales aux satellites et aux câbles. Tout ceci nous amène à la conclusion des travaux de Raphaël Ntambue-Tshimbulu et d'Annie Chéneau-Loquay : « La coopération avec l'Afrique subsaharienne en matière de TIC s'inscrit dans un contexte où les coûts et les processus de mise en oeuvre des projets d'insertion des réseaux télématiques dépassent les capacités financières et techniques locales et exigent à la fois l'intervention extérieure et la participation africaine. »

Quoiqu'il en soit et sans pour autant nous enfermer dans une critique de la coopération Nord-Sud qui condamnerait la manière dont l'aide et la solidarité sont apportées aux pays du Sud, nous lançons un appel à une profonde réflexion sur cette solidarité qui semblerait toujours garder les mêmes caractéristiques de l'aide classique perpétuant depuis toujours la domination historique des pays du Nord sur ceux du Sud. Qu'il nous souvienne, à cet effet, les propos très illustrateurs de Serge Latouche69 : « La main qui reçoit l'aide est toujours en dessous de celle qui la donne ».

Cet épineux problème de financement et celui de l'inadaptabilité des technologies est renforcé par d'autres difficultés telles que celle des infrastructures inadéquates, de délestages fréquents et de manque d'énergie électrique dans les régions enclavées et même dans les grandes capitales africaines. Nous avons ainsi montré que toutes ces difficultés limitent les actions de l'UNESCO et posent la nécessité de créer un important fonds monétaire régional et autonome pour la conduite des politiques nationales d'appropriation des TIC en Afrique.

En complément et non en concurrence aux engagements internationaux, le Fonds de Solidarité Numérique pourrait, s'il était décentralisé (ce qui suppose une délégation de gestion par grandes régions géographiques, linguistiques et culturelles) et bien géré dans des environnements propices de bonne gouvernance, insuffler une réelle dynamique à la réduction de la fracture numérique en Afrique. De plus, des programmes tels quel le Programme Information Pour Tous (PIPT) de l'UNESCO, dans le cadre duquel les gouvernements du monde entier se sont engagés à mobiliser les nouvelles opportunités pour créer des sociétés équitables grâce à un meilleur accès à l'information, devrait pouvoir être assez valorisé pour appuyer le PIDC et soutenir le rôle des médias face aux défis de préservation du patrimoine culturel et immatériel (savoir) dans le processus d'appropriation locale des TIC en Afrique.

69 Cité par Anne-Cécile Robert, L'Afrique au secours de l'occident, Paris, Editions de L'Atelier, 2004.

Perspectives de recherches : Vers une nouvelle problématisation

Ce travail jette les bases d'une recherche qui débouche sur des perspectives d'approfondissement. Nous avons situé nos questionnements dans une analyse historique contextuelle en procédant à un recadrage élargi sur les divers points de vue et prise de position des différents acteurs du rapport McBride et des revendications du NOMIC jusqu'au SMSI. Nous avons pour se faire mobiliser une revue de littérature sur les enjeux de la communication internationale à travers les rapports de forces auxquels sont livrés les différents acteurs dont les prises de position varient selon le côté duquel il se situe par rapport à la ligne fictive de démarcation entre inclus et exclus de la « société de l'information ».

Quelques lignes directrices peuvent cependant être développées dans des recherches ultérieures sachant que :

1- Les débats sont loin d'être clos suite à la prise de conscience internationale et civile des enjeux d'une solidarité numérique au lendemain de Tunis.

2- La solidarité numérique est un concept émergent dont l'évaluation nécessiterait un temps d'observation plus long (2 à 3 ans et voire plus) pour être à même de mieux apprécier les résultats concrets de cet engagement international et la gestion faite du Fonds de Solidarité Numérique FSN.

3- Fractures numériques ou solidarités numériques : Les options sont encore ouvertes, face au rôle éminent que doivent jouer les États africains par rapport aux politiques publiques en matière de TIC pour appuyer les actions de la société civile en vue d'une véritable réappropriation locale des TIC.

4- La diversité culturelle peut être un atout à la réappropriation des TIC par les pays africains et un élément catalyseur de la société inclusive dont l'UNESCO pourrait se servir dans sa lutte contre la réduction de la fracture numérique en Afrique.

5- L'hégémonie culturelle américaine et les stéréotypes qui s'y rattachent resteront irréductibles dans la politique étrangère70 des Etats-Unis et ceci est une source permanente d'influences sur la communication internationale et sur les actions des organisations internationales parfois contraintes de s'orienter pour des raisons

70 Avec l'actuel gouvernement américain, nous sommes loin de la sagesse et de l'humanisme du Président John Fitzgerald Kennedy qui affirmait : « Tous les pays ont leurs traditions, leurs idées, leurs ambitions. Nous ne les recréerons pas à notre image ».

financières vers la doxa : « ce qui est bon pour les Etats-Unis est bon pour le reste du monde ».

6- La pluralité des usages sociaux des technologies ne saurait être analysée selon l'unique univers symbolique des représentations historiques des relations Nord-Sud, dans lesquelles les cultures minoritaires subissaient la globalisation passive des standards culturels.

Nous souhaiterions contribuer à l'approfondissement de ces axes de recherche à l'occasion d'une thèse doctorale au cours de laquelle notre travail sur les trois prochaines années consistera à :

V' Approfondir les lectures et confronter les différentes théories sur l'interdépendance dans les relations internationales afin de réaliser une revue critique de la littérature sur le caractère déterministe de l'imaginaire social entretenu par les discours sur les TIC en arrière plan de la géopolitique culturelle de l'information. (Première année)

V' Réaliser une enquête en prenant comme terrain d'enquête l'UNESCO et deux ou trois pays de l'Afrique Subsaharienne. Il s'agira pour nous de prendre contact avec les responsables des commissions nationales de l'UNESCO ou les conseillers régionaux en information et communication dans ces pays afin de les soumettre à des entretiens semi-directifs pour pouvoir évaluer l'efficacité des stratégies d'action réelles de l'UNESCO dans sa lutte contre la fracture numérique et comparer ces stratégies par rapport aux attentes des gouvernants et des populations dans le contexte de promotion de la diversité culturelle. Il s'agira de faire une analyse qualitative par théorisation (Pierre Paillé). Nous procéderons à une élaboration progressive des catégories d'hypothèses, dans un aller-retour permanent avec les acteurs de l'Organisation (UNESCO) après avoir exploré les événements et les opinions (y compris celles des populations bénéficiaires des TIC) par rapport à l'impact final réel de la lutte contre la fracture numérique dans ces pays. (Deuxième année)

V' Vérifier les hypothèses en les confrontant aux résultats collectés, interpréter puis tirer les conclusions - Relecture et correction du travail (Troisième année)

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