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Conséquence de l'évolution du lien substantiel entre Etat du pavillon et navire au sein de la marine marchande Fr. et des équipages

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par Yann Collin
ESC Bretgane Brest - Master 2008
  

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C. Le lien entre armateur et équipage' part du lien substantiel ?

1. Navire et équipage, évolution de l'espace

N'oublions pas que le navire, s'il est le lieu de vie de tout un groupe d'hommes reste avant tout un espace industriel représentant un apport en capital massif et sur lequel la rentabilité doit être maximisée. Ainsi, si nous nous en tenons à l'évolution du poids du capital fixe (immobilisé par le navire) et du capital circulant (liquidités nécessaires au paiement des salaires, achats des périssables, fuel, etc.), il apparaît assez vite une majoration de celui-là par rapport à celui-ci. Ainsi, à titre d'exemple, en 1706, le navire malouin « Maurepas », représente une « mise hors » de 235 315 livres, auxquelles il faut ajouter les dépenses du voyage, soit 51 710 à l'aller et 89 386 livres au retour, d'où une dépense globale de 376 411 livres. Une fois ventilés, tous ces chiffres selon qu'ils concernent le capital fixe (radoub, calfatage, équipements) ou circulants (vivres et appointements), on obtient un montant de 251 236 livres pour le capital fixe et 125 175 de capital circulant ; soit un rapport approximatif de 1 pour 2. (F = 2 C). Ce rapport restera globalement inchangé jusqu'au XVIIIe siècle, époque à laquelle il s'inverse. C'est à partir de cette époque que l'homme cesse d'être le capital majoritaire du navire pour ne plus être qu'un assistant à la machine navire. Si l'histoire explique mal cette affirmation (encore mal étayée), un certain nombre de questions se posent relativement à cette évolution. En effet, le seul progrès technique et la complexité grandissante des navires (doublage des coques avec du cuivre par exemple), des apparaux embarqués, et la hausse des prix, ne vont-ils pas de pair avec une diminution des salaires, une réduction des équipages et une baisse de la qualité des approvisionnements. Cette question qui se pose dès le milieu du XVIIIe siècle face à la hausse de la productivité des navires restera d'actualité pendant les siècles à venir. Aujourd'hui, un calcul équivalent permet d'établir une estimation du rapport capital fixe/capital circulant pour un porte-conteneurs de 300m de long comprenant 20 membres d'équipage autour de 1 pour 8 à 1 pour 12. On le voit, l'homme ne fait plus le poids face au navire...

Aujourd'hui, Catherine Berger, sociologue, définit la machine navire de la manière suivante : « Le navire marchand est avant tout un lieu de travail. Il a pour fonction de transporter un chargement d'un point à un autre et tout est subordonné à cet objectif. Les hommes sont là pour "servir" le navire afin qu'il mène la tâche à bien. Ils s'occupent des machines pour lui permettre d'avancer et surtout éviter qu'il ne tombe en panne, ils veillent à la navigation pour l'amener à l'endroit voulu. Le reste, c'est à dire l'entretien du navire et les conditions de vie des hommes, peut passer totalement au second plan. Sous la pression des contraintes commerciales, une large majorité des armateurs rogne sur ces deux postes. Pour les hommes,

cela se traduit par des équipages plus réduits que par le passé, 12 à 20 hommes en moyenne, et des charges de travail plus élevées. On embauche aujourd'hui dans des pays pauvres des marins qui reviennent moins cher. Comme un navire immobile coûte de l'argent, les armateurs cherchent par tous les moyens à réduire la durée des escales. Celles-ci sont limitées au temps nécessaire pour que des opérations indispensables soient effectuées : chargement, déchargement, approvisionnement du navire. Selon une étude récente, un navire passe en moyenne 93% de son temps en mer. En fonction de la nature de la cargaison, les escales dureront quelques jours ou seulement quelques heures (la moyenne étant de 1611). En dépit des améliorations techniques, on peut voir là des dégradations des conditions de travail ou même de sécurité qui sont rendues possibles par la navigation sous pavillon de complaisance. Celle-ci permet de contourner les lois nationales, voire internationales, et elle ne cesse de se développer, la France n'étant pas reste en immatriculant des bateaux aux îles Kerguelen. »39

La réglementation nationale et internationale évolue de plus en plus vers une protection sociale du travailleur maritime. A ce titre, la France, membre de l'Organisation Internationale du Travail, est précurseur dans nombre d'articles visant à assurer l'amélioration des conditions de travail des marins. Ainsi, et malgré les problèmes de représentativité liés à l'importance de la flotte40, le droit du travail international maritime tend-il à considérer l'humain en tant que tel et non plus comme matériau humain.

Néanmoins, et malgré un environnement légal toujours plus contraignant pour les armements, la compétitivité et la difficulté à effectuer des contrôles objectifs et systématiques encouragent ces derniers à pratiquer des politiques de gestion des ressources humaines de plus en plus symboliques, ceci est rendu d'autant plus facile que, comme nous l'avons vu, les outils juridiques permettent une identification de l'armateur toujours plus difficile.

Lorsque, notamment à la suite des chocs pétroliers, de nombreuses compagnies de navigation ont cherché à faire des économies par tous les moyens, elles ont choisi de s'affranchir des contraintes sociales en immatriculant leurs navires dans des pays comme Panama, le Liberia, Malte, les Bahamas, etc., qui les laissaient libres de faire appel à une main d'oeuvre meilleur marché et moins exigeante sur les conditions de travail. La tendance s'est accélérée, et aujourd'hui, plus de 60% du tonnage est transporté par des navires sous pavillon de

39 Espaces privés/espaces publics : Gestion de l'espace, du temps et de la parole sur un long courrier, Catherine Berger, maître de conférences, université paris 13, 27-28/10/2000

40 Les pays tels les Bahamas, Libéria, Chypre, Malte, etc., dont l'importance de la flotte dépend étroitement de la quasi absence de contraintes de leur pavillon, ont un vote plus lourd que la France et ses 96 navires TAAF/RIF

complaisance. Dans le même temps, le nombre de marins d'Europe et d'Amérique du Nord a fortement décru et on a recruté de plus en plus dans des régions pauvres, particulièrement en Asie et en Europe de l'Est. Dans ce contexte, les marins philippins occupent une place à part puisqu'ils constituent, et de très loin, la plus importante population de marins au monde. Le dernier recensement du SIRC41 en 2002, établi à partir des rôles d'équipage, indique que plus de 28% des marins qui naviguent pour le commerce international sont originaires des Philippines.

Nous l'avons vu, l'importance du navire par rapport à l'homme devient grandissante au fil du temps. Les capitaux engagés dans ces opérations sont gigantesques, et encore ne tenons nous pas compte du fret, celui-ci étant aux mains des marchands et non des armateurs. Nul doute que le rapport (Capital fixe + Capital fret)/capital circulant atteindrait alors des records au détriment de l'homme, sans doute 1 pour 1000 dans le cas d'un pétrolier de taille moyenne.

Néanmoins, l'homme reste au coeur de la fortune de mer. Si les accidents maritimes ne sont plus légions, ils restent suffisamment présents à notre esprit pour que le marin soit déconsidéré par la population terrestre. « Pollueur, assassin, danger public », que d'adjectifs pour désigner l'objet de cette vindicte populaire. Mais que se cache-t-il derrière l'image que nous donnent en pâture les médias. Les conditions de vie ont changées, les conditions de navigations, de communications et de sécurité également, mais certaines ont mieux évolué que d'autres ou, à tout le moins, ont pris des orientations différentes.

Le lien substantiel s'exprimant à travers le contrat maritime ? La réalité de la marine moderne ne semble pas être en accord avec cette vision idyllique des choses. Trop de facteurs entrent en jeu dans la vie du marin, quelque soit sa nationalité, pour que celui-ci perçoive l'existence d'un tel lien avec son pavillon.

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