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Conséquence de l'évolution du lien substantiel entre Etat du pavillon et navire au sein de la marine marchande Fr. et des équipages

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par Yann Collin
ESC Bretgane Brest - Master 2008
  

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2. Les limitations légales de responsabilité

Les limitations de responsabilité sont une autre institution particulière au droit maritime. La limitation de responsabilité était au départ réservée à l'armateur mais elle a été élargie au Capitaine. Avant la limitation, l'armateur pouvait se protéger des fautes du Capitaine par l'abandon du navire et du fret. Une deuxième phase permettait à l'armateur de choisir entre l'abandon et la limitation en valeur (Convention de 1924). Enfin, une convention internationale vient entériner le système de la limitation de responsabilité en élargissant son domaine d'application. Aujourd'hui, l'armateur, propriétaire ou non de son navire, ou toute personne exploitant le navire ainsi que leurs préposés bénéficient de ce système de limitation de responsabilité pour les fautes commises par eux ou par les choses qui sont sous leur garde, sauf cas de faute inexcusable.

45 Cass. Com. 19 juin 1951, Recueil Dalloz 1951, 41° cahier p.61, note G.RIPERT.

Un bémol à cette limitation de responsabilité a été récemment mis en place, soulevant l'indignation de l'ensemble des Commandants français. La loi Perben n° 2004-204 du 9 mars 2004 a ainsi directement mis en cause le seul Commandant en cas de pollution accidentelle, ou non, par « imprudence, négligence ou inobservation des lois et règlements » assorti d'une peine de prison et d'une amende pouvant atteindre 500 000 C.

Ainsi nombre de Commandants, prévoyant une telle possibilité, ont fait établir un nouveau contrat de mariage lorsque cela était nécessaire, afin de passer en régime de séparation de bien et de préserver leur famille d'un tel risque.

Le risque est d'autant plus important que le flagrant délit de pollution est constitué le plus souvent par une photo d'altitude d'une trace d'hydrocarbure. Seule la sensibilité du juge et l'avis d'experts permettra de décider du sort du Capitaine français emprisonné. La procédure semble sujette à caution...

 

En effet, la simple

photographie d'un rejet à la mer ne suffit pas à établir l'existence d'une infraction, car il peut s'agir tout simplement de l'évacuation du circuit de refroidissement, ou d'un exercice de la lance à incendie.

 

Pourrait-on aujourd'hui, sans susciter un scandale, condamner quiconque sur la base de la photographie d'une tache rouge, accompagnée d'un procès verbal commenté par un

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Quant à la photographie d'un yacht de luxe derrière lequel se trouvent des traces suspectes, il est évident qu'elle ne suffit pas pour affirmer que le dégazage de la part de ce navire aurait été volontaire. La photographie même " corroborée " par un procès verbal, même commentée par un expert, ne peut absolument pas suffire à dissiper le doute.

expert qui viendrait dire que la tache rouge n'est pas de la peinture ni du sang de poulet mais bien, sur la foi de la seule observation visuelle, du sang humain ? C'est évidemment impensable. Le prélèvement de la substance de couleur rouge et son identification est évidemment indispensable pour que l'on puisse parler de sang.

La nécessité de procéder à des prélèvements n'a rien d'extraordinaire.

Ainsi, effectuer des prélèvements paraît résulter du simple bon sens, même si l'on sait la difficulté de différencier un hydrocarbure d'un autre de même nature. Néanmoins, cette procédure plus crédible résulte de la simple lecture du " Recueil des preuves concernant les rejets en provenance des navires " publié en application de l'accord de Bonn de 1993. Citons ce texte fondamental : " Lorsqu'il y a incertitude quant à la présence d'hydrocarbures à la surface de l'eau, échantillonner l'eau polluée est un moyen de lever le doute. Si des traces d'hydrocarbures déversés restent à bord du navire suspecté, des comparaisons d'échantillons d'hydrocarbures relevés à bord du navire et dans la nappe ou dans la Zone contaminée peuvent aider à l'identification. Diverses techniques peuvent être utilisées : le couplage chromatographie en phase gazeuse, la spectrométrie de masse (CG/SM) utilisée actuellement qui est à même de fournir une véritable « empreinte digitale », caractéristique de l'hydrocarbure analysé. "

Le problème n'est pas pour autant résolu avec certitude. Des recherches sont actuellement effectuées pour marquer les cargaisons d'hydrocarbures grâce à un identifiant génétique.

En attendant, le Commandant français est passible d'emprisonnement et d'une lourde amende sur simple constatation visuelle. Et si les armateurs marquent leur contentement face au durcissement de la répression à l'encontre des « opérateurs coupables », c'est à dire le Commandant, ils s'émeuvent quand en cas de pollution involontaire ayant causé « des dommages irréversibles à l'environnement », ils puissent être mis en cause contrairement à des armements étrangers. Autant pour le lien entre le Commandant et l'armateur et les responsabilités de l'un envers l'autre...

Ainsi le transporteur maritime, autrement dit l'armateur, se libère par la preuve que les pertes ou dommages résultent "des actes, négligences ou défauts du Capitaine, marin, pilote ou de ses préposés dans la navigation ou dans l'administration du navire", faute dite nautique (Bruxelles 1924, Art. 4-2-a). On sait aussi qu'il se libère en apportant la preuve que ces pertes ou dommages résultent de l'un des faits énumérés dans les 16 autres lettres du même article. Or si certains de ces faits constituent sans aucun doute le cas de force majeure

traditionnellement exonératoire, d'autres, tel l'incendie ou la grève, ne le sont pas nécessairement.

Cependant, la faute nautique a été le bouc émissaire de la vindicte des pays nouvellement indépendants contre ce droit de classe élaboré par les pays anciens colonisateurs. Ainsi, l'indépendance proverbiale du Commandant du navire (nous y reviendrons dans le paragraphe suivant), les périls de la mer et la méfiance vis-à-vis de celui qui prend une décision dans la chaleur de son cabinet (le juge) ne légitimaient-ils plus une institution qui apparaissait injuste dans la mesure où le défendeur (l'armateur) se précipitait à invoquer la faute de son préposé (le Capitaine) pour faire valoir une exonération de responsabilité qui devint particulièrement choquante.

La faute nautique souffre d'ailleurs d'un autre mal : elle est difficile à qualifier. La chose apparut très nettement avec la faute d'arrimage, c'est à dire de répartition des marchandises dans le navire et de saisine de celles-ci, dans la mesure où la faute peut produire deux effets différents : endommager les marchandises ou mettre en péril la navigation du bâtiment. Devait-on alors distinguer entre une faute d'arrimage commerciale et une faute d'arrimage nautique ?46

Un « préposé- indépendant »

Parallèlement au régime de responsabilité applicable au Capitaine et aux limitations de responsabilité auxquelles il peut recourir, il nous paraissait important de faire une parenthèse sur la situation d'indépendance ou de dépendance entre le Capitaine et son armateur, et les conséquences qu'une immixtion trop importante de l'armateur pouvaient avoir sur la sécurité comme sur les fonctions du Capitaine.

L'indépendance du Capitaine est une des caractéristiques principales 47 de ce statut. Le Capitaine, représentant de l'armateur, ne peut être assimilé à aucun autre sujet du Droit Civil ou Commercial. Il ressemble à un fonctionnaire, il exerce dans un intérêt public, en vertu d'une délégation qu'il tient de la loi, une partie de l'autorité publique.

Il existe un lien de subordination avec son armateur mais il ne s'agit pas du même lien de
subordination que celui que l'on peut rencontrer en droit commun, car le Capitaine jouit, ou
est sensé jouir, d'une liberté absolue et d'un pouvoir de décision exclusif dans l'exécution de

46 Y.TASSEL, Droit Maritime, un anachronisme?, revue juridique Neptunus

47 G.RIPERT, Droit Maritime, Tome I, Ed.Rousseau, 1950, n°809.

sa mission. « Le Capitaine, maître de la navigation, prend ses décisions tout seul. Qu'il en réfère aujourd'hui à son armateur par T.S.F. ou autrement n'ôte rien à cette vérité de fait et de droit : il prend seul toutes ses décisions. C'est lui qui choisira sa route, décidera des escales, même rétrogrades, stoppera les moteurs pour telle ou telle réparation de fortune en pleine mer, fera ralentir en cas de brume ou n'en faire rien parce qu'il se fie à son radar... »48.

Force est de constater que ce n'est plus le cas aujourd'hui. J'ai eu l'occasion de lire les interventions de Capitaines au long cours lors de colloques ou séminaires et de rencontrer personnellement des Capitaines qui m'ont permis de faire la part des choses entre la théorie et la pratique des fonctions de Capitaine.

Lors d'un colloque de l'AFDM49, Maître Dubosc a comparé la situation du droit positif français avec la réalité des faits et sa conclusion est éloquente. Il a relevé dans son intervention tous les cas d'immixtion de l'armateur dans les prises de décision du Capitaine et en a conclu implicitement que le Capitaine ne dispose plus de la liberté que la loi et les règlements sont sensés lui accorder.

Ainsi, peut-on considérer que le Capitaine maîtrise et contrôle réellement l'arrimage des marchandises ? Si l'on considère que les plans de charge sont établis par les représentants à terre de l'armateur (planners), qu'ils sont ensuite normalement transmis au Capitaine qui doit les vérifier en un temps record dans la mesure où les délais de chargement et déchargement sont très serrés, on ne peut qu'en douter. Mais la loi prescrit toujours que le Capitaine est responsable du chargement, déchargement et arrimage de la marchandise.

Le Capitaine est également maître de la navigation, il choisit sa route et ses escales. Mais il appartient à l'armateur de fixer les destinations des marchandises transportées. Et on peut penser que les pressions économiques rendent les escales ou les déroutements, pour des raisons de sécurité, difficiles à admettre pour l'armateur qui voit les délais de livraisons allongés. Il en est de même relativement au recours par le Capitaine à l'assistance en cas d'événement de mer. « Non seulement la signature d'un contrat d'assistance quelle que soit sa forme mais même le recours à l'assistance ne seront mis en oeuvre qu'avec l'accord généralement explicite de l'armateur ». Rappelons-nous le triste épisode de l'Amoco Cadiz

48 R.RODIERE, Traité Général de Droit Maritime, Dalloz 1976, Introduction, n°394.

49 Association Française de droit maritime

qui s'échoua sur les côtes Bretonnes car la négociation entre le remorqueur et l'armateur n'avait pu être conclue à temps.

Ainsi, force est de reconnaître que la liberté présumée du Capitaine est mise à mal dans les nouvelles relations professionnelles et juridiques qu'il entretient avec son armateur. Cela modifie de façon sensible les conditions d'exercice du Capitaine. L'armateur-propriétaire exerce un droit de subordination sur le Capitaine qui n'est pas négligeable. Mais, ainsi que nous l'avons évoqué précédemment, il convient de préciser une évolution récente, c'est l'influence grandissante des services de l'armateur à terre, notamment en ce qui concerne le chargement, le déchargement et l'arrimage de la marchandise. Ils sont en charge de la supervision et de l'exécution de ces tâches, mais toujours sous l'autorité et le contrôle théoriques du Capitaine.

Il me paraît intéressant pour conclure ce chapitre de laisser la parole au Commandant P.Beaufrere, dans un message rédigé à l'intention de la tribune de l'Association Française des Capitaines de Navires :

« Lorsque j'étais au cours de Capitaine au Long Cours, on nous apprenait que le Capitaine, à bord, était le chef de l'entreprise maritime, le représentant de l'armateur et qu'il était chargé de la police et de la sécurité sur son navire.

Les récents événements de la SNCM posent maintenant la question : est-ce toujours vrai ? Il y a quelques semaines, à la suite d'un mouvement revendicatif violent des équipages, des personnels étrangers au bord qui obligeaient, sous la menace, Commandant et Officiers à quitter leur navire. L'un des Commandants, au moins, a déposé un rapport aux Affaires Maritimes, donnant même le nom de certains des agresseurs ; rien ne s'est passé...

Le Pascal Paoli a été mis en route sur Bastia, après qu'une poignée d'insurgés du STC ait obligé, là encore sous la menace, les Officiers à lancer les moteurs et à appareiller. Ces mêmes personnes, après un simulacre d'arrestation, étaient les interlocuteurs des Ministres dans les discussions sur l'avenir de la SNCM. Pourtant, toujours selon le droit maritime, ce détournement était un acte de piraterie caractérisé. Là encore, rien ne s'est passé ; aucune réaction ni des Ministres, ni des Affaires Maritimes, ni de la Direction de la Compagnie.

Enfin, il y a peu, le Commandant du Napoléon Bonaparte a été agressé sur la passerelle du navire par une quinzaine de personnes qui, après l'avoir insulté, l'ont obligé à quitter le bord sous la menace. La Compagnie a réagi... en remplaçant immédiatement le Commandant.

Que penser de toutes ces exactions restées sans suite ?

Tous ces gens : Politiques de tous bords, Représentants des Affaires Maritimes, Présidents de Compagnies de Navigation, Représentants des médias nous montrent par leur silence assourdissant que lorsqu'ils parlent tous, avec emphase, de la France, ÉTAT DE DROIT, ils oublient de signaler qu'il s'agit du DROIT DU PLUS FORT et que la menace et la violence sont les seuls arguments qu'ils écoutent.

Il me semble que le Monde Maritime, lorsque les esprits se seront calmés, devra se pencher sur ce problème du Capitaine et sur ses pouvoirs réels car il ne doit pas être à bord seulement pour être poursuivi en cas de pollution, accidentelle ou non, mais parce qu'il symbolise toute la structure de notre monde Maritime et qu'il doit être soutenu dans son action par son Armateur et les représentants des Affaires Maritimes. »

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