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Guérilla et Droit International Humanitaire: cas du conflit armé colombien

( Télécharger le fichier original )
par Mohamed Youssef LAARISSA
Université Cadi Ayyad - Licence 2007
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE CADI AYYAD
FACULTE DES SCIENCES
JURIDIQUES ECONOMIQUES ET
SOCIALES

 

Réalisé par :

LAARIS SA

Mohamed Youssef

Sous la direction du

Professeur:

El BOUHAIRI Youssef

Projet de fin d'étude pour l'octroi

d'une licence en Droit.

Guérilla et Droit International

Humanitaire :

Cas du conflit armé Colombien.

Remerciements:

Je tiens à remercier tout particulièrement mon professeur

El BOUHAIRI Youssef, qui a bien voulu diriger ce

travail et me faire part de ses conseils et précieux

encouragements. Je lui dois, par son enseignement direct

comme par ses écrits, la découverte du noble champ du

Droit Humanitaire.

Mes remerciements vont aussi à mon professeur Mme

LAGHRISSI Awatif pour son encadrement et sa

disponibilité à venir généreusement à notre aide.

Que tous mes professeurs y trouvent le signe de ma

reconnaissance et ma gratitude pour leurs efforts et leur

dévouement à mettre à notre disposition leur savoir et à

nous former de la meilleure manière.

Dédicaces :

· Yi mes parents et à ma petite soeur

Sophia.

· Yi mes camarades de classe en

particulier : Xanteng Albaz Loris

et Thioune Alamadou Diakité.

Plan :

Introduction :

Première partie : La qualification de la guérilla en DIH.

Section 1 : La distinction entre guérilla et mouvements de libération nationale.

1- Article 3 commun.

2- Le protocole additionnel II.

Section 2 : Guérilla et souveraineté :

1- Guérilla : « menace » contre la stabilité politique de l'Etat.

2- Enjeux de la reconnaissance de Belligérance.

Deuxième partie : Le statut du guérillero en DIH.

Section 1 : le Guérillero entre Terroriste et Combattant de la liberté.

1- Guérilla et terrorisme.

2- Guérilla et population civile.

Section 2 : Le guérillero et les garanties humaines.

1- L'octroi du statut de prisonnier de guerre.

2- Le guérillero et les conditions de jugement équitable. Conclusion.

INDEX DES

ABREVIATIONS UTILISEES.

- AUC: Auto defensas unidas de Colombia. (Auto-défenses unies de Colombie).

- CANI : Conflit armé non international.

- CG : Convention de Genève.

- CICR: Comité internationale de la croix rouge.

- CPI : Cour pénale internationale.

- DIH : Droit international humanitaire.

- ELN: Ejercito de liberación nacional (Armée de libération nationale). - FARC : Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia.

- FIDH: Fédération internationale des droits de l'Homme.

- M19 : Movimiento del 19 de Abril.

- MLN: Mouvement de libération nationale.

- PA: Protocole additionnel.

- PG: Prisonnier de guerre.

- UP: Unión Patriotica.

INTRODUCTION

Le Droit International Humanitaire (DIH) est un ensemble de règles qui, pour des raisons humanitaires, cherchent à limiter les effets des conflits armés. Il protège les personnes qui ne participent pas ou plus aux combats et restreint les moyens et méthodes de guerre. Le DIH est également appelé « droit de la guerre » ou «droit des conflits armés (1).

Contrairement aux Droits de l'Homme, le droit humanitaire ne pose pas de droits universels applicables à tous les individus. La spécificité des quatre conventions de Genève est de procéder par catégorisation (2).

En DIH, la qualification et la situation juridique des individus représentent des enjeux juridiques et politiques très importants, dont dépendent les dispositions humanitaires qui leurs seront appliquées. Ceci dit, afin de limiter le danger de se trouver avec des individus non protégés parce qu'ils n'appartiennent pas à l'une des catégories, le DIH a énoncé des dispositions humanitaires minimales qui sont en principe inaliénables, comportant des garanties fondamentales applicables en tout temps, tout lieu, à tous ceux qui ne bénéficient pas de droit plus favorables.

C'est notamment le cas de l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève de 1949.

Avec l'avènement du principe du droit des peuples à l'autodétermination, aussi bien à l'égard d'une puissance colonisatrice dans le -cadre d'une guerre

(1) Services consultatifs en DIH, Qu'est-ce que le DIH ? , CICR, Genève.

(2) BOUCHET SAULNIER Françoise, Dictionnaire pratique de droit humanitaire, la Découverte, 3ème édition, Paris ; 2006, P.218.

d'indépendance- qu'à l'égard d'un pouvoir oppresseur -dans le cadre d'un renversement de régime-, et l'adoption des deux protocoles additionnels aux quatre conventions de Genève de 1949, nous assisterons à l'élargissement de certaines notions et à la naissance d'une nouvelle catégorie de combattant en Droit international Humanitaire : le « Guérillero ».

Le Guérillero est un combattant pratiquant une lutte armée appelée Guérilla. La Guérilla est un mot provenant de l'espagnol et qui désigne « Petite Guerre » dans le sens où celle-ci constitue une lutte armée inégale opposant des combattants irréguliers à des troupes régulières, ces troupes régulières représentent généralement le pouvoir en place ou des forces d'occupation.

La Guérilla représente la lutte armé du faible contre le fort, menée par des bandes ou des éléments légers qui s'efforcent de suspendre, de déséquilibrer, d'user de l'adversaire, de la priver de sa liberté d'action et ainsi de sa supériorité par des actions multiples et incisives, toutes de souplesse, mobilité et d'ubiquité.(3)

L'objectif de cette lutte est de défendre une cause que les guérilleros jugent légitime et qui peut être de nature politique, sociale, religieuse ou ethnique.

Si la pratique de Guérilla est très ancienne, le terme n'a commencé à être utilisé que depuis le XIXème siècle lors de la guerre d'indépendance espagnole pour désigner la lutte des partisans espagnols contre les forces d'occupation française. Au début du XXème siècle, on verra apparaître d'autres mouvements de Guérilla, comme la rébellion menée par le Guérillero marocain Mohamed ben Abdelkrim El Khattabi au Rif, ou la révolte des tribus arabes contre les turcs, menée par Thomas Edward Lawrence plus connu sous le nom de Lawrence d'Arabie. Après la seconde guerre mondiale et l'avènement du principe des peuples à l'autodétermination la pratique de la Guérilla va se

(3) Encyclopaedia Universalis 2004, version 10.

généraliser un peu partout dans le monde.

Toutefois, il est à mentionner que cette notion de Guérilla est fortement liée et beaucoup plus enracinée en Amérique latine. En effet, Les premiers mouvements de Guérilla date du XIXème siècle et étaient conduit par Miguel Hidalgo y Castilla au Mexique et par Simon Bolivar en Amérique du Sud contre les colons espagnols. Le XXème siècle vit défiler toute une série de guérilleros dont Pancho Villa et Emiliano Zapata au Mexique, Augusto Sandino au

Nicaragua, Camilo Torres en Colombie qui enfantât la légende du « Prêtre Guérillero » (4), sans oublier le plus célèbre d'entre eux l'argentin Ernesto Guevara.

Au cours de ce travail, nous essaierons d'avoir une vision générale sur la situation du Guérillero en droit international humanitaire, et de façon plus restreinte la situation de ce dernier dans le cadre du conflit armé colombien, vu les importantes spécificités de ce conflit qui en font un conflit unique.

La majorité des analystes s'accordent sur le fait que le conflit colombien actuel trouve ses origines dans « EL Bogotazo » le 9 avril 1948, suite à l'assassinat du leader libéral « Jorge Eliécer Gaitan ».

Jorge Eliécer Gaitan était un avocat et homme politique très populaire en son temps, il avait occupé plusieurs postes dont celui de maire de Bogota et ministre de l'éducation. Il était candidat du parti libéral (5) aux élections présidentielles de 1950, et se proclamait déjà comme futur Président de la Colombie.

Il était le premier homme politique à parler de politique sociale, il prônait un

(4) Thibaut Käser, le Prêtre Guérillero, www.lecourrier.ch, 24 août 2006.

(5) Parti libéral colombien créé en 1848, ce parti a pour rival traditionnel le Parti conservateur colombien créé en 1849, l'hégémonie de ces deux partis politiques sur la scène politique colombienne a engendré plusieurs guerres civiles.

libéralisme populaire, et il dirigeait de fortes critiques à l'oligarchie gouvernante et aux multinationales nord-américaines.

Il avait souvent l'habitude de dire : « Si algo me pasa, en este Pais no quedara piedra sobre piedra, poque yo no soy un hombre, soy un pueblo », qu'on pourrait traduire : « si quelque chose m'arrive, ce pays tombera en ruine, car je ne suis pas un homme mais tout un peuple » et « sans moi, il n'y a pas de paix » (6) . 60 ans après sa mort le conflit continue, et on ignore les véritables responsables de son assassinat.

Cependant, on peut constater l'existence d'une main invisible chargée d'éliminer les candidats du peuple un peu partout dans le monde.

Avec l'assassinat du leader ou du « Caudillo » comme on avait l'habitude de l'appeler, le pays sombrât dans une guerre civile « La Violencia » qui fit plus de 300.000 morts.

En 1953, un coup d'Etat orchestré par le général « Gustavo Rojas Pinilla » mit fin à la guerre civile qui ravageait le pays, ce dernier décrétât un pacte national amnistiant les rebelles et les incitant à déposer les armes. La majorité des partisans prirent part au processus de démobilisation proposé par le général à l'exception de quelques petites groupes de rebelles dont un à la tête du quel se trouvait un certain « Pedro Antonio Marin » alias « Manuel Marulanda Velez » ou « Tirofijo ».

Avec l'adoption en 1977 des deux protocoles additionnels aux quarte conventions de Genève de 1949, le « Guérillero » naîtra en droit international

(6) Gaitan : 60 años, El Espectador, Bogota, avril 2008.

humanitaire. Quelle est donc la place occupée par le guérillero au sein de ce dernier ? Les dispositions du droit international humanitaire, lui sont-elles favorables ou discriminantes ? Et de qui dépend leurs applications et pourquoi ?

C'est ce à quoi nous essaierons de répondre au cours de la première partie de ce travail, nous commencerons par d'établir en premier temps une distinction entre « Guérilla » et « mouvements de libération nationale » à la lumière de l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève, et de son protocole additionnel II de 1977 (Section 1). Ensuite nous évaluerons la portée et les limites de ces derniers, face à la notion de Guérillero. Nous verrons après, la relation entre « Guérilla » et la notion de « souveraineté nationale », ainsi que les enjeux de la reconnaissance de situation de belligérance dans un conflit armé non international (section 2).

Quant à la deuxième partie de ce travail, elle portera sur les qualifications du Guérillero en DIH.

Vu l'ampleur que connaît la notion de « Terrorisme » actuellement, nous avons souvent tendance à confondre « Terroriste » avec « Guérillero ». Le guérillero est-il un terroriste ou un combattant de la liberté ? Comment peut-on distinguer entre les deux ?

En tant que combattant et sujet du Droit international, le Guérillero jouit d'une certaine protection et de garanties humaines qui lui sont fournies par le DIH en cas de capture, notamment l'octroi du statut de prisonnier de guerre et le droit à un jugement équitable. Quelles sont donc ces dispositions et quel est leur degré d'applicabilité ? C'est à quoi essaiera de répondre la deuxième section de la deuxième partie.

Première partie :

La qualification de la

guérilla en DIH.

SECTION 1 : LA DISTINCTION ENTRE GUERILLA ET

MOUVEMENTS DE LIBERATION NATIONALE.

Après la fin de la deuxième guerre mondiale, s'instaureront les principes de non recours à la force, le principe de non ingérence et le droit des peuples à l'autodétermination. Ce dernier principe peut être abordable sous deux aspects, le premier aspect concerne le fait de vouloir s'émanciper d'une puissance colonisatrice dans le cadre d'un mouvement de libération nationale, le deuxième est relatif à la volonté des peuples de libérer d'un gouvernement oppresseur.

La notion de « Guérilla » et celle de « Mouvement de libération nationale » sont fortement liées. Nous pourrions les considérer comme l'un des moyens par le quel les peuples peuvent exercer ce droit fondamental. Ces deux notions se différencient de ce que l'on peut appeler « la guerre classique » qui oppose deux forces armées régulières. En effet, la guérilla et les mouvements de libération nationale opposent généralement des forces armées régulières à d'autres qui ne le sont pas.

Sur le plan juridique, les guerres de libération nationale entrent dans le cadre d'un conflit international et sont régies en principe par le protocole additionnel I aux quatre convention de Genève, tandis que celles de guérilla entrent dans un cadre révolutionnaire contre les régimes politique en place et sont régies par le

protocole additionnel II relatif à la protection des victimes des conflits armée à caractère non international.

Cependant, comme Guérilla et guerre de libération nationale entrent dans le cadre des conflits armés, certaines règles du droit international humanitaire, leurs sont communes.

Nous essaierons dans un premier temps de voir les portées et limites de l'article 3 commun, pour passer à celles du protocole additionnel II.

1- L'ARTICLE 3 COMMUN :

L'article 3 commun est la seule disposition légale existante au sein des quatre conventions de Genève faisant allusion au conflit armé non international, cependant cette dernière s'est abstenue d'y donner une définition.

Cet article 3 commun contient les garanties fondamentales et minimales aux quelles aurait droit tout individu lors d'un conflit armé non international, son but est de sauvegarder les principes d'humanité en toutes circonstances. Mais avant d'aller plus loin, il convient d'aborder l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août 1949.

Ce dernier stipule qu'en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire des Hautes parties contractantes, chacune des Parties au conflit sera tenu d'appliquer au moins les dispositions suivantes :

1) A cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l'égard des personnes mentionnées ci-dessus :

a) les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices ;

b) les prises d'otages ;

c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ;

d) les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti

des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.

2) Les blessés et les malades seront recueillis et soignés.

Un organisme humanitaire impartial, tel que le comité international de la croix rouge, pourra offrir ses services aux parties au conflit

Les Parties au conflit s'efforcent, d'autre part, de mettre en vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie des autres dispositions de la présente Convention.

L'application des dispositions qui précèdent n'aura pas d'effet sur le statut juridique des Parties au conflit.

Cet article 3 commun doit en principe entrer en application dès qu'une lutte armée à l'intérieur de l'Etat en cause cesse d'être une simple affaire de maintien de l'ordre (7).

Pour revenir un peu sur les conditions d'adoption de cet article, il faudrait signaler qu'un certain nombre de puissances, telles que la France et la Grande Bretagne étaient très réticentes à l'idée d'adopter une provision relative à l'humanisation des guerres n'ayant pas de caractère international, ceci était considéré comme portant atteinte aux droits des Etats. Surtout que les puissances coloniales prévoyaient l'avènement des guerres de libération nationale au sein de leurs colonies (8).

Au même temps, le refus d'une telle disposition (l'article 3 commun) au

(7) El BOUHAIRI Youssef, Droit humanitaire et conflits internes : dialectique du juridique et du politique, université Cadi Ayyad ; Collection de la faculté- série thèse et mémoire numéro 7, Marrakech, 1999, P.19. (8)Centre de droit international de l'institut de l'université libre de Bruxelles (Centre Henri Rolin), Droit

humanitaire et conflits armés, Colloque des 28- 29et 30 Janvier 1970, édition de l'université de Bruxelles, Bruxelles, 1970, P. 176.

lendemain de la plus grande guerre (IIe guerre mondiale), aurait marqué le plus grand recul du droit humanitaire. (9)

Ces dernières ont insisté sur le fait, qu'aucune définition ne soit donnée à la notion de « Conflit armé à caractère non international », afin qu'elles puissent l'interpréter à leur aise et selon leurs intérêts.

Le but principal de l'article 3 est de sauvegarder les principes d'humanité dans les conflits quelque soit leur nature, cependant seuls les Etats possèdent la compétence d'appréciation de l'application des garanties minimales auxquelles a droit tout individu.

Les Etats préfèrent invoquer le prétexte de la souveraineté et donner une dimension interne à tout conflit pouvant les inciter à appliquer le DIH à l'égard de ceux qui les contestent par les armes. « Interner » les conflits, permet aux Etats de neutraliser et d'éliminer les individus qui les contestent par les armes dans leur ordre interne et par tous les moyens, au lieu de les soumettre à l'ordre international.

Ainsi pendant la guerre d'Algérie, la France a tout d'abord cherché à intérioriser le conflit en déclarent que, du fait que l'Algérie était rattachée à la France par l'ordonnance de 1834, tout conflit qu'y viendrait à y naître ne pouvait être qu'interne. Ensuite elle a cherché à se soustraire à l'application totale du droit humanitaire contenu dans les conventions qu'elle a pourtant ratifié, après avoir pris un rôle actif dans leur élaboration. Dans les premiers temps de la guerre, les autorités françaises disaient qu'il ne s'agissait que de banditisme fréquent (10).

(9)Ibid, P. 177.

(10) Ibid ; pp 178-179).

Ce que l'on pourrait dire, c'est que la notion de « mauvaise foi » joue ici un rôle primordial dans la relation de l'Etat avec les groupes dissidents. Les Etats ont souvent tendance à évoquer la notion de souveraineté dans l'application de l'article 3 commun. Pour eux, appliquer ses dispositions serait, porter atteinte au principe de la souveraineté et attribuer aux insurgés des garanties judiciaires et un traitement humain. En invoquant un tel prétexte, les Etats font largement étalage de leur mauvaise foi à l'égard de ceux qui ont osé les contester par les armes.

La souveraineté n'est donc qu'un prétexte erroné dont les Etats se servent, l'Etat qui respecte et applique les dispositions de l'article 3 n'est pas tenu à attribuer le statut de belligérant ou de prisonnier de guerre. Il n'y a absolument pas de contradiction entre l'application de l'article 3 commun et le dogme de la souveraineté nationale, la première n'exclue pas la deuxième. L'article 3 ne demande pas aux Etats d'accorder aux insurgés un statut spécifique, -le dernier alinéa est clair à ce sujet, l'application des dispositions qui précèdent n'aura pas d'effet sur le statut juridique des Parties au conflit- mais de leur appliquer les dispositions humanitaires auxquelles doit avoir droit tout Etre humain.

Dire que l'application de l'article 3 porte atteinte à la souveraineté n'est en fait que l'expression de la mauvaise foi des Etats. En réalité, la raison pour laquelle les Etats agissent ainsi, est que ces derniers n'ont absolument pas envie de garantir aux individus ayant contesté leur autorité par les armes un traitement humain décent auquel aurait droit tout criminel de droit commun.

Le comportement récalcitrant des Etats à l'égard des dispositions du DIH peut les pousser-en cas de conflit interne- à refuser le contrôle effectué par le CICR sur leur territoire et à privilégier la raison d'Etat à l'humanitaire.

Le cas de la Colombie est un cas spécial. Au point de vue institutionnel la Colombie est un Etat de Droit. Elle est partie à la quasi-totalité des conventions et traités de droits humanitaires depuis la Convention de Genève du 22 août 1864 pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne. Genève, 22 août 1864(11).

La Colombie à l'honneur d'être l'un des premiers pays indépendants à avoir défendu le principe selon lequel les obligations humanitaires ne sont pas fondées sur la réciprocité. En effet, bien avant que les premiers conventions de Genève ou de la Haye soient signées en Europe, « El Libertador », Simon Bolivar, avait signé « un traité pour réglementer la conduite de la guerre » avec le général Murillo, pour « éviter, dans toute la mesure possible de verser le sang». Selon le juriste français Jules Basdevant, cet accord est l'un des textes précurseurs les plus importants du droit international applicable aux conflits armés : non seulement, en effet, il contient des dispositions novatrices concernant le traitement humain des blessés, des malades et des prisonniers, mais encore il présente la première application connue des coutumes de la guerre à ce que nous appelons aujourd'hui « guerre de libération nationale ».

Peu de temps après, le 25 avril 1821, Bolivar a émis une proclamation à l'intention de ses soldats, leur ordonnant de respecter les règles régissant la conduite de la guerre. Selon Bolivar, « même lorsque nos ennemis violent ces règles, nous devons les respecter, afin que la gloire de la Colombie ne soit pas entachée de sang » (12).

Concernant l'application des normes humanitaires, l'article 93 de la

(11) www.cicr.org

(12) SASSOLI Marco et BOUVIER Antoine A., Un Droit dans la guerre : volume II, cas n° 184, Colombie ? Constitutionnalité du Protocole II, Comité international de la Croix Rouge, Genève, 2003, P. 1799.

constitution colombienne reconnaît la supériorité des dispositions des traités et des conventions relatives au droit de l'Homme et droit humanitaire ratifiés par le congrès sur les dispositions du droit interne. L'article 214 stipule qu'en cas d'Etat d'exception, ne pourront être suspendu les droits humains et libertés fondamentales et les règles de droit humanitaire doivent impérativement être respectées.

Signalons qu'aussi strictes que puissent être des dispositions de cette nature, les Etats trouvent toujours le moyen de s'en déroger. Si contrairement à d'autres Etats d'Amérique latine, la Colombie n'a pas eu recours à l' « Opération Condor ». Cependant l'Etat colombien a trouvé qui fasse « la guerre sale » à sa place, notamment par l'intermédiaire de groupes paramilitaires, qui pour le Père Javier Giraldo sont, « le bras illégal et clandestin de l'Etat, et ceci nous empêche de parler de l'Etat colombien comme un « Etat de droit » »(13) .

Après avoir vu la portée et quelques limites de l'article 3 commun, et la place de la notion de « mauvaise foi » des gouvernements dans son application, nous passerons au protocole additionnel II relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux.

(13) Les paramilitaires au coeur du terrorisme d'Etat colombien, Monde diplomatique, avril 2003.

2- LE PROTOCOLE ADDITIONNEL II :

Avec l'adoption des deux protocoles additionnels aux quatre conventions de Genève de 1977, les soldats réguliers et les irréguliers, disposeront en théorie des mêmes droits et mêmes obligations et seront sur le même pied d'égalité. Cependant leur application, ne dépendra que de la bonne volonté de l'Etat.

Prenons l'exemple du premier paragraphe de l'article 4 de la IIIe conventions de Genève. Il stipule que :

« A. Sont prisonniers de guerre, au sens de la présente, les personnes qui, appartenant à l'une des catégories suivantes, sont tombées au pouvoir de l'ennemi :

1) les membres des forces armées d'une Partie au conflit, de même que les membres des milices et des corps de volontaires faisant partie de ces forces armées ;

2) les membres des autres milices et les membres des autres corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance organisés, appartenant à une Partie au conflit et agissant en dehors ou à l'intérieur de leur propre territoire, même si ce territoire est occupé, pourvu que ces milices ou corps de volontaires, y compris ces mouvements de résistance organisés, remplissent les conditions suivantes :

a) d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ;

b) d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance ;

c) de porter ouvertement les armes ;

d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre ».

Les dispositions de cet article sont claires ; tout combattant les ayant respecté sera considéré comme prisonnier de guerre. Mais là encore, le pouvoir d'observation revient aux Etats, et à eux seuls.

Concernant le protocole additionnel II, il est en principe sensé complété l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève, et protéger les victimes des conflits armés non internationaux. Cependant on pourrait dire aussi que ce dernier protège plus les Etats que les principes d'humanité et les victimes des conflits armés non internationaux, surtout lorsqu'il s'agit de défendre le droit des individus ayant contesté leur autorité par les armes. En effet, plusieurs de ses dispositions sont de nature à entraver l'application des normes humanitaires dans les cas de conflit armé à caractère non international.

Commençons tout d'abord par délimiter le champ d'action de ce protocole. En principe, il doit s'appliquer à tous les conflits non couverts par le premier protocole additionnel, qui se déroule sur le territoire d'un pays y ayant adhéré et qui opposent des forces armés régulières à des « forces armées dissidentes ».

L'utilisation de « forces armées dissidentes » n'est pas due au hasard. En DIH, à chaque fois qu'une formulation peut entraver le champ d'action des Etats, on adopte des notions que ces Etats peuvent interpréter à leur aise. La notion de «forces armées dissidentes » n'échappe pas à la règle, ici aussi l'Etat détient la compétence de lui attribuer la définition la plus propice à ses intérêts. Le terme « dissidentes », signifierait contraire à l'autorité étatique, l'Etat peut donc tout à fait invoquer le prétexte de souveraineté, et parler de rétablissement de l'ordre publique comme l'y autorise l'article 3 de ce protocole afin de disqualifier politiquement le groupe dissident et ainsi pouvoir soumettre ses membres à son ordre interne, et les considérer comme de simples criminels ayant troublé l'ordre

établi, vu que le dit protocole ne peut en aucun cas être appliquer aux situations de troubles intérieures et compagnie.

Pour que des forces armées irrégulières puissent être reconnues en tant que forces belligérantes, -en plus de devoir se soumettre aux dispositions de article 4 de la IIIe convention de Genève- ces dernières doivent exercer sur une partie du territoire un contrôle qui leur permette de mener des opérations continues et concertées et il leur est impératif d'appliquer les dispositions du protocole.

Ces exigences constituent une restriction majeure à l'égard des guérilleros et même quand ces derniers veillent à bien s'y soumettre, leur statut juridique restera toujours attaché à la volonté de l'Etat.

En Colombie, les groupes armés exercent un vaste contrôle sur plusieurs parties du territoire qui leur permet de mener des opérations continues et concertées. Prenons le cas des FARC, bien que ces derniers n'aient pas une forte présence dans les zones urbaines, ils exercent un contrôle dans plusieurs régions du pays, qui sont principalement des zones rurales (Caractéristique de la Guérilla), ces zones représentent des routes qui relèvent d'une grande vitalité, et d'une grande importance stratégique pour le trafic d'armes et de stupéfiants. Ces derniers ont une forte présence dans les département de, Nariño, Putumayo, Huila, Cauca, Valle del Cauca, Vichada, Caqueta, Tolima, Vaupes, Quindio. (Voire carte, page suivante).

Le gouvernement actuel ne les reconnaît pas en tant que groupe belligérant, il parle de rétablissement de l'ordre public mais aussi de l'application du protocole additionnel II. C'est là, une attitude controversée de la part du gouvernement colombien.

Concernant l'article 5 du protocole, on peut remarquer là aussi une dérogation à la notion de prisonnier de guerre. Les rédacteurs du protocoles se sont abstenus

de faire allusion à la notion de prisonnier de guerre, afin de laisser le champ libre aux Etats de juger à leur guise et selon les dispositions de leurs choix les individus ayant osé porter ouvertement les armes contre eux. Cette disposition permet aux Etats d'appliquer aux guérilleros le droit pénal interne au lieu des garanties auxquelles ont droit les prisonniers de guerre. Nous pourrions ajouter l'idée comme quoi l'article 6 du protocole II, renforce la position des Etats face aux guérilleros. Cet article contient soi-disant les conditions de jugement équitable au quel a droit tout individu, mais ce que l'on peut constater, c'est que la portée de l'article 6 reste limitée au droit pénal interne, or un combattant tombé entre les mains d'une puissance ennemie ne doit en aucun cas être jugé par les juridictions internes de la puissance qui l'a capturé. C'est pour cette raison que les Etats ont tendance à gérer leur conflit sur le plan interne.

Les dispositions du protocole additionnel II et les autres dispositions du DIH en général, laissent les guérilleros et les autres catégories de combattants irréguliers à la merci des Etats, c'est la raison pour laquelle nous pouvons les considérer comme restrictives et discriminatoires à leur égard.

L'application du DIH n'est pas basé sur un critère objectif, mais elle est attaché à l'existence d'une situation de fait qu'est le conflit, or le hiatus qui persiste dans ce cas, et on ne le dira jamais assez, seuls les Etats possèdent le droit de constater l'existence d'un conflit, et si ces derniers nient le conflit et l'internent en évoquant le rétablissement d'ordre public, l'application des dispositions humanitaires ne pourra avoir lieu, comme il n'y a pas de fumée sans feu, il n'y a pas d'humanitaire sans la reconnaissance de conflit, vu que le DIH n'est pas applicables aux situations de troubles internes et rétablissement de l'ordre public. Les Etats refusent d'adhérer à certaines règles de droit humanitaire pour ne pas devoir les appliquer. Si nous prenons l'exemple des

protocoles additionnels, nous verrons que des Etats comme Israël ou les Etats- Unis ne les ont pas ratifiés, et que d'autres comme la Turquie ne les ont même pas signé (14).

Pour conclure, nous pourrions dire que le DIH ne peut être que restrictif à l'égard des combattants irréguliers, puisqu'il n'a été consenti et ratifié que par les Etats eux même. Dans ce cas, on pourrait même parler de « droit établi sur mesure ». D'ailleurs, si l'application des dispositions du DIH ne dépendait pas que de la bonne volonté des Etats, très peu d'Etats y auraient adhéré.

Le DIH apparaît donc comme un ensemble d'outils mis à la disposition des gouvernements pour se prémunir de la menace que représente pour eux la Guérilla, puisque les gouvernements dans ce genre de situation ont tout à perdre et rien à gagner.

(14) www.cicr.org

SECTION 2 : GUERILLA ET SOUVERAINETE

NATIONALE.

Les Etats en tant qu'entités souveraines, s'acharnent toujours à défendre cette souveraineté par tous les moyens dont ils disposent et à considérer plusieurs actes et événements comme portant atteinte à cette dernière. Parmi les événements considérés comme une menace au principe de souveraineté, nous trouvons la formation de groupes armés dissidents sur le territoire d'un Etat. Nous verrons en premier lieu la portée de cette menace à la souveraineté et à stabilité politique de l'Etat (1), et en deuxième lieu les enjeux de la de la reconnaissance de la guérilla en tant que groupe belligérant (2).

1- LA GUERILLA COMME « MENACE » A LA STABILITE

POLITIQUE DE L'ETAT.

Pour un Etat, l'existence de groupes armés dissidents sur son territoire constitue une menace à sa stabilité politique.

Au cours de notre première année à la faculté de droit, bon nombre des cours auxquels nous avions eu droit, portaient sur les éléments constitutifs de l'Etat. On essaiera donc, de voir la portée de cette menace à la lumière des trois éléments classiques, constitutifs de l'Etat, à savoir : le territoire la population et la souveraineté. Nous commencerons d'abord par la notion de territoire et nous verrons ensuite respectivement celles de population et souveraineté.

Etat et territoire sont deux notions indissociables, ce sont les frontières géographique qui limitent l'expansion du pouvoir de l'Etat. Le territoire est l'élément objectif essentiel dans la définition de l'Etat, et c'est lui qui définit le cadre de compétence de ce dernier (15).

Le territoire est un moyen d'action pour l'autorité qui y règne, le pouvoir de l'Etat comme celui du groupe dissident, peut facilement obliger les individus à avoir un comportement donné. Le territoire de l'Etat correspond au sol, sous-sol des espaces maritimes et aériens qui surplombent le territoire terrestre, maritime et fluvial. Dans le cas des guérilleros nous nous limiterons aux espaces terrestres maritimes et fluviaux puisque ces derniers n'ont généralement pas les moyens de contrôler plus.

(15) Rolland DEBBASCH, Droit constitutionnel, litec, paris, 2000, p.8.

En principe chaque Etat doit défendre son territoire et doit y être présent, il ne peut en aucun cas consentir à l'abondons d'une partie de ce territoire. Cependant lorsqu'un Etat se confronte au problème de l'existence de groupes dissidents, le principe de l'intangibilité des frontières perd de son importance et l'autorité Etatique se voit contrainte à abandonner une partie de son territoire aux insurgés, surtout quand ces derniers sont assez forts pour la contraindre à le faire.

Là où la force publique est vacante, l'Etat n'exerce pas sa souveraineté, ceci concerne le territoire comme la population. L'Etat se voit donc concurrencé et contesté par des groupes qu'ils considère comme illégaux, et sur ce qui constitue son territoire géographique. Il n'a donc aucune représentation tangible et concrète sur ce territoire.

L'autorité possède de droit un territoire qui ne lui appartient pas de fait, et dans le cas où ce territoire contiendrait des ressources naturelles, l'Etat ne pourra pas les exploiter parce que le groupe dissident l'en empêche.

Concernant le deuxième élément, c'est-à-dire la population, on parle de l'Etat comme société organisée parce qu'il se compose d'individus sur lesquels il exerce son pouvoir. La population est un ensemble limité d'hommes et de femmes soumis à un ordre juridique au sein des frontières géographiques de cet Etat (16) . Dans le cas d'existence de groupes guérilléros, ces dispositions étatiques peuvent leur être assimilées.

En effet, quand un groupe dissident contrôle un territoire déterminé, ses individus ne sont plus soumis à l'autorité étatique mais à celle des insurgés, cette soumission peut être consentie ou imposée par la contrainte.

(16) Ibid. p.9.

La population des territoires contrôlés par les insurgés, devient assujettie au pouvoir des rebelles et non à celui de l'Etat à qui elle appartient juridiquement. Ces individus ne sont donc plus soumis à l'ensemble des normes nationales comme le reste des citoyens mais bien aux règles et aux normes qui leur sont édictées par les groupes dissidents.

La souveraineté quant à elle constitue le troisième élément, c'est la caractéristique juridique de l'Etat, l'Etat est en principe le seul à posséder un pouvoir souverain, elle lui permet de n'obéir à aucune autre autorité si ce n'est la sienne(17). Cependant, la présence de la guérilla représente un danger pour la cette souveraineté, l'Etat ne peut pas exercer son pouvoir dans les zones contrôlées par cette dernière, il n'est donc plus souverain sur son propre territoire, et par conséquent il ne peut plus exercer son pouvoir sur ses individus. Cette atteinte à la souveraineté est beaucoup plus accentuée dans les cas où l'Etat en question est absent physiquement de ces territoires, cette absence peut être constatée aussi bien par l'absence de forces publiques que par l'absence d'instances civiles.

L'Etat se retrouve donc dans une situation, où il n'est plus souverain sur son propre territoire et où l'autorité des guérilleros est supérieure à la sienne.

Pour résumer, nous pourrions dire qu'avec l'existence de groupes dissidents contrôlant un territoire déterminé, l'Etat possède juridiquement des territoires qui ne lui appartiennent pas, et dont la population est soumise à des normes autres que les siennes et que sa souveraineté est gravement bafouée. On pourrait parler de l'existence d'un Etat dans l'Etat. Or aucun Etat n'assumerait favorablement cette situation. Cette menace contre la stabilité politique de l'Etat est encore plus éminente quand les groupes guérilleros jouissent d'une reconnaissance internationale de la part d'Etats tiers.

(17) Ibid. p.10.

Vu, la menace que représente l'existence des groupes armés dissidents sur le territoire d'un Etat aussi bien au niveau interne qu'international, on comprend pourquoi ces derniers adoptent un comportement timoré à l'égard de leur reconnaissance en tant que groupes belligérants.

2- ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DE LA

BELLIGERANCE.

La reconnaissance des groupes insurgés comme belligérants est une étape beaucoup plus compliquée à franchir pour les Etats que l'application des règles humanitaires dont l'article 3 commun. Les Etats adoptent une attitude timorée lorsqu'il s'agit de reconnaître une partie au conflit, en effet si la question de l'application de l'article 3 commun n'est qu'une simple question de volonté politique et ne représente aucune atteinte à la notion de souveraineté nationale et ni à celle d'intégrité territoriale, tel n'est pas le cas quand il s'agit de reconnaître une situation de belligérance sur son territoire, cette dernière comportent des enjeux beaucoup plus graves et dangereux pour le dit Etat.

Les Etats souffrent d'une certaine peur et phobie lorsqu'il s'agit de reconnaître une partie au conflit en tant que groupe belligérant. Ce sentiment nous semble-t-il est tout à fait normal et légitime, vu les enjeux d'ordre juridique et politique que représente la reconnaissance de la partie insurgée aussi bien pour lui que pour le gouvernement en place, ce dernier a beaucoup plus à perdre qu'à y gagner, de là on peut comprendre la prudence et la réticence des Etats vis à vis de cette reconnaissance.

La reconnaissance est l'acte par lequel un Etat reconnaît l'existence d'un conflit armé à caractère non international sur son territoire et attribut aux membres du groupe ou des groupes armés dissidents le statut de belligérants avec les garanties que ce dernier comporte.

L'origine de la « reconnaissance » remonte à la guerre d'indépendance américaine. Avant cette date aucun manuel de droit international n'y faisait allusion à l'exception des travaux de « Grotius ». Cependant, cette reconnaissance ne commençât à se matérialiser qu'à la fin du XVIIIe siècle (18).

Les gouvernements sont souvent réticents à reconnaître la belligérance, d'une part cette reconnaissance sera interprétée comme un signe de faiblesse de la part du gouvernement qui l'énoncera aussi bien au niveau interne vis-à-vis de ses citoyens, qu'au niveau internationale. D'autre part, cette reconnaissance pourrait renforcer l'autorité des groupes dissidents qui peuvent en tirer de grands avantages dans leurs actions de propagande envers l'opinion nationale et internationale. (19)

La reconnaissance peut être soit formelle ou tacite, émaner du même Etat ou d'un Etat tiers.

Pour Wehberg et Jessup, la déclaration de neutralité de la part d'un Etat tiers constitue une reconnaissance de belligérance des insurgés. (20)

Cependant, la majorité des juristes accordent que la reconnaissance reste un acte fortement attaché à la volonté de l'Etat et qu'ils n'existent pas un critère objectif pour reconnaître une situation de belligérance. Ceci dit, il existe certains actes susceptibles de conduire à une reconnaissance tacite d'une situation de belligérance.

Le fait pour un Etat de s'asseoir à la table des négociations avec les représentants d'un groupe dissident constitue bien une reconnaissance. Tout acte d'un Etat impliquant sa personnalité juridique devant les insurgés, notamment

(18) Daoud L. Khairallah, Insurrection under International Law, Publication of the Lebanese university,

Librairie du Liban, Beirut, 1973, page 16.

(19) Mohamed Bennouna, Le consentement à l'ingérence militaires dans les conflits internes, édition L.G.D.I, Paris, 1974, P.22.

(20) Daoud L. Khairallah, Insurrection under International Law, op. cit , P 37.

tout traité passé avec eux équivaut à une reconnaissance.

Pour le CICR, faire appel ou recevoir une assistance militaire d'un pays tiers constitue un acte de reconnaissance d'une situation de belligérance de la partie adverse (21).

Le fait d'exiger aux insurgés le respect des lois et coutumes de la guerre, constitue une reconnaissance. Sinon pourquoi exiger à des criminels de droit commun le respect des dispositions du droit des conflits armés ?

Enfin, certains juristes pensent que - dans un souci de réduire les atrocités et les souffrances des conflits armées à caractère non international - le fait que l'Etat veuille appliquer les dispositions du DIH ne constitue pas vraiment une reconnaissance de belligérance.

La reconnaissance du statut de belligérant confère aux groupes armés irréguliers le droit de conduire la guerre dans les mêmes conditions d'égalité que l'Etat. En cas de capture ils auront droit au statut de prisonnier de guerre avec les garanties que ce statut comporte et ne pourront être jugés en tant que criminels de droit commun. Ils passent d'être sujets de l'Etat à être sujet de droit international, chose qui les pousse à répondre de leurs actes devant les juridictions internationales, de ce fait, ils ne pourront être soumis au droit pénal interne ni répondre devant les juridictions internes. Or les Etats n'aiment pas soumettre les individus ayant contredit leur autorité par les armes aux juridictions internationales afin de pouvoir les éliminer dans leur ordre interne. Cependant, lorsque ces groupes sont assez forts sur le plan politique et militaire, ils peuvent contraindre l'Etat à les reconnaître.

Concernant le cas colombien, les groupes armés dissidents ont joui du statut de groupes belligérants à plusieurs reprises par différents gouvernements.

(21) 21ème conférence de la croix rouge, Istanbul, Septembre 1969, P.5.

Cependant cette reconnaissance n'émanait pas que de la bonne volonté des gouvernements mais aussi du fait que ces groupes dissidents disposaient de la force politique nécessaire pour obliger ces derniers à les reconnaître.

Le dernier gouvernement à l'avoir fait est celui de l'ex-président M. Andrés Pastrana (1998-2002). Ce dernier s'était engagé dans un processus de paix notamment avec les Farc et l'ELN au cours de son mandat. Suite à l'échec de ce processus, M. Pastrana rompit, quelques mois avant la fin de son mandat présidentiel les relations et les accords auxquels le gouvernement était parvenu avec les groupes guérilleros.

Pendant les années 80 une fraction des FARC décidât de déposer les armes et de constituer un parti Politique l'« Union Patriotique » (UP). Ce parti participât avec succès aux élections de 1986: 350 conseillers municipaux, 23 députés et 6 sénateurs furent élus au congrès. Au cours de son mandat le président Virgilio BARCO VARGAS (1986-1990) avait incité le « Mouvement du 19 avril » (M 19), qui était le groupe guérillero le plus important de l'époque à faire de même.

En 1991, le « M19 » a été majoritairement représenté au sein de l'assemblée constituante chargée d'élaborer une nouvelle constitution afin de remplacer celle de 1886 qui était devenue obsolète (22).

Le président actuel M. Alvaro URIBE VELEZ (2002-20 10), premier président réélu grâce à une modification de la constitution a basé son programme électoral sur une politique de main de fer à l'égard des guérilleros et sur une solution par voie militaire. Il est parvenu à faire des groupes dissidents l'ennemi

(22) Breviario de Colombia, édition Panamericana, Bogota, 2003, pages 170, 171 et 172.

public numéro de la Colombie, et refuse pour l'instant toute solution pacifique au conflit.

Les dénominations utilisées par, ce dernier, son gouvernement, les forces armées et de plus en plus par les médias colombiens sont, celle de narcoterroriste qu'on n'a guère besoin de définir et de subversif qui désigne toute personne portant atteinte à l'ordre établi.

En outre, le président Uribe s'acharne à parler de maintien de « l'ordre public » et à nier toute allusion à la notion de conflit armée.

On constate une attitude contradictoire de la part des autorités colombiennes actuelles, d'un côté on met en évidence l'importance du respect du droit des conflits armés et on insiste sur l'application de ses dispositions , et d'un autre côté on nie l'existence d'un conflit et on parle ouvertement du maintien de l'ordre public. Or le DIH n'est pas applicable en cas d'émeutes, de troubles et de tensions intérieures ou lorsqu'il s'agit du maintien de l'ordre public interne.

On a du mal à être en accord avec le président Uribe, en effet, quand on a des groupes armés dissidents qui contrôlent plusieurs portions du territoire national et comptent plusieurs dizaines de milliers d'Hommes dans leurs rangs, il est difficile, voire absurde de parler de maintien de l'ordre interne et la préservation de l'intégrité territoriale.

Lorsqu'on visite le site officiel de l'armée colombienne (23) on se trouve avec des slogans tels que : « Le respect du DIH est la meilleur façon de regagner la confiance du peuple colombien en son armée ». Mais quelles sont les raisons qui poussent à adopter de telles attitudes ? Le gouvernement s'engage-t-il vraiment à

(23) www.ejercito.mil.co

respecter et appliquer les règles du DIH et de cet fait les dispositions constitutionnelles qui l'y obligent, ou le fait-il uniquement parce que ce dernier a compris et comme il l'a exprimé à plusieurs reprises : «qu'il n'y pas de victoire sans le soutien de la population ».

Au-delà des raisons humanitaires, on trouve les raisons idéologiques. Le gouvernement s'efforce t- il à faire respecter les dispositions constitutionnelles dans le but de respecter le DIH et la constitution colombienne qui est très exigeante en matière de droits humains ? Ou fait-il cela dans un but purement idéologique ? Puisque l'humanitaire apparaît comme un instrument politique dont chaque Etat peut se servir, au gré de ses besoins idéologiques. (24)

Quel est le véritable objectif du Président de la République ? Pourquoi veut-il acharnement mettre fin au Farc en particulier et à la guérilla en général ? Surtout par voie militaire. Serait-ce pour rendre une faveur à son pays en débarrassant la Colombie des FARC et compagnie? Ou uniquement dans le but de pouvoir venger la mort de son père ? Ou pour défendre les intérêts nord-américains en Colombie et dans la région ?

Après avoir vu dans une première partie, les différentes qualifications de la Guérilla en DIH, ainsi que l'importance du concept de reconnaissance, et la portée de la menace de l'existence de la Guérilla à la souveraineté nationale des Etats. Nous essaierons de voir au cours de la deuxième partie de ce travail le statut juridique du Guérillero, et les garanties humaines aux quelles il doit avoir droit.

(24) El BOUHAIRI Youssef, op.cit, P 65.

Deuxième Partie :

Le statut du guérillero

en DIH.

Section 1 : Le guérillero entre Terroriste et

combattant de la liberté

La notion de « terrorisme » connaît de nos jours une ampleur considérable sur la scène internationale, l'accroissement fulgurant des organisations dites terroristes en est la preuve. En outre on a tendance à confondre terrorisme et guérilla. Quelle est donc la nature de la relation entre les deux ? Le guérillero est-il un terroriste ou un combattant de la liberté ? Nous essaierons d'établir quelque critère de distinction entre les deux dans un premier temps, ensuite nous verrons la nature de la relation entre guérilla et population civile.

1- Guérilla et Terrorisme.

Comme pour « la notion de conflit armé non international », il n'existe pas de définition précise de la notion de « terrorisme ». Ce terme reste chargé de connotations politiques et idéologiques (25).

Cette situation d'ambiguïté profite principalement aux Etats. Là encore, la définition de la notion de terrorisme dépend strictement du caractère qu'ils veulent lui attribuer. En effet, si plusieurs dispositions du DIH condamnent les actes terroristes, ces dernières ont laissé le champ libre aux Etats de les interpréter à leur guise. L'appréciation des actes terroristes relève donc strictement de la compétence de l'Etat. Pour eux, tout acte émanent d'un groupe dissident doit être considéré comme acte terroriste.

Concernant, la différence entre combattant de la liberté et terroriste, il faut signaler que la distinction entre les deux émane d'un critère subjectif et non pas objectif : comme le prouve un célèbre adage « Le terroriste des uns est le combattant des autres ». Il est difficile d'établir un critère précis qui permette de distinguer la notion de combattant de la liberté de celle de terroriste, aux yeux des Nazis par exemple les maquisards français étaient bien des terroristes, tandis que pour tout français désirant l'indépendance de son pays, ces derniers étaient des résistants et des combattants de la liberté. La même situation paradoxale s'appliquait au cas de la France coloniale vis-à-vis des mouvements de résistance au Maghreb ; la guerre d'Algérie en est un exemple.

Selon un témoignage : « Face aux obus des chars, aux bombardements

(25) BOUCHET SAULNIER Françoise, Dictionnaire pratique de droit humanitaire, op.cit, p.517.

des avions F-16, aux missiles des hélicoptères Apache de l'armée d'occupation, que pouvons nous faire d'autre qu'envoyer nos enfants se faire tuer en Israël ? », disait tristement Ismaïl Abou Shanab l'un des fondateurs du Hamas au journaliste britannique Phil Rees(26).

Pour Phil Rees, les Palestiniens sont des résistants, au même titre que les israéliens sous le mandat britannique (1922-1948) et les Français sous occupation nazie.

Donc, si aujourd'hui le Hamas est considéré comme groupe terroriste par Israël et compagnie, tel n'est sûrement pas le cas pour une grande partie des palestiniens.

De nos jours, Les Etats Unies tendent à définir comme terroriste toute organisation portant atteinte à leurs intérêts ou à ceux de leurs alliés, et à condamner tout mouvement ou régime qui résistent à leur hégémonie (Iran, Venezuela...).

Cependant, si le critère de distinction reste principalement subjectif, on peut quand même établir certains critères de distinction entre terroriste et guérillero.

Tout d'abord, signalons que la guérilla et les MLN jouissent d'un statut international dans le cadre du principe du droit des peuples à l'autodétermination, alors que le terroriste ne peut en aucun cas avoir un statut international ni songer à en avoir.

Le fait que la guérilla et les MLN ne soient pas des organisations terroristes, ne les empêche pas d'avoir recours au terrorisme. Le terrorisme est un fait, et les théoriciens de la guérilla le proclament ouvertement(27).

(26) ERIC ROULEAU , « Le bien, le mal et le terrorisme », Le monde diplomatique, mai 2007 -- Pages 24 et 25.

(27) Extrait de la communication du professeur Henry Meyrowitz, Centre de droit international de l'institut de l'université libre de Bruxelles (Centre Henri Rolin), Droit humanitaire et conflits armés, Colloque des 28- 29et 30 Janvier 1970, édition de l'université de Bruxelles, Bruxelles, 1970, p 198 et 199.

Le Guérillero et le résistant ont recours à la terreur uniquement comme moyen, ils visent généralement des symboles de l'Etat, comme ses institutions, ses représentants ou ses défenseurs. Contrairement au terroriste qui à côté des symboles étatiques, n'hésite pas à s'attaquer à la population civile et fait de la terreur une fin en soi.

Une autre différence est que le terroriste ne porte ni de signe distinctif reconnaissable à distance, ni ouvertement les armes, il cherche à garder l'anonymat et agir en toute clandestinité afin d'optimiser-avec un minimum d'effectifs- le degré de terreur jugé nécessaire à l'accomplissement de son acte.

D'autre part, si le soutien de la population civile est un élément vital pour le guérillero, le terroriste peut s'en passer, il n'en n'a aucunement besoin pour atteindre son but et il n'a pas l'obligation de respecter le DIH.

Malgré le fait que les guérilleros recourent souvent au terrorisme, ceci ne peut servir comme prétexte aux Etat belligérant pour leur refuser ou leur retirer la reconnaissance comme belligérant, ni pour leur dénier le statut de prisonnier de guerre.

Les insurgés doivent néanmoins, respecter les dispositions du DIH, non pas pour le respect du DIH, mais pour la population civile, les violations abusives de ce dernier peuvent ternir l'image des insurgés auprès de la population civile elle- même, et donc après avoir joui du soutien volontaire de la population, cette dernière pourrait se retourner contre eux. Dans ce cas ils seraient obligés de s'imposer à la population civile par la force, ce qui nuirait d'avantage à leur image et à la cause qu'ils défendent.

2- La Population civile :

La population civile forme partie des catégories des personnes protégées par les quatre conventions de Genève et leurs protocoles additionnels. Toutefois, malgré son caractère apparemment inoffensif, cette dernière peut s'avérer d'une importance transcendantale en tant que force indirecte de soutien aux guérilleros

(29).

La population civile est un élément vital pour les insurgés et sans lequel ils ne peuvent survivre, aucun mouvement rebelle n'aurait de chance de réussir s'il n'a pas le soutien de la population civile (30). Elle forme une catégorie de « combattant indirect » qui est typique des mouvements de guérilla. Cette dernière vit par l'environnement civil ; c'est la population civile qui dans tous les sens du mot nourrit la guérilla (31).

Pour Mao Zedong, le combattant de la liberté doit s'immerger dans la population comme « un poisson dans l'eau », il y trouve en principe la complicité et la sympathie nécessaires pour son ravitaillement, son financement tout en offrant une couverture contre la répression étatique. Quand le soutien est assez fort les forces armées de l'Etat parviennent difficilement à bout des insurgés qui se confondent au sein de la population civile.(32)

La population civile remplit une fonction stratégique et tactique pour cette lutte, elle représente l'environnement qui nourrit l'insurrection contre le pouvoir en place. Néanmoins, elle ne lui y est utile qu'à condition de rester dans l'état

(29)Extrait de la communication du professeur Henry Meyrowitz, op.cit, p 190.

(30) El Bouhairi Youssef, op.cit, p 221.

(31) Extrait de la communication du professeur Henry Meyrowitz, op.cit, p190.

(32) El Bouhairi Youssef, op.cit, p 221.

civil.(33)

Cette relation entre population civile et guérilla met cette dernière gravement en danger. Cette situation peut les mener à être victime d'innombrables abus de la part des forces gouvernementales, ou de groupes anti-insurrectionnels comme les AUC en Colombie, qui se charge d'éliminer toute personne soupçonnée d'appartenir à la guérilla ou de lui apporter soutien.(34)

Il faut signaler aussi que cette même population civile peut être victime de la propre guérilla dans le cas où elle se montrerait récalcitrante. En effet, la population demeure protégée et bien traitée lorsque cette dernière collabore volontairement, dans le cas contraire la guérilla n'hésite pas à recourir à la terreur pour l'y obliger.

Si la population civile est un composant aussi vital pour la réussite de tout mouvement d'insurrection que l'est l'eau pour le poisson, c'est pour cette raison que le combattent de la liberté doit veiller à la protéger et à la préserver, puisque dans le cas contraire tout mouvement de guérilla sera voué à l'échec, comme l'affirme Mao « si l'eau se retire ou se tarit, le partisan n'échappe pas à la mort », donc si la guérilla perd le soutien de la population, elle ne pourra plus atteindre son objectif.

En Colombie, si pendant plusieurs années les groupes armées dissidents jouissaient d'une certaine popularité auprès de la population civile, tel n'est plus le cas actuellement. En effet, on pourrait dire que par leurs méthodes condamnables les groupes armés dissidents sont parvenus à faire de leur premier

(33) Extrait de la communication du professeur Henry Meyrowitz, op.cit, p190.

(34) Lors d'un interview télévisé, Carlos Castaño, chef des AUC pour justifier les massacres commis par ses troupes, disait qu'elles ne faisait que s'attaquer à des guérilleros habillés en civils ou à leurs collaborateurs.

soutien leur première victime.

En Amérique latine, jamais un mouvement de Guérilla n'a été aussi sanguinaire et n'a commis autant d'atrocités comme la Guérilla colombienne ces dernières années.

Signalons qu'en Colombie, les affrontements les plus sanglants ont lieu entre la Guérilla et les groupes paramilitaires, la nature de ces affrontements n'a pas uniquement une connotation politique, mais relève d'une grande importance stratégique, puisque ces derniers se disputent généralement des points de passage stratégique vitaux au trafic illicite.

L'usage d'armes non conventionnelles comme les cylindres à gaz représente un énorme danger pour les civiles. En 2002, lors d'un affrontement avec les AUC, les FARC avaient bombardé une église où s'étaient réfugiées plusieurs personnes, l'explosion causa plus d'une centaine de morts dont 40 enfants, et plusieurs dizaines de blessés. Le pape Jean-Paul II qualifiât cet acte, d'acte terroriste. Cet événement est connu sous le nom de « Massacre de Bojaya ».(35)

Bien qu'en théorie les guérilleros et les paramilitaires soient ennemis jurés, ceci ne les empêche pas de s'allier de temps en en temps lorsque des intérêts communs relatifs au trafic de stupéfiants entrent en jeu. (36) . Ce qui nous, mène à l'idée que le trafic de drogue est un facteur non négligeable du conflit armé colombien.

Les Nations Unies, Amnisty international, et Human Rights Watch, ont accusé les FARC d'avoir commis de graves violations du DIH. Parmi les

(35)Rapport du bureau colombien du haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, Bureau colombien du haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, 2 mai 2002.

(36)Farc y las Águilas Negras se alían en negocios de narcotráfico en el sur de Bolívar, Semana, Bogota, avril 2008.

violations les plus importantes, on trouve, le recrutement de mineurs (37),traitement inhumains et dégradent à l'égard des otages (38), déplacement forcé(39) et la prise d'otages (40) .

Concernant le recrutement, selon Human Rights watch, les FARC recruteraient des enfants de moins de 18 et 15 ans. Le nombre d'enfant soldats en Colombie est estimé à environ sept mille mineurs.

Ajoutons aussi le fait que les FARC soient considérées comme les plus grands poseurs de mines antipersonnelles au monde, elles n'hésitent pas à les poser aux alentours d'endroits protégés comme les églises, les écoles et les parcs, la Colombie est le pays ayant le plus grand nombre de victimes de mines antipersonnelles.(41)

Autre technique très courante chez les FARC est le recours à la prise d'otage. La prise d'otage peut être à des fins lucratives ou à des fins politiques et dont la plus tristement célèbre est Madame Ingrid Betancourt, kidnappée depuis 2002 et dont les médias français sont parvenus à en faire un vulgaire produit télévisé (42). J'ajouterai même que le véritable souci des français n'est pas la libération d'Ingrid mais simplement le fait de vouloir apparaître comme ses libérateurs, chose que jusqu'à présent, ils n'ont pas réussi à faire. En outre, le fait de commettre des attentats par l'utilisation d'animaux, de cadavres et de véhicules protégées comme les ambulances, n'améliore pas les choses pour les FARC.

(37) Rapport de Human Rights Watch: «Colombia: Armed Groups Send Children to War», 22 février 2005. Version en ligne 1 septembre 2006.

(38) Human Rights Watch: Traitement inhumain à légard des capturés.

(39) Human Rights Watch: Déplacement des civiles causé par les FARC.

(40) Human rights watch -- le DIH et la conduite des farc.

(41) Human rights watch -- le DIH et la conduite des farc.

(42) les souffrances humanitaires demeurent un produit télévisé, bien construit, bien manipulé par les médias. El BOUHAIRI Youssef, op.cit, p.358.

Face à des guérilleros qui commettent autant de violations au DIH, il est très difficile de les qualifier de combattant de la liberté. Cependant, aussi atroces soient leurs actes ces derniers ne perdent pas en principe leur statut de combattant.

La guérilla doit respecter le DIH, non de façon dogmatique, ni pour se voir attribuer un statut juridique donné, puisque le respect du DIH n'est pas basé su la réciprocité et que le fait de le respecter n'entraîne pas la reconnaissance de la partie qui l'applique, mais uniquement dans un souci humanitaire pour le bien de la population civile.

Après avoir vu quelques critères de distinction entre guérillero et terroriste, et la relation du guérillero avec la population civile, nous essaierons d'aborder au cours de la dernière section la question des garanties auxquelles a droit le guérillero et leur degré d'applicabilité.

SECTION 2 :
LE GUERILLERO ET LES GARANTIES HUMAINES.

Le Guérillero en tant que sujet de droit international jouit des mêmes droits et garanties humaines que le soldat régulier, en cas de capture, le statut de prisonnier de guerre doit lui être attribué, et dans le cas où ce dernier ait commis des crimes de guerre, il doit avoir droit à un jugement équitable.

Nous verrons tout d'abord l'octroi du statut de prisonnier de guerre, ensuite nous verrons les conditions de jugement équitable attribué au guérillero par le DIH et leur degré d'applicabilité.

1-L'octroi du statut de prisonnier de guerre.

Le prisonnier de guerre est en théorie, tout individu appartenant à une partie dans un conflit qui tombe entre les mains d'une partie adverse. L'octroi de ce statut comporte un nombre important de garanties dont bénéficie toute personne qui se le verra attribué. Signalons quand même que si l'octroi de ce statut est chose facile dans le cadre d'un conflit armé international, tel n'est pas le cas dans le cadre d'un CANI.

En adoptant les dispositions de l'article 4 de la IIIe Conventions, les négociateurs de 1949 ont réalisé une extension importante du statut de prisonnier de guerre par rapport aux textes existants auparavant. En 1977 avec l'adoption des deux protocoles additionnels, le statut de prisonnier de guerre sera élargi d'avantage, notamment en élargissant la notion de forces armées et celle de Combattant.

Concernant le premier protocole additionnel, l'article 4 3 stipule que « les forces armées d'une partie au conflit se composent de toutes les forces, tous les groupes et toutes les unités armés et organisés qui sont placés sous un commandement responsable de la conduite de ses subordonnés devant cette Partie, même si celle-ci est représentée par un gouvernement ou une autorité non reconnus par une Partie adverse. Ces forces armées doivent être soumises à un régime de discipline interne qui assure, notamment, le respect des règles du droit international applicable dans les conflits armés.

La première disposition de l'article 44 du dit protocole stipule que tout
combattant entrant dans l'une de ces catégories citées dans l'article 43, qui
tombe sous le pouvoir d'une partie adverse est un prisonnier de guerre. La

disposition est claire, tout combattant capturé devrait immédiatement avoir droit au statut de « Prisonnier de Guerre », et bénéficier des dispositions de la troisième convention de Genève relative à la protection des prisonniers de guerre. Mais, la seule appréciation dépend des gouvernements.

En effet, malgré l'existence de coutumes internationales relatives aux prisonniers de guerre, les Etats ont toujours cherché à déroger l'ennemi capturé du statut de prisonnier de guerre. Pendant la seconde guerre mondiale, certains belligérants ont utilisé la notion de « Capturé » pour refuser le statut de prisonnier de guerre à plusieurs milliers de membres de la Wehrmacht et des forces armées japonaises (43) . Cette dérogation est beaucoup plus accentuée dans le cadre d'un CANI.

Toute personne considérée comme « prisonnier de guerre » aura droit à la protection de la troisième convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, et tout violation à l'une de ces dispositions sera perçue comme une violation du DIH.

L'un des principaux avantages dont bénéficie un prisonnier de guerre est celui de « l'immunité du Combattant ». Selon ce principe, le prisonnier de guerre ne pourra en aucun cas être jugé pour le seul fait de s'être battu, et il devra être libéré dès la fin des hostilités. Dans le cas d'un CANI, on peut comprendre la réticence des Etats à attribuer ce statut à leurs citoyens ayant pris les armes contre eux.

Autre disposition protégeant le prisonnier de guerre est elle qui interdit les interrogatoires à ces derniers dans le but de leur soutirer des informations, et ce par le recours à des pratiques interdites en DIH. En effet, la puissance détentrice n'a le droit d'interroger les prisonniers de guerre que sur leur nom et prénom,

(43) HAROUEL- BURELOUP Véronique, Traité de droit humanitaire, PUF, Paris, 2005, p.292.

grade et numéro de matricule militaire.

Avant d'aller plus loin, il convient de revenir à l'article 1è de la IIIe CG relative au traitement des PG.

ARTICLE 17. -« Chaque prisonnier de guerre ne sera tenu de déclarer, quand il est interrogé à ce sujet, que ses nom, prénoms et grade, sa date de naissance et son numéro matricule ou, à défaut, une indication équivalente.

Dans le cas où il enfreindrait volontairement cette règle, il risquerait de s'exposer à une restriction des avantages accordés aux prisonniers de son grade ou statut.

Chaque Partie au conflit sera tenue de fournir à toute personne placée sous sa juridiction, qui est susceptible de devenir prisonnier de guerre, une carte d'identité indiquant ses nom, prénoms et grade, numéro matricule ou indication équivalente, et sa date de naissance. Cette carte d'identité pourra en outre comporter la signature ou les empreintes digitales ou les deux, ainsi que toutes autres indications que les Parties au conflit peuvent être désireuses d'ajouter concernant les personnes appartenant à leurs forces armées. Autant que possible, elle mesurera 6,5 X 10 cm et sera établie en double exemplaire. Le prisonnier de guerre devra présenter cette carte d'identité à toute réquisition, mais elle ne pourra en aucun cas lui être enlevée.

Aucune torture physique ou morale ni aucune contrainte ne pourra être exercée sur les prisonniers de guerre pour obtenir d'eux des renseignements de quelque sorte que ce soit. Les prisonniers qui refuseront de répondre ne pourront être ni menacés, ni insultés, ni exposés à des désagréments ou désavantages de quelque nature que ce soit.

Les prisonniers de guerre qui se trouvent dans l'incapacité, en raison de leur état physique ou mental, de donner leur identité, seront confiés au Service de santé.

L'identité de ces prisonniers sera établie par tous les moyens possibles, sous réserve des dispositions de l'alinéa précédent.

L'interrogatoire des prisonniers de guerre aura lieu dans une langue qu'ils comprennent. »

L'interdiction du recours à certaines méthodes d'interrogations représente la pierre angulaire du refus des Etats à accorder le statut de PG à leurs détenus. En effet, les Etats engagés dans ce qu'ils appellent « la lutte contre terrorisme » doivent souvent faire recours aux méthodes interdites par le premier paragraphe de l'article 3 commun et l'article 17 ci-dessus. C'est l'une des raisons pour

lesquels les Etats utilisent l'argument de la non conciliation de l'application des dispositions du DIH et la politique de lutte contre le terrorisme (44), puisque des méthodes comme les traitements cruels, tortures et supplices peuvent malheureusement donner des résultats.

Pendant la guerre d'Afghanistan en 2001, les Etats-Unis adoptèrent un nouveau concept pour désigner les combattant capturés, à savoir : la notion de « Combattant illégal » (45).

Ces derniers utilisent cette notion pour désigner les combattant qui n'ont pas respecté leurs obligations et devoir, et en conséquent ne peuvent jouir ni de la protection de l'article 3 commun ni de celle de la IIIe CG.

Le concept de « combattant illégal » représente tout d'abord un grave danger pour la personne à qui il est attribué, et il est utilisé comme un moyen pour les Etats de se dispenser de la moindre application du DIH à l'égard de cette catégorie de combattant capturé. Du point de vue juridique, cette notion ne possède aucun fondement valable, si le capturé jouit du statut de combattant, il sera protégé par la IIIe CG, sinon il devra bénéficier de la protection de l'article 3 commun, et en cas de doute sur son statut le deuxième paragraphe de l'article 5 de la IIIe CG stipule , qu'en cas de doute sur le statut juridique du capturé, le statut de prisonnier de guerre doit leur être attribué en attendant qu'un tribunal compétant puisse déterminer leur statut.

Les dérogations à l'octroi du statut de PG sont beaucoup plus accentuées lorsqu'il s'agit d'attribuer le statut de PG à un individu ayant contesté l'autorité de la puissance colonisatrice dans le cadre d'une guerre de libération

(44) SASSOLI Marco et BOUVIER Antoine A., op.cit, cas n° 57, Etats-Unis d'Amérique, le président rejette le protocole I, p 798 Genève, 2003.

(45)Laurent Colassis, Personnes privées de liberté en Irak ; la protection du droit international humanitaire, CICR, p.4.

nationale ou celle du pouvoir en place. Dans de tels cas, les gouvernements sont juges et parties.

Le refus des Etats à attribuer le statut de PG au guérilléro peut s'expliquer, d'une part, par le fait ne pas avoir à leur appliquer les dispositions de la IIIe convention de Genève, puisque son application risque d'entraver leur processus de « lutte contre le terrorisme », et d'autre part pour pouvoir les neutraliser au sein de l'ordre interne. Chose qui bafoue le droit du guérillero en tant que sujet du droit international et susceptible de jouir de garanties et de conditions de jugement équitable.

2- Le guérillero et les conditions de jugement équitable.

En cas de capture, le guérillero en tant que combattant et sujet de droit international, a droit à un ensemble de droits et de prérogatives dont celui de pouvoir bénéficier d'un jugement équitable. Afin de pouvoir en profiter, ce dernier doit d'abord posséder le statut de combattant et celui de PG, or l'obtention de ces statuts reste strictement attachée à la volonté des Etats.

Si dans le cadre d'un conflit armé international l'individu capturé accède facilement au statut de prisonnier de guerre, en sein d'un CANI les Etats font tout leur possible pour refuser à cet individu le statut de belligérant et de PG, afin de le soumettre à leurs juridictions internes, pour en faire un sujet de droit commun et pouvoir le juger d'après les dispositions du code pénal interne.

On trouve certaines dispositions relatives aux conditions de jugement et aux poursuites pénales dans l'article 6 du PA II qui stipule :

1. Le présent article s'applique à la poursuite et à la répression d'infractions pénales en relation avec le conflit armé.

2. Aucune condamnation ne sera prononcée ni aucune peine exécutée à l'encontre d'une personne reconnue coupable d'une infraction sans un jugement préalable rendu par un tribunal offrant les garanties essentielles d'indépendance et d'impartialité. En particulier :

a) la procédure disposera que le prévenu doit être informé sans délai des détails de l'infraction qui lui est imputée et assurera au prévenu avant et pendant son procès tous les droits et moyens nécessaires à sa défense ;

b) nul ne peut être condamné pour une infraction si ce n'est sur la base d'une responsabilité pénale individuelle ;

c) nul ne peut être condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne peut être infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si postérieurement à cette infraction la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ;

d) toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ;

e) toute personne accusée d'une infraction a le droit d'être jugée en sa présence ;

f) nul ne peut être forcé de témoigner contre lui-même ou de s'avouer coupable.

3. Toute personne condamnée sera informée, au moment de sa condamnation, de ses droits de recours judiciaires et autres, ainsi que des délais dans lesquels ils doivent être exercés.

4. La peine de mort ne sera pas prononcée contre les personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction et elle ne sera pas exécutée contre les femmes enceintes et les mères d'enfants en bas âge.

5. A la cessation des hostilités, les autorités au pouvoir s'efforceront d'accorder la plus large amnistie possible aux personnes qui auront pris part au conflit armé ou qui auront été privées de liberté pour des motifs en relation avec le conflit armé, qu'elles soient internées ou détenue

L'article comme on peut le constater, ne fait aucune allusion au statut juridique de la personne jugée, ce qui laisse le champ libre aux Etats de statuer sur ce dernier, le guérillero est donc laissé à la merci de l'Etat puisque ces derniers feront tout pour l'assujettir à leurs juridictions nationales, au lieu de le soumettre aux juridictions internationales.

Dans un premier temps, il faut dire que les Etats ne prennent pas en considération le principe de « l'immunité du Combattant », afin de pouvoir juger le guérillero rien que pour le fait d'avoir osé contester l'autorité de l'Etat par les armes. Car rares sont les Etats qui voudront soumettre des individus ayant -selon

eux- troublé l'ordre public et porté atteinte à la souveraineté nationale et à l'intégrité territoriale à des juridictions autres que les leurs.

Le fait que l'obtention du statut de PG et l'application des garanties qu'il comporte, dépendent uniquement des Etats dans le cadre d'un CANI reflète l'infériorité du guérillero face à l'Etat en DIH, et laisse ce dernier sans aucune chance de pouvoir être jugé en tant que prisonnier de guerre en bonne et due forme.

En Colombie, au cours de l'année 1999, fut créé le « Programme de démobilisation » dont le but est de permettre aux membres des « organisations armées illégales » de pouvoir se démobiliser sans attendre à qu'il y est l'instauration d'un processus formel de Paix. En 2003, le programme de démobilisation fut élargi et ouvert aux membres des « AUC » souhaitant se réincorporer au sein de la société (46).

Avant d'aller plus loin, faisons une brève description du processus de démobilisation.

Tout d'abord Le combattant irrégulier commence par se rendre aux autorités les plus proches de l'endroit où il se trouve et remettre le maximum d'arme en sa possession, il bénéficiera d'une indemnisation en fonction des armes qu'il aura rendu.

L'Etat s'engage à fournir au démobilisé, sécurité, santé, logement, nourriture, éducation, travail, et dans certains cas le regroupement familial. Le démobilisé en contre partie, doit d'abord se compromettre à cesser toute activité belliqueuse ou délictueuse, à faire part de sa volonté de réintégrer la société et de retourner à une vie normale, il demeurera en liberté surveillée pendant une période n`allant pas au-delà de 18 mois et devra accomplir des travaux d'intérêt général.

(46)Observatorio de los derechos humanos y derecho humanitario en Colombia, Programa presidencial de los Derechos Humanos y Derecho Internacional Humanitario Vicepresidencia de la República

En cas de non respect de l'une des dispositions de ce processus de démobilisation, le démobilisé perdra les prérogatives accordées par le processus et sera condamné et jugé selon le droit pénal interne.

Si le déserteur est un mineur, il bénéficiera de garanties plus favorables et pourra rejoindre sa famille dans les plus brefs délais (47)
·

Un autre processus de démobilisation verra le jour en 2005 à l'initiative du Président actuel « Alvaro Uribe » dans le cadre de la « loi de Justice et Paix » ou « loi 975 de 2005 ». Cette loi était principalement destinée aux membres des AUC, néanmoins les membres d'autres groupes armés illégaux peuvent en bénéficier.

L'objectif de cette loi est de faciliter le processus de paix et de permettre la démobilisation collective ou individuelle réincorporation des membres des groupes armés illégaux, tout en garantissant le droit des victimes à la vérité, la justice et la réparation (48).

La loi est dirigée aux membres de groupes armés illégaux- aussi bien les paramilitaires que les guérilleros- ayant été reconnus comme responsables de crimes et délits dont ces groupes sont accusés. Les autres membres quant à eux profiteront du programme cité antérieurement. Les bénéficières de cette loi ne seront pas jugés d'après le code pénal colombien, mais ils auront droit à des peines alternatives allant de 5 à 8 de prison et il ne pourront en aucun cas être extradés. Les bénéficiers doivent quant à eux s'engager à respecter les dispositions de la loi, et devront pendant leur séjour en prison exprimer leur bonne volonté de réintégration à la vie sociale, par le travail, les études et l'encouragement du programme de démobilisation.

(47)Boletín Estadístico del Programa presidencial de derechos humanos y Derecho Humanitario, n ° 6, décembre 2004.

(48) Article 1 de la loi 975 de 2005.

En cas de non respect de l'une des dispositions de la loi 975, les bénéficières perdront tous leurs avantages accordés par la loi, et seront jugés par les dispositions du droit commun et seront extradé si cela est jugé nécessaire (49).

Selon les autorités, plus 45.OOO individus auraient bénéficié du programme de démobilisation depuis 2003, 31.671 étaient des anciens membres des AUC à s'être démobilisés de façon collective dont 28.751 hommes et 2.920 femmes (50).

En outre des démobilisations collectives, plus de 13.629 personnes se seraient démobilisés de façon individuelle, dont 7754 appartenant aux FARC, 3.629 aux AUC, 1839 à l'ELN et 407 appartenant à d'autres groupes armés

illégaux (51).

Ce processus de démobilisation et la loi 975 ont été fortement critiqués par plusieurs organismes de défense des droits de l'Homme.

Pour la FIDH, l'adoption d'une telle loi représente une atteinte au DIH, du fait, que les individus ayant été reconnus coupables doivent en principe être conduit au sein des juridictions internationales et non pas être jugés en Colombie, d'autant plus que la loi 975 leur permet de bénéficier de peines alternatives beaucoup plus clémentes.

La FIDH remet en doute les chiffres présentés par les autorités colombiennes relatifs aux nombres de personnes démobilisées et constate que plusieurs d'entre elles auraient repris leurs activités délictueuses au sein de nouveaux groupes ayant été formés après le démantèlement des AUC et estime que les victimes n'ont pas eu droit à la réparation exigée par la loi de « Justice et Paix » (52).

Toute fois, nous constatons que, malgré les nombreux avantages que peuvent offrir le programme de démobilisation et la loi 975, ces derniers ne sont qu'un

(49) Ibid, Article 29.

(50) XVe rapport du processus de démobilisation, septembre 2007, ( www.ejercito.mil.com).

(51) Ibid.

(52) Rapport de la FIDH sur le processus de démobilisation des membres de groupes armés illégaux en Colombie, octobre 2007, ( www.fidh.org) .

moyen élaboré par le gouvernement colombien pour détourner les dispositions du DIH relatives à l'octroi du statut de prisonnier de guerre aux membres des groupes armés illégaux se trouvant sur son territoire.

Malgré l'adhésion des Etats au statut de Rome (53), ces derniers cherchent toujours le moyen pour détourner ses dispositions, ces dérogations sont comme on l' vu beaucoup plus flagrantes dans le cas du gouvernement colombien actuel, en effet non seulement il juge au sein de tribunaux internes, soit par application du code pénale colombien, soit par la loi de paix et justice décrétée par le président et dont les peines vont de 5 à 8 de prison, mais il se permet aussi d'extrader des individus ayant commis d'innombrables atrocités auprès de la population civile aux Etats-Unis non pour répondre de crime contre l'humanité mais pour trafic de drogue. Le dernier de ces cas remonte au mois de mai 2008.

Les individus ayant été extradé étaient des chefs démobilisés des AUC, qui bénéficiaient de la loi de justice et paix et ne pouvaient en principe être extradés et jugés, ailleurs qu'en Colombie.

La raison présentée par le président Uribe était que ces derniers n'avaient pas respecté les dispositions de la dite loi et n'avaient pas collaboré de la façon dont il fallait le faire. Là encore, la question qu'on peut se poser est la suivante : Ces ex-chefs paramilitaires, n'ont-ils vraiment pas respecté les dispositions de la loi 975 de 2005 ? Ou serait-ce pour le fait, qu'au bout de chaque procès auquel participaient ces derniers et livraient leurs témoignages, surgissaient les noms de fonctionnaires publiques et de hauts gradés des forces armées colombiennes dans les diverses massacres perpétrés par les AUC dans différentes régions du pays ? Et que ceci n'était pas très compatible avec l'image héroïque donnée par le gouvernement Uribe des forces armées à l'opinion publique.

(53) La Colombie a adhéré au Statut de Rome depuis le 5 août 2002. (www.icc-cpi.int)

Suite à ces remarques, nous pourrions dire que tout processus d'amnistie aussi clément soit- t'il ne constitue qu'un moyen parmi d'autre dont les Etat font usage, dans le but de contourner l'octroi du statut de prisonnier à certaines catégories de combattant. Le cas de la loi de « Justice et Paix » ne fait que confirmer la volonté des Etats à vouloir toujours garder l'emprise sur leurs citoyens au lieu de les soumettre aux juridictions internationales. Ce qui nous pousse à dire que, la « Raison d'Etat » prévaut toujours sur toutes les dispositions du DIH et sur une application objective, neutre et impartiale de ce dernier.

Conclusion :

La recherche que nous avons mené, nous a montré que la non application du droit humanitaire, en temps de conflit « interne » démontre que le plus important, ce n'est pas l'adoption formelle de règles juridiques, mais la volonté politique de les appliquer (54) . D'autre part nous remarquons l'infériorité juridique du guérillero face aux gouvernements et sa dépendance accrue à la volonté de ces derniers en matière de DIH.

Le cas colombien nous montre que rien ne sert d'avoir une constitution contraignante et très exigeante en matière d'application du DIH et qui reconnaisse la supériorité de la CPI sur ses juridictions internes, si les gouvernements trouvent les moyens de contourner ses dispositions. A rien ne sert non plus d'inculquer au « Soldat Colombien » l'Humanitaire (55), si l'Etat confie le travail que ses soldats ne peuvent pas faire, aux paramilitaires. En attendant, la population rurale reste la grande oubliée et la victime principale de ce conflit.

L'opinion publique colombienne est lasse de tant de violence - aussi bien celle causée par la Guérilla, que celle perpétrée par les paramilitaires- et des souffrances qu'elle engendre. Les manifestations du 4 février 2008 contre les FARC et celle du 6 mars 2008 contre les crimes d'Etat et le para-militarisme, qui ont eu lieu dans plusieurs villes du pays le démontrent (56).

Ces 60 ans de lutte armée n'ont rien changé sur la scène politique colombienne. Leur bilan sur le plan humanitaire et social a été désastreux et catastrophique.

(54) El BOUHAIRI Youssef, op.cit, P.354.

(55) au cours de l'année 2007, le CICR aurait organisé plus de 265 séances d'information auxquelles auraient participé plus de 14650 militaires et 2800 policiers, le point sur les activités du CICR en Colombie, 2007, p.4. ( www.cicr.org)

(56) Colombia cansada de violencia, Semana, 3 juin 2008.

Aussi, sur le plan politique l'oligarchie gouvernante détient toujours les rênes du pouvoir, et la présence des « Gringos » (57) n'a jamais été aussi forte en Colombie, le « Plan Colombie » (58) et le « Plan Patriote »(59) en sont la preuve.

Les groupes rebelles quant à eux ont subi au cours de cette année 2008 de sérieux revers, ils ont perdu leur influence dans plusieurs zones du pays, zones qu'ils avaient sous leur contrôle depuis des décennies, les activités exercées par ces derniers et leur violation du droit humanitaire vis-à-vis de la population, ont rendu ces derniers de moins en moins populaires, leur taux de popularité n'a jamais été aussi bas. Les autorités gouvernementales prônent leur fin dans les années à venir, les plus optimistes parlent de la fin des groupes dissidents avant la fin du mandat présidentiel, c'est-à-dire avant 2010.

S'il nous est permis de donner notre avis, nous dirions que la solution ne peut pas n'être que militaire, et que le dialogue politique est indispensable.

Cependant, avec l'historique de la « violence politique en Colombie » il est difficile de songer dans l'immédiat au dialogue et à une solution pacifique définitive, quand on constate le degré de mauvaise foi de la classe dirigeante et la façon par laquelle ont disparu des formations politiques comme l'Union Patriotique (60) et le nombre de candidats présidentiels sauvagement assassinés. depuis la mort de « Jorge Eliecer Gaitan » en 1948. Il est difficile pour les guérilleros de retrouver la confiance suffisante pour entamer un véritable

(57) Locution très courante en Amérique latine pour désigner les nord-américains.

(58) (59) officiellement : aides militaires fournies par les Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Pour certains observateurs ces aides entre dans le cadre de la lutte anti-insurrectionnelle contre les groupes guérilleros.

(60) L'Union Patriotique, prônait un discours socialiste, ces partisans étaient farouchement opposés à l'oligarchie gouvernante, aux paramilitaires, aux narcotrafiquants et aux multinationales et l'impérialisme américains. Ce parti a participé avec succès aux élections de 1986: 350 conseillers municipaux, 23 députés et 6 sénateurs élus au congrès. Mais des vagues d'assassinat fauchent 4000 dirigeants, cadres et militants. Certains observateurs parlent de génocide politique. Claudia Giron Ortiz et Iván Cepeda Castro, Comment des milliers de militants ont été liquidés en Colombie, le Monde diplomatique, mai 200

processus de paix. Signalons aussi que, si ces derniers sont longtemps apparus comme les défenseurs du peuple, ils sont à l'heure actuelle loin de l'être, leurs actions les ont rendus de plus en plus impopulaire, et la politique de main de fer du président semble donner ses fruits.

Avec la montée en force de l'hégémonie socialiste en Amérique latine, la peuple colombien devrait prendre exemple sur ses voisins, les choses doivent changer, l'hégémonie bipartisane lui a fait beaucoup de mal. Mais tant que le sectarisme et la violence politiques, ainsi que le para militarisme resteront enracinés au sein du contexte social et politique colombien, il sera toujours

difficile de voir -un jour un « Jorge Eliécer GAITAN » - à la « Casa de Nariño » (61).

(61) Siège du président de la République à Bogota.

Tableau du peintre colombien « Fernando Botero »
représentant les massacres perpétrés contre la population
rurale, principale victime du conflit armé en Colombie.

bibliographie

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· Daoud L. Khairallah, Insurrection under International Law, Publication of the Lebanese university, Librairie du Liban, Beirut, 1973.

· HAROUEL- BURELOUP Véronique, Traité de droit humanitaire, PUF, Paris, 2005.

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· Résume des conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs protocoles additionnels, CICR, Genève.

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· www.cicr.org

· www.ejercito.mil.co

· www.eln-voces.com

· www.monde-diplomatique.fr

· www.monde-diplomatique.es

· www.elespectador.com

· www.eltiempo.com

· www.semana.com

SOMMAIRE :

LISTE DES ABREVIATIONS

1

INTRODUCTION

6

PREMIERE PARTIE : La qualification de la guérilla en DIH

.11

Section 1 : La distinction entre guérilla et mouvements de libération nationale. 12

1- Article 3 commun

.14

2- Le protocole additionnel II

...20

 

Section 2 : Guérilla et souveraineté

...26

1- Guérilla : « menace » contre la stabilité politique de l'Etat

..27

2-Enjeux de la reconnaissance de Belligérance

31

DEUXIEME PARTIE : Le statut du guérillero en DIH

. 37

Section 1 : le Guérillero : terroriste ou Combattant de la liberté

38

1- Guérilla et Terrorisme

39

2-Guérilla et population civile

42

Section 2 : Le guérillero et les garanties humaines

46

1- L'octroi du statut de prisonnier de guerre

....47

2-Le guérillero et les conditions de jugement équitable

53

CONCLUSION 60

BIBLIOGRAPHIE 64

SOMMAIRE 66






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand