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Faute et Châtiment. Essai sur le fondement du Droit pénal chez Friedrich Nietzsche

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par Rodrigue Ntungu Bamenga
Faculté de Philosophie saint Pierre Canisius Kimwenza, RDCongo - Bacchalauréat en Philosophie 2005
  

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I.2. CRIME, HUMAIN ET INHUMAIN

Des considérations sur le crime ont d'emblée rendu scandaleuse la « biosophie » nietzschéenne29(*), qui est en dialogue lointain avec DOSTOÏEVSKI et SCHOPENHAUER. Mais, nous le reconnaissons, tout crime est essentiellement signe d'excès, puisque relevant de la méchanceté. Il constitue un acte proprement humain, puisqu'il suppose la volonté et la conscience du mal, facultés reconnues à l'homme. Dès lors, l'acte criminel n'est possible que de la part de l'homme seul, capable d'extérioriser cet affect négatif et rapace. L'animal échappe à toutes les juridictions pénales non parce que dépourvu de volonté et de conscience du crime, mais parce que n'agissant "mal" que pour obéir aux commandements de ses instincts. Il n'est donc pas coupable.

Par ailleurs, de tout ce que retient la philosophie morale sur la culpabilité, nous déduirons que le Droit pénal atteint seulement l'être humain vivant, alors que jadis les animaux, les choses, voire les cadavres, faisaient l'objet de poursuites pénales. 30(*) Nietzsche ne conteste pas cette vérité très ancienne, qu'il rencontre d'ailleurs dans la tradition égypto-pharaonique. Ici, le cadavre du débiteur ne trouvait pas grâce devant le créancier, qui avait le droit de le dégrader ou de le torturer rudement, « par exemple en couper une telle partie qui parût en proportion avec l'importance de la dette ».31(*) C'est donc reconnaître au seul homme vivant et raisonnable l'imputabilité du crime et sa responsabilité pénale.

Mais, puisque manifestant au dehors une corruption de la volonté humaine par le mal, le crime est également une inhumanité. Le criminel se place ainsi au seuil de l'animalité, en tant que la raison n'a plus de prise sur sa volonté encline aux délits. Il frôle la bestialité et la déraison. Car abattre volontairement un être humain ne prouve pas que le criminel est sain d'esprit. C'est pourquoi Nietzsche fait intervenir l'exercice de la justice corrective (ou punitive) par l'ensemble de la communauté lésée, qui met le coupable hors la loi et rend nécessaire le châtiment : « le criminel mérite un châtiment parce qu'il aurait pu agir autrement »32(*).

Chapitre 2

LA VISEE DU CHATIMENT

La noblesse du droit nietzschéen porte non seulement sur sa capacité d'évaluer les retombées sociales du comportement, mais aussi sur son effort d'explorer l'arsenal juridique de son temps. Cependant, comme le fait remarquer Paul VALADIER, il y a risque de contresens à aborder des questions relatives au droit, comme si elles constituaient chez Nietzsche une référence de premier ordre.33(*) Il y aurait donc quelque témérité à compter sa pensée parmi les théories attestées par la philosophie du droit, depuis la sophistique. Certes, s'il faut refuser à Nietzsche une ontologie particulière, il ne fait pas de doute que le philosophe allemand ait largement rencontré la question du politique et du droit, dans la pensée occidentale, qu'il trouvait parfois nuisible à l'éthique et à l'éclosion d'une culture authentique.

Mais ici encore, pense Valadier, « il faut s'aviser que ce souci prend place à l'intérieur d'une analyse généalogique de la morale, et plus exactement de la volonté morale : celle qui veut (se donner) un bien et un mal, par conséquent aussi celle qui veut ou refuse la loi, et qui le fait à partir d'une volonté plus profonde que le droit lui-même ou la loi »34(*). Cependant, une rupture largement critiquée dans la conception nietzschéenne du Droit (en particulier du Droit pénal), touche à sa retenue sur une notion incontournable : la loi. Entre la faute et le châtiment, Nietzsche n'aurait pas raison d'affirmer que « le criminel mérite un châtiment puisqu'il aurait pu agir autrement »35(*), sans une mention de la loi transgressée.

Quand on connaît le principe de FEUERBACH au XIXè siècle : "nullum crimen, nulla poena sine lege" (nulle faute, nulle peine sans loi) ou ce que prônait MONTESQUIEU : "nullum crimen, nulla poena, nullum judicium sine lege" (nulle faute, nulle peine, nul procès sans loi), le châtiment qu'entrevoit Nietzsche encourt un vice de procédure : l'arbitraire. L'exigence d'un retour à la loi comme source de toute organisation pénale permet précisément d'écarter l'arbitraire, de légitimer la faute et d'exercer le châtiment. Nietzsche a-t-il une compréhension du châtiment différente du droit pénal ?

Toutes les juridictions reconnaissent que les sujets du droit (créancier et débiteur, pour Nietzsche) sont nécessairement membres d'un corps social organisé. A ce titre, une action n'a valeur de faute que si la société, par ses organes compétents, a d'abord défini avec précision le comportement dont il s'agit : un comportement qui soit réellement injuste pour tous (Nietzsche parle d'une dette impayée). Il faut ensuite que ce comportement défini par la loi ait été adopté par le sujet que l'on poursuit. Enfin, il faut que le comportement adopté par l'individu poursuivi l'ait été dans des conditions telles que l'on puisse le lui imputer, c'est-à-dire en toute conscience36(*). De là viennent les trois éléments classiques de la faute en droit : les éléments légal, matériel et moral ou intentionnel. Nietzsche ne s'est pas éloigné de cette conception. Si notre effort dans le chapitre précédent était d'analyser l'élément intentionnel de la faute chez Nietzsche, voyons maintenant la manière dont il articule les deux autres éléments.

* 29 La philosophie de Nietzsche est aussi appelée Biosophie parce qu'elle proclame la vie. Selon Heidegger, c'est Zarathoustra qui est le porte-parole, le messager de cette vie à promouvoir (Cfr. Chapitre 3).

* 30 Cfr. Jean Larguier, Le droit pénal, Paris, PUF, 1972, p. 58. A ce propos, Gui-Pape raconte que, venant de Bourgogne, il vit aux fourches patibulaires de Châlons un cochon qui avait été condamné à être pendu pour avoir tué un enfant. Don Martenne rapporte également une sentence rendue, le 16 mai 1799, par le bailli de l'Abbaye de Notre-Dame de Beaupréau, qui infligea la même peine à un taureau coupable d'homicide envers un jeune homme de 14 à 15 ans. (Voir Nyabirungu mwene Songa, Droit pénal général zaïrois, Kinshasa, DES, 1995, p. 18).

* 31 GM, p. 99

* 32 GM, p. 96

* 33 Paul Valadier, Nietzsche l'intempestif, Paris, Beauchesne, 2000, p. 51.

* 34 Ibidem.

* 35 GM, p. 96

* 36 Cfr. Georges Brière de L'Isle, Cours de droit pénal général, Paris, Les Cours du Droit, 1981, p. 98.

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