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Auxiliaires médicaux et médecins africiains au Togo sous domination coloniale: 1884-1960

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par Zinse Emmanuel MAWUNOU
Université de Lomé - Maitrise 2006
  

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2 Le personnel médical autochtone au Togo sous le régime de la tutelle.

Sous le régime du mandat comme sous la tutelle, le Togo était administré par la France, ce qui sous - entend que le personnel médical autochtone était sous les ordres des médecins français. Pourtant l'administration des deux régimes était quand même différente l'une de l'autre en fonction des recommandations de chaque régime. En quoi donc le régime de tutelle différait de celui du mandat sur la vie des auxiliaires médicaux et des médecins africains?

Quelles étaient les conditions de vie des auxiliaires médicaux et des médecins africains à traverses les témoignages des agents sanitaires togolais de cette période? Toutes ces questions seront analysées sans passer sous silence le bilan de l'action sanitaire de la France au Togo.

2.1. L'approfondissement des réformes sous le régime de tutelle.

Le régime du mandat a connu sa fin avec l'instauration de celui de la tutelle. Sous celui- ci, plusieurs dispositions avaient été prises.

Sur le recrutement, c'était le système du régime du mandat qui étai poursuivi. Cela signifie que seuls les jeunes gens titulaires d'un certificat d'études primaires étaient admis au stage d'élève infirmier sur concours. Ce concours avait lieu sur décision du gouverneur (Tolgou 1998:37).

En 1947, l'arrêté N° 379/P du 28 mai modifia ce système d'admission. Désormais, l'admission à l'école a lieu chaque année par voie de concours dans la première quinzaine du mois de juillet. (Tolgou 1998:38). Cette disposition accrut considérablement le nombre des auxiliaires médicaux pendant la tutelle.

Recrus, les élèves étaient formés. Le programme et les méthodes de formation demeurèrent mais furent élargis par le décret N°379/P du 28 mai 1947 cité plus haut. Ainsi les nouvelles matières ajoutées étaient l'anatomie, la physiologie, l'hygiène, l'épidémiologie, la bactériologie, la parasitologie, les sémiologies médicale et chirurgicale, la pratique d'urgence, la petite chirurgie, la pharmacologie et l'administration.

L'école de formation de Lomé, à cette date, ne disposait pas de salle de cours à proprement parler, ni de matériel, ni de salles de démonstrations pratiques. Les cours étaient irrégulièrement dispensés à cause de la non disponibilité des professeurs qui étaient des médecins de l'hôpital ou de la ville. Ces absences chroniques des enseignants avaient réduit la formation infirmière aux stages pratiques dans les différents services (Tolgou 1998:39).

D'autres catégories d'auxiliaires étaient également créées à cette époque. Il s'agit des agents sanitaires, des agents techniques et des agents d'hygiène.

Le cadre des agents sanitaires, créé par un arrêté daté du 16 juin 1947 comprenait des agents sélectionnés dans le cadre des infirmiers. Ils étaient recrutés, après concours spécial, parmi les infirmiers titulaires du certificat d'études primaires après examen de la qualité des services du candidat.

Les candidats admis au concours effectuaient un stage d'instruction d'un an à l'hôpital de Lomé dans les services hospitaliers. L'instruction théorique était assurée par les cours professés par les médecins africains en service à Lomé (Gayibor 2005: 584t1).

La sévérité de la sélection expliquait la qualité des agents de ce cadre qui étaient les auxiliaires des médecins. Ils étaient chargés de l'exécution des soins différenciés, des fonctions d'encadrement et de la tenue des dispensaires les plus importants (Tolgou 1998:40). Ensuite viennent les agents techniques.

Il s'agit d'un nouveau corps de cadre supérieur créé par l'arrêté N°1034 - 54/ C.P. du 6 décembre 1954 comportant des agents dûment sélectionnés dans les cadres des agents sanitaires, des infirmiers et destinés à remplacer le cadre des agents sanitaires. Ces agents étaient recrutés soit sur titre, soit par voie de concours ou examen professionnel. Ceux recrutés sur concours ou examen professionnel devaient avoir au moins cinq ans d'ancienneté dans le service. (Tolgou 1998:40-41). Enfin venaient les agents sanitaires.

Créé par l'arrêté du 16 juin 1947, ce cadre, composé d'agents d'hygiène assermentés, était chargé d'assurer sous l'autorité des médecins du service d'hygiène, l'exécution des mesures d'hygiène et de la prophylaxie prévues par les règlements. Leurs formations et leurs avancements étaient superposables à ceux des infirmiers. Les cours théoriques et pratiques se déroulaient au service d'hygiène de Lomé (Tolgou 1998:41).

En résumé, la formation des cadres subalternes avait été quantitativement et qualitativement insuffisante d'abord pour des raisons énumérées plus haut et aussi pour des raisons budgétaires de 1945 - 1957. Pour ces raisons les concours d'infirmiers n'avaient pu avoir lieu en 1952, 1954et en 1955. En 1956 le concours avait permis de recruter seulement 10 élèves infirmiers. Mais à partir de 1958 le développement de l'instruction publique offrait des candidats en grand nombre et par conséquent donnait une sélection satisfaisante (Tolgou 1998:41).

Au total, les services de santé togolais utilisaient en 1950 un personnel de santé composé de 13 Européens et de 419 Africains comme nous le montre le tableau suivant :

Tableau N°6: Personnel européen et africain servant au Togo en 1950

QUALITE

EUROPEENS

AFRICAINS

TOTAL

 

MILITAIRES

CIVILS

 
 

Docteur en

médecine

08

02

02

12

Médecins

africains

00

00

00

00

Chirurgiens

dentistes

00

01

00

01

Pharmaciens

chimistes

01

00

00

01

Pharmaciens

africains

00

00

01

01

Sages-femmes contractuelles

00

01

00

01

Sages-femmes africaines

00

00

03

03

Agents sanitaires

00

00

23

23

Infirmiers (ères) de cadres

00

00

243

243

Infirmiers (ères) auxiliaires.

00

00

27

27

Infirmiers (ères) journalières.

00

00

77

77

TOTAL

09

04

419

432

Source: Tolgou 1998:37.

Ce tableau nous révèle la part importante des Africains au Togo dans la profession médicale, ce qui atteint un pourcentage de 96,99% d'Africains contre environ 3,01% d'Européens. Mais à partir des années 1950 d'autres avantages se présentèrent aux Togolais

La multiplication, le développement et la différenciation des services sanitaires entraînaient dans les années cinquante le recrutement d'un personnel de plus en plus nombreux et de plus en plus instruit. Le relèvement considérable du niveau des études devait permettre le recrutement et la formation de toutes catégories de personnels nécessaires au service de santé. Toutes les facilités étaient données aux étudiants togolais pour poursuivre leurs études en France à l'aide de bourses. Ces dernières étaient offertes sans discrimination aucune, à tous les étudiants. Outre les études en France, d'autres possibilités étaient offertes aux étudiants togolais d'entreprendre leurs études médicales à la nouvelle Ecole de Médecine de Dakar (Tolgou 1998: 42).

Les boursiers togolais en cours d'étude en France en 1956 étaient au nombre de 29 dont 13 étudiants en médecine comme l'indique le tableau qui suit.

Tableau N°7: Situation des boursiers togolais en cours d'étude en France en 1956.

Niveau d'étude

Etudiants en Médecine

Chirurgiens

dentistes

Pharma-

ciens

Sages- femmes

Infir-

miers

1ère année

00

00

00

03

02

2ème année

01

00

00

00

00

3ème année

01

00

01

01

00

4ème année

03

00

01

00

00

5ème année

01

01

01

00

00

6ème année

02

00

00

00

00

Certificats spéciaux

00

01

04

00

00

Spécialisation

05

00

00

01

00

Total

13

02

07

05

02

Source: Tolgou 199:42

Il est à retenir que les premiers médecins togolais avec une formation complète en sept années apparurent dans les années 1950. Parmi ces "médecins complets" nantis d'un doctorat en médecine nous pouvons citer les docteurs KPOTSRA. KEKEH et VOVOR dans les années 1956-1960 (Marguerat et Péléi 1992:123; Gayibor 2005:584t1). Ces derniers exercèrent dans le public contrairement à Pédro Olympio qui, lui, était dans le privé (Gayibor 2005:584t1).25(*)

Ces médecins furent bien accueillis par les agents de santé et les populations. A la lumière des témoignages de ces agents de santé, analysons les conditions de vie du corps des professionnels de la santé au Togo à cette époque.

1.2. Les conditions de vie des agents de santé sous la tutelle:

les témoins parlent.

Les recommandations de la tutelle en collaboration avec les legs du mandat firent de la période 1946-1960, sur le plan des conditions de vie des agents de santé une période prospère. Beaucoup de témoignages montrent que ces fonctionnaires trouvaient que leurs conditions de vie et de travail, à défaut d'être bonnes, étaient quand même acceptables. Sur ce, laissons parler les témoins.

Sur les conditions de travail, voyons d'abord ce qu'était l'effectif du personnel avant d'arriver au matériel. Au sujet des effectifs du personnel, le Docteur Pierre Mikem racontait:«Je ne sauvais vous donner un chiffre exact. Je sais qu'à cette époque, travaillaient le médecin - commandant Chavenon, des troupes coloniales, le médecin Leponcin, et d'autres médecins qui venaient, mais qui ne restaient pas longtemps. Le docteur Chavenon s'occupait de la chirurgie générale et de docteur Leponcin de la médecine générale et de la pédiatrie. Madame Bru, une sage - femme européenne, s'occupait de la maternité, avec cinq ou six sages - femmes africaines. Il y avait à l'époque le médecin. Colonel Lot, qui était là au moment des transferts de l'hôpital; le commandant Chavenon; de la chirurgie étant parti, le médecin - commandant Moran étai venu le remplacer (...) Comme médecins togolais il y avait le Dr Coco Hospice, le Dr Yébovi, le Dr Samuel Kokoroko Johnson et moi: on était à la chirurgie. En médecine générale, il y avait des agents techniques qui secondaient les médecins. Les médecins togolais étaient surtout affectés dans le nord du pays; (...) Le Dr Olympio travaillait comme médecin privé.» (Marguerat et Péléi, 1992: 147- 148; 150 - 151).

Sur l'effectif des sages-femmes, Marie - Louise Mikem, sage - femme raconte « : On n'était pas nombreuses comme sages - femme, à la maternité. On était quatre. (...) Nous étions secondées par une infirmière, et on avait la chance de travailler avec les anciennes infirmières comme Mesdames Anna Wood, Anna Lawson, Adjgo et tant d'autres. Elle (l'infirmière) travaillait avec nous et quand il y avait un cas grave, on faisait appel aux médecins. » (Marguerat et Péléi 1992:162-163).

Comme nous pouvons le constater le personnel était composé d'Européens et d'Africains mais ces derniers aussi avaient à leur charge certains services.

Concernant les conditions de travail et à la question de savoir si elles étaient améliorées Marie - Louise Mikem répondait. « Ah oui, forcément, parce que, quand on était en bas (...) il n'y avait pas de gants ; on travaillait avec les mains nues, si bien qu'à chaque accouchement, surtout quand il s'agissait des cas d'infection, nous avions du mal; ce n'était pas agréable...Mais à Tokoin, il y avait des gants ; et jusqu'à maintenant, les jeunes soeurs travaillent dans des conditions que je dirais faciles, et qui n'existaient pas avant. Il faut dire qu'un grand pas a été fait; elles sont beaucoup plus à l'aise pour travailler.» (Marguerat et Péléi 1992:165).

Cette condition de travail difficile au début mais satisfaisant par la suite a été soulignée par le Dr Pierre Mikem au moment du transfert à l'hôpital de Tokoin:« Nous sommes partis de Lomé avec sept malades seulement, les plus graves, qui devaient constituer le premier lot de malades à être traités dans ce nouvel hôpital. (...) C'est finalement au mois d'août 1954 que tout le reste, le gros matériel, le personnel, a été amené. Tout était en vrac le jour où nous avions démarré le travail à Tokoin. Au service de la chirurgie, alors qu'on avait encore rien installé au bloc opératoire, nous recevions dès la première nuit une urgence chirurgicale: c'était une hernie étranglée...On a dû travaillé dans des conditions impossibles, mais nous étions très contents parce que, finalement, on a réussi à le tirer d'affaire...»; mais seulement quelques temps après, continue l'interlocuteur, «le personnel était satisfait, parce qu'il pouvait travailler dans de meilleurs conditions, avec du matériel médico- chirurgical meilleur! Les installations, les structures étaient également plus accueillantes que ce qu'il y avait à Lomé.» (Marguerat et Péléi 1992: 150 - 151)

Parmi ces conditions de travail, l'accueil n'en manquait pas. L'état de ces accueils d'abord entre infirmiers et médecins togolais revenus de Dakar puis entre les «Dakarois» et les jeunes docteurs revenus d'Europe.

Sur ces points, voici ce que nous livrait le Dr Mikem d'abord sur l'accueil Infirmiers-Dakarois «La solidarité dans le travail ne s'est pas instaurée immédiatement. C'est avec le temps, petit à petit, qu'on s'est familiarisé, car, quand nous sommes arrivés, il y avait des anciens infirmiers qui faisaient fonction d'assistants des médecins de l'époque, et qui travaillaient très bien. Il y a eu des noms célèbres comme les Kpadénou, les Adjgo, qui ont été des infirmiers réputés dans le temps, qui assistaient vraiment correctement les médecins dans leur travail! Quand nous étions arrivés, il est vrai que l'entente ne s'est pas établie tout de suite, mais, petit à petit, on a appris à se tolérer, et l'entente a fini par prédominer.»

Concernant eux - mêmes formés à Dakar et les docteurs revenus d'Europe il disait ceci: «En tout cas, nous les avons bien accueillis, tout au moins pour moi! J'ai trouvé là la possibilité d'avoir encore du personnel médical; ce qui permettait de partager ma tâche, car, quand j'étais médecin résident, il y avait un seul médecin pour la chirurgie, le docteur Brimbusson, qui, avec me docteur Moran, assumaient les tâches dans tout le service chirurgical. J'étais littéralement sollicité à chaque instant, pour les urgences médicales comme

les urgences chirurgicales! La tâche était énorme...Donc c'était un plaisir pour moi de pouvoir partager ces tâches avec des confrères nouvellement arrivés. Ces nouveaux étant d'ailleurs plus ou moins la famille, parce que la plupart des médecins avaient envoyé leurs enfants pour la relève......» (Marguerat et Péléi).

De tout ce qui précède, il est certain que les agents de santé autochtones que sont les auxiliaires médicaux et les médecins africains avaient connu une évolution considérable sous le régime de la tutelle, c'est à - dire entre 1946 - 1960. Cette sensible évolution était tributaire de certains grands événements dont la seconde guerre mondiale et la Conférence de Brazzaville. Ces éléments avaient donné un nouveau souffle aux agents sanitaires autochtones; mais avec l'esprit de la tutelle, le corps autochtone des agents de la santé connu un éclat sans précédent.

En effet, l'approfondissement des réformes qui a été enregistré à partir des années 1940 marqua profondément la carrière médicale. Les différents décrets et arrêtés portants sur l'organisation du service de santé et sur la création de nouveaux corps d'auxiliaires médicaux avaient atteint leur sommet par la chance qu'avaient alors les Togolais, grâce aux bourses d'études, de poursuivre les études en Europe pour sortir nantis du doctorat.

Toutes ces dispositions avaient assoupli et amélioré les conditions de vie et de travail des agents de santé des Togolais.

* 25 Pedro Olympio avait obtenu le grade de docteur en médecine en Allemagne en 1925. Il avait, pour cela, été autorisé spécialement à exercer sa profession au Togo mais à titre privé puisqu'il n'était pas formé en France selon les lois en vigueur à cette époque. ANT, 1H dossier 45 consernant le docteur Pédro Olympio.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera