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la situation du mineur en droit positif ivoirien au regard de la convention sur les droits de l'enfant et de la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant

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par Aka Georges AMASSI
université d' Abidjan Cocody - Diplome d'Etudes Approfondies 2005
  

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PARTIE I : LE SORT DU MINEUR DANS LE CADRE

FAMILIAL

La notion de famille a subi un bouleversement suite à la colonisation et à l'avènement du droit moderne. De la famille élargie on est arrivé à la famille nucléaire regroupant le père, la mère et les enfants16(*). Aussi, la protection et le bien-être de l'enfant dans la famille vont-ils être confiés au premier chef à ses parents c'est-à-dire ses père et mère (chapitre I). Néanmoins, le législateur a prévu la situation où les parents du mineur viendraient à faillir à leur mission de protection ou à être en état de ne pouvoir l'assumer (chapitre II).

CHAPITRE I : LA PROTECTION DU MINEUR PAR

SES PARENTS

Les parents sont les premiers responsables de leurs enfants. Il leur incombe donc au premier chef de les protéger. L'enfant est un être évolutif qui naît et qui grandit. Durant les différentes étapes de sa vie, ses parents doivent être présents pour lui apporter tous les soins et attention nécessaires afin de lui assurer non seulement la vie (section I) mais aussi de guider ses pas dans un monde où son extrême vulnérabilité physique et psychologique ne lui permettent pas de s'accomplir seul. Ses parents doivent aussi donc assurer son développement (section II).

SECTION I : LA PROTECTION DU MINEUR RELATIVEMENT

A LA VIE

Ensemble des phénomènes assurant l'évolution de tous les organismes, humains, animaux et végétaux, depuis la naissance jusqu'à la mort, la vie17(*), est ce qu'il y a de capital pour tout être. C'est pourquoi, le droit inhérent de toute personne à la vie est affirmé dans nombre de textes organisant les droits humains. Cette affirmation, a été faite aussi à la fois dans la convention sur les droits de l'enfant et la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant. L'article 6 al 1 de la convention et l'article 5 al 1 de la charte prescrivent le droit de l'enfant à la vie et le caractère imprescriptible de ce droit. C'est dire que l'enfant est reconnu comme une personne à part entière et dotée de la personnalité juridique. Mais, le droit ne reconnaît à l'enfant la qualité de personne porteuse de droits propres que s'il naît, d'une part vivant, et d'autre part viable. C'est donc la naissance seulement qui, en principe, lui confère la personnalité juridique et lui permet d'accéder à la vie juridique. L'existence juridique (paragraphe II) est tributaire de la vie biologique, qu'il faut aussi et avant tout protéger (paragraphe I).

Paragraphe I : La protection de la vie physique ou biologique

du mineur

L'enfant, né, est un être qu'il faut protéger. Il a le droit à la vie. Quid de l'enfant conçu ?

L'enfant conçu n'est qu'un «  produit innommé »18(*). Lui reconnaître le droit à la vie c'est lui reconnaître le droit de devenir une personne nommée. Bien que le foetus soit vivant, cette vie ne suffit pas à lui conférer la personnalité juridique. La maxime : «  infans conceptus pro nato habetur quotis de commodis ejus agitur » signifie seulement qu'à titre exceptionnel, l'enfant conçu peut être traité comme sujet de droit à condition de naître vivant et viable. Mais encore, faut-il qu'il y ait un intérêt tel par exemple un héritage (art. 5 de la loi sur les successions).

Néanmoins, le droit traite l'enfant conçu comme une « personnalité virtuelle19(*) ». Et, en tant qu'être humain en devenir, il bénéficie d'une protection de principe20(*) avant la naissance. C'est la protection prénatale (A). Mais cette protection confiée, au premier chef, aux soins des parents subsiste après la naissance. C'est la protection post-natale (B).

A- La protection prénatale

La protection de l'enfant avant sa naissance se présente sous deux aspects dans le droit ivoirien. Une protection d'abord directe caractérisée par la pénalisation de l'avortement (1). Ensuite, une protection indirecte consistant en la protection de la femme enceinte (2).

1° - la pénalisation de l'avortement

La protection prénatale directe repose sur la répression de l'avortement. Tout enfant conçu doit naître ; quiconque met fin à son développement commet un acte délictueux. C'est en substance ce qu'indiquent les articles 366 à 369 du code pénal réprimant l'avortement ou tout acte susceptible d'y conduire.

Appréhendé comme l'expulsion volontaire prématurée du produit viable, embryon ou foetus, de la conception, l'avortement doit être distinguée de la fausse couche qui est l'expulsion d'un faux germe et de l'accouchement prématuré qui est l'expulsion avant terme d'un foetus non viable.

Cette protection est dite directe car, elle a pour objet l'être humain en devenir, qu'est l'embryon ou le foetus alors même qu'il est encore dans le ventre de la femme, sa mère. Le foetus bien que n'ayant pas revêtu la personnalité juridique n'en demeure pas moins une personne humaine potentielle qu'il convient de protéger. Ainsi, le souligne Graven « la collectivité qui interdit d'attenter à la vie extra-utérine se contredirait si elle ne garantissait également le respect de la vie intra-utérine dès son début. L'embryon est un être humain en formation qui mérite protection pénale au même titre que la personne humaine, sinon sous la même forme, ou au même degré »21(*). Néanmoins, l'embryon ou le foetus sujet vivant n'est pas sujet de droit. Sa vie n'existe qu'à travers et par le corps de sa mère. Dès lors, le droit à la vie de l'enfant à naître se trouve extrêmement lié à la volonté de la mère  et aux bons soins de celle-ci. Mais il s'oppose dans le même temps au droit de la femme à être maîtresse de son corps et à sa liberté de refuser la maternité.

L'avortement, il convient de le souligner, est un acte qui se situe au carrefour d'un certain nombre de contingences telles que l'éthique, la morale, la religion et les libertés individuelles. En cela, il se pose des problèmes tant au niveau de la prévention que de la répression. En effet, il est difficile de concilier la préservation de la vie de l'être humain en devenir et le droit de la femme à être maîtresse de son corps ainsi que sa liberté de refuser la maternité. Au nom de ce droit et de cette liberté, des mouvements féminins en Europe notamment en France tels que Planning familial, Mouvement pour la libéralisation de l'avortement et de la contraception, l'association « Choisir » ont revendiqué une évolution du droit et obtenu la libéralisation de l'avortement par une loi du 31 décembre 1979.

En Côte d'Ivoire, la communauté dans son ensemble considère l'avortement comme un acte immoral. Mieux, elle voit en l'enfant un don de Dieu. D'où, le caractère sacré de la personne humaine proclamé dans la constitution d'Août 2000 en son article 2. Or, « il est bien évident maintenant que la vie humaine ne commence jamais, elle continue.... La personne humaine n'apparaît pas à un moment précis ; pas plus que le jour qui se lève »22(*). C'est dire que la vie est un processus qui commence depuis la conception. Partant de ce constat, la société ivoirienne rejette l'avortement. Aussi, le législateur ivoirien a incriminé sans ambages l'avortement (art.366 du C.P), ainsi que l'incitation à sa pratique par des discours proférés dans des lieux ou réunions publics, par la vente, la mise en vente ou l'offre de tout support publicitaire portant sur des remèdes, substances, instruments ou objets quelconques ou toute sorte de propagande alors même que l'avortement ne serait ni tenté ni consommé ou que lesdits actes seraient en réalité inaptes à le provoquer (art.368 du C.P). Cette intention du législateur de protéger le foetus en tant qu'être humain doté ne serait-ce que d'une « personnalité juridique virtuelle » ressort à juste titre de l'incrimination et de la répression de l'avortement sous le chapitre des crimes et délits contre les enfants et les personnes incapables de se protéger en raison de leur état physique et mental (livre I, titre II, chapitre 3 du C.P). Il n'y a donc en réalité pas de droit à l'avortement en Côte d'Ivoire, c'est-à-dire le droit de se procurer volontairement l'avortement.

Néanmoins, lorsque la vie de la mère est gravement menacée et que sa sauvegarde nécessite l'interruption de la grossesse au moyen d'une intervention chirurgicale ou thérapeutique, cette interruption n'est pas incriminée. Mais, à ce stade, le législateur pose des garde-fous (art.367 du C.P) pour éviter que l'on transforme l'exception en permission.

En interdisant l'avortement, le législateur ivoirien réitère, mieux légalise l'obligation naturelle de la femme enceinte, future mère, de prendre soin et de protéger l'enfant qu'elle porte en elle. L'invitant ainsi à être beaucoup diligente dans la surveillance de sa grossesse. Car, c'est entre ses mains que se trouve le futur en ce qui concerne la vie de l'enfant qu'elle porte. Mais, il est donné de constater que l'avortement officiellement interdit, se pratique beaucoup officieusement. Nul doute que cette pratique est la cause du décès de plusieurs jeunes filles ou encore de problème de procréation de nombre d'entre elles. Cela, parce que lorsque l'avortement est pratiqué officieusement, il l'est souvent dans de très mauvaises conditions et aussi il est fait par des non spécialistes. Dès lors, nous en sommes donc à nous interroger s'il faille encore maintenir la pénalisation de l'avortement. Il serait peut être temps de le légaliser en l'encadrant assez rigoureusement. Car l'on ne peut continuer d'ignorer cette triste réalité.

Toutefois, à côté de la pénalisation de l'avortement, une autre protection prénatale est prévue pour l'enfant par le truchement même de la future mère.

2°- la protection de la femme enceinte

L'enfant conçu est si étroitement dépendant de sa mère que toute mesure de protection et de santé favorable à cette dernière le sera aussi pour lui. Ces mesures auront à n'en point douter un retentissement incontestable sur la santé de l'enfant. Ces mesures d'ailleurs, sont prises pour la plupart à cause de l'état de grossesse de la femme ; donc à cause de l'enfant qu'elle porte. C'est alors à travers la protection légale accordée à la femme enceinte que s'effectue celle de l'enfant conçu.

Indirecte, ici, dans sa mise en oeuvre, la protection prénatale l'est aussi dans sa finalité. Elle n'a pas seulement pour objectif que de protéger la vie de l'enfant mais aussi et surtout d'améliorer les conditions de cette vie. La protection prénatale indirecte donc met en oeuvre un ensemble de techniques qui assurent à l'enfant une bonne naissance. Une telle protection devrait en principe bénéficier à toutes les femmes enceintes. Mais il est donner de constater que face à la maternité toutes les femmes ne sont pas égales.

En effet, la législation ivoirienne en terme de sécurité sociale, fait une discrimination entre les femmes enceintes quant à la protection légale dont elles doivent bénéficier pour assurer une bonne naissance à leur progéniture. Car, même si elles bénéficient toutes d'un droit d'accès aux services des maternités et hôpitaux, elles ne bénéficient pas toutes des mêmes moyens d'accès. La sécurité sociale est profitable seulement aux femmes enceintes travailleuses ou salariées et dans une certaines mesures aux conjointes des travailleurs salariés (art. 44 al 1 du code de prévoyance sociale). Excluant ainsi toutes les autres femmes telles que la simple ménagère, l'agricultrice, la petite commerçante, etc. Une telle discrimination n'est pas dans l'intérêt de l'enfant et elle est paradoxale. Paradoxale, quand on sait que le législateur ivoirien condamne l'avortement et tout acte incitateur. Si la femme enceinte même en détresse n'a d'autre choix que de garder sa grossesse, alors que celle-ci en France par exemple peut se faire avorter23(*), une aide sociale doit lui être apportée en terme financier ou de gratuité ou encore de subvention importante de tous les soins médicaux. Ceci, pour lui permettre de faire face aux charges de la grossesse vu le niveau de pauvreté de ces femmes laissées pour compte.

Mais alors comment s'organise la protection en l'endroit de celles qui en sont bénéficiaires ?

Cette protection passe par l'attribution d'une allocation prénatale (a) et par les modifications ou les aménagements apportés au contrat de

travail (b).

a- L'attribution de l'allocation prénatale

Lorsqu'une femme salariée ou la conjointe d'un travailleur est enceinte, elle bénéficie des allocations prénatales qui couvrent toute la période de la grossesse. Pour se faire, il suffit que la grossesse soit déclarée dans les trois premiers mois (art.44 al 2 du code de prévoyance sociale), auprès de la caisse nationale de la prévoyance sociale. L'organisme ainsi avisé de cette déclaration accompagnée d'un certificat médical, remet à l'intéressée un carnet de grossesse et de maternité comportant les renseignements d'ordre médical qui sont surtout les examens prénataux auxquels la femme devra se soumettre. Ces allocations ont pour but d'aider la femme et en général sa famille à supporter les charges de la grossesse et de l'inciter à veiller au bon déroulement de la grossesse pour la santé de la femme elle-même et par ricochet celle de l'enfant à naître. Dès lors, le paiement de ces allocations est conditionné par des examens médicaux mais aussi et surtout par le respect des prescriptions médicales et sanitaires (art 45al 1 du code de prévoyance sociale). Ainsi la prise en charge pécuniaire de la maternité est étroitement liée à la réalité du contrôle médical.

Outre les allocations prénatales il y a lieu au remboursement des frais médicaux occasionnés par les maladies résultant de la grossesse et des couches (art.54 du code de prévoyance sociale). La protection indirecte apparaît aussi avec les aménagements apportés au contrat de travail quant à la fourniture de la prestation de travail, de la femme enceinte pendant la période prénatale.

b- Les aménagements apportés au contrat de travail de la

femme enceinte salariée

Le droit à la vie de l'enfant est tributaire d'un déroulement normal de la grossesse et d'un accouchement sans incident majeur. Cependant, l'exécution de son travail par la femme enceinte dans le cadre de son contrat de travail peut s'avérer pénible voire dangereuse pour elle-même et aussi pour l'enfant qu'elle porte en elle. Aussi, le droit du travail intervient-il à une période donnée de sa grossesse pour la protéger en apportant des aménagements à son contrat de travail dans son exécution. Déjà même avant son embauche la protection de la femme enceinte commence.

En effet, selon de l'article 23.2 du code du travail la grossesse de la femme ne doit pas être prise en compte par un employeur pour refuser de l'embaucher dans une période d'essai ou pour résilier son contrat de travail. En fait, la grossesse est ressentie dans le monde du travail comme un inconvénient important en raison de son incidence économique par rapport à l'assiduité au travail ou au rendement de la femme enceinte. Dès lors, les employeurs sont portés à ne pas engager une femme en état de grossesse ou même à s'en séparer. Aussi, le législateur a-t-il décidé que la femme enceinte ne soit pas jugée en fonction de son état mais de ses capacités intrinsèques, de ses aptitudes au travail. Il va sans dire qu'un refus d'embauche fondé sur la grossesse peut être vu comme discriminatoire et faire l'objet de procès. Mais il faut noter que l'employeur pourra toujours trouver d'autres raisons à son refus24(*). Dès lors, cette mesure s'avère insuffisante. Mais le législateur peut-il aller plus loin sans compromettre la liberté de l'employeur à choisir ses employés.

Par ailleurs, la femme enceinte est exemptée de se soumettre à des examens médicaux pour la constitution d'un certificat médical requis pour l'embauche lorsque ces examens sont dangereux pour sa santé et celle de l'embryon (art.23.2 al 2 du code du travail). Ici, le législateur a montré expressément sa volonté de protéger l'embryon en tant qu'être humain en devenir en le désignant nommément.

Lorsque la femme enceinte est déjà engagée dans les liens du contrat de travail, sa protection est plus accrue. Son contrat de travail subit des aménagements dans son exécution. En effet, il y a des travaux qui de par leur nature sont dangereux pour la femme et particulièrement pour la femme enceinte. De la sorte, si l'exécution de ce travail par la femme était normalement son obligation, son état de grossesse advenu, elle devrait y mettre un terme. Or, il est interdit de licencier une femme enceinte à cause de sa grossesse25(*). Dès lors, il doit avoir mutation de celle-ci à un autre poste de travail sans modification de son traitement salarial26(*). En principe, un licenciement intervenu pour un tel motif est jugé abusif et ouvre droit à des indemnités de licenciement27(*). Le législateur va même plus loin car aux termes de l'article23.3 al 2 lorsque le licenciement est notifié à la femme dans l'ignorance de sa grossesse, celle-ci peut dans un délai de quinze jours à compter de la notification, justifier de son état par un certificat médical. Et cette justification emporte annulation du licenciement sauf faute lourde.

Cependant, lorsque la femme enceinte juge elle-même que son état est incompatible avec l'exercice de toute activité professionnelle, elle peut après avoir fait médicalement constater sa grossesse, rompre son contrat de travail sans préavis et sans avoir de ce fait à payer une indemnité de rupture du contrat (art.23.4 du code du travail).

Par ailleurs, il existe un danger sérieux pour l'enfant à laisser travailler la femme enceinte au-delà du septième mois ; le travail prolongé après cette limite étant l'une des causes les plus fréquentes des naissances prématurées, d'enfants handicapés ou de décès à la naissance28(*). Le législateur a alors entrepris de suspendre le contrat de travail pendant quatorze semaines consécutives dont huit semaines postérieures à la délivrance (art.23.5 du code du travail). Cela en vue de protéger la santé de la mère et de l'enfant.

Technique juridique originale, la suspension entraîne seulement une interruption momentanée dans la vie du contrat, lequel reprendra son cours normal après une période plus ou moins longue de morte apparente. Cette mesure est d'autant plus protectrice que malgré la suspension de son contrat de travail, la femme a droit à une allocation de maternité égale au salaire qu'elle percevrait pendant la période de la suspension du contrat (art.23.6 in limine du code du travail).

Protégé pendant qu'il se trouve encore dans le ventre de sa mère de façon soit directe, soit indirecte, l'enfant détaché de celle-ci par l'accouchement bénéficie d'une protection plus accrue, son droit à la vie prenant tout son sens. Il s'agit de la protection post-natale.

B- La protection post-natale de l'enfant

La naissance a séparé la mère de l'enfant. Ils sont désormais deux êtres totalement distincts. Mais ils ne sont pas encore totalement indépendants. Le nouveau-né a un besoin vital de soins constants, de caresses et d'amour de ses parents, surtout de sa mère. Il faut l'aider à s'éveiller à la vie qui l'entoure. La mère salariée délivrée par l'accouchement devrait reprendre son travail. Cependant, vu les besoins sus indiqués de l'enfant et dans une certaine mesure à cause de la fragilité de la mère après l'accouchement, le législateur va apporter des aménagements à son contrat de travail ainsi que d'autres mesures pour permettre à l'enfant de bénéficier de la présence de sa mère, de ses soins. L'enfant donc juste après la naissance bénéficie d'une protection post-natale indirecte (2).

A cette protection post-natale indirecte, s'ajoute la protection de la vie du nouveau-né. L'enfant étant, à ce stade de la vie, très vulnérable, l'on pourrait facilement mettre un terme à sa vie. Le législateur ivoirien l'a si bien perçu qu'il a fait de l'atteinte à la vie de ce petit être un crime sui generis. L'enfant bénéficie donc aussi d'une protection post-natale directe par la répression de l'infanticide (1).

1°- La répression de l'infanticide

L'enfant dans les premiers moments de sa vie est un être encore extrêmement fragile. Sa vie peut alors être facilement mise en danger ou pire, être supprimée. Or, maintenant détaché de sa mère, il acquiert la personnalité juridique et son droit à la vie prend tout son sens. Il faut alors lui accorder une protection spéciale. Le législateur a alors entrepris de lui accorder cette protection spéciale dans le mois de sa naissance (art.361 du C.P). Aussi, le meurtre d'un enfant dans le mois de sa naissance va constituer un crime sui generis qualifié infanticide. Il ne s'agit pas du meurtre de tout enfant, mais de celui d'un enfant d'un mois, c'est-à-dire le nouveau-né. Au-delà d'un mois, le meurtre de l'enfant devient un homicide de droit commun, comme celui de l'adulte.

La question de la constitution du crime lorsque l'enfant est né non viable ou est mort né s'était posée. Cette question est aujourd'hui tranchée par la doctrine et la jurisprudence. Tout être né d'une femme quelque soit ses malformations physiques et psychiques est une personne humaine dont l'existence est protégée par la loi. Aussi, le crime est-il incontestablement constitué car comme le soutient un auteur, celui qui abrège la vie d'une personne même si elle est vouée fatalement à une mort prochaine est un meurtrier29(*). Dans la deuxième hypothèse, c'est à dire si l'enfant est mort-né c'est la théorie du crime impossible, impossibilité quant à l'objet, qui reçoit application et la qualification d'infanticide est rejetée.

Cette infraction en droit ivoirien était sévèrement réprimée, sous l'empire de l'article 361 al 2 du code pénale, par la sanction ultime, la peine de mort. Aujourd'hui, cette sanction est devenue inconstitutionnelle à cause de son abrogation par l'article 2 al 4 de la constitution d'Août 2000. La disposition de l'article 361 al 2 du code pénal mérite donc une révision. Et pour nous, il serait souhaitable pour conserver le caractère extrême de la sanction de convertir la peine de mort à la réclusion criminelle à perpétuité.

Même si l'enfant à cette période particulière de sa vie doit être protégé par sa mère, il peut arriver que ce soit celle-là même qui se rende coupable du crime sur la personne de son enfant. Mais à son endroit, le législateur est indulgent sans que cette indulgence ne puisse profiter à d'éventuels complices ou coauteurs. La peine à lui infliger est de cinq à vingt ans de prison (art.361 al 3 du C.P). Il faut noter qu'avec l'abolition de la peine de la mort, l'infanticide se trouve logé au rang du meurtre de droit commun exception faite de l'indulgence à l'endroit de la mère. En tout état de cause, on en vient à dire que la vie du nouveau-né ne bénéficie plus de la protection spéciale à laquelle elle avait droit.

Cela n'empêche tout de même pas de reconnaître que le nouveau-né par le truchement de sa mère bénéficie d'une protection indirecte.

2°- La protection de la femme accouchée.

La protection de l'enfant par le truchement de sa mère, femme salariée, est assurée par l'aménagement du contrat de travail de celle-ci. Ces aménagements dans une certaine mesure ne sont pas nouvelles étant donné qu'ils commencent depuis la période prénatale et s'étendent à la période d'après l'accouchement.

En effet, aux termes de l'article 23-5 al 1 du code du travail « à l'occasion de son accouchement,...toute femme a le droit de suspendre son contrat de travail pendant quatorze semaines dont huit semaines postérieures à la délivrance ». Même si l'accouchement venait à avoir lieu avant la date présumée, la période de suspension du contrat de travail est prolongée jusqu'à épuisement des quatorze semaines (art.23.5 al 2 du C.T). Cela sous entend que l'interruption du contrat pendant les huit semaines après l'accouchement a un caractère impératif qui découle de la précision même du texte « dont huit semaines postérieures à la délivrance ». Ce temps permet à la femme de s'accorder un repos mais surtout de se consacrer à son nouveau-né qui a un besoin indéniable de sa présence, de ses soins mais surtout de la nourriture qu'est le lait maternel. Ce lait est reconnu comme celui à même d'assurer à l'enfant dans ses premiers moments la nutrition parfaite. La nutrition de l'enfant au lait maternel est d'autant plus importante pour lui, qu'alors même que les huit semaines d'interruption du contrat seront terminées, la femme doit avoir la possibilité lors de la reprise de son travail d'allaiter son enfant. C'est en cela qu'elle devra bénéficier pendant une période de quinze mois à compter de la naissance soit treize mois depuis la fin de l'interruption du contrat, d'un droit de repos au fin d'allaitement (art.23.7 du C.T). Ces repos qui ont lieu durant la période de travail peuvent être d'une heure par journée de travail.

Par ailleurs, la femme salariée ou conjointe d'un travailleur, qui est accouchée d'un enfant né viable bénéficie d'une allocation de maternité selon l'article 47 du code de prévoyance sociale. La viabilité de l'enfant comme condition d'attribution de l'allocation dénote que celle-ci a pour objet certes d'aider la famille à survenir aux charges de la maternité mais aussi et surtout de permettre d'assurer la survie et le développement de l'enfant dans des conditions beaucoup plus favorables. Cela se perçoit encore mieux, au vu de la répartition du paiement de l'allocation :

-la moitié à la naissance ou immédiatement après la demande,

- le quart lorsque l'enfant atteint l'âge de six mois,

-le quart lorsqu'il atteint l'âge de douze mois30(*).

Encore faut-il souligner qu'en cas de naissance multiple, chaque naissance est considérée comme une maternité distincte et ouvre a fortiori droit à une allocation de maternité pour chacun des enfants (art.47 al 2 du code de prévoyance sociale). En tout état de cause, l'allocation de maternité est allouée beaucoup plus dans un souci de protection de l'enfant que d'aide à la famille.

L'enfant est né, il existe physiquement mais cette existence doit être constatée juridiquement. Faire constater légalement l'existence de l'enfant, c'est lui permettre d'accéder à la vie juridique.

Paragraphe 2 : L'existence juridique du mineur

Donner à l'enfant une existence juridique, c'est lui donner une identité (A) qui consacre son existence légale. Cette identité de l'enfant doit aussi être protégée (B).

A - L'identité de l'enfant

Tout enfant, a dès sa naissance droit à une identité31(*). Cette identité consiste en substance à lui attribuer un nom (1) permettant de l'individualiser aussi bien au sein de la société qu'au sein de sa famille. Cependant, aujourd'hui, l'attribution du nom seule ne suffit plus à donner une existence à l'enfant, du moins légalement. Sa naissance doit être enregistrée (2).Cet enregistrement lui permet d'avoir un acte de naissance attestant de son identité et partant de sa citoyenneté donc sa nationalité (3).

1 : L'attribution du nom à l'enfant

En générale, le nom que porte un enfant est lié à son appartenance à une famille, donc à sa filiation (a).Cependant, il peut arriver que la filiation d'un enfant ne soit établie à l'égard d'aucun parent. Il a pourtant droit aussi à nom ; c'est la situation de l'enfant retrouvé (b).

a : attribution du nom à l'enfant et filiation

L'enfant, selon qu'il naît dans un mariage ou en dehors d'un mariage, est un enfant légitime ou un enfant naturel. Pour l'enfant légitime, l'acquisition d'un nom ne pose pas de problème majeur, parce qu'il est couvert par la présomption de paternité édictée à l'article 1 de la loi sur paternité et la filiation qui dispose que : «  l'enfant a pour père le mari de sa mère » et par voie de conséquence acquiert le nom de celui-ci sur le fondement de l'article 2 al 3 in limine de la loi sur le nom32(*). A ce nom le père peut demander que soit ajouté le nom de la mère (art. 2 al 2 de la loi sur le nom). Quant à l'enfant naturel, la situation est différente et plusieurs cas de figure se présentent selon qu'il est un enfant naturel simple ou un enfant adultérin ou encore incestueux.

a 1 : l'attribution du nom à l'enfant naturel simple

L'enfant naturel simple est celui qui est né de parents non engagés dans les liens d'un mariage et dont le mariage n'est pas prohibé par la loi. La loi sur le nom en son article 3 prescrit que l'enfant naturel acquiert un nom selon l'ordre de sa reconnaissance par ses parents. Aussi, lorsque l'enfant est-il reconnu simultanément par ses père et mère, il prend le nom de son père (art 3 al 2 de la loi sur le nom). Quand la reconnaissance par le père intervient en second lieu, l'enfant prend le nom de sa mère auquel est ajouté celui du père. Dans ce cas, l'on se retrouve dans l'hypothèse du nom double avec la disposition suivante : noms mère-père (art.3 al 4 de loi sur le nom). Néanmoins avec le consentement de la mère, le nom du père peut suppléer à celui de la mère ou y être ajouté mais dans l'ordre contraire de celui sus indiqué c'est-à-dire noms : père-mère (art. 3 al 5 de la loi sur le nom).

Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un seul parent qui le plus souvent est la mère, car la filiation à son égard est établie par le seul fait de la naissance (art.19 al 1 de la sur la paternité et la filiation)33(*), l'enfant prend le nom de ce seul parent et aucune mention n'est faite du nom de l'autre parent. De la sorte, lorsque ce parent viendrait à reconnaître l'enfant plus tard, mention de son nom sera faite à la place vide.

Cependant, il est donner de constater que dans ce cas de figure, plutôt que de laisser l'espace vide, un autre parent souvent de la mère qui est soit un oncle, un neveu, soit un grand père ou un grand frère, attribue son nom à l'enfant et fait de lui par voie de conséquence juridiquement son fils. Cette pratique pourrait avoir deux explications essentielles.

La première explication réside dans l'ignorance de la loi. En effet, bon nombre de la population ignore que l'on peut déclarer la naissance d'un enfant et établir son acte de naissance par le seul nom de sa mère si son père ne le reconnaît. Et donc, par souci de ne laisser l'enfant sans identité, un parent de la mère se charge de se faire passer pour le père de l'enfant en lui attribuant son nom.

La seconde raison vient d'une conception typiquement traditionnelle qu'avoir un enfant sans père dans une famille, est un déshonneur. Alors, il faut couvrir de cette manière le déshonneur et éviter ainsi que l'enfant en grandissant ne vienne à demander son père.

Il se pose dès lors, le problème de l'identité réelle de l'enfant .Car si un enfant doit avoir un nom, il a le droit d'avoir celui de ses parents et dans la mesure du possible vivre avec eux. Et du fait de cette identité tronquée, il pourrait se poser d'autres problèmes tel celui de la succession.

Quid de l'enfant adultérin et de l'enfant incestueux ?

a 2 : l'attribution du nom à l'enfant adultérin et à l'enfant

incestueux

Le mode d'attribution du nom à l'enfant adultérin est fonction de ce qu'il est adultérin a matre ou a patre. L'enfant adultérin a matre est couvert par la présomption de paternité, édictée par l'article 1 de la loi sur la paternité et la filiation, et porte de ce fait le nom du mari de sa mère. Néanmoins, lorsqu'il y a désaveu par ce dernier (art.1 al 2 de la loi sur la paternité et la filiation), l'enfant se retrouve dans la situation de l'enfant naturel simple. Et son véritable père pourra le reconnaître et lui attribuer son nom. Sinon il prend le nom de sa mère selon l'article 2 al 3 de la loi sur le nom.

Cependant, quant à l'enfant adultérin a patre, la reconnaissance par le père qui va entraîner l'attribution de son nom à l'enfant est conditionnée par le consentement de sa conjointe selon l'article 22 de la loi précitée. Lorsque la conjointe ne donne pas son consentement, toute reconnaissance et donc toute attribution du nom du père est nulle34(*). Et l'enfant se retrouvera dans la situation de l'enfant naturel simple non reconnu par son père. Néanmoins, le père adultère peut passer outre le consentement de sa conjointe lorsqu'il y a un jugement de divorce en cours ou même lorsqu'il y a une simple demande de divorce ou de séparation de corps au regard du même article 22 précité.

Pour ce qui est de l'enfant incestueux, la situation est plus complexe. Complexe, en ce sens que législateur ivoirien a lié par principe l'attribution du nom à la filiation. Or, un enfant né d'un commerce incestueux ne peut être reconnu hormis toutefois en vue de sa légitimation si le mariage de ses auteurs a été autorisé comme le dispose l'article 24 de la loi sur la paternité et la filiation. La question qui se pose est alors de savoir ce qui se passe si ce mariage n'a pas été autorisé. L'enfant incestueux devra t-il demeurer sans nom ?

En effet, la rédaction de l'article 24 de la loi sur la paternité et la filiation porte à croire qu'à l'égard de l'enfant incestueux aucune filiation ne peut être établie. Une telle lecture de cette disposition serait erronée car la filiation des enfants nés hors mariage résulte à l'égard de la mère du seul fait de la naissance (art.19 al1 de la loi précitée). L'enfant incestueux étant un enfant né hors mariage, cette disposition s'applique à lui. Ainsi, par le fait de la naissance, l'enfant incestueux portera le nom de sa mère. Et ce, de façon exclusive sauf sa légitimation par le mariage autorisé de ses parents. Cela est sûrement une manière pour le législateur de ne pas donner un cachet à l'ignominie commise par ces individus qui sont parents de l'enfant. Le problème donc se poserait si seulement du fait qu'il soit un enfant incestueux, sa mère l'abandonnait à sa naissance sans aucune possibilité d'établir le lien entre eux. Dans ce cas, on se retrouverait dans la situation de l'enfant retrouvé.

b : L'attribution du nom à l'enfant retrouvé

Un enfant retrouvé est celui qui a été abandonné à sa naissance sans aucun document pouvant le relier à ses parents biologiques et qui a été retrouvé. Il n'y a donc pas de possibilité d'établir sa filiation. L'enfant retrouvé est donc un nouveau-né exclusion faite des enfants à bas âge retrouvés et qui sont capables de s'identifier ne serait-ce que par leur prénom ou qui sont simplement identifiables.

A l'égard donc de l'enfant retrouvé, l'attribution du nom va se faire en dehors de toute filiation. Un tel enfant prend le nom qui lui est attribué par l'officier d'état civil à qui sa naissance ou sa découverte a été déclarée selon l'article 5 de la loi sur le nom. C'est donc l'officier d'état civil qui donne un nom à l'enfant retrouvé. Mais sur quels critères choisira t-il ce nom ?

Aucune précision n'est faite par la loi sauf que l'officier d'état civil ne peut donner que des noms et prénoms figurant dans les calendriers ou ceux consacrés par les usages et la tradition (art.6 de la loi sur le nom). Dans les limites donc de cette interdiction, l'officier d'état civil jouit d'un pouvoir discrétionnaire dans le choix des noms et prénoms à attribuer. L'objectif de la loi est avant tout de pouvoir mettre un nom sur chaque enfant aux fins d'identification.

En somme, bien que préexistant à la convention sur les doits de l'enfant et la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant, les lois ivoiriennes répondent ici au souci du législateur international qui est de donner à tout être humain qui vient de naître un nom. Aussi, comme l'avons- nous vu, l'enfant, quelque soit la nature de sa filiation ou son statut d'enfant retrouvé aura un nom par les dispositions de la législation ivoirienne.

Au nom dit patronymique, un ou plusieurs prénoms au choix des parents ou de l'officier de l'état civil peuvent être ajoutés (art.1 de la loi sur le nom) et consignés dans le registre de naissance lors de l'enregistrement de la naissance de l'enfant.

2° : l'enregistrement de la naissance de l'enfant

Lorsque naît un enfant, il ne suffit par seulement de lui attribuer un nom et des prénoms. Cette attribution prend forme et produit des effets juridiques que par le biais de l'enregistrement de la naissance suite à la déclaration aux fins d'établissement d'un acte de naissance.

En effet, tout enfant doit voir sa naissance déclarée et enregistrée à l'état civil par ses parents ou une personne mandatée par eux (art.43 de la loi relative à l'état civil). Cet acte consacre l'existence légale de l'enfant. C'est dire que l'existence légale de l'enfant est confiée aux soins de ses parents.

La déclaration de la naissance d'un enfant est néanmoins circonscrite dans le temps. Aussi, une période de quinze jours avait été donnée pour accomplir cette formalité (ancien art.41 de la loi sur l'état civil). Mais ce délai s'est trouvé très insuffisant et de nombreux enfants restaient au-delà sans être enregistrés et donc sans acte de naissance. Ce qui était une méconnaissance flagrante du droit de l'enfant à un nom. La raison essentielle de ce constat était que pendant longtemps les parents ont ignoré l'importance de l'enregistrement de leur enfant à l'état civil. Et même lorsqu'ils n'ignoraient pas cela, ils trouvaient le délai trop court donc difficile à respecter à cause parfois de l'éloignement des circonscriptions administratives. Conscient de cet état de fait et soucieux de permettre à chaque enfant sur son territoire d'avoir une existence légale, le législateur ivoirien a prorogé ce délai à trois mois en procédant à la modification de l'ancien l'article 41 précité35(*) . Et, pour pallier au problème de distance, l'on a entrepris de rapprocher l'administration des administrés par une décentralisation profonde marquée par la communalisation de plusieurs localités.

Lorsque les délais prescrits n'ont pu être respectés, l'on peut toujours fait enregistrer l'enfant et lui donner un acte de naissance par décision judiciaire dit jugement supplétif (art. 82 et suiv. de la loi sur l'état civil). Mais cette procédure beaucoup plus long et plus coûteuse n'est pas souvent usitée. De la sorte l'on retrouve encore des enfants qui sont en âge de fréquenter mais n'ont pas d'acte de naissance ou jugement supplétif pour être inscrit à l'école. Aussi, pensons nous que l'avènement des audiences foraines dans le cadre de la résolution de la crise ivoirienne36(*) était une solution qui permettrait à chaque enfant dont ce droit était privé d'en jouir c'est-à-dire lui permettre d'avoir un jugement supplétif. Néanmoins, il est regrettable que ces audiences foraines n'aient pris en compte que les enfants à partir de treize ans ; excluant ainsi tous les enfants en dessous de cet âge et dont la naissance n'a pu être déclarée dans les délais légaux. Il aurait été souhaitable que ces enfants soient aussi pris en compte.

L'enfant auquel un nom a été attribué et qui a acquis une existence légale par la déclaration et l'enregistrement de sa naissance est aussi citoyen d'un pays. Il doit avoir pour ainsi dit une nationalité.

3° : la nationalité du mineur

Tout individu doit pouvoir être rattaché à un Etat (6-3 de la C.D.E et

art.7 de la C.A.D.E) ; un enfant encore plus. La nationalité de l'enfant dans la législation ivoirienne est tributaire de sa filiation. C'est dire que l'enfant en Côte d'Ivoire hérite de la nationalité de ses parents une fois sa filiation établie à l'égard de ceux-ci. Le code de la nationalité en Côte d'Ivoire fonde la nationalité sur le jus sanguinis. Ici encore, la filiation joue un rôle déterminant et cela donne une place prépondérante aux parents relativement à la nationalité de leur enfant bien que ce soit une question qui relève de l'ordre public. Ainsi, est ivoirien, l'enfant né en Côte d'Ivoire sauf si ses deux parents sont étrangers (art.6 de la loi sur la nationalité)37(*). Ou encore, l'enfant né à l'étranger d'un parent au moins ivoirien (art.7 de la loi sur la nationalité). Il suffit donc qu'un seul de ses parents soit ivoirien d'origine, par naturalisation ou par adoption, pour que l'enfant né en Côte d'Ivoire ou à l'étranger soit ivoirien. Si ce n'est pas le cas, alors l'enfant est étranger.

Si la situation de l'enfant à l'égard duquel une filiation est établie est si tranchée, si résolue, il n'en est pas de même pour l'enfant retrouvé. Par définition, il n'est établi aucune filiation à l'égard de l'enfant retrouvé. Aussi, si un nom et un ou des prénoms, ont pu lui être donnés par l'officier d'état civil à qui sa naissance ou sa découverte a été déclarée la loi reste muette quant à sa nationalité. Ce que l'on sait de l'enfant retrouvé c'est sa naissance probable en Côte d'Ivoire. Or, le lien du sol, jus soli, ne confère pas la nationalité ivoirienne. La question donc de la nationalité de l'enfant retrouvé reste entière et mérite une attention particulière. Cela, surtout quand l'on se réfère à la question de la nationalité qui semble-t-il est en partie une des causes de la crise politico-militaire en Côte d'Ivoire.

La convention sur les droits de l'enfant et la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant prescrivent aux Etats de tout mettre en oeuvre pour que tout enfant puisse acquérir une nationalité conformément à leur législation et en particulier dans le cas de l'enfant qui risquerait de se retrouver apatride (art.7-2 de la C.D.E et art. 6-4 de la C.A.D.E). La charte africaine aux termes de son article 6-4 va plus loin pour poser le principe selon lequel un enfant a droit d'acquérir la nationalité de l'Etat sur le territoire duquel il est né si, au moment de sa naissance, il ne peut prétendre à la nationalité d'aucun autre Etat conformément à ses lois. Et c'est justement le cas de l'enfant retrouvé eu égard à la loi actuelle sur la nationalité.

Il aurait été intéressant que faute de disposition légale résolvant le problème de la nationalité de l'enfant retrouvé, le cas se soit posé au juge pour qu'il se prononce. Néanmoins, nous pensons que l'enfant retrouvé doit pouvoir bénéficier de la nationalité ivoirienne par le rapprochement de l'article 3 de la loi sur la nationalité et de l'article 6-4°de la charte africaine précité. En effet, aux termes de l'article 3 de la loi sur la nationalité sus indiquée «  les dispositions relatives à la nationalité contenues dans les traités ou accords internationaux dûment ratifiés et publiés s'appliquent, même si elles sont contraires aux dispositions de la législation interne ivoirienne ». Sachant que la charte a été ratifiée et publiée38(*), son article 6-4° trouve donc application et résout de jure la question de la nationalité de l'enfant retrouvé. Car nous estimons que si la norme internationale peut avoir une fonction abrogative, elle peut avoir aussi une fonction complémentaire en comblant un vide.

L'identité du mineur établie, il faut la protéger contre une éventuelle destruction ou falsification.

B : La protection de l'identité du mineur

La vulnérabilité du mineur ne concerne pas que sa personne. Autant il ne peut se protéger lui-même, le mineur ne peut protéger aussi son identité. Cette identité fait de lui un être intégré et dans sa famille et dans la société. Elle ne peut donc être modifiée n'importe comment. C'est en cela que le juge intervient dans toute modification touchant à l'identité de l'enfant (1) et que toute personne qui opère une modification frauduleuse est pénalement sanctionnée (2).

1- l'intervention du juge dans la modification de l'identité

de l'enfant

Aux termes de l'article 31 de la loi sur la filiation et la paternité « lorsqu'une filiation est établie par un acte de naissance ou un jugement supplétif, nulle filiation contraire ne pourra être postérieurement reconnue sans qu'un jugement établisse, préalablement, l'inexactitude de la première. » Il s'agit ici, de ne pas permettre que les adultes notamment les parents ou ceux qui prétendent l'être ne changent à volonté l'identité donnée à un enfant même si cette identité était fausse au départ. L'état d'une personne est d'ordre public. Aussi, le rétablissement de la vraie identité d'un enfant si la première était fausse nécessite l'intervention du juge car il s'agit d'une action qui va aboutir à un changement d'état. Mais alors qui est titulaire  de cette action?

Il faut distinguer selon que l'enfant est né dans un mariage donc couvert par la présomption de paternité, c'est le cas de l'enfant adultérin notamment a patre, ou qu'il s'agisse d'un enfant naturel simple.

Dans le cas de l'enfant adultérin a patre, couvert par la présomption de paternité, il s'agira d'intenter une action en désaveu. Cette action appartient au mari ou à défaut à ses héritiers dans le délai de deux mois suivant le décès de celui-ci. Mais, encore faut-il que ce dernier soit encore dans le délai utile pour le faire (art.6 de la sur la paternité et la filiation)39(*).

En ce qui concerne l'enfant naturel simple, c'est une action en contestation de paternité qu'il y a lieu d'intenter. Cette action appartient à touts ceux qui y auront un intérêt (art.25 de la loi précitée) entre autre le prétendu vrai père de l'enfant40(*) et même la mère de cet enfant41(*).

Ces actions en désaveu ou en contestation de paternité visent à annuler la première filiation établie à l'égard de l'enfant. C'est lorsque cette action aura abouti qu'il va avoir l'action en reconnaissance de paternité qui appartient au père prétendu ou l'action en recherche de paternité qui appartient à la mère du mineur, même lorsqu'elle est elle-même mineure (art.26-3°de la loi sur la paternité et la filiation). Dans le cas contraire l'enfant pourra lui-même intenter cette action pendant toute l'année qui suit sa majorité. Les deux actions, en contestation et en reconnaissance, peuvent être fondues en deux demandes dans une même et unique action. Mais dans ce cas, la demande en contestation doit précéder la demande en reconnaissance42(*).

Toute modification de la filiation de l'enfant donc tout changement de son état opéré par toute autre forme de procédure telle la simple rectification de son acte d'état civil est nul43(*).

La protection civile de l'identité de l'enfant est renforcée par une protection pénale.

2-la protection pénale de l'identité du mineur

La loi pénale fait de l'atteinte à l'état civil d'un enfant un délit. Aussi, commet-il une infraction quiconque qui par ses agissements compromet, modifie ou détruit l'état civil d'un enfant en dessous de l'âge de dix ans ou d'un enfant plus âgé mais atteint d'une infirmité le rendant incapable de connaître sa propre identité (art.386 al 1 du C.P). Tout comme la protection de l'enfant assurée dans les premiers moments de sa vie, son identité l'est aussi. Ainsi, que l'enfant ait survécu ou non, la compromission, la falsification ou la destruction de son identité est sanctionnée (art.386 al 1-1° et 2° du C.P).

Le législateur a limité l'âge du mineur concerné à dix ans ou plus lorsqu'il est atteint d'infirmité mentale. Cela sûrement parce que l'enfant à cette période ne peut à coup sûr connaître sa réelle identité. Cependant, aujourd'hui, des phénomènes tels les vols d'enfants, l'exploitation sexuelle des enfants notamment les jeunes filles etc pouvant conduire à élever volontairement l'âge des enfants, par exemple, de treize à seize ans pour les faire croire plus âgées, doit attirer l'attention. Car, même si la plupart de ces phénomènes constituent à eux seuls des infractions, il n'en demeure pas moins que l'infraction d'atteinte à l'état civil du mineur devrait aussi être constituée. Mais, avec la limitation de l'âge à dix ans cette infraction ne le sera pas. Pourtant, il n'est pas évident qu'au-delà de dix ans l'enfant puisse protéger son identité et encore faut-il qu'il puisse la reconnaître. Néanmoins, la falsification ou la destruction des documents d'identité de l'enfant pourront être poursuivies sous le chef de faux commis dans certains documents administratifs (art.284 al 1 du C.P).

Si les parents ont permis à l'enfant d'accéder à la vie physique et juridique, leur rôle ou mission de protection ne s'arrête par là. Bien au contraire il ne fait que commencer car ils doivent assurer son développement.

* 16 Lohoues-Oble (J), le droit des succession en Côte d'Ivoire, tradition et modernisme, thèse pour

le doctorat d'Etat, Lyon 1983, NEA1984 p 30

* 17 Hachette, dictionnaire universel, Edicef 2003

* 18 Expression de M. Garçon, cit. par Carbonnier (J), repris par Neirinck ( C), la protection de la personne

l'enfant contre ses parents, LGDJ, Paris 1984, p18

* 19 Dekeuwer-Defossez (F), note sous C.E 31 oct. 1980 J.C.P. 1982.II.19732

* 20Article 3 du préambule de la déclaration des droits de l'enfant du 20 Novembre 1959(résolution 1386(XIV) de l'ONU), www.eurojeune.net

* 21 Graven (ph),cit par Neirinck(C), op.cit p 24

* 22 Jacob (F), donner la vie est une chose sérieuse, quotidien « le monde » 19-20 novembre 1972 p 12

* 23 Neirinck ( C), op.cit. p 24

* 24 Compression sous prétexte fallacieux d'une employée dont l'employeur connaissait l'état de grossesse

CAA 2ième chbre civ. 17 Janvier 1969 R.I.D1970 n°2 p 2

* 25 Art.23.3 code précité. Ce qui n'était pas le cas dans l'ancien code du travail .l'art 102 donnait la possibilité à l'employeur de licencier une femme enceinte de cinq mois avant la date prévue pour son accouchement. Voir une application de cette disposition dans arrêt précité.

* 26 Art.20 de la convention collective interprofessionnelle du 19 Juillet 1977

* 27 Voir arrêt CAA 2ième chbre civ. 17 Janvier 1969 précité

* 28 Callu (M.F), le nouveau droit de la femme, éd. l'hermès, 1978 p268

* 29 Garçon (E), cité par Neirinck ( C), op.cit. p 108

* 30 Art. 47 al1 du code de prévoyance sociale

* 31 Art 7 et 8 de la CDE ; art. 6 de la CADE

* 32 Loi n°64-373 du 7 Oct. 1964, relative au nom, modifiée par la loi n°83-799 du 2 Août 1983

* 33 Loi n°64-377 du 7 Oct. 1964, relative à la paternité et à la filiation, modifiée par la loi n°83-799 du

2 Août 1983.

* 34 C.A.A de Divo, Chbre civ. Com., 8 Juil.1997, rec CNDJ, C.A.T 2000-2

* 35Art. 41 nouveau de la loi n°64-374 du 7 octobre 1964,relative à la l'état civil,modifiée par la loi n°83-799 du 2 Août 1983,modifiée par loi n° 99-691 du 14 décembre 1999

* 36 Solution inscrite à l'art. 2-a-b du programme du gouvernement de réconciliation nationale annexé à l'accord de linas marcousis du 24 Janvier 2003. Ces audiences ont connues le lancement de leur phase de croisière sur l'ensemble du territoire national le 22 Juil. 2006

* 37 Loi n° 61-415 du 14 Décembre 1961 portant code de la nationalité ivoirienne, modifiée par

la loi n°72-852 du 21 Décembre 1972, modifiée par la loi 2004-662 du 17 Décembre 2004, modifiée par

la décision n°2005-09/ PR du 29 Août 2005 relative à la nationalité ivoirienne.

* 38 Décret n°2002-47 du 21 janvier 2002 portant ratification et publication de la C.A.D.E, J.O.R.C.I 2002

* 39 Pour les conditions et motifs de désaveu voir les articles 1à 5 de la même loi.

* 40 Section de trib. de Dimbokro, 16 Avril 1997, rec. CNDJ, CAT 1996 n°2 p178

* 41 TPI de Bouaké, 30 Avril 1999, rec. CNDJ, CAT 2001 n°4

* 42 Section de trib. de Dimbokro, 16 Avril 1997 et TPI de Bouaké, 30 Avril 1999 précités

* 43 TPI Gagnoa 25 Octobre 1996, rec. CNDJ, CAT 1996 p5 à 8

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