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L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun

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par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA
Université de Kinshasa - Graduat 2004
  

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SECTION 2. APPROCHE EVALUATIVE DU CADRE THEORIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN

Définir la démocratie tel que nous l'avons fait au début de ce travail revient en effet à la définir comme étant le pouvoir par le peuple. Par conséquent, dans un régime démocratique, tous les mécanismes propres doivent être mis en place afin de permettre au peuple de participer au choix de ses dirigeants qui, ainsi, sont ses représentants dans l'exercice du pouvoir. Aussi, voit-on apparaître clairement la place des élections dans le processus de démocratisation.

Cependant, si l'organisation des élections est une condition nécessaire de la démocratie, ce n'est pas pour autant une condition suffisante. Sinon, ce serait donner de la notion de démocratie une définition minimale. On doit la compléter par une définition par le but, pouvoir pour le peuple, et par la source, pouvoir du peuple. La première implique un régime où les droits de l'individu fondés sur la liberté individuelle sont garantis, et la seconde un régime où le peuple est détenteur de la souveraineté.

Ces trois éléments de définition - par la procédure, par le but et par la source - forment l'esprit démocratique, contenu irréductible de la démocratie et sans lequel les Etats qui s'y revendiquent ne sont que parure, oripeaux, voire supercherie. Ils forment l'âme de la démocratie, exception faite des spécificités, des formes et des mécanismes de sa matérialisation. Sans lui, toute « démocratie » est vide de contenu et simple illusion((*)152).

Cet esprit démocratique doit être formalisé dans un cadre théorique (§1) et institutionnel (§2) qui lui est aujourd'hui presque universellement reconnu.

§1. EVALUATION DU CADRE THEORIQUE

Le cadre théorique de la démocratie est l'ensemble des notions fondamentales susceptibles de faciliter la réalisation des exigences démocratiques relatives à l'égalité, aux libertés politiques et au droit à la démocratie, la démocratie apparaissant elle-même ici comme le plus en vue des droits fondamentaux de l'homme.

La concision exige que l'on se limite à l'analyse des normes constitutionnelles contenues dans l'acte constitutionnel du 18 janvier 1996.

Afin d'approcher ce qui se passe réellement en ce domaine durant la période que nous considérons, on se pose une question simple : Quels sont les progrès et les améliorations survenus depuis le début de la « transition » ? Que reste-t-il à faire urgemment ?

A. L'adhésion du Cameroun au courant universel des droits de l'homme

L'esprit démocratique sous-tend un régime bâti autour de la valeur et des droits de l'individu, et qui propose d'aménager la société de manière à assurer et garantir la liberté individuelle. La construction de ce type de régime au Cameroun s'est fait autour d'un certain nombre de normes constitutionnelles. C'est ainsi que la constitution du 18 janvier 1996 manifeste l'attachement de l'Etat camerounais au courant universaliste des droits et libertés individuels. Sur ce, on peut relever :

· Primo, l'exposé des motifs du préambule renferme également une déclaration des droits suffisamment détaillée((*)153) venant après l'affirmation solennelle de l'attachement du peuple camerounais à la « Déclaration universelle des droits de l'homme, à la convention africaine des droits de l'homme et des peuples, et toutes les conventions internationales y relatives et dûment ratifiées »((*)154). Mais quid de sa valeur juridique ? Loin de nous l'idée de nous adonner à un exercice dont plus d'un constitutionnaliste se serait volontiers livrer, il importe de préciser que l'art. 65 de la constitution, en disposant que « le préambule fait partie intégrante de la constitution », met fin à toute initiative de débats entre spécialistes des questions constitutionnelles.

· Secundo, le préambule de la constitution stipule que « Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie au cours d'un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense ». C'est une innovation pour le constituant camerounais qui, après 35 ans de mutisme constitutionnel, constitutionnalise enfin le principe procédural « des droits de la défense » ((*)155). Cette formule du préambule constitutionnel confère donc la possibilité à tout prévenu dans quelque procédure que ce soit, d'être informé des griefs portés contre lui articulés dans le but de lui permettre de mieux organiser sa contradiction. Ce droit voudrait dire que l'opinion du prévenu dans le litige compte et doit précéder toute décision relative à son droit eu égard aux exigences de la manifestation de la vérité. Ce droit est donc une obligation pour toute instance juridictionnelle qui connaît une procédure contentieuse mettant aux prises un demandeur et un défendeur.

Malgré l'accueil positif quasi unanime dont a fait objet ce préambule, un point n'a pas pu faire l'objet de nos appréciations. On peut en effet lire dans le corps du préambule que « la liberté et la sécurité sont garanties à chaque individu dans le respect des droits d'autrui et de l'intérêt supérieur de l'Etat ». Le caractère discrétionnaire de l'appréciation de l'intérêt supérieur de l'Etat ne peut que faire craindre des abus éventuels.

Le Cameroun serait donc un Etat de droit, ou mieux, un « Etat des droits de l'homme ». En quel sens ? Sa constitution a inscrit les droits de l'homme dans son préambule. Il est partie prenante à la charte des Nations Unies du 26 juin 1945, à la DUDH de 1948, aux deux pactes internationaux datés du 16 décembre 1966 et portant respectivement sur les droits civils et politiques, et sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le Cameroun est par ailleurs membre de l'U.A. et a souscrit à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Cependant, l'effectivité sociale de la pratique de ces droits et leurs violations quotidiennes par ceux qui sont censés les garantir nous pousse à nous demander légitimement si ils ne seraient pas un corpus à usage externe, tendant à se faire une belle image auprès de la communauté internationale et plus particulièrement auprès des partenaires économiques et des instances monétaires internationales telles que la BIRD et/ou le FMI.Il ressort par exemple de la lecture du Rapport du Département d'Etat américain sur les droits de l'homme au Cameroun pour l'année 2003 que les forces de sécurité commettent de nombreux meurtres extrajudiciaires, que les conditions de détention sont rudes et dangereuses pour la vie, que les forces de sécurité continuent à pratiquer l'arrestation et la détention arbitraires et parfois au secret de diverses figures de l'opposition, de militants des droits de l'homme, ainsi que d'autres citoyens, souvent pendant des périodes prolongées, sans inculpation et sans que leur soit accordée la possibilité d'être jugé.

Dans ces conditions, ne serait-on pas en face de ce que les constitutionnalistes qualifient de Constitution-programme, dans laquelle «  les déclarations de droit, les garanties contre l'arbitraire...demeurent plus ou moins lettre morte » ?((*)156). Et même dans le cas d'une constitution-programme, notons à la suite du professeur Edouard MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA que « les citoyens courageux peuvent invoquer les principes posés par la constitution pour résister au pouvoir »((*)157). Mais devant quel juge? Quand on sait que la situation de l'appareil judiciaire camerounais est telle qu'elle dispose d'un moyen humain qui entretient le sentiment populaire d'une justice à double vitesse, une à la fois expéditive et rigoureuse lorsqu'il s'agit de censurer les agissements des particuliers et une autre plus bienveillante destinée à contourner le courroux des « grands » indexés, on peut bien s'imaginer la situation du simple justiciable camerounais.

Et que dire du contrôle de la constitutionalité des lois et des actes ayant force de lois, contrôle qui permet d'assurer la suprématie de la constitution ? Le législateur peut-il voter une loi qui violerait un droit garanti aux citoyens par la constitution, sans être inquiété ? Si la création de la cour constitutionnelle est une nouveauté apportée par l'acte constituant du 18 janvier 1996, notons que par voie d'action, il a prévalu une restriction du droit de saisine de cette cour, exclusivité accordée au Président de la République et, de façon moins perceptible, au Président de l'Assemblée nationale. Le caractère inopérant d'un tel droit ressort du fait que ces deux faiseurs de lois sont eux-mêmes des potentiels destructeurs de leur propre édifice juridique, ce qui est parfaitement réalisable dans une société où les dirigeants se remettent rarement en cause, « habitués qu'ils sont à se prévaloir de leur propre turpitude »((*)158). Par voie d'exception les juges se sont refusés à opérer pareil contrôle au motif qu'aucun texte juridique ne leur en attribuait la compétence.

* (152) H.N'GBANDA ZAMBO-KO-ATUMBA, Afrique : Démocratie piégée, (Sl),Equilibres Aujourd'hui, 1994, p.27.

* (153) Il s'agit par exemple de la présomption d'innocence, du respect de l'intégrité physique et morale de tout individu, de l'interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant ainsi que le principe du droit à un environnement sain. On consultera avec beaucoup d'intérêts

R. MEVOUNGOU NSANA, « Constitution du 18 janvier 1996 et le droit pénal au Cameroun », in RCADH, tome 7, 1998, numéro 2, p.151-176. Voir notamment L.DONFACK SOKENG," Existe-t-il une identité démocratique camerounaise? La spécificité camerounaise à l'épreuve de l'universalité des droits fondamentaux",in Polis/RCSP, Volume 1 Numéro spécial février 1996, pp.8-9.

* (154) Cet arsenal de textes constitue pour le Cameroun ce que nous avions appelé l'engagement international. Voir supra, pp.41 à 47.

* (155) Il serait toutefois outré d'alléguer qu'aucune norme infra-constitutionnelle de tout l'ordre juridique n'en ait fait état auparavant. Voir J.-C ABA'A OYONO, «  les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », in Afrilex n° 01 novembre 2000, pp.7-8.

* (156) E. MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, op.cit,p.10.

* (157) Idem.

* (158) J. -C.ABA'A OYONO, op.cit, p.9.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote