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Bis Repetita Placent : la collection comme mode de construction de la cinéphile

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par Stéphanie POURQUIER
Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse - Master Sciences de l'Information et de la Communication 2007
  

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Chapitre II

Le film-fétiche : l'amulette du cinéphile ?

Du fait de nos recherches, nous avons observé que les termes « film fétiche » et « film culte » étaient employés indifféremment. Le spectateur de cinéma et le « cinéphile » dresse sa propre typologie de films, il classe de manière subjective les films de son patrimoine réel ou symbolique51, ceux qu'ils trouvent « culte » et « fétiche », dans une catégorie à part.

En réalité, il fait une distinction infime, le film-culte semble être intemporel et universel dans le sens où c'est un film qui semble avoir marqué l'histoire.

Juliette, 24 ans : « Dirty Dancing c'est un film culte pour tout le monde. »

La notion de fétiche semble employé de manière plus pudique, quand la cinéphile évoque ses goûts et sa manière, toute personnelle de ressentir le film.

Hélène, 23 ans : « Dirty Dancing, c'est un film fétiche, parce qu'il m'a accompagné au fil des années, j'ai grandi avec lui. »

Entre ces deux termes, la nuance est infime parce qu'il fallait se pencher sur les notions de culte et de fétichisme. Cependant, si nous considérons que notre problématique est basée sur la question de la collection au sens de la répétition du film, nous pouvons admettre le fait que la pratique même de regarder CE film plusieurs fois pouvait corroborer avec la pratique fétichiste « La pratique fétichiste est aussi bien commémoration, « mémoire en acte ». (...) À partir du cadre général fourni par la théorie de la libido, c'est le processus même dont il va s'agir de restituer la dynamique. C'est là que prennent leur sens, au-delà des « conditions préalables à l'amour », espèce

51À travers cette nuance, nous signifions qu'il s'agit des films réels d'un point de vue "physique", et ce qui en fait usage d'un visionnage récurrent et qui appartiennent à la dimension symbolique du patrimoine cinématographique.

de « réminiscences », ces cas de fétichisme proprement dit, qui apparaissent comme de véritables « phénomènes énigmatiques »52.

De fait, Le terme de film fétiche semble inscrire en lui non seulement l'idée des films particuliers à la personne mais également l'idée que la pratique assujettie à ce film soit tout aussi particulière.

A- De l'objet de jeunesse à l'objet-là

Les 15 jeunes femmes que nous avons interrogées affirment avoir regardé Dirty Dancing entre 12 et 15 ans, c'est-à-dire en pleine période de puberté. C'est à cette période qu'elles l'ont vu pour la première fois ; c'est aussi à cette période qu'elle l'ont vu le plus souvent, comme expérience et consommation collective. Quand elles évoquent leurs réactions, elles emploient majoritairement un lexique qui appartient à celui du passé « à cette époque », « quand j'étais plus jeune », elles précisent en général assez couramment que les réactions qu'ils décrivent face à ce film sont les réactions qu'elles se rappellent avoirs eus à cet âge. Dirty dancing est un objet de jeunesse, de nostalgie, dans le sens où il s'est inscrit dans la jeunesse de la cinéphile. Mais c'est également un objet de jeunesse dans la mesure où son évocation force la réminiscence vers des souvenirs plus lointains.

Cependant, dans la mesure où cet objet a traversé le temps mais également la personne, il s'inscrit à la surface, dans l' « écorce de l'être » (D. Morin-Ulmann, Nantes, 2007, entretien de suivi de mémoire). En effet, il fait partie de la personne, et d'autant plus que l'image transportée par les spectatrices de ce film semble elle aussi avoir évolué avec l'âge. Ce film n'est pas seulement un objet de jeunesse qu'on se rappelle de manière lointaine, c'est aussi un objet qui symbolise la jeunesse et qui continue d'évoluer selon les investissements psychologiques de la personne et sa « trajectoire culturelle ». En s'interrogeant sur Dirty Dancing et en questionnant ainsi leurs propres pratiques, les spectatrices font évoluer les perceptions qu'elles avaient de ce film mais aussi d'elles-mêmes.

Ce film semble avoir accompagné, de l'adolescence à l'âge adulte, la croissance des spectatrices ; et à leurs yeux, il a une valeur particulière. Pas seulement parce que

52 ASSOUN, Paul-Laurent, Le Fétichisme, PUF, Paris, 2006. p. 67

c'est un film qu'elles apprécient en tant que cinéphile, mais parce que c'est un objet-film qu'elles se sont approprié dans leur quotidien. Elles en ont fait un produit domestique et semblent le transporter avec elles... Nous voulons, dès lors, faire le parallèle heuristique avec la notion d'amulette rappelée par Paul - Laurent Assoun53 : " il faut prendre ici à la lettre l'expression « d'amulette spirituelle » (geistige amulette) qui assimile le culte de l'oeuvre d'art au fétiche, toujours « prêts à l'usage » pour « l'imagination » comme l'accès à un hors monde et remplissant une fonction de « consolation » et de « réconfort » -- véritable « préservatif » contre la médiocrité du monde profane -- à ce titre objet d'une « fête sacrée ». On peut en suivre l'élaboration dans « l'idéalisme magique » de Novalis »54.

L'aspect « rassurant » dont parle le psychanalyste et évoqué également lors des entretiens.

Qu'est ce qui t'amène à regarder les films plusieurs fois ?

« C'est un peu comme un doudou ! Ce genre de film... Bienvenue à Gattaca non, parce que ce genre de film tu peux le regarder plusieurs fois... comme je te disais tout à l'heure... suivant ton état d'esprit, tu vas avoir des visions différentes... Grease, la Boum... c'est le truc de filles... quand tu fais des réunions de films tu dis « tiens, on a qu'à mater une connerie »...un coup sur deux c'est Grease, et la fois d'après c'est Dirty Dancing et c'est un peu comme un doudou quoi... quand tu le regardes maintenant...tu te réfugies la dedans en te disant... ah, putain, à 14 ans, c'était soirée copines,(...) du coup ouais c'est comme un doudou...tu te retrouves...tu régresses un petit peu , en quelque sorte, et tu te retrouves à une étape où t'étais « djeuns » et c'est un peu rassurant de te dire que euh... c'est toujours sympa... .c'est le jour où tu te dis que le film...tu peux plus le voir que tu te rends compte que t'as pris un sacré coup de vieux... »

« Je regarde ça comme un doudou, tu regardes ça quand tu as besoin d'être rassuré... »

Hélène, 23 ans

53 Op.cit p.111

54 Novalis ( 1772-1801) est un romancier et poète allemand particulièrement érudit, il soutient dans son OEuvre l'idée que le choses sont en progrès permanent. Il a notamment écrit Les Disciple à Saïs( 1798) et Hymnes à la Nuit (1800)

Dès lors, le film peut nous apparaître comme une amulette au sens où l'évoque P-L Assoun. Cependant, nous ne pouvons étudier Dirty dancing que comme pratique individuelle et nous devons-nous considérer comme élément fédérateur d'un groupe. En effet, une des principales caractéristiques de ce film était de pouvoir réunir des groupes de filles, comme l'évoque Hélène au-dessus. Ainsi, d'un côté nous avons la fonction individuelle de réconfort personnel, mais de l'autre nous devons réfléchir sur la fonction de regroupement propre à ce film. Plus qu'une amulette personnelle, ce film-là a accompagné des groupes d'adolescentes. De même, nous pouvons considérer le film a Dirty Dancing comme objet- là puisqu'il appartient à une économie particulière55, et que c'est cette circulation de l'oeuvre que nous devons étudier pour comprendre à la fois la réception mais aussi la consommation dont le film est sujet.

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