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Constance et évolution du système americain de défense au regard des mutations du systeme international( Télécharger le fichier original )par Roland Kayembe mungedi Université de Kinshasa - Licence 2005 |
SECTION II. LA POLITIQUE AMÉRICAINE DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME PENDANT LA PÉRIODE POST-GUERRE FROIDELorsque la nuit de la guerre froide s'est achevée, l'Amérique s'est réveillée seule. Soulagée de voir s'effondrer l'adversaire d'un demi siècle, elle n'a pas renoué avec la « normalité » d'une puissance comme les autres parmi les autres. S'identifiant d'abord à la globalisation, elle a vu passer une décennie d'enrichissement, d'optimisme, voire de désinvolture, avant d'épouser plus ouvertement un projet néo-impérial qui la taraudait depuis un moment. Servie par une puissance militaire sans rivale, l'Amérique a envisagé de refaire le monde à son image. Le divorce avec l'Europe devant une possibilité ouvertement envisagée, la globalisation hier adulée était sacrifiée sur l'autel de l'intérêt national posé en dogme, alors que les attaques terroristes du 11 septembre la mettaient face à un monde islamique mal connu. Cette opinion est clairement exprimée par Ghassan Salamé, professeur des relations internationales à l'Institut d'Etudes Politiques et Relations Internationales de Paris, lorsqu'il dit : « les américains étaient soulagés de voir disparaître l'adversaire d'un demi-siècle et, grâce à cette divine surprise, espéraient sans doute revenir à une normalité dans laquelle les soucis sécuritaires et stratégiques réoccuperaient une place moins prééminente et les fautes idéologiques s'apaiseraient. Le dirigeant politique d'alors, tout en voulant tirer les plus grands avantages de cette évolution inespérée, bientôt confortée par le succès des armes américaines au Koweït, ne se sont pas sentis obligés d'élaborer dans l'urgence une grande théorie de la nouvelle ère, en dépit des injonctions quasi quotidiennes, finalement sans véritable impact sur l'opinion, d'une partie de la classe mandarinale »59(*). En effet, il apparaît clairement que de Bush père à Clinton, des doctrines sécuritaires et stratégiques ont été élaborées mais pas avec beaucoup des considérations et sériosités comme à l'époque de la guerre froide car, ils connaissaient leur ennemi. Avec Bush père, il élabora, après le bouleversement du monde, une doctrine censée inspirer ses compatriotes. Il parla vaguement de bâtir un « nouvel ordre mondial », mais sans réelle conviction : praticien du politique, il ne montrait que peu d'intérêt pour la vision thing, comme il l'avouait lui-même, et ne déploya pas beaucoup d'efforts pour définir le contenu de cet « ordre ». Joseph Nye (1992) disait de lui : « le président pense et agit à la manière de sans pouvoir trouver de synthèse ». Et quand, l'année suivante, son secrétaire d'Etat, James Baker, fut pressé d'expliquer pourquoi l'Amérique devait faire la guerre du Koweït, il se contenta de répondre « le job »60(*). Son successeur, Bill Clinton, à qui on reprocha au contraire une tendance au syncrétisme artisanal, donnait l'impression de croire fermement à trop de choses pour être capable de formuler une orientation précise. Son aptitude quasi proverbiale à s'ajuster semblait lui interdire de ne s'enchaîner à aucune synthèse, traits qui seront fidèlement reflétés dans une autobiographie de près d'un millier de pages où l'on entre comme dans un déroutant bazar de délicieuses diversions de détails tribaux et de malicieuses rancunes. Clinton cite au départ trois éléments fondamentaux de ce que fut « sa » doctrine : « sécurité économique, restructuration des forces armées pour faire face aux missions nouvelles de l'après guerre froide et soutien aux valeurs démocratiques dans le monde ». « La doctrine Clinton n'a pas de contenu fixe. Elle oscille entre les meilleures intentions wilsoniennes du premier mandat et le néo-réalisme des dernières années du second », écrivit justement Denis Lacorne (2000)61(*). Pour vouloir être « à la fois Reagan et mère Teresa », on lui reprocha de confondre « politique étrangère et travail social », ou de choisir des personnalités sans grande stature et sans véritable autorité pour conduire sa politique étrangère. Ces affirmations sont consolidées par l'attitude du Président Clinton face à la montée de la menace d'attentats au moyen d'armes atomiques, bactériologiques et chimiques au cours de son mandant. Il déclare : « je souligne l'importance de ce problème depuis un certain temps. Je l'ai dit à maintes reprises et je tiens à vous le redire : mon intention n'est pas de semer la panique dans la population américaine sur cette question, mais de veiller à ce que nous disposions d'une réponse sérieuse, réfléchie, disciplinée, à long terme, à une menace potentielle contre la vie et la sécurité de la population américaine »62(*). Au moment où les Etats-Unis s'inquiétaient particulièrement de ces menaces terroristes « haut de gamme » perpétrées au moyen d'armes NBC de destruction massive, deux ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya en 1998 furent les cibles des terroristes. En réponse, c'est fut le bombardement du Soudan qui, après le 11 septembre, se révèle comme une goûte d'eau dans l'océan. En revanche, il se peut simplement qu'entre 1990 et 2000 le besoin d'une « vision » n'ait pas été si pressant, que l'américain moyen ait joui alors d'un mélange de sécurité et de croissance qui ne lui on faisait pas sentir le manque, que l'élite ait nécessité une bonne décennie pour tirer les leçons des bouleversements de 1989 et pour s'entendre sur une doctrine 2000, de ce point de vue, marqua un tournant capital : une nouvelle administration aux choix idéologiques très affirmés, bientôt piquée au vif par les attentats du 11 septembre, arrivait avec, dans ses bagages, des idées bien plus ambitieuses que le pragmatisme débonnaire qu'elle reprochait indifféremment dont à Bush père qu'à Clinton, pourtant si différents par ailleurs. Des ancêtres récents (en particulier Wilson et Reagan) étaient mis à contribution pour mettre en oeuvre un programme qui entendait répartir de l'héritage du reaganisme pour réaliser ce que la « prudence du Bush senior » et l' « indécision de Clinton » avait malencontreusement stoppé net : un projet largement impérial qui oserait assumer ses choix. Toujours à ce sujet, Thérèse Delpech, affirme qu'au début du mois de septembre 2001, il était difficile d'imaginer un Président des Etats-Unis et un Secrétaire à la Défense moins préparée à faire face à une telle catastrophe. Le président Bush connaît depuis une popularité sans précédent, que les mois érodent mais ne détruisent pas, et Donald Rumsfelf, médiocre secrétaire d'Etat à la défense, est devenu pour l'Amérique un exceptionnel secrétaire à la guerre63(*). Ainsi, avec le dynamisme qui la caractérise, l'Amérique s'est vite ressaisie. Le 11 septembre a conforté des nombreuses tendances antérieures tout en lui donnant un nouveau dynamisme. Dans certains domaines, il a aussi conduit les Etats-Unis à se reformer. Dans les lignes qui suivront, nous verrons des leçons qui ont été tirées. §1. Les instruments de la lutte antiterrorismeLes Etats-Unis, vu leur degré technologique, ont une large avance par rapport aux autres Etats, en ce qui concerne la lutte antiterroriste. Pour François Taylor, coordonnateur des mesures antiterroristes du Département d'Etat en 2001, la politique des Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme se résume en cinq points64(*). Il s'agit : - de déloger les terroristes de leurs cachettes ; - de procéder au nettoyage des lieux qui leur servent de refuge ; - de faire pression sur les autres Etats pour qu'ils cessent de les soutenir ; - d'empêcher la préparation des attentats terroristes ; - de renforcer les moyens qu'ont nos amis et alliés de combattre le terrorisme. Outre les mesures ci-dessus, il estime également que les Etats-Unis doivent forger les outils nécessaires à la lutte contre le terrorisme et aussi tarir les sources de financement tout en empêchant les transferts de fonds au profit des terroristes. Cependant, poursuit-il, un certain nombre d'autres outils ou instruments sont à notre disposition pour lutter contre le terrorisme et nous procédons à leur amélioration. Ces instruments sont : A. Programme d'aide antiterroristeIl s'agit d'assurer la formation du personnel étranger chargé de la sécurité et de l'application des lois. Il aide à promouvoir la politique américaine et à améliorer les contacts des autorités américaines avec celles des étrangers afin de permettre que les objectifs américains contre le terrorisme réussissent. A ce sujet, l'exemple le plus frappant figurant dans le rapport sur le terrorisme dans le monde en 2002, est que les Etats-Unis oeuvrent avec les pays africains de diverses manières pour renforcer leurs capacités en matière de lutte antiterroriste. C'est notamment l'un des buts de l'initiative pan sahélienne (PSI), programme du département d'Etat des USA conçu pour aider le Mali, le Niger, le Tchad et la Mauritanie à protéger leurs frontières, à suivre les déplacements des personnes, à combattre le terrorisme et à accroître la stabilité régionale. La PSI aura à aider ces pays à lutter contre les opérations terroristes connues et les incursions transfrontières, ainsi que contre le trafic des gens et le commerce des denrées illicites. La formation et l'aide matérielle fournies par les USA s'accompagnent d'un programme visant à réunir les responsables civils et militaires des autre pays pour les encourager à une coopération accrue dans le domaine de cette lutte et du contrôle des frontières dans les pays de la région et entre ce pays. L'initiative comporte également des composantes de formation et d'appui pour renforcer des aptitudes professionnelles des forces de police et de sécurité, la sécurité des aéroports et les procédures d'immigration et de douane65(*). * 59 Salamé, G., Quand l'Amérique refait le monde, Fayard, Paris, 2005, p.51. * 60 Idem, pp.52-53. * 61 Lacorne, D., cité par Salamé, G., op.cit., p.54. * 62 Bill Clinton cité par Bruce Hoffman, « La menace d'attentats en moyen d'armes atomiques, bactériologiques et chimiques », in Puissances et Influences, éd. 1001 nuits, Turin, 2000, p.66. * 63 Delpech, T., « Quatre regards sur le 11 septembre : Etats-Unis, Europe, Russie, Chine », in Esprit, Août - septembre 2002, p.19. * 64 Taylor, F., « La politique des Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme », in Les objectifs de politique étrangère des USA, vol 6, n°3, novembre 2003, pp.7-9. * 65 Cofer Black (2003). Rapport annule sur le terrorisme dans le monde, pp.8-9, le 23 mars 2005, www.usinfo.state.gov |
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