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Analyse Critique de la Modélisation en Audit

( Télécharger le fichier original )
par Mme FENDRI-KHARRAT
ISCAE - Tunis - DEA - Comptabilité 2001
  

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TYPOLOGIE DES MODèLES EN

THéORIE DES CONTRATS

correspondent aux situations où le principal a l'initiative du jeu et où il ne connaît qu'imparfaitement les actions de l'agent 1M11 71,

q Le quatrième quart, là où l'initiative appartient à la partie informée et où la partie non- informée connaît imparfaitement les actions de la partie informée, « est d'intérêt empirique limité et n'a pas fait l'objet d'études théoriques » Salanié B. [1994, p : 5].

Si le modèle de base de l'aléa moral pur se présente ainsi, :

q

Aléa Moral Pur

Contrat
PA

Accepte

Rejette

A

Paresse

Effort

N

N

Mauvais résultat

Mauvais résultat

Bon résultat

Bon résultat

Figure 12

Le principal (P) propose un contrat (avec incitation),

q L'agent (a) décide de l'accepter ou pas,

q S'il l'accepte, et sachant les conditions de l'incitation, il peut montrer de l'opportunisme et décide de ne pas fournir l'effort voulu par le principal (objet de l'incitation),

q Souvent, dans les modèles d'aléa moral, la nature (N) décide (exogènement et souvent aléatoirement) du résultat de cet effort de l'agent.

Le modèle de base de la sélection adverse pure est schématisé ainsi (ex : assurances) :

Sélection Adverse Pure

N

Type 2

Type 1

P

P Contrat A

Contrat

A

Rejette

Accepte

Accepte

Rejette

Figure 13

q La nature (N) décide du type ou de la caractéristique (cachée)
de l'agent, l'assuré. (ex : type 1 est un agent trop risqué...)

q Le principal (P), l'assureur, propose un contrat à l'agent, tout en étant incapable d'identifier son type, (il a un seul ensemble d'information --en pointillé- contenant deux noeuds).

q L'agent (A), à son tour, décide d'accepter ce contrat ou pas.

q Les clauses du contrat doivent maximiser l'utilité de l'assureur et celle de l'assuré, à travers la négociation de la « quantité » de risque à couvrir et à quel coût 1M1172.

1M1171 Le terme « aléa moral » (et son modèle) a longtemps été confondu au terme « agence » (agency). Voir, par exemple, Melumad & Thoman 11990, p.77, en end-note n°11.

1M1172 Ces équilibres se basent sur le concept de prime équitable de couverture du risque : si le principal propose 2 types de contrats, à prime

faible et à prime élevée, pour essayer de distinguer entre les agents, tous choisiront les contrats à prime faible, y compris les agents de type

« conduite négligée », par exemple, et l'assureur réalisera des pertes, puisque la prime est trop faible par rapport à la fréquence ou

probabilité d'occurrence des accidents des conducteurs négligents. La prime équitable traduit le minimum de perte pour tous les joueurs.

Qu'en est-il du modèle DA (1999.1 ?

Aléa Moral avec Information

Cachée

Contrat
PA1

Rejette

Accepte

Type 1 N

Type 2

A2

A2

Paresse

Paresse

Effort

Effort

N

N

N

N

Les jeux à information asymétrique sont divisés en jeux à aléa moral, où les agents sont identiques, et en jeux à sélection adverse, où les agents sont hétérogènes. Mais il existe des jeux à aléa moral, qui ne sont pas purs, puisqu'ils présentent aussi une structure similaire à celle de la sélection adverse. Dans ce type de modèle, les agents présentent une hétérogénéité de caractères : Ces modèles sont effectivement des modèles d'aléa moral, mais qui comportent une information cachée sur le type de l'agent, ou de l'un des agents. La résolution du eu reste toujours focalisée sur l'action de l'agent, et non sur son choix du contrat, et l'agent accepte toujours le contrat, dans ce type de modèle, avant de connaître l'information. La forme extensive du jeu se présenterait alors comme la figure 15 ci-contre :

Cette structure de jeu s'applique exactement sur le modèle DA [1999.1 : En fait, après que le dirigeant ait accepté son contrat, il s'avère que l'auditeur présente une hétérogénéité de caractère : il est soit « strong », professionnellement très diligent, quelques soient les circonstances, soit « weak », c'est à dire peu diligent, préférant ne pas, ou peu, recourir à des tests consistants d'audit, et donc coûteux. En plus cette hétérogénéité n'est observable ni par le dirigeant ni par le propriétaire. Ce qui insinuerait une structure de sélection adverse dans le modèle. Datar et Alles disent bien à ce sujet :

« 1, auditor type as modeled in this paper is an exogenously determined but unobservable variable. » 11999, p.402.1

Mais, une structure de sélection adverse signifie que d'une part, la nature fixe le type de l'agent avant que le principal n'ait proposé le contrat, ce qui n'est pas le cas ici, et que d'autre part, l'issue du jeu soit atteinte par la simple acceptation ou refus du contrat et non pas par le choix d'actions suite à l'acceptation du contrat, ce qui n'est pas aussi le cas ici. L'issue du jeu à structure d'aléa moral impur reste toujours focalisée sur les actions de l'agent et non sur son acceptation ou refus du (ou des) contrat proposé.

Mais que signifie au juste être un auditeur weak ou un auditeur strong ? quelle est la différence entre un type et une action : autrement dit, ne peut-on pas être weak et être tout le temps diligent ? et pourquoi un auditeur strong ne peut jamais manquer de diligence ?

AUDITEUR « STRONG » : Pour DA [1999, p.408], un auditeur « strong » est un auditeur honnête et qui fournit toujours l'effort effectif d'audit. Pour que ce type d'auditeur puisse conserver cette caractéristique, rester strong, il devrait avoir une utilité émanant de l'effort supérieure à celle émanant de la paresse, DA [1999, p.414] :

- en attribuant une importante utilité aux externalités positives possibles qui émanent de l'exercice d'audit, telles que une meilleure maîtrise du secteur d'activité du client audité, ou une meilleure habileté ou savoir-faire en audit...

- ou en ayant toujours la possibilité financière d'entretenir un coût adéquat d'audit, au cas
ou l'auditeur est financièrement robuste et dispose d'une gestion intelligente de ses coûts,

- ou en ayant une logique de long terme, il débourse le coût adéquat d'audit aujourd'hui, pour mieux rentabiliser (en minimisant les coûts) d'efforts futurs de conseil en gestion, pour la même firme ou dans le même secteur d'activité...

En plus, Datar et Alles affirment que l'auditeur, même s'il est strong, ne recourt pas à des tests consistants d'audit, lorsque le manager rapporte un résultat indésirable, puisque ce dernier dit nécessairement la vérité dans ce cas.

Là, la réalité des choses diffère : Dans la vie des affaires, il est difficile, même pour le propriétaire d'une firme, de distinguer entre résultat entre désirable et non désirable EU73 : ce seuil est trop vague pour être opérationnel. Par conséquent, l'auditeur strong fournit toujours l'effort dicté par les normes et l'éthique professionnelles, quelles que soient les circonstances, quelles que soient les divulgations du manager. Apparemment, DA [1999, p.404, end-note 5] n'ont pas voulu trop approfondir cette distinction « désiré -- non désiré » :

« ... Note also, that these outcomes xn and xd could represent a realization from a set of possible values. This will not change our results as long as the range of the sets are non-intersecting, and so it is clear from a realization of xi whether it represents a bad outcome or a good one. »

À vrai dire, ce n'est pas du tout clair dans leur modèle comment cette distinction s'opère, entre résultat réalisé désiré et résultat réalisé non désiré : Mais il faut noter que pour utiliser le modèle de Kreps et Wilson [1982a] de la réputation et de l'équilibre séquentiellement rationnel, il faut disposer de stratégies discrètes. Si le résultat de la firme aurait été un continuum, il ne leur aurait pas été possible de continuer dans cette démarche. DA [p.408] ont aussi avoué que les actions aussi sont en réalité un continuum, mais par souci de simplification pour la modélisation, ils ont

73 Surtout s'il s'agit d'un résultat financier et non de gestion, ou budgétaire ou prévisionnel... une perte est toujours non désirée, mais il y a des pertes qui sont plus désirées que d'autres. Pour les bénéfices, ils sont toujours désirés, mais leur champs du possible est infini...À vrai dire, la remise en cause de cette hypothèse, entraîne nécessairement la remise en cause d'une autre : celle que le manager ne ment pas dans le cas d'un résultat rapporté indésirable.

Q 74 Cette remarque, ils l'ont surtout faite pour les actions de vérification par l'auditeur : « Clearly in practice, there is a continuum between a thorough audit and a negligent one ». L'audit n'est d'ailleurs pas une seule action à décider, c'est tout un enchevêtrement d'actions, de décisions, et de jugements qui génèrent à la fin une opinion d'audit.

Q75 Le manager a la faculté de découvrir la paresse de l'auditeur, puisqu'il peut observer ses actions, mais il n'a aucune influence sur ses payoffs positifs (c'est le propriétaire qui les payent) ni sur ses payoffs négatifs (l'auditeur doit les payer au propriétaire si ce dernier, et non le manager, le découvre négligent). Mais le seul effet dû à cette situation, est que le manager serait plus tenté de choisir wn et de mentir si (xi=xn). Il faut noter en plus que les modélisateurs ont exclus de leur modèle toute forme de collusion entre le manager et l'auditeur.

restreints tout le champs des actions possibles en deux actions seulement, désirée et non désirée Q74.

Dans la réalité des choses aussi, si un auditeur strong fournit toujours un effort consistant quelque soit la divulgation du dirigeant, un auditeur strong, aussi, peut être amené à être négligent dans son travail, mais rarement, suite par exemple à des difficultés financières passagères, ou à un départ brusque d'un membre pivot de l'équipe d'audit...

AUDITEUR « VVEAK » : Sommairement selon DA [1999, p.4141, ce type d'auditeur n'attribue pas une forte utilité à tout ce qu'intéresse l'auditeur strong :

- Il doit avoir une structure d'utilité qui privilégie la paresse à toute autre forme d'externalités positives dues à l'effort...

- C'est un auditeur qui a une structure de croyance particulière aussi : il n'affecte ni une grande probabilité au fait de pouvoir être découvert par le propriétaire, ni un grand coût d'ailleurs (synonyme de l'utilité réduite de la pénalité) gil75.

Mais l'auditeur weak ne peut pas être tout le temps négligent : comme disent DA [p.4151, ce type d'auditeur a un double objectif à réaliser :

1. Il veut encourager le propriétaire à ne jamais rompre son contrat d'audit,

2. il ne veut pas se laisser découvrir par le manager pour l'encourager à ne plus mentir, et garantir ainsi un niveau minimal de coût d'audit à dépenser (consistance des tests à effectuer).

La stratégie optimale de l'auditeur weak serait, donc, de fournir l'effort effectif d'audit, en début du jeu, pour donner une apparence d'auditeur strong. Ainsi, le manager serait poussé à au moins ne pas mentir (pousser le manager à choisir wd n'est pas un objectif pour l'auditeur) pour ne pas être découvert par l'auditeur « apparemment » strong et ne pas risquer le paiement de la pénalité j9 au propriétaire. Puis, une fois un semblant de bonne réputation construit, l'auditeur peut « rentabiliser » sa mission en cessant d'être diligent, et en « mimant » le rapport du manager, jusqu'à la fin du jeu.

Sommairement, cette distinction du type de l'auditeur paraît très vulnérable, elle semble n'être qu'un artefact, nécessité pour les besoins de la modélisation, afin de générer endogènement le concept de réputation : Elle repose sur des hypothèses qui sont elles-mêmes fortement discutables, et soumises à des valeurs de jugement personnelles de la part du manager, du propriétaire, et de l'auditeur lui-même :

H si l'auditeur choisit id pour une période donnée, DA supposent qu'il saura avec certitude le résultat réel de la firme xi , il éliminera ainsi tout risque de détection : Or, un risque ne peut jamais être nul, et un auditeur, même le plus performant, ne peut jamais être certain de connaître le résultat d'une firme, il peut l'approcher mais pas avec exactitude,

H si l'auditeur choisit l'action in , DA supposent qu'il ne peut catégoriquement pas découvrir le résultat réel de la firme pour une période donnée : Or l'audit est une activité basée sur les tests, faits par échantillonnage essentiellement, le hasard peut jouer alors des mauvais tours au bon auditeur et peut porter chance au mauvais auditeur. Ce qui est sûr, c'est que plus un auditeur est diligent, plus il a de chances de découvrir la réalité. S'il est négligent, cette chance, pourtant, ne peut pas lui être nulle,

H les actions id et in de l'auditeur (qui différencient entre les deux types d'auditeurs, selon l'histoire du jeu) sont supposées par DA distinctes (discrètes) : Or, DA eux-mêmes avouent que l'audit, en réalité, est un continuum d'actions (voir note n° Q61) et qu'il s'agit là surtout d'une simplification pour des fins d'aise en modélisation,

H enfin, le fait de rapporter un résultat mensonger indique un résultat supérieur ou inférieur au résultat réel, l'indice d et n devraient être explicités dans ce sens. DA ont seulement indiqués que xd et xn , ne doivent être considérés que comme une réalisation parmi un ensemble de valeurs possibles, l'important est que ces ensembles n'aient pas d'intersections non vides entre-eux...

En bref, cette première critique à la mécanicisité du modèle DA [1999] se résume dans le fait qu'il est difficile de distinguer entre les deux types d'auditeurs, bien que cette distinction s'avère centrale pour la formation de la réputation de l'auditeur. La réputation, en elle-même, est une notion vague, ambiguë. C'est un concept qu'on ne peut qu'apprécier globalement et non mesurer exactement.

Une seconde critique, dans ce même cadre, est faite à la nature de la rationalité des joueurs de ce modèle et à la nature de leur opportunisme :

CONTRIBUTION DE ~A T~i ORIE DES COÛTS DE TRANSACTION ~

e'ME CRITIQUE RATIONAITi ET OPPORTUNISME

Entre la théorie des contrats et la théorie des coûts de transaction, il y a désaccord sur la limitation de la rationalité, sur sa dynamique et sur l'opportunisme de l'agent : Williamson O.E., « fondateur » de la théorie des coûts de transaction, regroupe ces points dans ce qu'il appelle les « attributs » de la transaction touchant aux « capacités cognitives » des agents Q76 : Examinons d'abord si la rationalité dans la théorie des contrats est limitée ou pas et est dynamique ou pas. Ensuite, examinons si l'opportunisme de l'agent dans la théorie des contrats est systématique ou conjectural : la réponse à ces questions nous aiderait à accentuer ou à nuancer notre critique contre la mécanicisité de la modélisation en audit.

RATIONA~ITi DES JOUEURS ~

Dans presque toute relation économique, il existe de l'imprécision et/ou de l'incertitude sur ce que ferait l'Autre vis-à-vis de nous. Pour contourner cet aspect, il faut recourir à créer un « système garde-fous » qui puisse rétablir la confiance dans la relation économique (vis-à-vis des individus et des aléas de la nature) et faire converger les comportements des individus vers une situation d'équilibre. Une clause incitative, à titre d'exemple, dans un contrat quelconque, constitue bien un système « garde-fous ».

Le principal, dans une relation économique, n'a pour rôle que de créer un système garde-fou, qui essaye de lui garantir un certain comportement de la part de l'agent avec lequel il est en relation. Selon Shackle G.L.S., Créer veut dire avoir de l'intuition et de la logique. Pour que ce principal crée un système efficace, il doit avoir donc de l'intuition et de la logique. Commençons par le point sur la logique, la discussion sur l'intuition suivra :

Q76 Selon Missonier-Piera Frank 119971, la théorie des coûts de transaction, initié par Coase R. (en 1937) ensuite développée par Williamson O.E. (en 1975), s'intéresse exclusivement à la transaction, elle avance les postulats suivants :

q le fonctionnement du marché a un coût : l'information n'est ni homogène ni gratuite, il faudrait faire un choix entre internaliser une transaction dans la firme (substitution du marché par la firme) ou la laisser au marché, ce choix est basé sur l'importance du coût de l'internalisation par rapport au coût du marché,

q l'incertitude fait qu'il est impossible d'avoir des contrats complets, et surtout si la transaction s'étale dans le temps, puisque les capacités cognitives des agents sont limitées : rationalité limitée, et tendance vers l'opportunisme ou « hold-up behavior » (et non pas agent systématiquement opportuniste comme suggère la théorie des contrats et la théorie néoclassique), l'opportunisme ex-ante ici conduit à la sélection adverse et l'opportunisme ex-post à l'aléa moral (contractualisation dynamique),

q les dimensions de la transaction, sont l'incertitude (=> contrats incomplets), la fréquence (concerne les événements non probabilisables) et les actifs spécifiques (influencent le « hasard contractuel ») qui induisent un processus dynamique de contractualisation. Ces dimensions concourent pour réaliser la « transformation fondamentale » de Williamson.

Mémoire de DEA-Comptabilité - ISCAE - Décembre 2001 Analyse Critique de la Modélisation en Audit Chapitre II - page : 66

La logique, elle, dicte de lier le bonheur de l'Agent au bonheur du Principal : Si cette liaison est, en plus, automatique, le comportement voulu de la part de l'Agent serait garantit. Le contrat peut-être conçu, alors, comme une matérialisation de cette logique mécanique, mathématisée abstraite. Du coup, le degré de finesse des clauses (incitatives et autres) du contrat traduirait le niveau de « prévention » de ces imprécisions et incertitudes inhérentes à toute relation économique.

Par cette analyse logique, la théorie des contrats réussit à appliquer, d'une certaine façon, le concept de « rationalité illimitée » des néo-classiques : une rationalité d'un décideur qui sait où il est ( toutes les informations concernant les joueurs, les stratégies, et les aléas : en somme les règles du jeu ) et qui sait où il veut aboutir ( les effets sur son utilité propre et les situations d'équilibre possibles ).

Selon J-P. Chambon [1995, p.], cette situation est très bien décrite par Simon Herbert A., dès 1945. Il décrit la rationalité illimitée, qu'il appelle « substantive », comme simple, parfaite, objective, et applicable nécessairement par rapport à un objectif donné, et dans un environnement certain et parfait traduit par un système de contraintes. La recherche du meilleur choix, pour décider l'action à entreprendre, est réduite à un simple calcul maximisateur.

Mais dès 1945 aussi, il commence à critiquer cette rationalité substantive suivant trois axes importants :

1. « l'individu est incapable de dresser la liste des toutes les décisions possibles et l'est d'autant moins que l'incertitude est grande, (capacités informationnelles)

2. il est incapable d'évaluer correctement les conséquences de chacune d'entre-elles, ce qui est d'autant plus improbable que les alternatives sont complexes et nombreuses, (capacités de traitement de l'information),

3. et est incapable de choisir les meilleures décisions, c'est à dire de maximiser son utilité ou son profit. » (seuil de satisfaction) J-P. Chambon 11995, p.441.

À partir de ces trois axes critiques, et jusqu'en 1957, Simon réussit à développer son fameux concept de la « bounded rationality » ou rationalité limitée, qu'il appelle aussi « procédurale » : Simon M77, en fait, limite la rationalité néo-classique aux moyens et aux fins relatifs à l'individu. La figure suivante essaie -avec plus de mal que de bien- de résumer les procédures de la rationalité limitée, procédurale, de Simon :

77 Simon Herbert A., prix Nobel 78, est un spécialiste d'intelligence artificielle. Il a été parmi les pionniers à créer des programmes capables de démontrer des théorèmes mathématiques. Sa femme psychologue l'a beaucoup influencé dans sa tendance vers les sciences de la psychologie. Il a été d'ailleurs longtemps Professeur des sciences de l'ordinateur et de psychologie à l'Université de Pittsburgh... Il a commencé à critiquer la rationalité néo-classique dès 1945. En 1957 son concept de « rationalité limitée » semble accomplit. En 1976, il conçoit le dualisme rationnel. Mais en 1983, il révise la rationalité limitée en lui ajoutant « l'intuition »...

Fixation de
l'objectif

Problème
de décision

Info non
suffisantes ?

éATIONALIT LIMITéE CHE% SIMON H.A.

Recherche
d'info

Incapacité

Recherche
facile ?

oui

non

Choix &
Décision

Traitement de l'info

non

Incapacité

Seuil
de Satisfac
-tion

Résultats

Incapacité

Figure 15 Q 69

Mais le mérite de Simon H.A., n'est pas simplement d'avoir créé le concept de « bounded rationality », tant admiré par les économistes. Il est aussi, et surtout, d'avoir considéré la rationalité « illimitée » des néo-classiques comme un cas particulier de la rationalité limité, à condition que certaines caractéristiques de l'environnement de la décision existent. C'est ce qui intéresse le plus notre discussion critique de la théorie des contrats.

La rationalité d'un individu en situation de recherche de solution pour faire un choix et décider d'une action à entreprendre, se manifeste, selon Simon H.A., de deux façons possibles : Si, sommairement, l'environnement de la décision est simple, certain et parfait, là, l'individu doit user de la rationalité substantive des néoclassiques. Si l'environnement est plus complexe, incertain, ou turbulent, l'individu n'aurait pas d'autre choix que d'user de sa rationalité limitée, qui est procédurale, puisque séquentielle et adaptative. Elle est, en fait, limitée par les propres capacités cognitives de l'individu, et adaptative par rapport aussi à ces capacités cognitives.

Le tableau suivant résume les différences entre ces deux dimensions complémentaires de la rationalité de Simon :

78 La notion de « délibération » chez Simon englobe les deux étapes fondamentales : la recherche d'information utiles à la décision et le traitement de ces informations, en incluant aussi toute étape de révision ou d'adaptation relatives à ces deux fondamentales. Mes doutes de construction de ce schéma se portent sur la première étape qui est la fixation de l'objectif. Il n'est pas clair, d'après mes lectures, si la fixation de l'objectif se fait effectivement lorsque l'environnement est turbulent, par contre, elle est certaine lorsque l'environnement est simple...

Limité (info imparfaite et incomplète) Limitées et propres à chaque individu Irréductible (rôle de l'info)

Séquentielle, partielle et progressive Riche et turbulent

Autres configurations de marché Règle de satisfaction

Distincts, séparés dans le temps.

 
 
 
 
 
 

Volume d'information

Capacités de traitement

Délibération

Evaluation

Type d'environnement

Contexte du marché

Conséquence de l'hypothèse de rationalité Processus d'évaluation et de choix

 

Illimité (info parfaite et complète) Illimitées

Réductible au calcul parfait

Avant la prise de décision

Pauvre et stable

Concurrence pure et parfaite Optimalité des choix

simultanés

 
 
 

Tableau 8 : Comparaison rationalité limitée & rationalité néoclassique

Source : Chambon J-P. [1995, p.40].

La théorie des coûts de transaction adopte le concept de Simon. Face à toutes les incertitudes d'une transaction économique (surtout celle à long terme) et les imprécisions dues à l'inévitable incomplétude des contrats, quels qu'ils soient, Williamson et Coase, sont convaincus que les individus ne sont dotés que de rationalité limitée, puisque leurs capacités cognitives sont aussi limitées. Ils ne peuvent, en aucun cas, absolument tout prévoir dans un contrat pour parer à toute forme d'aléa ou d'imprécision... Ils ne sont pas en mesure de tout prévoir et de tout prendre en compte pour se protéger contre tous les risques de la transaction (contre le « contractual hazard »).

En plus, la rationalité de la théorie des coûts de transaction est qualifiée de « dynamique », dans le sens qu'elle opère à travers le temps : En fait, dans la théorie des contrats, le coût d'agence est le coût, que dépenserait le principal, ou bien que gagnerait l'agent, relatif à :

q l'effort de prévenir, ex-ante, le plus exhaustivement possible, les alternatives de l'échange,

q et à l'effort de respecter les stipulations du contrat, ex-post.

Là, la théorie des contrats est moins avancée que la théorie des coûts des transactions sur certains aspects : Ces deux points sont appréhendés par la théorie des contrats de façon exogène : Les deux agents économiques (le principal et l'agent) doivent en fait tout « gérer » ex-ante, de telle façon à ce que, après la réalisation de la transaction, la renégociation du contrat soit assez coûteuse et inhibe toute « gestion » du contrat ex-post. Tout se joue (et doit être fixé), donc, avant la transaction.

Selon Missonier-Piera Frank [1997], la théorie des coûts de transactions, par contre, considère qu'il y ait « vie après la mort », qu'une gestion d'autres risques (moraux surtout) doit exister et être prise en compte après la réalisation de la transaction. Cette discussion se base surtout sur la notion des capacités cognitives des agents économiques : Selon Williamson, il s'agit là d'une

limitation de la rationalité des individus : Mais ce qui différencie la rationalité dans la théorie des contrats et celle dans la théorie des coûts de transaction, est que la rationalité dans la théorie des coûts de transaction est « dynamique » ; elle opère à travers le temps : une rationalité limitée existe avant la réalisation de la transaction, pour gérer la sélection adverse et une rationalité limitée existe, après, pour gérer l'aléa moral. Ce concept est appelé : « contractualisation dynamique ».

En fait, la théorie des contrats en sélection adverse, stipule qu'ex-ante, l'agent le plus risqué, choisira le contrat qui couvre le plus de risque. Mais, la théorie des coûts de transaction, puisqu'elle accepte qu'il y ait rationalité ex-post, stipule que l'agent, de n'importe quel type qu'il soit, une fois le contrat établit et accepté, pourrait être opportuniste et « montrer » de l'aléa moral : Si son contrat couvre très bien le risque d'accident routier, par exemple, il va en profiter et devenir encore plus négligeant en conduite, de telle façon qu'il augmente l'occurrence de ses accidents ! Ce qui traduit en bref, de la sélection adverse ex-ante simultanée à de l'aléa moral ex- post. Salanié B. (2000, p.5], dans une communication au congrès de Seatle, résumant les travaux empiriques de la théorie des contrats, évoque ce problème pour le marché de l'assurance maladie à travers les tests empiriques y relatifs :

« One of the most debated issues regarding health insurance is the impact of deductible on consumption. It is a well established fact that, in cross sectional data, better coverage is correlated with higher expenditure levels. But the welfare implications are not straight-forward. If incentives are the main explanation, deductibles or co-payments are likely to be useful, since they reduce over-consumption. However, should selection be the main driving force, then limits on the coverage level can only reduce the insurance available to risk averse agents with no gain in terms of expenditure. The result is an unambiguous welfare loss »

Qu'en est-il avec la rationalité dans la théorie des contrats ?

EST-CE QUE LA THéORIE DES CONTRATS ADOPTE LE CONCEPT DE RATIONALITé LIMITéE ?

En d'autres termes, est-ce que la modélisation d'audit se place en rationalité limitée ou illimitée ? Là, la réponse ne semble pas claire : En fait, certaines apparences pourraient donner une réponse affirmative :

- Certains modèles présentent une issue d'équilibre dont les payoffs sont loin d'être optimaux, ce qui va de pair avec le seuil de satisfaction de Simon et non le maximum d'utilité des néo-classiques ou optimalité paretienne, en tant que règle de décision,

- certains modèles d'équilibre, comme celui « séquentiellement rationnel » fonctionnent apparemment par une logique procédurale, auto-satisfaisante, plutôt que par logique maximisatrice intransigeante,

- en plus, il nous a été difficile de trouver des documents qui traitent adéquatement ce point : le seul document qui puisse jeter quelques lumières sur la question est une communication faite par Missonier-Piera Franck, lors du 8ème congrès mondial de l'A.F.C. et l'I.A.A.E.R., de Paris en 1997. Ce chercheur suisse en théorie comptable a présenté un tableau qui essaye de positionner trois théories, la théorie économique pure néo-classique, la théorie économique pure des coûts de transaction et la théorie politico-contractuelle comptable positive (empirique, de Watts & Zimmerman) selon certains paradigmes économiques purs :

~

~

~ =

 
 
 

Rationalité

Oui

limitée

limitée

Opportunisme

Non

Oui

Oui (parfois)

Incertitude

risque

Oui

Oui

Information

parfaite

asymétrique

non homogène

Contrats incomplets

Non

Oui

Oui

Gestion des contrats

instantanée

ex-ante

ex-post

Unité d'analyse

échange

individu

transaction

Dimension principale

prix

asymétrie d'intérêt

spécificité des actifs

Coût principal

coût de production

perte résiduelle

réajustement

Résolution des conflits

minimiser les coûts
de production

minimiser les coûts
d'agence

minimiser les coûts de
transaction

 

Tableau 9: Comparaison des trois théories I paradi~mes

Source : Missonnier-Piera F. [1997].

- il est évident que Missonier-Piera se base sur la théorie d'agence pour « remplir » la colonne de la théorie positive comptable. Or, la théorie d'agence, comme nous l'avons précisé auparavant, n'est que l'application de la théorie des contrats à la finance d'entreprise. Ce qui nous permet de conclure que puisque la théorie positive comptable admet une rationalité limitée, selon la première ligne de ce tableau, la théorie des contrats l'est aussi, et ainsi la modélisation en audit le serait aussi, puisque tout se base essentiellement sur l'agence,

- Reste un point qui ne semble pas clair dans cette discussion « rationnelle » : l'intuition : En fait, entre 1945 et 1957, le concept de rationalité limitée semble accomplit. Mais en 1983, Simon avoue que sa rationalité limitée doit inclure l'intuition, et il la définit comme :

« ...la capacité de reconnaître une configuration de choix déjà rencontrée par le passé et à retrouver en mémoire des éléments que l'on a appris à son sujet. »

Chambon J-P. 11995, Chap IV, p. 401.

Cette nouvelle notion entrerait, selon Simon, dans deux dimensions de la rationalité limitée de 1957: Simon dit en fait que :

« - il ne suffit pas qu'un choix s'opère conformément à la recherche d'un objectif pour le rendre rationnel, car il doit résulter également d'une délibération L 79, par ailleurs susceptible de comporter une part d'intuition,

- la délibération est irréductible au calcul car elle invente pour partie les objets qu'elle manipule, notamment lorsque l'intuition joue un rôle dans le processus décisionnel. »

Chambon J-P. 11995, Ch. IV, p. 41J

En d'autres termes, l'Homme invente, lorsqu'il est en train de délibérer, c'est à dire rechercher, traiter et adapter les informations disponibles, et il invente lorsqu'il est en train de faire un choix pour décider son action économique. Est-ce que cette invention, due à l'intuition, est alors inhérente à tout modèle de la théorie des contrats ? L'intuition est non maîtrisable par nature. Elle fait partie exclusivement de l'intelligence humaine. Elle serait donc inopérante pour la théorie des contrat ? devrait-on, si les affirmations de Missonier-Piera F. sont vraies, faire une analyse discriminatoire entre les modèles d'avant 1983 et ceux d'après 1983 ?

Shackle G.L.S. de la « London School of Economics » (de tendance école de Vienne), bien avant cette année 1983, a parlé de l'intuition comme une composante de l'intelligence humaine et qui a été tout le temps un ingrédient nécessaire à la prise de décision économique, à la fixation de choix et à la limite, à la construction de l'histoire humaine unique en son genre. Les pensées subjectivistes de Shackle, pourtant, s'inscrivent dans le courant de l'école autrichienne, qui prône le « rationalisme positiviste ». Shackle dit que toute action comporte de l'intuition et des suggestions, sans définir ces deux concepts. Son modèle de la surprise potentielle (expliqué dans la section suivante) se base en grande partie sur ces deux notions non-maîtrisables. Mais la rationalité à l'autrichienne s'oppose presque à la rationalité de Simon : Le rationalisme positiviste dit que : « agir est rationnel », c'est à dire que même les choix pris au hasard sont rationnels. Ce qui ne l'est pas chez Simon, qui conditionne tout choix rationnel par la recherche et la délibération.

Mais par rapport aux néo-classiques, la rationalité de Simon comporte une part de subjectivisme, surtout dans la composante intuition et le concept de seuil de satisfaction, emprunté aux psychologues (analogue à leur « niveau d'aspiration »). De telle façon que toute fixation de seuil de satisfaction soit propre à chaque individu à part, et donc très

79 La délibération est définit comme ce qui « regroupe des procédures grâce auxquelles l'homme s'adapte, au cours de la prise de décision, à ses limites cognitives ». Le processus de décision, en plus, souffre d'une « paresse » puisque l'individu choisit la 1ère alternative qui atteint ou dépasse le seuil de satisfaction. Le niveau d'aspiration (seuil de satisfaction) n'est en fait pas du tout équivalent à l'optimalité 1

difficile à modéliser. En addition, ce seuil de satisfaction, qui est loin d'être l'optimum des néo-classiques (maximisation de l'utilité), est un seuil mobile, révisable, à chaque fois que l'individu, en situation de décision économique, en sent le besoin.

Devant cette impasse de nature logique, et devant la pénurie de documents qui puisse profondément traiter un tel sujet, nous avons jugé utile de demander l'avis d'un spécialiste de la théorie des contrats, Pr Salanié Bernard. Il a affirmé alors catégoriquement que la théorie des contrats ne se place pas en rationalité limitée M80. Ce qui nous élimine tout espoir de retrouver une quelconque dimension subjectiviste dans les modèles d'audit et nous pousse plus à affirmer carrément l'aspect mécaniciste de ces modèles.

Quoique une certaine perplexité persiste, à notre avis, vis-à-vis de cette affirmation : Lorsque Simon a redéfinit la rationalité néo-classique, il l'a liée à un environnement simple et stable. Chambon J-P. [1995, Ch. IV, p. 39] dit expressément :

« L'auteur (Simon H.A.) expose en 1976 une conception duale de la rationalité :

- la rationalité parfaite ou objective : s'exerce lorsque l'individu dispose d'une information complète et parfaite, elle s'applique donc au contexte de la concurrence pure et parfaite. elle est aussi nommée rationalité substantive,

- et la rationalité limitée ou subjective : forme le concept que Simon établit en 1957, celle-ci s'applique à la quasi totalité des comportements réels des agents qui disposent dans la majeur partie des cas d'une information incomplète et imparfaite ».

Nous savons évidemment que la définition de l'information « parfaite » et « complète » a été faite par Harsanyi John en 1967. Entre 1967 et 1976, Simon H.A. a eu bien le temps d'assimiler et de discuter ces nouvelles caractéristiques de l'information. Nous pensons alors qu'en ayant distingué les deux « formes » ou « dimensions » de sa rationalité à travers le support de la distinction entre les caractéristiques de l'information sus-citées, il a agit intentionnellement et scientifiquement. Personne donc ne peut mettre en doute le sérieux de ce prix Nobel dans ce qu'il a dit en 1976.

Les modélisateurs de la théorie des contrats adopteraient-ils la rationalité
limitée de Simon, pour certains de leurs modèles, sans le savoir ?

Par conséquent, et d'après cette définition duale de 1976, on pourrait déduire que les modèles de la théorie des contrats, (ainsi que de la modélisation en audit) peuvent être divisés en deux :

80 Par un e-mail datant du 26 Octobre 2001, Pr Bernard dit expressément : « À ma connaissance, les modèles de la théorie des contrats ne se placent pas en rationalité limitée. On souhaite le faire, mais personne ne sait vraiment comment faire. ».

- Ceux qui fonctionnent avec information certaine et parfaite, sont des modèles auxquels on applique la rationalité objective (maximisatrice des néo-classiques),

- alors que le reste des modèles, (à information imparfaite et incomplète), sont des modèles auxquels on applique de la rationalité limitée, subjective, peut-être même sans le savoir ! On pourrait même élargir ce groupe de modèles à ceux qui sont « hybrides », qui usent d'information complète mais imparfaite ou d'information parfaite mais incomplète...

Si cette déduction est vraie, alors notre modèle de Datar & Alles [1999] devrait se placer en rationalité limitée ! , puisque selon la Tableau 7 de la page 53, l'information utilisée par ce modèle est incomplète et incertaine. Par conséquent, la mécanicisité de notre modèle serait plutôt nuancée.

Même si cette déduction est vraie, la question de la modélisation de l'intuition va rester toujours sans réponse : La définition de l'intuition de Simon de 1983 focalise la mémoire, donc des faits passés, mais il revient et dit qu'elle comporte une part d'invention, qui échappe à tout essai de modélisation. La mémoire pourrait être modélisée à travers l'histoire d'un eu pour un modèle donné. Mais l'invention, qui est propre à chaque individu, logiquement, ne peut pas être modélisée. Ce qui revient à dire que peut-être la théorie des contrats adopte la rationalité limitée de 1957. Mais est-ce qu'elle adopte la rationalité limitée, intuitive, inventive, de 1983 ? Il est très difficile de pouvoir répondre à cette question.

Passons maintenant à notre critique de la mécanicisité de la modélisation en audit, et qui soit en relation avec les apports de la théorie des coûts de transaction, à travers l'opportunisme dans la théorie des contrats :

t' DANS Ll E DES CONTRATS e E OU CONJECTURAI ?

Il s'agit de comparer entre la notion d'opportunisme dans la théorie des contrats avec la notion équivalente en théorie des coûts de transaction : La différence peut marquer un point de plus contre la mécanicisité de la théorie des contrats, et par la même, de la modélisation en audit.

La théorie des coûts de transaction « met le doigt » sur un point assez important du discours économique théorique : Un agent économique est-il opportuniste ? comment ? l'est-il tout le temps ? le sont-ils tous sans exception ? Une telle critique portée à l'opportunisme dans la théorie

des contrats, est beaucoup plus une critique à l'utilitarisme de la théorie économique pure qu'une critique à la théorie des contrats elle-même M81. L'opportunisme n'opère pas si l'environnement de l'opération économique n'est pas caractérisé par l'asymétrie d'information. S'il opère, il est alors simultané à un « manque de confiance » envers les agents plus qu'envers l'opération.

Pour pouvoir répondre à ces questions, le débat pourrait diverger profondément vers des questions portant sur l'éthique économique M82. Néanmoins, quelques idées brèves doivent être exposées sommairement pour mieux situer cette discussion.

LES INSUFFISANCES DE L'UTILITARISME ECONOMIQUE FACE AUX NOTIONS DE CONFIANCE ET DE BIENVEILLANCE :

Le système moral raisonné de l'utilitarisme se fonde sur l'impératif de choisir entre plusieurs alternatives celle qui apporte la plus grande somme totale de bonheur, sous entendu -à soi d'abord, ensuite aux autres-. Ce qui fait souvent rapprocher l'utilitarisme de l'opportunisme. L'anthropologie dans l'utilitarisme économique (ou étude de l'Homme en économie), stipule que l'individu doit être simplement rationnel : c'est à dire simplement et uniquement maximisateur de son utilité propre, et il se contente d'un classement de préférences unique et multifonctionnel M83.

L'utilitarisme ignore la notion de confiance entre les agents économiques lors du déroulement d'opérations économiques, et il ignore aussi la bienveillance des agents entre eux, qui touche à la solidarité sociale, à la prise en charge des plus démunis, au rôle crucial de l'Etat en matière d'éducation, de santé, de recherche et développement...

La question de la « relation avec l'Autre » n'a, en fait, jamais été posée dans le modèle

économique utilitariste M84. Pour Smith Adam, qui est le plus modéré des utilitaristes, le

M81 Des libéraux comme Alchian et Friedman arguent que « seules les firmes qui adoptent le comportement le plus rationnel, c'est à dire le plus calculatoire, peuvent survivre à long terme ». Chambon J-P. 11995, Ch.IV, p. 471.

M82 Je tiens ici à remercier vivement Mr Raouf Yaich, qui m'a donné la possibilité d'enseigner avec lui une matière que je trouve fort intéressante qu'est l'éthique comptable. Il a surtout eu le grand mérite de m'avoir inculquée comment « apprendre à apprendre, indéfiniment ». Les développements de cette section trouvent, alors, origine essentiellement dans la partie introductive de son cours pionnier en Tunisie.

M 83 - Unique :.........................c'est ce qui explique « l'atomicité » des agents économiques,

- Multifonctionnel : ....... c'est ce qui est remis en question par la Théorie des Choix Sociaux en ce qui concerne, par exemple, le débat sur les fondements mathématiques de la règle de majorité, pour les votes...

M84 - Positivisme : positivism, ililililililililililililililil : Système philosophique d'Auguste Comte, rejette la théologie (

ilililililililililililil) et les à priori de la métaphysique en faveur de l'observation, de l'expérimentation et de l'approche
scientifique empirique, qui sont alors l'unique fondement de la connaissance. Il considère que l'humanité passe par 3 étapes : théologie,
métaphysique et positivisme comme explication ultime des phénomènes. Ensuite, pour achever l'ensemble du système, A. Comte crée la

Mémoire de DEA-Comptabilité - ISCAE - Décembre 2001 Analyse Critique de la Modélisation en Audit Chapitre II - page : 75

85 Problèmes économiques n°2637, page 35.

86 Sen le qualifie d'idiot rationnel et de demeuré social, puisqu'il ne se soucie que de sa propre utilité, et semble n'avoir aucun engagement moral envers ni famille, ni société, et ne subir aucune contrainte macro-sociale. Sen A. K. 11999, p. 861.

87 - une liberté positive constituée de « droits potentiels » et de « capacité » à convertir ces droits en ressources, (il faut nécessairement que ces droits et capacités convergent),

- et une carte de droits à l'échange : entitlement map : qui transforme les dotations (des vecteurs) en disponibilités alternatives de biens.

problème de cette relation se résout de lui-même : le bonheur du consommateur fait le bonheur du laitier, du boucher, etc... Pour Amartya Kunar SEN, prix Nobel d'économie en 1998, ce problème est appelé : relativité de l'agent. Sen A.K. explique qu'à titre d'exemple, le salaire perçu en contre partie d'un travail, est strictement conçu par l'utilitarisme comme une rémunération individuelle, alors que dans la vie de tous les jours, ce salaire est perçu comme « un mode de satisfaction d'obligations familiales, communautaires puis de satisfaction des préférences individuelles » M85.

Notre société d'aujourd'hui comporte fatalement en elle-même les conséquences de ce type de philosophie positiviste qu'est l'utilitarisme : Augmentation généralisée des inégalités de revenu, abandon, dans la vie économique comme dans la vie sociétale, des valeurs morales en faveur de plus d'égoïsme, d'opportunisme, et de dualisme éthique, etc...

Pour que sa critique contre l'utilitarisme soit constructive, Sen A.K. arrive à démontrer qu'on peut concilier entre engagement moral et rationalité économique : Dans sa théorie, qui lui a valu un Nobel, l'individu n'est pas seulement rationnel Q86 : c'est une personne libre (liberté conceptualisée mathématiquement [1387) et responsable des autres. Sen A.K. dit que : « La réflexion sur le sujet est inséparable de celle sur le type de rapport que les personnes entretiennent entre elles, notamment dans la recherche de la survie » (relativité de l'agent économique). Son modèle économique arrive à traiter aussi bien la « bienveillance » que la « solidarité », que les « engagements moraux ».

Sen conçoit aussi un seuil de conscience qui a pour rôle de contourner l'impératif --utilitariste- de la liberté (on ne peut être ni trop libre, ni pas libre du tout). Alors que la plupart des économistes, de tendance libérale, refusent de prendre en compte ces valeurs qui motivent les gens : le faire serait s'ingérer dans les libertés individuelles. Sen soutient la théorie traditionnelle

Sociologie.

- Utilitarisme : Utilitarianism, ililililililil : Philosophie qui dit que l'économie se base sur le principe du plus grand bonheur pour le plus grand nombre d'individus, c'est un courant téléologique (il ililililililil) qui repose sur la finalité et non les moyens mis en oeuvre pour réaliser ce bonheur, donc cela peut se faire au détriment de certaines valeurs morales.

- Hédonisme : Hedonism, ililililil : Le modèle de décision moral de l'hédonisme, comme de l'épicurisme, est de « rechercher le plaisir, pour soi et pour les autres ». En effet, l'hédonistique est le principe des économistes libéraux qui prêchent au maximum de jouissance à moindre effort. Sauf que l'on confond souvent l'hédonisme simple à l'hédonisme égoïste qui recherche le plaisir propre de l'individu.

économique walrasienne, mais il affirme que : « La réalité ignorée par l'utilitarisme est qu'il est impossible de concevoir la théorie économique sans ingérence dans « l'intouchable » liberté individuelle, car certaines valeurs morales et éthiques sont déterminées par les conditions matérielles des individus et par leurs pratiques sociales » . Ce qui est sûr, c'est que la clé de la résolution de ce problème de relativité de l'agent, d'utilitarisme et de confiance dans les opérations économiques, réside dans le « simple » classement des préférences de chaque individu.

Toutefois, il est à noter que d'autres économistes à conviction utilitariste, tel l'exemple de Harsanyi John C. et d'Edgworth Francis Ysidro, ont aussi remis en cause cette unicité de la structure néo-classique utilitariste des préférences de l'individu : Il est opportun de citer au passage, certaines réflexions inachevées de Harsanyi J.C. :

« La distinction importante qu'établit John Harsanyi entre les préférences « éthiques » et les préférences « subjectives » offre au sommet de la structure (des préférences) une possibilité supplémentaire : « les premières doivent exprimer ce que l'individu préfère en fonction des seules considérations sociales ou impersonnelles, et les secondes doivent exprimer ce qu'il préfère en réalité, que ce soit en fonction de ses intérêts personnels ou de tout autre critère ». Sen A.K. 11999, p. 1071.

Edgeworth Francis Ysidro, utilitariste et pionnier de la théorie des contrats, reconnaît aussi avec nuance que l'égoïsme de l'homo ceconomicus est impur : l'individu serait selon Edgworth

«

Courbe des contrats

Bien B

Courbes
d'indifférence

Boîte d'EdEeworth

Bien B

Prix
d'équilibre

un utilitariste mixte,...en admettant un élément de sympathie pour autrui » M88. Edgeworth F.Y., a admis depuis 1881 les notions de contrat, et de conflit, en créant la courbe des contrats, qui traduit l'ensemble des allocations optimales au sens de Pareto. Pour lui, il n'y avait nul besoin de « l'héraut de Walras » (commissaire priseur) pour effectuer le tâtonnement du marché vers l'équilibre, il suffisait d'une série de renégociations de contrats provisoires préalables à la réalisation de la transaction... Sa

« boîte » visualise la négociation et l'adéquation entre les frontières efficientes, de chaque partie au conflit, pour l'obtention d'un accord économique qu'est le contrat. Pourrais-t-on alors en déduire que cet

« élément de sympathie pour autrui », dont Edgworth a parlé, réside simplement dans les courbes d'indifférence de sa « boîte » ?

CI 88 Edgeworth 11881, p.1041 « Mathematical Psychics », cité dans Sen A.K. [1999,p.871.

Bien entendu, un besoin en confiance ne naît que si une asymétrie d'information existe au sein de l'opération ou de la relation économique : Si l'on est obligé de recourir à la confiance, c'est à dire à avoir confiance en quelqu'un, avec qui on effectue des transactions économiques, c'est que nécessairement on manque d'information le concernant : sur ce qu'il fait ou ce qu'il est.

La théorie des contrats avance que : Au lieu que cette confiance soit à la limite naïve, il faudrait qu'elle soit intelligente, c'est à dire qu'elle n'existe que parce qu'elle est le résultat d'un processus, (de contrôle ou de sélection ou d'incitation...) systématisé, inhérent à l'opération économique elle- même, autrement dit comme résultat d'un système « garde-fous ».

Dans notre modèle DA [1999], c'est le propriétaire qui « doit recourir » à la confiance parce qu'il est incapable de tout observer, et c'est le manager et/ou l'auditeur qui pourraient être opportunistes. Leur opportunisme est double : il réside dans la décision de mentir en ce qui concerne la divulgation du résultat réel de la firme, et/ou de ne pas honorer l'engagement pris, en ce qui concerne l'effort --convenu- à fournir (de gestion ou d'audit).

Cet opportunisme, selon le système moral raisonné de l'utilitarisme discuté ci-dessus, basé sur la rationalité néo-classique, est une caractéristique inhérente à la personne, car elle est égoïste par définition, et par définition aussi, elle ne cherche qu'à maximiser son utilité individuelle.

« Le principe de rationalité (illimitée) signifie que les individus agissent en utilisant au mieux les ressources dont ils disposent, compte tenu des contraintes qu'ils subissent. Cette définition appelle trois commentaires :

q L'individu rationnel est égoïste : il tient compte uniquement de son propre intérêt,

q Il constitue en outre une unité de décision autonome : son comportement n'est pas déterminé par des habitudes sociales consciemment ou inconsciemment assimilées, son comportement est défini indépendamment de toute contrainte macro-sociale, la définition de la rationalité est donc ahistorique,

q Enfin, l'individu rationnel est maximisateur, il effectue des choix qui maximisent sa satisfaction. » Cahuc P. (1998, p.41.

Billand et Solal vont dans le même sens, et distinguent :

« Trois éléments au fondement de la motivation de l'individu qui, dans la théorie standard (walrasienne), sont compactés dans l'hypothèse de la rationalité : le bien-être (ou l'utilité) de l'individu, son but et son choix. ...la théorie standard adopte les postulats suivants :

q le bien-être de l'individu est centré sur lui-même (self-centered),

q le bien-être de l'individu détermine son but,

q le but de l'individu détermine le choix qu'il opère. »

Biland P. & Solal P. (1999, p.51.

En d'autres termes, puisque l'agent, dans la théorie des contrats, adopte une rationalité néoclassique, il néglige alors, par définition, tout sentiment altruiste. Il ne peut être donc qu'opportuniste, s'il a l'occasion de vivre une situation d'asymétrie informationnelle qui lui est favorable.

Sauf que, une certaine nuance est donnée par la théorie des coûts de transaction : L'opportunisme peut exister chez l'individu parce que cet individu est maximisateur, toujours, mais lorsqu'il est affligé de rationalité limitée et non d'une rationalité illimitée :

« C'est cette volonté de maximiser ses propres intérêts, conjuguée avec l'existence d'une rationalité limitée, qui conduit ... au concept d'opportunisme. »

Missonier-Piera F. 11997, p.41.

À notre avis, cette nuance est due au dualisme rationnel de Simon : Nous avons expliqué précédemment que Simon ne conçoit la rationalité que relativement à l'environnement de la décision économique à prendre :

- Si l'environnement est simple, parfait, alors l'individu adopte une rationalité illimitée. Par conséquent, il sera systématiquement opportuniste, de façon inhérente,

- Si l'environnement s'avère compliqué, incertain, incomplet, imparfait, et turbulent... là, l'individu ne peut pas avoir d'autres choix que d'adopter une rationalité procédurale, limitée à ses propres capacités cognitives. L'opportunisme de cet individu devient alors conjectural et non systématique : l'individu peut choisir d'être opportuniste comme il peut choisir d'être altruiste, dans le cadre restreint de cette décision à prendre.

A notre avis aussi, à l'opposé de la rationalité walrasienne, qui n'admet jamais l'altruisme, la rationalité procédurale de Simon a la possibilité de donner « une chance » à l'individu d'être altruiste, même si cet altruisme peut s'avérer être de l'opportunisme « différé ». cette possibilité donnée à l'individu pour montrer de l'opportunisme conjectural, résiderait peut-être dans la dimension non maîtrisable de la rationalité limitée de 1983, qui est l'intuition !

L'opportunisme, en fait, dans la théorie des coûts de transaction, est définit comme une « propension à la mauvaise foi » selon Williamson O.E. lorsqu'il traite du « Hold-up behavior ». L'opportunisme est donc un penchant et non une caractéristique systématique, inhérente, chez l'individu de la théorie des coûts de transaction.

« L'agent opportuniste peut ne pas dévoiler volontairement un certain nombre d'information, voire publier une information erronée, ou même s'engager expressément à agir d'une façon déterminée, alors u'il sait u'il n'en fera rien. » Missonier-Piera F. 11997,p.41.

Accompagné de « contractualisation dynamique » expliquée auparavant, l'opportunisme dans

la théorie des coûts de transaction, peut générer de la sélection adverse, s'il est ex-ante, ou générer

de l'aléa moral, s'il est ex-post. Cette variabilité est, alors, caractéristique plus de comportements humains que de comportement mécanicistes. Ce qui n'est pas le cas de l'opportunisme chez l'individu de la théorie des contrats.

Passons maintenant à notre 3ème et dernière critique à la modélisation en audit : elle touche à la construction des croyances dans le modèle de Datar Srkant M. et Alles Michael Gamini [1999]. Cette construction est d'ailleurs classique, la critique est alors à adresser plutôt à la théorie des contrats qu'à la modélisation d'audit ou au modèle DA [1999] précisément.

CONSTRUCTION DE RÉPUTATION DANS DA f1999)

edE CRITI~UE : LES CROYANCES DU MANAGER

DA [1999] se sont basés sur le modèle d'équilibre de Kreps & Wilson [1982a] pour construire le leur. Il s'agit de l'équilibre séquentiellement rationnel. D'autres modèles d'équilibre peuvent utiliser le concept de réputation, tels la « récurrence à rebours » ou la « main tremblante ». Mais la récurrence à rebours demande à ce que l'information soit parfaite et complète pour que l'équilibre existe, et celui de la main tremblante semble ne plus être utilisé depuis longtemps M89.

Notre troisième et dernière critique du modèle DA [1999] touche à la mécanicisité de cette construction de réputation de l'auditeur. Cette construction est endogène et permet d'expliquer la plupart des comportement des agents en relation (manager, auditeur, propriétaire). Elle est surtout périodiquement alimentée par une révision des croyances du manager envers le type d'auditeur, selon l'observation du comportement de ce dernier.

Par conséquent, examinons d'abord l'endogénéïté de ce concept, puis examinons la nature et l'évolution des croyances du manager, qui sont un élément focal du modèle, pour pouvoir les critiquer avec plus de précision.

L RÉ DE 'A EST È :

Les caractéristiques majeures de cette construction de réputation se résument ainsi :

1. D'abord, le plus important est que la réputation dans DA [1999] est endogène, puisqu'elle dépend des stratégies des joueurs et des états de la nature,

2. ensuite, elle est développée dans un cadre interne, en présence d'un auditeur interne ou d'un comité d'audit,

3. la réputation découle d'un processus dynamique plutôt que d'un processus répétitif M90,

4. enfin, la réputation de l'auditeur bénéficie au manager pour inhiber son opportunisme et surtout au propriétaire, pour réduire son asymétrie d'information.

Evidemment, la réputation endogène est générée par le modèle lui-même et non extérieurement ou indépendamment du modèle. Ceci est d'autant plus évident que les auteurs visent essentiellement à expliquer la formation d'une réputation par la construction même de ce modèle. Dans les modèles qui ont précédé DA [1999], la réputation de l'auditeur ne sert que pour différencier entre les offreurs du service d'audit sur le marché. Elle traduit différents niveaux de « richesse » de l'auditeur ou de la firme d'audit, différents niveaux de compétence d'audit, et différents niveaux de technologie d'audit usitée...

Le modèle de DA [1999] explique pourquoi un auditeur recourt à la construction d'une réputation, et ce modèle prédit, par la même, l'effet de cette réputation autant sur l'auditeur, que sur le manager, que sur le propriétaire. Dans le modèle DA [1999], à l'équilibre, l'auditeur « strong », puisque « par principe » il est toujours diligent, serait toujours réputé diligent. Mais pour l'auditeur « weak », il lui faudrait être diligent pendant un certain nombre de période, pour qu'il puisse simuler d'être « strong », et inhiber ainsi tout comportement mensonger de la part du manager (à cause de l'importance de /3 M91). Par conséquent, l'auditeur peut ensuite ne plus fournir d'effort puisque le manager le croit de type strong. Tout le problème du jeu est, alors, celui de comparer la croyance révisée (en appliquant la règle de Bayes T. à la croyance à priori M92 après chaque période) à l'utilité espérée y conséquente M93, pour décider quelle action des deux choisir.

Ce problème dépend donc intimement de la construction des croyances du manager envers le type de l'auditeur et dépend aussi de la connaissance commune de cette croyance par les autres joueurs, surtout l'auditeur. Plus la croyance du manager est faible en période initiale, plus l'auditeur faible devrait fournir d'effort, durable, (et un coût d'audit plus important) pour simuler

M89 Rasmusen E. par e-mail.

M90 Par un e-mail datant du 5.11.01, Rasmusen E. dit que « A dynamic game is one with moves in sequences. A repeated one repeats the same moves ».

M91 /3 est la désutilité du manager due à la pénalité qu'il doit payer au propriétaire au cas où son mensonge est découvert par l'auditeur diligent. Voir Annexe I : Définition des variables utilisées par le modèle DA et ses formes stratégiques.

M92 À condition d'être sur l'« equilibrium path », pour pouvoir connaître les valeurs des probabilités de chaque action des joueurs.

M93 La variable b = (b sd--bs n) /3, joue ici un rôle pivot. Voir Annexes pour les définitions des variables.

M94 « In common usage, reputation is a characteristic or attribute ascribed to one person by another (e.g. « A has a reputation of courtesy »). Operationally, this is usually represented as a prediction about likely future behaviour (e.g. « A is likely to be courteous »). It is, however, primarily an empirical statement (e.g. « A has been observed in the past to be courteous »). Its predictive power depends on the supposition that past behavior is indicative of future behavior. » Wilson R. « Reputation in games and markets » [1985, pp.27-62], cité dans DA [1999, p.403].

une réputation de « strong ».

Avant d'étudier la construction des croyances dans DA [1999], il faudrait examiner leur concept de « local reputation » qu'ils ont « inventé » à ces fins : Se basant sur la définition de Wilson [1985] M94, Datar & Alles affirment qu'une réputation est un concept relatif : un individu n'a pas une réputation absolue unique et convenue par les tous autres agents ou individus, mais il peut avoir plusieurs réputation, chacune par rapport à un agent à part. Ce qui veut dire que l'auditeur peut avoir, par exemple, une réputation « envers » le manager différente de sa même réputation « envers » le propriétaire...

En effet, leur concept de « local reputation » est développé dans le contexte de la relation entre le manager et l'auditeur :

« First, the auditor's local reputation with the manager depends on the behavior of the auditor as observed by the manager, rather than on an auditor's exogenous characteristics (such as whether it is a Big Five or non-Big Five firm). ...Second, the auditor's reputation affects the behavior of the manager in future interactions by influencing the manager beliefs about how thorough the audit is going to be. The auditor's reputation for being thorough serves as a deterrent to misreporting by the manager. » DA [p.403].

n Ce concept est alors endogène : il est déterminé par l'histoire du jeu et non par des caractéristiques exogènes de l'auditeur, connues par les autres agents ,

n Ce concept est relatif à un seul individu, en l'occurrence le manager dans notre modèle DA [1999] : à ce qu'expliquent Datar & Alles, il apparaît que la « Local Reputation » ou réputation locale, est une construction mentale dans l'esprit du seul manager, relative à l'auditeur. Cette construction est une évolution de croyance à travers l'avancement du jeu entre ces deux individus ou agents (ils peuvent être des firmes...), c'est un cercle vicieux alimenté par, d'un coté, le comportement de l'auditeur tel qu'observé par le manager, et d'un autre, par les croyances probabilistiques du manager envers le type de l'auditeur. La croyance du propriétaire, par exemple, envers le type de l'auditeur n'intervient absolument pas dans la construction de cette réputation locale manager-auditeur,

n On comprend de DA [1999] que ce concept ne peut pas être autre qu'évolutif : s'il n'y avait dans ce jeu qu'une seule période, la révision de croyance aurait été inutile, puisque la révision d'une croyance à priori, d'une période, ne sert que pour la période

qui la suit; et si le jeu n'avait pas été dynamique, le concept de réputation locale n'aurait pas pu fonctionner, puisque chaque période ne porterait plus de nouvelles valeurs de probabilités, d'états de la nature, de payoffs... qui contribueraient dans une construction dynamique de la réputation,

Enfin, ce concept est appliqué à un cadre interne : l'auditeur est un auditeur interne ou un comité d'audit, plutôt qu'un auditeur externe indépendant :

« In this paper, we analyze auditor reputation in the internal setting in which a firm's audit committee wishes to validate the statements of its manager, rather than the usual external setting in which auditors act as attestors of the firm's financial reports. In this local context, the explicit objective of auditing is to proactively deter misreporting by the manager. This is a fundamentally different setting from externally focused auditing, examined in the previous literature, since the role of reputation is much more circumscribed. » DA 11999, p.403.1.

Le motif de cette différenciation réside dans le fait que dans une relation entre manager et auditeur interne, le manager peut mieux observer le comportement de l'auditeur que dans le cas où l'auditeur est externe. Et l'auditeur ne doit pas seulement valider les états financiers mais valider tout état délivré par le manager. La formation de la réputation, ses effets et son évolution, sont ainsi mieux approchés et mieux examinés.

CRITIQUE DE LA LOCAL REPUTATION » ~

Est-ce que le modèle DA peut s'appliquer aussi bien à l'auditeur interne qu'à l'auditeur externe ? : L'article de Datar & Alles n'indique pas dans son résumé qu'il s'agit d'une recherche touchant exclusivement au domaine de l'audit interne. Puis, dans le corps de l'article, il est fait nuance entre l'application du modèle à l'audit interne et son application à l'audit externe (dans le sens que le modèle s'apprête mieux à l'audit interne). Malgré cette nuance, l'un des auteurs, Alles Michael G. affirme que :

« The paper is meant to be for external auditing as well as internal. But as an analytic model, it requires some abstraction. Thus the model depends crucially on repeated interaction between the auditor and the manager so that reputations can develop. ...otherwise, local reputation will not arise. » 1M1195

Donc, le modèle DA peut s'appliquer aux deux catégories d'audit. L'important donc, pour la réalisation du concept de « local reputation » est la répétitivité de l'interaction entre manager et auditeur, ainsi que la possibilité au manager d'observer le comportement de l'auditeur. Si ces deux aspects se réalisent, même dans le cadre d'un audit externe, la « local reputation » peut se construire et le modèle peut s'appliquer.

1M1195 Par un e-mail datant du 24.10.01, de Michael Gamini ALLES.

n

M96 Saâda T. 119971 affirme qu'elle est même plus vieille que l'institution de l'audit externe.

M97 Idées résumées à partir de Jouanneau A. 120011 - Participation du Luxembourg au Colloque de l'A.T.A.I. d'Avril 2001 et de Mabkhout A. f20011- Participation de PriceWaterHouse --Tunisie au même colloque.

M98 Certains haut-cadres au sein de la Direction des Participations au Ministère des Finances, ont vainement essayé d'introduire cette institution de comité d'audit depuis voici 15 ans de cela, surtout dans les banques. Ils ont fait alors face à de l'incompréhension de la part des auditeurs internes de ces banques, qui se voyaient mal comme contrepouvoir à leur propre Conseil d'Administration.

M99 Le conseil de surveillance qui joue le rôle d'un contre-pouvoir vis-à-vis du conseil d'administration, la création de la notion d'administrateur indépendant...

M 100 Voir la communication de Barnia M. au Colloque de l'A.T.A.I. d'Avril 2001, pour une définition comparative anglo-saxonne et européenne de l'Administrateur Indépendant.

Datar & Alles précisent que leur modèle s'applique aussi bien à l'auditeur interne qu'au comité d'audit : Qu'est-ce alors un « Comité d'audit » ? : là, il faut consacrer une petite section à ce sujet, vu son importance :

C 3 A tOCAI REM/TAUON B ~

Le « Comité d'audit » est une invention anglo-saxonne M96. Cette institution existe surtout pour les grandes firmes et les grands groupes d'affaire.

n INITIATIVE M97 : Aux U.S.A., l'initiative de créer des comités d'audit au sein de certaines grandes firmes, a été déclenchée, dès les années 70, par le marché boursier (NYSE et SEC). Au R.U., l'initiative a été mixte : privée et gouvernementale. En Europe, La France et la Suisse ont été les pionniers : En France et suite au rapport Viennot (1995), cette initiative a été essentiellement privée, émanant d'associations professionnelles. En Allemagne, elle est gouvernementale et encore assez timide. Enfin en Tunisie, il n'y a pas encore de loi qui oblige les firmes à se créer un comité d'audit, mais il y a eu, depuis le décret 87-529 du 1er Avril 1987, une recommandation dans ce sens pour les E.P.I.C. M98. Actuellement, il s'agit plutôt d'une prise de conscience déclenchée par des associations professionnelles telle l'Association Tunisienne des Auditeurs Internes (A.T.A.I. membre de l'International Association of Internal Auditors). En plus, la nouvelle loi sur des sociétés commerciales a introduit « un nouveau mode de gouvernance d'entreprise qui se rapproche du comité d'audit » M99. En bref, à l'état actuel des choses, l'institution du comité d'audit n'est obligatoire qu'aux U.S.A. et au R.U., et seulement pour les firmes cotées en bourse.

n COMPOSITION : Généralement, pour les anglo-saxons et pour l'Europe, ce comité doit être constitué d'administrateurs externes (indépendants) M100. Le nombre minimal est de 3

administrateurs obligatoirement non salariés et majoritairement indépendants. L'un au moins doit avoir des connaissances comptables, sinon, l'auditeur externe de la firme est autorisé à participer aux réunions du comité. Enfin, le nombre maximal est généralement de 7 administrateurs, mais il dépend essentiellement de la taille de la firme et du conseil d'administration.

RÔLE ET POUVOIR DU COMITÉ D'AUDIT : le comité d'audit est un organe de supervision. Sa prérogative est de changer les paradigmes de l'audit interne, dans le sens que l'audit interne devienne « à double tranchant » vis-à-vis de l'administration, en ayant plus d'autonomie pour analyser le « risque d'affaire ». Le comité d'audit veille donc à la bonne réalisation de deux piliers principaux de gouvernance d'entreprise : la responsabilité et la communication : Il exerce plus un contrôle opérationnel du « risque d'affaire » que du contrôle interne, et exerce un contrôle sur la fiabilité de l'information communiquée au marché.

En pratique, il matérialise un lien qui s'établit entre le conseil d'administration, l'audit interne et l'auditeur externe. Ce lien est créé en 1er lieu par souci de coût, afin de permettre à la firme auditée d'économiser une partie des honoraires d'audit externe, en chargeant l'audit interne de certains de ses travaux (les plus élémentaires et répétitifs). Par conséquent, le comité d'audit -- ou plutôt la concertation entre administrateurs indépendants du conseil d'administration et l'auditeur externe- fixe les travaux de l'audit interne, veille à la qualité et à l'autonomie d'investigation de l'audit interne par rapport au conseil d'administration, et renforce le contrôle interne et le système d'information de la firme, surtout vis-à-vis des partenaires de cette dernière, dans le contexte du respect de la réglementation, de l'éthique des affaires et du contrôle des conflits d'intérêts au sein de la firme. En Allemagne, il est prévu même que ce comité ait pour rôle de sélectionner l'auditeur externe de la firme...

Ainsi, une vue générale est donnée sur la composition et le rôle du comité d'audit. Examinons maintenant la relation du comité, ainsi définit, avec le concept de « local reputation » du modèle DA [1999] :

« LOCAL REPUTATIO1V » & COMITÉ D'AUDIT: les uestions : la relation entre ce concept et le comité n'est pas aussi évidente et claire : En fait, deux questions bien distinctes se posent ici :

1. Un des piliers de cette local reputation et de l'équilibre du modèle DA, est le fait que le

comité d'audit (ou l'auditeur interne) constitue bien une menace pour le manager mensonger (à travers 13 ). Comment alors le comité d'audit pourrait constituer un contrepoids par rapport au conseil d'administration si, d'un coté, ses membres sont choisit par le Conseil d'administration lui-même, d'un autre coté, ils ne sont pas tous indépendants et, d'un 3ème coté, la responsabilité civile du comité et ses pouvoirs sont si ambiguës dans certains pays ?

2. Kreps [1993, p.] a posé une question qui s'applique bien au contexte de ce jeu de Datar & Alles : Il se demande si la réputation est attachée à l'individu, ou à l'industrie, ou au lieu d'affaire (organisation design) ? : En fait, Datar & Alles appliquent leur modèle au comité d'audit pour dire que c'est la structure qui peut menacer le manager mensonger. Cette structure contient des administrateurs et parfois un auditeur externe. La « local reputation » de l'auditeur envers le manager serait alors rattachée aux administrateurs ou bien à l'auditeur externe ou bien au comité d'audit en tant que structure à part ?

Il est réellement difficile, comme le note Kreps dans son livre, de répondre à cette question. La réponse est encore plus difficile si le comité ne contient pas d'auditeur externe. Comment, dans ce cas, le manager va baser sa croyance à priori, sur quels éléments ou évidences ? sur le caractère personnel des administrateurs ?, sur leur réputation d'affaire ? sur des renseignements à propos de conflits entre ces administrateurs indépendants et le conseil d'administration ?...

Aussi, lorsque le modèle n'est appliqué que sur l'auditeur interne et que la firme n'a pas de comité d'audit, comment construire cette local réputation en sachant que l'auditeur interne est un simple salarié de l'administration et que ses prérogatives d'indépendances ne sont qu'aphorisme ?

À la limite, pour ajouter une autre abstraction à celles déjà comptabilisées pour ce modèle DA [1999], nous devons appliquer ce modèle à deux seuls cas : le cas où la firme a un comité d'audit, dans lequel l'auditeur externe est très actif et influençant, et le cas où la firme n'a pas de comité d'audit et son auditeur interne jouit bien de certaines prérogatives d'indépendance, lui permettant d'exercer effectivement cette menace sur le manager (ou conseil d'administration).

Passons maintenant à la décortication de la construction de cette « local reputation » à travers la construction des croyances du manager envers le type diligent ou négligent de l'auditeur :

La formation de cette « local reputation » dépend d'une structure précise des croyances du manager envers le type de l'auditeur. Datar & Alles [1999, p.4161 ont, en fait, modélisé la croyance du manager comme suit :

n q t = croyance du manager que l'auditeur est du type « strong » à la période t,

n si t = T, q T = 8 (croyance à priori du manager que l'auditeur est strong),

n si t < T, (les t sont des backwards dans le temps) q t s'exprime des trois manières suivantes :

i. Si un résultat non-désiré xn se réalise, et le manager rapporte la vérité, alors aucune révision de la probabilité que l'auditeur soit « strong » ne peut être faite, et puisque

tout type d'auditeur acceptera le rapport du manager. Donc, q t = q t+1

iii. si un résultat désiré x d est rapporté par le manager, et si l'auditeur est diligent de

façon à ce qu'il réussit à détecter et rapporter le résultat réel, alors q t = max q t+1l

03101,

iv. si un résultat désiré est rapporté par le manager, et si l'auditeur est négligent de façon à ce qu'il rapporte un résultat réel contraire à ce que connaît le manager, alors

qt=0

,

iv. si qt+1= 0, alors pour tout t = 1, 2, ..., t , q t = 0 .

,

La mécanicisité de cette construction de croyances est mise en relief surtout par la « règle » :

q t = max q t+1l

En fait, b t est un simple terme calculé à partir de différentes utilités, et le terme q t+1 est aussi un terme simplement calculé à partir de l'application de la règle de Bayes de probabilité conditionnelle à la croyance à priori du manager.

Est-ce que chacun de nous, lorsqu'il doit réfléchir et trouver à quel degré il croit envers une chose ou pas, se comporterait de cette façon si calculatoire et automatique ? est-ce que ces termes b et q sont les justes termes à prendre en compte pour estimer une telle croyance envers le type de l'auditeur ? déjà, b est un rapport d'utilité, et l'utilité est encore une notion qui nous échappe, et q est une probabilité subjective, qui elle aussi

Q 101 Ici, b t est la variable b (= (b sd--bs n) ) élevée à la puissance t et non pas b exprimée à la période t, et q t+1 est la croyance du manager

que l'auditeur est du type strong, obtenue par la révision bayesienne de q t (qui la précède d'une période).

nous échappe, dans le sens qu'aucun modèle au monde n'explique comment trouver cette quantité probabiliste, comment estimer la fréquence d'un tel évènement !

A notre avis, la réalité de la construction de croyances se passe autrement :

- il est vrai que la croyance à priori est une estimation, mais elle pourrait ne pas être une estimation d'une simple probabilité fréquentiste abstraite, autrement dit une estimation de la fréquence d'un évènement plus ou moins possible, elle pourrait dépendre de plusieurs facteurs qu'il importe beaucoup de connaître et d'exploiter,

- cette estimation pourrait dépendre de l'état d'esprit où se trouve le manager, ses humeurs, les informations qu'il a, son caractère propre (méticuleux, nanf, expérimenté...), selon cet état, il évaluerait autrement le type de l'auditeur,

- cette construction de croyance pourrait dépendre aussi de la culture du manager, puisque pour chaque pays, pour chaque culture, il existe des valeurs éthiques de comportement différentes : Par exemple, le degré de diligence d'un auditeur africain ou asiatique serait sûrement différent du degré de diligence d'un auditeur occidental, même si chacun des deux, dans son pays, serait compté parmi les professionnels diligents. Ce fait influencerait sûrement l'estimation de la croyance, envers cette diligence, par le manager africain et le manager occidentale...

- enfin, à notre avis aussi, cette estimation de croyance ressemblerait plutôt à une note, donnée par le manager, à l'auditeur, après examen de certains critères qui renseignent sur le degré de diligence ou de négligence de ce dernier. Le processus d'estimation d'une croyance envers un événement ou un fait donné serait peut-être similaire au processus de notation d'un étudiant par son enseignant. L'enseignant essaye d'apprécier si certains critères s'appliquent, ou peu ou pas du tout, sur l'étudiant, et suivant son système d'appréciation, il agrège ces appréciations par critère, en un seul nombre qui est la note finale de l'étudiant. Si on poursuit ce raisonnement, il deviendrait nécessaire de recourir aux mathématiques floues pour traduire ce processus d'évaluation...

Face à ces constatations, la mécanicisité de la construction des croyances de Datar & Alles [1999] est alors remise en question, principalement, par les quatre points suivants :

1. une critique à la théorie de la probabilité,

2. une critique à l'exogénéité de la croyance à priori de DA [1999],

3. une critique à la révision bayesienne de la croyance

4. et une critique à la connaissance commune dans le jeu.

Q 102 Discipline assez nouvelle, partagée entre les scientifiques gestionnaires et les scientifiques économistes.

Q103 George Lennox Sharman SHACKLE, 1903-1992, « disciple » de Hayek F.A. à la « London School of Economics », est compté parmi les affirmés des économistes à tendance « école de Vienne ». Ses meilleurs travaux sont ceux qui critiquent Keynes dans le fait que sa « théorie générale » ne tient compte ni du temps, ni des caractéristiques psychologiques du sujet humain (subjectivisme radical)...

Examinons-les, un à un pour, ensuite, essayer de les exploiter au troisième chapitre de ce mémoire :

/L CROYANCE 4 I "MENT UNE NOTION PROBABIUSTE +

Ce premier point est le plus important des quatre. Bien que ce débat touchant à la théorie de la probabilité est né avec la naissance de « l'école de Vienne » et de « l'individualisme méthodologique », c'est à dire depuis les années vingt à peu près, mais il reste comme même d'actualité, surtout pour les chercheurs en « économie cognitive » Q 102 ou pour les chercheurs en « Management de connaissance » (les scientifiques informaticiens surtout).

Ce débat est beaucoup plus épistémologique que technique : la première remise en question de ce sujet revient surtout à Georges L.S. Shackle. La remise en question technique revient alors à Glenn Shafer.

Épistémologiquement, les croyances ont été, depuis toujours, conçues comme distributions de probabilité, fréquentiste, alors que leur nature inhérente pourrait ne pas l'être ainsi. La contribution la plus notable, dans ce sens, est celle de Georges L.S. SHACKLE M103, un penseur assez méconnu par le Mainstream, mais qui a été son critique des plus coriaces : Shackle G.L.S. a développé, durant les années 70, une approche subjectiviste radicale de la théorie économique pure, en réponse à la défaillance de la théorie néoclassique à résoudre certains problèmes économiques réels. Ses ouvrages n'ont pas réussit à constituer une théorie générale cohérente face à celle Keynesienne, néanmoins ses idées éparses n'ont pu être adoptées et développées que récemment.

Pour réussir leur formalisme économique, les néoclassiques ont compressé toutes les abstractions de leurs modèles, par rapport à la vie économique réelle, dans les notions « amalgamées » d'utilité, de probabilité et de rationalité. Shackle défend l'une des plus robustes critiques jamais faite à la théorie de la probabilité :

CRITIQUES DE SHACKLE G.L.S. A LA THÉORIE DE LA PROBABILITÉ :

Pour Shackle, la théorie économique devrait mieux penser la probabilité et le rôle du temps : En fait, Shackle présente trois sortes de reproches à la notion de probabilité LU 104 :

1. « la répétition réelle des épreuves est l'exception plutôt que la règle » pour tenir compte des circonstances temporelles, spatiales et émotionnelles de chaque expérience, pour chaque individu. Sauf que certains chercheurs en intelligence artificielle y répliquent par une recherche d'un sens commun raisonnable,

2. « la probabilité empêche toute marge d'action sur l'éventualité évaluée » à expliquer.

3. et « la probabilité implique l'équiprobabilité des choix car elle se définit comme le nombre des cas favorables divisés par le nombre des cas possibles » : en fait, d'une part, les gens sont généralement de mauvais calculateurs de probabilité; ils ne peuvent que rarement tenir en compte effectivement de toutes les possibilités. En plus, certains scientifiques acceptent mal comment la probabilité, issue des grands nombres, puisse être appliquée à des expériences assez singulières. Tel Pearl J., il épaule cette affirmation par :

« There is really no compelling reason that beliefs, being mental disposition about unrepeatable and often unobservable events, should combine by laws of proportions that govern repeatable trials such as the outcomes of gambling devices. »

Pearl J. 11988, p.151.

Ces trois points critiques de Shackle se sont faits justement contre la théorie des eux : Elle ne peut, selon lui, que mettre en relief la cohérence des décisions des joueurs et non leur efficacité. Le joueur réel essaie d'évaluer la « plausibilité psychologiquement estimée » et non d'estimer une fréquence d'un événement plus ou moins possible.

« Le fondement de cette notion de surprise potentielle (de Shackle), est de nature expérimentale, car elle renferme l'anticipation, l'intuition et l'étonnement que l'on éprouve dans une situation donnée. ...(pour lui) Chaque acte comporte des espoirs et craintes, mais aussi un système de prévision dont la rationalité n'en est qu'un élément.

... le temps prend d'ailleurs une dimension particulièrement importante dans son analyse Ide Shacklej, puisqu'il est partie prenante dans la construction mentale. Il affirme en plus que la rationalité n'a pas de sens en absolu, u'une décision rationnelle ne peut être comparée à une autre décision rationnelle, car elle est indissociablement liée au contexte décisionnel et notamment à son cadre temporel.

Chambon J-P 11995, Ch. IV, p.361

À notre avis, une croyance est une décision : On décide de croire, avec un degré x, qu'un tel auditeur est de type diligent, puisqu'on a sur lui certaines informations, ou qu'on infère... On ne fixe pas abstraitement et arbitrairement la quantité de croyance, on la décide, suite à des facteurs qu'on devrait éclaircir dans ce travail. Par conséquent, une croyance est incomparable avec une autre croyance, même émanant de la même personne, et vis-à-vis d'un même sujet. Cette incomparabilité est forgée par la différence temporelle et contextuelle inhérente à la naissance de chaque croyance. Nous pouvons aller plus loin dans cette analyse de la croyance inspirée de Shackle :

« ...Shackle s'insurge...contre l'emploi des probabilités dans la décision pour prendre position en faveur de la décomposition des opérations réelles de l'esprit et du processus cogniti0. »

Chambon J-P 11995, Ch. IV, p.361

C'est cette décomposition nécessaire des opérations réelles de l'esprit et du processus cognitif, qui se veut être le « cheval de bataille » de la présente critique à la modélisation en audit : quand un quelconque manager décide de croire qu'éventuellement l'auditeur est de type diligent, tout un processus cognitif encore inconnu a, en fait, fonctionné dans son « réseau » mental. Ce processus, comme tout autre, aurait besoin d'inputs et de système de traitement pour générer l'output, qui est le degré ou plus simplement la quantité de croyance. La construction de la réputation de l'auditeur, par conséquent, dépend crucialement des « modalités de fonctionnement » de ce processus.

Passons maintenant à la critique de la théorie de la probabilité faite par G. Shafer Q105 :

AUTRE CRITIQUE À LA PROBABILITÉ : FONCTION DE CROYANCE DE SHAFER G. :

La critique de Shafer est beaucoup plus nuancée que celle de Shackle. Si Shackle veut tout nier dans la théorie de la probabilité et dans la rationalité substantive, Shafer modère sa critique en essayant de positionner la théorie de la probabilité par rapport à sa propre théorie de l'évidence. En, fait, le but de la théorie de la probabilité est d'exprimer, de manière cohérente, comment une croyance change à la lumière d'une information partielle ou incertaine. Elle est la principale théorie apte à mesurer la sensibilité des croyances au contexte qui les « entoure ». Shafer G. affirme même que :

« Probability is not really about numbers, it is about
structure of reasoning »Q106.

Q104 Les phrases en gras, qui suivent, sont de Chambon J-P 11995, Ch. IV, p. 371.

Q 105 Glenn SHAFER est un spécialiste de système-expert d'audit et mathématicien. Sa théorie de l'évidence, qu'il a inventé depuis 1976, se

base essentiellement sur la notion de « fonction de croyance ». Sa fonction de croyance et la règle de Dempster-Shafer ont nettement

amélioré l'appréciation des trois composantes du risque d'audit (RA=RI+RC+RD) et la construction, par la même, de logiciels d'audit. Q106 Pearl J. (1988, p. 151.

Pour répondre à la première des trois critiques de Shackle, certains chercheurs conviennent que croyance et chance ne jouent ni le même rôle, ni n'obéissent aux mêmes règles mathématiques. Mais ces chercheurs proclament surtout, notamment Judea PEARL [1988, p. 15], que les croyances sont une « distillation d'expériences émotionnelles » : L'être humain accumule, tout au long de ses expériences, des connaissances, des faits et des sensations dans sa mémoire cognitive. Pour des raisons de difficulté de stockage en mémoire, en principe, il ne peut retenir que des moyennes, des importances et des relations qualitatives abstraites entre les phénomènes ou évènements vécus : Il ne retient, en fait, qu'une « impression mentale » qui peut aider à déterminer des actions futures. L'organisation mentale de la connaissance et des croyances, fait que cette impression mentale ne mûrisse, pour ce qui concerne un type d'expériences donné, que si cette expérience est vécue à une fréquence assez importante, ce qui revient à adopter nécessairement la probabilité fréquentiste comme moyen pour pouvoir calculer la croyance :

Fréquence d'expérience « quantité » d'impression mentale 9 croyance

Ce qui rejoint les pensées de Shafer G. et sa critique à la probabilité. Elle est donc plus nuancée que celle de Shackle. Shafer ne nie pas la probabilité, mais il la ré-explique autrement, et elle ne vise absolument pas à remettre en cause l'épistémologie économique ou le bien fondé d'une quelconque rationalité. Cette critique de Shafer est plutôt une prise de conscience --mathématique- d'un simple fait : Le manque d'observation d'un événement ne signifie pas automatiquement son absence. Cette simple constatation a permit à Shafer d'inventer sa théorie de l'évidence M107 dans laquelle la théorie de la probabilité est positionnée comme le

Q 107 Selon Bouchon-Meunier B. [1994], Shafer G. [1976] et Lesage C. [1997], la théorie de l'évidence de Shafer est résumée principalement par la fonction de croyance et par la règle de Dempster-Shafer :

- La fonction de croyance Bel (A) s'exprime ainsi : « Dans un univers de référence fini X, une masse globale égale à 1 de croyance est répartie entre tous ses évènements possibles. Une masse m attribue un coefficient entre 0 et 1 aux parties de X de telle sorte que EX?Am(A)=1, m(A) représente le degré avec lequel un groupe d'observateurs croit en la réalisation de l'événement A. Toute partie non vide B de X telle que m(B) ? 0 est appelée « élément focal ». Bel (A) en une partie quelconque de X (en prenant considération de tous les éléments focaux qui entraînent A) est : Bel (A) = EA?B m(B).et le degré de plausibilité Pl(A) = EAnB ? ö m(B). » de telle façon qu'on a toujours [croyance = 1 -- plausibilité].

Il faut noter, néanmoins, que le point faible le plus important de cette théorie est qu'elle ne clarifie pas du tout son expression au cas où les évènements ne sont pas indépendants. Shafer n'a consacré dans son livre « Mathematical Theory of Evidence » de 297 pages, qu'une seule page à la notion d'indépendance, alors que les risques en audit sont générés par de multiples et complexes connexions !

- La règle de Dempster-Shafer, quant à elle, a été surtout appliquée au jugement d'audit : Les composantes du risque d'audit RA = RI + RC + RD (selon les SAS de l'AICPA n° 39 & 47) ont été conçues en tant que probabilités, et leur agrégation, une multiplication. La règle de Dempster-Shafer les exprime autrement : Chaque composante devient un vecteur à 3 éléments m1, m2 et m3, (par application de la fonction de croyance : mi sont des masses d'évidence) tels que :

· m1 = croyance qu'il n'y a pas erreur,

· m2 = croyance qu'il y a erreur,

· et m3 = ignorance.

· Le risque d'audit est alors un vecteur égal à la somme des trois autres.

Mais cette somme n'est pas une somme classique des mathématiques booléennes, cette somme est, en fait, la règle de combinaison de Dempster-Shafer pour l'agrégation d'évaluations (ou masses d'évidence) qui est exprimée par la formule suivante appliquée, ici en particulier, aux 2 premières masses : m1,2(A) = (1-K)-1. EBnC=A [m1(B).m2(C)] avec K =EBn? [m1(B).m2(C)]. ö

Mesures de
Nécessité
vulgaire

Mesures de Nécessité

Mesures Floues

Mesures de
Croyance

Mesures
de
Probabilité

Mesures de Possibilité

Mesures de
Possibilité
vulgaire

Mesures de
Plausibilité

montre cette figure :

Ensuite, certains chercheurs en

mathématiques floues et en intelligence artificielle ont, à leur tour, positionné la théorie de l'évidence de Shafer par rapport aux mesures floues et par rapport à la notion d'incertitude M108 : Certes, l'évidence ou la croyance de Shafer est bel et bien une mesure floue,

Figure 17: Relation entre les Classes de Mesures Floues

mais elle n'englobe pas les mêmes mesures d'incertitudes que celles de la logique floue.

Ce qui nous permet de différencier entre la croyance de Shafer et celle que nous comptons approfondir au chapitre III de ce mémoire. Mais au préalable, il faut effectuer une exposition approfondie bien que assez succincte de la logique floue vis-à-vis de l'incertitude et surtout de la théorie des sous-ensembles flous M109.

Bref, la critique de Shafer G. à la probabilité se résume par le fait que la probabilité subjective (ou croyance probabilistique) estimée par une personne envers un fait est différente de sa croyance (« évidentielle » de Shafer) envers ce même fait, puisqu'une croyance probabilistique nulle, par exemple, n'indique pas si la personne croit que le fait ne se réalisera pas, ou si la personne n'a pas d'information sur ce fait pour estimer cette croyance. Pour lui croyance et probabilité diffèrent.

Pour résumer ce 1er point critique de la construction des croyances dans le modèle de D atar & Alles, il faut dire que la théorie de la probabilité semble non adéquate pour traduire une croyance, et ce pour les motifs suivants :

m La répétition réelle des épreuves est l'exception plutôt que la règle, alors que chaque croyance est une expérience unique en son genre, on applique une mesure issue de raisonnement basé sur la répétition, à une situation rarement répété !

m la probabilité empêche toute marge d'action sur l'éventualité évaluée,

m la probabilité implique l'équiprobabilité des choix, (où est appliquée l'entropie de Shanon), alors que cette situation n'est qu'un cas parmi d'autres, et elle est en plus assez particulière,

M108 Notamment Lotfi ZADEH, Didier DUBOIS, Henri PRADE, Philippes SMETS, Georges G. KLIR 1

M109 Les mesures de nécessité, de plausibilité, et de possibilité, floues et vulgaires, montrées par la figure 18, sont définies à l'Annexe III.

0 et la probabilité subjective nulle ne différencie pas entre absence de fait et méconnaissance du fait par la personne qui estime sa croyance probabilistique.

2. = QUE 1d4 CROYANcit À PRIORI Di, DA 112221 EST É A YK C h ? ~

Effectivement, une incohérence pourrait être relevée dans la construction de la « local reputation » : Datar & Alles insistent maintes fois dans leur article sur le fait que leur modèle de réputation est endogène : Ce qui veut dire que la formation de la réputation ne dépend que du jeu en lui-même et non de facteurs exogènement déterminés :

« In the context of our model, two aspects of reputation are important. First, the auditor's local reputation with the manager depends on the behavior of the auditor as observed by the manager, rather than on an auditor's exogenous characteristics (such as whether it is a Big Five or non-Big Five firm). This notion of locally based reputation is in contrast to the approach adopted by the auditing literature,... where exogenous differences between auditors (wealth or technology) creates a global reputation that drives behavior, rather than being driven by behavior. » DA fp.403].

Donc, selon ces auteurs, la « local reputation » dépend du comportement de l'auditeur tel qu'observé par le manager, plutôt que de ses caractéristiques exogènes au modèle, telle, par exemple, l'appartenance aux grands réseaux internationaux d'expertise comptable M110.

Plus précisément, pour que la réputation de l'auditeur soit endogène, il faut qu'elle ne dépende que des stratégies de l'auditeur, et des croyances du manager. Le problème réside à la toute première période du jeu T, où le manager ne dispose d'aucune observation du comportement de l'auditeur.

Comment le manager doit estimer sa première croyance envers le type de l'auditeur ? Cette croyance de première période est 8 (que l'auditeur est strong, et 1- 8 que l'auditeur est weak) : À partir de la période qui suit, le manager a la possibilité d'observer le comportement de l'auditeur et de constater s'il a été diligent ou négligent. Le manager révise alors 8 (par la règle de Bayes de la probabilité conditionnelle) et obtient q 1 qui est la croyance de la période 1, et ainsi de suite... Mais tout le problème réside dans l'estimation de Ben absence d'observations : Comment le manager « calcule » 8 ? :

Q 110 Les Cabinets internationaux Bigs étaient, il y a 10 ans, au nombre de six (huit précédemment) : Arthur Andersen, Coopers & Lybrand, Deloitte Ross Tohmatsu, Ernst & Young, KPMG Peat Marwick et Price Waterhouse. Par une fusion entre Coopers et Price, ils sont devenus cinq. Ils sont évidemment classés premiers du monde entier selon le critère du chiffre d'affaire. D'autres réseaux internationaux existent mais ils manquent de structuration dans leur organisation et de vision globale dans leurs choix stratégiques par rapport aux bigs. Ce qui crée et rend durable l'avantage comparatif des bigs autant en termes de technologies, que de bases de données, de spécialistes et de structures ou système de recherche (aides financières aux universités, constituant en contre partie un certain lobbying, stratégies de recherche...).

1. D'abord, Datar & Alles posent que « 8» existe (n'est pas nulle) et le justifient intuitivement :

« To begin with, there must be some belief among owners and managers that some proportion of auditors will audit thoroughly (if everyone believed that all auditors are inherently bad, then there would be no means of developing any sort of reputation for quality, nor would there be any incentive for an auditor to do so). »DA fp.414].

2. Ensuite, ils essayent de donner au lecteur quelques renseignements sur l'interprétation

de 8, à différentes occasions, sans vraiment arriver à l'établir et expliquer comment doit

faire le manager pour trouver sa croyance de départ, sa croyance à priori de la toute

première période :

0 D'un coté, ils lient « 8» à des facteurs exogènes qui caractérisent l'auditeur avant même qu'il n'ait d'interactions avec le manager, des facteurs exogènes mais observables comme la richesse de l'auditeur (ou la firme d'audit) ou sa réputation, « commune », connue par d'autres gens que le manager :

« It can be... inferred from an exogenously determined observable variable such as auditor wealth or reputation. » DA fp.4031.

0 d'un autre, Datar & Alles expliquent seulement que l'importance de « 8» influence l'importance du nombre des périodes durant lesquelles le manager aurait à travailler et à rapporter la vérité au propriétaire et que la valeur de « 8» devrait être influencée par les initiatives institutionnelles (réglementations du marché, système de justice...) et associatives professionnelles (initiatives de l'ordre des experts comptables ou d'association d'auditeurs internes, tels l'OECT et l'ATAI) qui visent à améliorer une image de marque commune à tous les auditeurs :

« For a fixed T, the higher the value of qT = 8, the longer the periods over which the manager will no shirk and misreport. Hence, institutional factors that increase the prior beliefs that auditors are diligent enhance the value of auditing. Setting professional standards, developing a code of ethics, and penalizing auditors heavily for negligence can all be interpreted as attempts to enhance the image that auditors are of strong type. As far as audit litigation is concerned, the issue is whether the publicity surrounding prominent cases makes observers more confident that weak auditors are being weeded out of the profession (so raising prior beliefs 8), or whether publicity reduces public confidence, so reducing 8. »

DA Ip.4211.

3. Enfin, ils interprètent l'ensemble des croyances du manager (ou plutôt l'évolution de sa croyance) comme une vraisemblance ou probabilité d'occurrence du type strong, analogue à la réputation de l'auditeur :

« We interpret the manager's beliefs as to the likelihood that he is facing a strong
auditor as the local reputation of the auditor with the manager. » DA ip.418].

En somme, ces auteurs ne donnent que quelques indications sur la « formation » de la croyance à priori « 8» du manager. En plus, bien qu'ils insistent à maintes occasions sur le fait que leur modèle de réputation est endogène, ils admettent que le point de départ de la formation de cette réputation se base sur des facteurs exogènes au modèle.

A notre avis, la formation d'une réputation, même si elle est locale, ne peut absolument pas s'amorcer indépendamment de l'environnement dans lequel elle naît : la réputation est par nature une information approximative partagée par l'environnement de l'individu, plus ou moins convenue entre les personnes formant son entourage direct et indirect.

La croyance à priori du manager doit se baser sur des facteurs extérieurs au eu qui le lie avec l'auditeur, et ses facteurs ne peuvent pas seulement se résumer à des initiatives institutionnelles ou associatives, ou seulement au facteur richesse de l'auditeur. A notre avis, ces facteurs sont beaucoup plus nombreux, et le manager ne fait qu'exploiter une riche variété de ces facteurs qu'il trouve dans l'environnement de l'entreprise ou dans l'environnement de l'auditeur, pour se construire une idée de base sur la diligence possible de cet auditeur avant qu'une quelconque interaction avec lui n'ait lieu.

Il est vrai que la réputation de l'auditeur avec le manager, même si elle est locale, se traduit par une construction mentale au sein du cognitif de ce dernier. Mais cette construction ne peut pas naître d'elle-même, il suffit de la moindre information pour qu'un semblant de croyance à priori commence à exister. Le manager, de part sa fonction, son expérience et son « flair », ne peut pas être en situation d'absence complète d'information concernant l'auditeur. S'il en sent le besoin, il essaye de chercher lui-même cette information, aussi minime qu'elle soit, dans l'environnement de l'entreprise et même dans l'environnement de l'auditeur.

Même si l'auditeur est nouveau dans le marché de l'audit, de telle façon qu'une réputation commune au sein de ce marché ou du monde des affaires en général n'a pas eu le temps de s'établir, la simple apparence de l'auditeur, ou de son cabinet, peut renseigner sur sa position professionnelle qui serait prise comme signal sur sa diligence professionnelle... et les gens d'affaire compte des fois plus sur ce genre de flair que sur des « informations économiques scientifiquement prouvées »...

IMI1111 Autrement : P(B/A)= 1P(A)-1]. IP(A/B).P(B)], A et B pouvant être partagé chacun en 2 sous-évènements, suivant les 2 actions des

Il suffit d'énumérer plusieurs travaux empiriques qui essayent de mettre en relief des critères de réputation, pour pouvoir établir une liste approximative de ces facteurs, qui pourraient influencer la genèse d'une croyance à priori d'un quelconque manager :

- plusieurs travaux mettent l'accent sur l'appartenance aux Bigs,

- d'autres font ressortir des facteurs comme le prestige de la clientèle de l'auditeur,

- ou aussi les moyens technologiques pour l'utilisation des quels l'auditeur est connu,

- ou aussi son degré de structuration

- son passé judiciaire professionnel, ou disciplinaire...

En plus, il faut noter que ces facteurs devraient continuer à être pris en compte dans les estimations du manager, même lors de la révision de ses croyances. Il ne faut pas qu'il ne compte que sur sa seule observation du comportement de l'auditeur : à titre d'exemple, si en cours du jeu, le manager estime une de ses croyances révisées que l'auditeur est bien diligent et qu'entre temps, une affaire en justice contre cette même diligence de l'auditeur soit jugée en défaveur de l'auditeur, la croyance du manager ne doit plus rester insensible à cette information, elle doit être révisée à la baisse, même si son comportement indique une parfaite diligence professionnelle...

1. C 1,44 R Y1510N 9 DES C ~

Comme il a été montré précédemment, la construction des croyances du manager s'amorce par une croyance à priori à la toute première période T, puis pour chaque période t, elle est révisée, par application de la règle de Bayes, pour que le manager puisse décider quelle action choisir.

1. EN QUOI CONSISTE ALORS CETTE RÉVISION BAYESIENNE DES CROYANCES ? :

La règle de Bayes est une façon rationnelle de révision des croyances à priori. C'est une méthode qui procure un formalisme de raisonnement touchant à des croyances partielles, sous certaines conditions d'incertitude. Elle permet de passer de la probabilité à priori à celle à posteriori. La croyance à priori est une probabilité à priori, alors que la croyance révisée est une probabilité à posteriori M111 :

Probabilité à posteriori de l'événement = Vraisemblance de l'info . Probabilité à priori de l'évènement

Vraisemblance marginale de l'info

L'application de cette probabilité conditionnelle de Bayes Thomas M112 nécessite que le modélisateur connaisse ces vraisemblances, alors que la vraisemblance d'une information ne peut être connue qu'à l'équilibre. Par conséquent, le calcul des probabilités à posteriori ne peut jamais être indépendant de l'équilibre.

Ce qu'il faut faire, c'est proposer un équilibre (ou un chemin d'équilibre) puis l'utiliser pour calculer des probabilités à posteriori. Après coup, il faut choisir le meilleur chemin (du point de vue des utilités ou payoffs), c'est à dire la stratégie d'équilibre. C'est ce qui explique la rationalité de cette méthode de révision des probabilités à priori.

2. EN QUOI L'APPLICATION DE CETTE RÈGLE DE BAYES EST-ELLE ALORS REPROCHÉE ?

Les reproches sont deux : Ces reproches ou critiques reviennent à la règle de Bayes et non à son application : elles sont extrêmement simples :

0 Notre première critique concerne l'exhaustivité des sous-évènements :

Il est, en fait, assez difficile de prendre en compte tous les évènements pouvant composer l'événement dont on dispose la probabilité à priori. Dans notre modèle, la décomposition de l'événement dépend de la décomposition des actions de chaque joueurs (en l'occurrence deux actions). Mais la croyance relative à cet événement ne dépend pas seulement de cette décomposition d'action, plusieurs autres évènements peuvent influencer à la hausse ou à la baisse cette croyance.

0 et la seconde critique, concerne l'indépendance entre ces sous-évènements :

Cette même décomposition de l'évènement n'est pas aussi évidente à faire : pour que les probabilités partielles soient multipliées ou sommées, ils faut qu'elles concernent des évènements à intersection vide, mutuellement exclusifs. Il n'est pas évident au manager, dans notre modèle, de savoir si telle ou telle action de l'auditeur concerne

joueurs.

M112 Thomas Bayes était un prêtre anglais du XVIIIème siècle (1702-1761). Ses essais en mathématique et en statistiques n'ont été publiés qu'ad posthume. Il a déduit sa règle de probabilité à posteriori à partir du jeu suivant : En jetant des balles sur une table, il déduit la longueur de la table suivant le nombre de balles tombées à gauche ou à droite d'un point fixé sur la table ! La critique que nous exploitons contre cette règle signifie pour ce jeu de la table, en particulier, que Bayes pourrait facilement se tromper de calculs si les pieds de la table ne sont pas parfaitement horizontaux ou bien que la surface de la table ne soit uniforme... de telle façon que la totalité des évènements pouvant influencer la tombée des balles soit difficile, même impossible à connaître. Ce qui rend impossible le calcul de cette probabilité ou la déduction de cette information.

113 Un certain Aumann R. parle même de connaissance commune (mutuelle) d'ordre 1, d'ordre 2... (Aumann R. "Game theory", The Mac Millan Press, 1987, cité par Guerrien B. 11997, p. 601.

l'événement « auditeur diligent » ou l'événement « auditeur négligent ». Datar & Alles soulèvent effectivement cette nuance en disant que les actions de l'auditeur sont en réalité un continuum.

Passons enfin, à notre 4ème dernier point critique des croyances du manager dans la construction de la « local reputation » de Datar & Alles [1999] :

4. C DE l C C DES J ~

C'est une hypothèse forte, dans le sens qu'elle permet une abstraction intense par rapport à la réalité. Elle est d'abord définit ainsi :

« Information is common knowledge if it is known to all players, each player knows that all of them know it, each of them knows that all of them know that all of them know it, and so forth ad infinitum » Q 113. Rasmusen E. 11990, p. 501.

Dans notre modèle, cette notion de connaissance commune est nécessitée surtout dans le processus de formation de la réputation de l'auditeur : si, à chaque période, l'auditeur ne peut pas connaître la valeurs de la croyance du manager de cette même période, il ne peut pas connaître quelle action choisir et quelle stratégie adopter.

La connaissance commune ne se contredit pas avec l'asymétrie d'information ou l'information cachée. Ce qui est connaissance commune, c'est la partition de l'information de tout le jeu, qui est indépendante même de l'équilibre du jeu : Chaque joueur sait à quel degré l'information de l'autre joueur est précise, même s'il ignore lui même à quel noeud se situe le jeu, pour une période donnée. Datar & Alles affirment que pour que l'auditeur puisse choisir une action à partir d'un noeud donné du jeu, pour une période donnée, il faut qu'il ait une connaissance commune de la valeur de la croyance du manager (à priori ou révisée, selon la période).

A notre avis, il est difficile, durant le déroulement réel de ce genre d'interaction, qu'une personne sache exactement ce que croit une autre. A notre avis aussi, elle recourerait plutôt à une estimation personnelle de la croyance de l'autre joueur envers elle ; c'est à dire que l'auditeur, en réalité, ne peut qu'estimer la croyance du manager envers lui et non la connaître avec exactitude. Il faudrait donc plutôt chercher à établir une notion d' « estimation commune » au lieu de connaissance commune.

Ici, finit le chapitre II consacré à une remise en question, intégrée, de la mécanicisité de la modélisation de l'interaction stratégique en audit. Elle est intégrée dans le sens qu'une explication approfondie, accompagnée de sa critique, est donnée pour chacun des trois aspects remis en question, du modèle de Datar & Alles [1999] :

Ces aspects critiques ne sont que l'écho d'une remise en cause éternelle de la pensée économique néoclassique, appliquée à l'audit. Mais ils ouvrent un « chantier » trop ambitieux au regard de ce simple travail de mémoire de DEA.

Le chapitre III va essayer par conséquent, de focaliser la réflexion sur un seul de ces trois points remis en question, en l'occurrence le point le plus important qu'est la construction des croyances du manager envers le type de l'auditeur.

Cette construction de croyance pourrait trouver un meilleur terrain de réflexion scientifique dans le cadre de la subjectivisation du comportement, tel que pensée par Shackle, qui pourrait être effectivement meilleure que le terrain de la mécanicisité néoclassique, bien qu'elle ne le rejette absolument pas.

Par conséquent, et puisque les mathématiques floues sont celles des plus proches au raisonnement approximatif humain, nous pensons, à notre avis, que la subjectivisation de la construction des croyances du manager, envers le type de l'auditeur, pourrait être autrement et mieux appréhendée, grâce aux mathématiques floues.

Passons alors au chapitre III du présent mémoire pour :

- avoir d'abord un très bref aperçu du subjectivisme « à la Shackle »,

- avoir un bref aperçu des mathématiques floues -essentiellement la théorie des sous- ensembles flous- ,

- puis pour approfondir la réflexion sur une construction subjectivisée des croyances du manager envers le type diligent ou négligent de l'auditeur, plus précisément par une fusification des composantes de cette construction de croyances (ces composantes pourraient être choisies au regard des résultats de certains travaux empiriques touchant à la réputation de l'auditeur ou à la qualité des travaux d'audit),

- enfin, pour proposer une idée encore embryonnaire d'une vérification empirique de cette construction subjectivisée de croyances.

CuAPITet III M114

MOD1~ISATION D'AUDIT et tOGIQUE r~OUE~

SUBJECTIVISATION POSSIB~E ~

Le modèle de Datar & Alles [1999] -et la théorie des contrats en général- prédisent des comportements mécanicistes, précis, calculatoires de la part des joueurs ; auditeur, manager et propriétaire. Ces comportements sont modélisés indépendants de tout contexte de la relation économique ou de tout état psychologique des agents économiques. Critiquer cette mécanicisité revient à mettre en évidence le fait que ces comportements ne sont pas aussi évidents (incontestables) et aussi automatiques que ne le montre le modèle.

Les trois critiques adressées, dans le chapitre II M115, au modèle de Datar & Alles [1999] constituent, donc, une critique générale à la mécanicisité du modèle. En addition, les difficultés, soulevées à la fin du chapitre I dues au cercle vicieux caractérisant les essais empiriques de falsification des modèles d'audit, constituent, une autre critique, générale aussi, à la modélisation de l'interaction stratégique en audit.

Ensembles, ces aspects critiques du premier et surtout du second chapitres, ne sont que l'écho d'une remise en cause éternelle de la pensée économique néoclassique. Ils constituent, alors, un robuste point d'appui au développement du présent chapitre III afin d'approfondir la réflexion vis- à-vis des faiblesses de la modélisation d'audit.

Néanmoins, ces aspects critiques, appliqués dans le cadre de ce travail à l'audit, ouvrent un « chantier » trop ambitieux au regard de ce simple mémoire de DEA.

Il suffit, par exemple, de se rendre compte de la complexité des conséquences possibles d'une

critique à la rationalité : elle remet en cause la notion de l'utilité, les composantes aussi de

M114 Je remercie chaleureusement Mes Professeurs Dr Foued Ben Abdelaziz, de l'ISG-Bardo et Mr Patrice Perny de l'Université de Paris VI, (spécialiste en modélisation de décision multicritère floue) pour m'avoir soutenue et aidée à construire le présent chapitre. Ils m'ont consacré, sans qu'ils en soient vraiment obligés, beaucoup de leur temps et de leurs efforts, afin de mener à bien cette partie assez technique du travail. Qu'ils trouvent, ici, l'expression de ma profonde et sincère gratitude.

M115 Critiques contre :

1. La difficulté de la distinction entre les types de l'auditeur,

2. la non-limitation de la rationalité et la mécanicisité de l'opportunisme des joueurs dans ce modèle,

3. et contre le concept de local reputation appliqué au comité d'audit et surtout contre l'application de la théorie de la probabilité à la composante 'croyance' de ce concept de local reputation du modèle DA [1999].

l'utilité, elle remet en cause même la notion d'espérance, elle nécessite l'approfondissement de la réflexion qui touche à l'identification de ces limites de rationalité (le temps, le contexte de la décision, le contexte individuel du décideur...), etc...

Il est donc plus que nécessaire de réduire le champs de réflexion du chapitre III à un seul et unique point critique à choisir parmi cet ensemble général de points faibles de la modélisation en audit.

Notre choix est guidé (seulement guidé et non fondé sur) par les pensées épistémologiques subjectivistes, anti-mécanicistes, de Shackle G.L.S., puisque cet économiste subjectiviste s'intéresse plus au « comment » qu'au « pourquoi » de ces comportements d'individus économiques. Essayer de comprendre comment ces individus se comportent, signifie essayer de subjectiviser les modèles mécanicistes critiqués, ceci, à travers une nécessaire « décomposition des opérations réelles de l'esprit et du processus cognitif », et une remise en cause du rôle de la théorie de la probabilité dans ces modèles d'audit.

Le chapitre III essaye par conséquent, de focaliser la réflexion sur le dernier et le plus important des trois points critiques mis en relief par le Chapitre II, en l'occurrence la construction des croyances du manager envers le type, diligent ou négligent, de l'auditeur.

Ce choix de la construction des croyances est, en fait, doublement important :

0 Important par rapport au chapitre II puisqu'il remet en question la construction de la réputation de l'auditeur, qui s'avère être un concept plutôt ambiguë, pourtant il est le noyau grâce auquel « fonctionne » le modèle DA[1999],

Utilité
de l'Audit

UNE TRIADE D'AUDIT?

Diligence de
l'Auditeur

Qualité
d'Audit

Réputation
de l'Auditeur

0 et important par rapport au chapitre I, puisque la réalité complexe de la réputation de diligence d'un auditeur se perçoit nécessairement vis-à-vis de la qualité de son travail qui, à son tour, se perçoit vis-à-vis de l'utilité de l'audit pour ses utilisateurs Q116 :

Il est alors primordial d'insister sur le fait que le présent

Figure 18

chapitre ne prétend absolument pas, et en aucun cas, apporter un modèle de substitution à

Q116 Cette phrase ne vise pas à insinuer qu'une quelconque dépendance existe entre ces quatre notions (réputation, qualité, utilité, et diligence d'audit), ni une relation de causalité, d'ailleurs. La nature de cette relation entre ces quatre notions est encore mal définie.

la construction de croyance du modèle DA [1999], il ne fait qu'approfondir la réflexion sur ce

_ qu'approfondir . _

sujet. Comme le montre le titre de ce chapitre, il ne fait que poser une question et non pas essayer de démontrer une réponse. Ce chapitre III, en fait, compte amorcer une réflexion sur une éventuelle subjectivisation, telle que pensée par Shackle, de la construction de croyance du manager.

L'outil que nous pensons le plus adéquat à cet essai de subjectivisation s'avère être les mathématiques floues (ou logique floue), puisqu'elles sont le type de logique qui est le plus proche de la logique approximative humaine, face à la logique des mathématiques exactes des modèles mécanicistes.

Par conséquent, le présent chapitre III se propose de développer les étapes de réflexion suivantes:

1. Avoir un très bref aperçu du « subjectivisme à la Shackle »,

2. avoir un petit aperçu des mathématiques floues, essentiellement la théorie des sous- ensembles flous,

3. proposer une idée de décomposition du processus cognitif qui fonctionne lors de la fixation de la croyance du manager envers le type diligent ou négligent de l'auditeur, et notamment le lier à des critères précis de réputation de l'auditeur,

4. approfondir les composantes de ce processus en les structurant dans un modèle flou, proche des modèles de décision multicritère,

5. proposer un exercice d'application de ce modèle de construction subjectiviste de croyance, pour améliorer sa compréhension de la part du lecteur,

6. enfin, proposer une idée encore embryonnaire d'une vérification empirique de ces croyances fusifiées dans une relation d'audit.

Que signifie alors « subjectiviser » et comment subjectiviser les croyances du manager envers le type de l'auditeur, tels que appréhendées par le modèle de Datar & Alles [1999] ?

QUE SIGNIFIE « SUBJECTIVISER ~ ~

ET QUE FAUT-Ii SUBJECTIVISER DANS DA11222/ ~

« Subjectiviser » un comportement, veut dire le rendre relatif à son auteur. Rendre une variable à titre d'exemple, subjective, veut dire la rendre dépendante de l'appréciation de chaque individu à part. Rendre un modèle subjectif, veut dire alors, changer ses variables mécanicistes (subjectivisables) en des variables subjectives, en les faisant dépendre de l'appréciation de chaque individu qui voudrait appliquer le modèle à son cas. C'est ce qu'entend entreprendre le présent chapitre. Il est évident que ces variables « subjectivisables » ne reflètent ni l'incertitude (de l'action de la nature, par exemple), ni des mesures fondamentalement mécanicistes. On ne peut subjectiviser que ce qui est subjectivisable, que ce qui dépend de l'appréciation de l'individu.

A la limite, on peut concevoir que « subjectiviser » est un antonyme de « mécaniser » ou « axiomatiser ». Une pensée subjectiviste n'existe que parce que des modèles complètement automatiques, systématiques existent. Subjectiviser voudrait alors dire cesser de théoriser une mécanique du comportement.

Avant d'entamer la réflexion au niveau du comportement des agents en relation d'audit, examinons la naissance de cette approche par rapport à la théorie économique pure :

Tous les développements de la théorie économique pure se sont reposés sur un pilier appelé « rationalité économique ». Néanmoins, l'intérêt de ce pilier n'a été qu'instrumental, pour permettre aux économistes, fervents de formalisme unifié, de représenter l'homme, décideur économique dans toutes ses dimensions, par un individu seulement maximisateur, atemporel et universel.

Le subjectivisme, est alors contre cette transformation de phénomène subjectifs, dépendants de contextes et de mobiles de comportement, en phénomènes objectifs, extrêmement quantifiables, juste pour faciliter la modélisation économique et pour rendre « scientifiquement exacte » une discipline qui traite de l'homme.

« ...puisque les phénomènes humains ne produisent pas les mêmes effets dans les mêmes circonstances, les contradictions apparaissent clairement dans l'expression « science de l'homme ». En effet, l'homme ne saurait répondre aux critères scientifiques de :

- permanence,

- d'uniformité,

- et de répétitivité

des phénomènes scientifiquement observables. » Chambon J-P 11996, Ch. II7J.

M117 Ici, il faut faire abstraction des discussions philosophiques entretenues sur l'essence de la réalité (la réalité est celle observée, ou imaginée, ou objectivement théorisée ? ...). Shackle dit à ce sujet : « what we do in our actions is based on what goes on in our own minds... (your reality is) your list of choosable things that has to be constructed or composed by yourself before you can choose. ». The Austrian Economics Newsletter, Spring 1983.

Q 118 George Lennox Sharman SHACKLE, 1903-1992, « disciple » de Hayek F.A. à la « London School of Economics », est compté parmi les affirmés des économistes à tendance « École de Vienne ». Ses meilleurs travaux sont ceux qui critiquent Keynes dans le fait que sa « théorie générale » ne tient pas compte ni du temps, ni des caractéristiques psychologiques du sujet humain...

Par conséquent, une subjectivisation d'un modèle mécaniciste, pourrait le faire rapprocher de la réalité économique M117. La subjectivisation de comportement modélisé pourrait donc aider à réduire ces difficultés puisque le modèle en lui-même devient plus proche de la réalité économique de la relation d'audit et donc pourrait devenir mieux vérifiable empiriquement.

Examinons, alors, l'apport de Shackle Georges L.S. dans ce cadre :

S G LS. ~

Shackle G.L.S. M118 a développé, durant les années 70, une approche subjectiviste radicale de la théorie économique pure, en réponse à la défaillance de la théorie néoclassique à résoudre certains problèmes économiques réels. Ses ouvrages n'ont pas réussit à constituer une théorie générale cohérente face à celle Keynesienne, néanmoins ses idées éparses n'ont pu être adoptées et développées que récemment.

Le subjectivisme est radical quand il y a abandon de l'hypothèse de rationalité au sens néoclassique. Donc, la critique la plus singulière que Shackle a apporté au Mainstream, réside dans la question de la rationalité : Le point crucial de sa critique traite du choix à prendre, face à l'incertitude. Par conséquent, il nie la possibilité et l'opportunité de rechercher une théorie économique unifiée sous un quelconque formalisme. Autrement dit, l'aspect mécaniciste des néoclassiques perd toute raison d'être dans la pensée de Shackle.

Mais ce qui intéresse le présent travail, n'est pas exactement sa critique coriace contre les néoclassiques, mais plutôt la clarté d'analyse des comportements économiques individuels qu'on retrouve amalgamée à sa critique aux néoclassiques : Pour lui, si l'explication néoclassique des comportements économiques est vraie, alors l'histoire humaine entière ne devrait même pas exister : en voici l'explication :

« If we can really explain any choice completely, we are saying we can point to causes which made this choice inevitable...we really are saying that the person who made the choice is merely a link in the machine, he's just a connecting-rod, which means he's not a maker of history in any real sense...lhe is, on the contraryl a chooser which cannot be fully explained. » Shackle G.L.S. 119831.

Le manager de notre modèle DA [1999], ne peut pas, par exemple, à chaque fois être opportuniste envers le propriétaire, parce que les personnes sont plus ou moins respectueuses de la moralité et de l'éthique, ou même par respect à certaines relations humaines, on ne peut pas « garantir » alors qu'à chaque fois, chaque joueur du modèle DA soit opportuniste, car, chaque décision prise par chaque joueur à chaque période, comporte ses propres raisons d'être...

Face à ce rejet, Shackle apporte une robuste nouvelle théorie dite de la « surprise potentielle ». Nous l'exposons ici, très brièvement, afin de montrer comment la pensée de Shackle est plus proche de la réalité des individus économiques que ne le prétende la théorie néoclassique. Pour lui, la théorie économique devrait mieux penser la probabilité et le rôle du temps :

Surprise
maximum

Théorie de la "Surprise Potentielle" de Shackle G.L.S.

Surprise
minimum

0

Y

a

b c d e f

Profit Potentiel

X

Source :

Lavoie D.C. [1978, p.126]
(Traduction Libre)

Parfaitement
possible

Impossible

Figure 19

Le décideur économique examine une panoplie d'actions. Le résultat de chacune lui est incertain. Il focalise son attention sur le gain possible et la perte possible de chaque action pour en choisir la meilleure. On peut, alors, concevoir : X un repère qui représente un intervalle de profits ou gains potentiels d'une action donnée [ce sont

exactement des « ex ante » profits psychiques], et Y qui représente la « plausibilité » de cette chaîne d'éventualités... Shackle montre, alors, que les meilleurs profits recherchés par le décideur, et qui sont jugés raisonnablement possibles, sont :

q Le moindre gain qui se confond à la pire perte (au point « b »),

q et le meilleur gain qui se confond avec la moindre perte (point « e »).

Les points des profits inférieurs à « b », ou supérieurs à « e », manquent de pertinence pour le décideur [puisque pratiquement impossibles]. Les points situés entre « b » et « e » manquent aussi de pertinence puisque de meilleurs (ou de pire) gains sont possibles. Ce degré de pertinence est affecté par Shackle à un 3ème repère « O » qu'il appelle 'attention arresting power'.

Lavoie D.C. [1978, p.126-7].

Avec cette théorie de la surprise potentielle, Shackle arrive à mieux expliquer l'aversion au risque et à mieux justifier la cardinalité des préférences, surtout lorsqu'il conçoit cette cardinalité en termes de volume M119. L'intérêt de cette théorie pour le présent mémoire, est :

- d'un coté, sa critique des mesures probabilistes : pour lui, l'incertitude est plutôt une évaluation personnelle, propre et exclusive à chaque individu qui la fait, d'une notion de surprise. A la limite, elle peut être prise pour une justification de son rejet de la théorie de la probabilité comme outil parmi les outils de modélisation des comportements économiques,

M119 Le problème de Shackle, en fait, réside dans le fait d'arriver à trouver des unités non-arbitraires à ses repères, qui traitent essentiellement de mesures « émotionnelles ».

- et d'un autre coté, sa prise en compte poussée du contexte psychologique de la décision chez l'individu économique, de telle façon qu'il essaie d'expliquer le comment de la décision avant d'en expliquer les causes ou les effets.

Le subjectivisme « à la Shackle » admet donc que le comportement économique individuel ne peut pas être indépendant du contexte où il existe, contexte psychologique en premier lieu, et temporel en dernier lieu.

Puisque chaque individu économique du monde, subit nécessairement un contexte qui lui est propre (social, politique, national, historique, ...), cela influence indubitablement son état psychologique M120, de telle façon que chaque individu se comporte face à une situation d'une manière qui lui est propre, et plus encore, un même individu, exposé à une même situation, pourrait se comporter différemment, selon son humeur et selon la période (le passage du temps).

C'est cette idée qui inspire à la base notre réflexion pour subjectiviser des croyances.

Pour connaître mieux ces contextes afin de mieux mesurer leur effet sur la décision économique de l'individu, il devient logique et nécessaire de tenter de les décomposer :

« ...Shackle s'insurge...contre l'emploi des probabilités dans la décision pour prendre position en faveur de la décomposition des opérations réelles de l'esprit et du processus cogniti%. »

Chambon J-P 11995, Ch. IV, p.361

C'est cette décomposition nécessaire des opérations réelles de l'esprit et du processus cognitif, qui se veut être le « cheval de bataille » du présent mémoire : Pour essayer de subjectiviser des croyances, nous pensons décomposer le processus cognitif qui les génère. Ce processus est appliqué particulièrement à la réputation -de diligent ou de négligent- de l'auditeur du modèle DA [1999].

Une telle construction de croyance pourrait trouver un meilleur terrain de réflexion scientifique dans le cadre de la subjectivisation du comportement, tel que pensée par Shackle, qui pourrait être effectivement meilleure que le terrain de la mécanicisité néoclassique, bien qu'elle ne prétend absolument pas la rejeter : cela signifie que le subjectivisme auquel prétend ce travail

120 Cette causalité a été bien démontrée par les travaux forts connus de Hofstede G. 119871, sur l'influence de la culture sur la nature psychologique humaine et sur ses décisions. Un travail analogue a été conduit par Gray S.J. 119881 pour étendre cette causalité au comportement professionnel comptable des individus dans plusieurs pays du monde.

Q121 Je remercie Mr Rebaï Abdelwaheb, Mlle Nefzi Hana, Mr Dubois Didier, et Mr Mongin Philippe, pour leur contributions à enrichir mes connaissances de la logique floue. Cette section est une synthèse de leurs enseignements et aussi d'extraits de Bouchon-Meunier 119951, Klir & Fogel 119881, Kaufmann A 119731, Pearl J. 119881, Shafer 119761, Tong-Tong J-R. 119951, Bouchon-Meunier 119941...

Q122 La logique booléenne est une branche des mathématiques qui traitent des calculs logiques grâce à des fonctions booléenne et à des opérateurs comme « ou » et « et ».

serait un subjectivisme nuancé et non radical, puisqu'il pourrait être toujours réinséré à la mécanique du modèle de base. Ce point sera mieux expliqué aux sections suivantes. Passons maintenant à l'outil que nous avons choisit pour la subjectivisation des croyances du modèle DA:

QuEt EST t'E0uTIt DE SuBJECTIVISATI0M ?

L'objectif de notre essai de subjectivisation est de décomposer un processus cognitif, mental, relatif à la détermination de la croyance du manager envers le type de l'auditeur, pour mieux comprendre ce processus et essayer, par conséquent et si possible, de le modéliser de manière plus rapprochée à la réalité.

Il est évident, à nous tous, que lorsque, par exemple, le manager « croit » que l'auditeur est diligent, il ne peut absolument pas dire si sa croyance se quantifie à 75 % ou 75,6 %. Chaque individu de nous, lorsqu'il tente de savoir « à combien » il croit à un fait et« à combien » il n'y croit pas, il ne fait qu'approximer, apprécier, cette quantité. Il est plutôt plus à l'aise lorsqu'il exprime sa croyance linguistiquement : « je crois plutôt qu'il est du bon type », « je suis plutôt tenté à le considérer comme tel », « il est certainement du bon type », « je ne crois absolument pas qu'il soit diligent », etc... :

La croyance du manager est principalement une approximation et non une quantité

exacte parfaitement mesurable.

Les mathématiques classiques, et surtout la théorie de la probabilité, n'admettent pas une telle approximation : alors que la logique floue, si. Dans ce qui suit, nous allons en premier lieu, exposer brièvement quelques aspects élémentaires de la logique floue, puis, en second lieu, nous allons ainsi pouvoir motiver notre choix de l'utilisation du flou comme outil de subjectivisation.

Q'E- aie L4 OG1C« ? e Q121

La logique floue peut être considérée comme un grand domaine dans lequel la logique booléenne Q122 a été étendue pour incorporer et traiter le concept de « vérité partielle ». Une vérité partielle peut s'associer à une valeur allant du « complètement vrai » au « complètement faux ».

La logique floue a été introduite par Dr Lotfi Zadeh, en 1960 Q123 :

« ...rather than regarding fuzzy theory as a single theory, we should regard the process of « fuzzification » as a methodology to generalize ANY specific theory from a crisp (discrete) to a continuous (fuzzy)form. »

Zadeh L. 11975] cité dans Gupta & Sanchez 119821.

Elle constitue une extension des mathématiques conventionnelles. L'histoire des mathématiques floues et de leur application dans divers domaines tels la reconnaissance d'image, la prise de décision, l'industrie, les systèmes experts... a montré qu'on perd moins de temps pour aboutir au même résultat, qu'on stipule moins de règle et qu'on approche mieux ainsi le raisonnement approximatif humain face au raisonnement exact des mathématiques conventionnelles. Zadeh a inventé le concept de sous-ensembles flous, et a développé ensuite la théorie des possibilités. Les deux : « théorie des sous-ensembles flous » et « théorie des possibilités » constituent « la Logique Floue ».

DEGRÉ D'APPARTENANCE :

Comme il y a une forte relation entre la logique booléenne et le concept de sous-ensemble, il y a une similaire forte relation entre logique floue et théorie des sous-ensembles flous : En théorie classique Q124, un sous-ensemble U de S peut être associé à une relation « u » définie sur Sx(0,11, telle que :

u : S ---> [0,1]

x ---> 0 si x E U,

1 si x e U.

de telle façon qu'on peut représenter u comme un ensemble ordonné de paires dont le premier élément de chaque paire est un élément de S et le second, un élément de f0,1], c'est à dire soit 0 soit 1. Autrement, cela signifie que 0 représente une « non-appartenance », et 1 représente l'appartenance. Dire qu'il est vrai que x soit un élément de U (ou qu'il est faux que x soit un élément de U) est déterminée par la paire dont le premier élément est x : si son second élément est 0, alors il est faut que x appartienne à U, si le second élément de cette paire est 1 alors, il est vrai de dire que x appartient à U.

Q123 Mais, en ces temps là, la logique floue n'a pas eu d'écho dans le milieu scientifique américain, jusqu'à ce que les japonais aient trouvé le moyen de l'appliquer à l'industrie et à l'informatique. Les années 70 ont alors été marquées par une prolifération grandiose d'articles mathématiques qui développent les notions élémentaires du flou ou d'articles scientifiques d'application du flou au domaine de l'ingéniorat ou de l'informatique... De nos jours, le développement de cette discipline mathématique continue sereinement. Les concepts flous deviennent extrêmement sophistiqués, mais leur développement accuse un rythme plus nuancé que celui des années 70.

LUI 124 Appelée aussi « conventionnelle » ou encore « vulgaire » (en anglais : « crisp » ) par opposition à « floue ».

De façon similaire, un sous-ensemble flou F de S peut être définit comme un ensemble de paires ordonnées, ayant chacune comme premier élément un élément de S, et comme second élément un nombre appartenant à l'intervalle [0,1], avec pour chaque élément de S, une et une seule paire qui lui est associée. F peut donc être associé à une relation f sur Sx[0,1], telle que 1 puisse traduire une appartenance complète à F, et 0 une non-appartenance complète à F, et l'infinité de valeurs se trouvant entre 0 et 1 puisse traduire un « degré d'appartenance » intermédiaire. S est alors appelé un « univers de discours » pour le sous-ensemble flou F et f est appelée « fonction d'appartenance » à F. Ainsi, une vérité partielle devient possible à représenter mathématiquement, et ce grâce au degré d'appartenance.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore