Aux âmes de mes grands parents qui nous ont
quitté et qui auraient été fier de moi,
A celui qui m'a donné toujours de
L'espoir et m'a fourni tous les moyens Nécessaires
à la réussite,
à mon père,
A celle qui m'a entouré depuis mon
Enfance de l'amour et la tendresse,
À ma mère,
À mes frères Issam, Imad, loubna et
Selmane,
À mes amis Aziz, Tarik, Ismail, Mehdi,
Hicham....
À toutes les personnes qui m'aiment et Que
j'aime,
Et enfin à toutes les personnes qui ont
Contribué de près ou de loin à la Réalisation de ce
travail,
Je dédie ce travail.
Au terme de ce travail je tiens à remercier Mr Bentires
Lalj Mohamed Saïd qui m'a soutenu tout au long de ce travail avec ses
conseils et ses orientations précieuses, je tiens également
à remercier toutes les personnes qui ont contribué à la
réalisation de ce travail .
INTRODUCTION
Depuis les débuts de l'indépendance, le
Maroc est passé par des périodes sombres qui se sont
caractérisées par des violations flagrantes des droits de
l'Homme, qualifiées d'exactions graves. Parmi ces violations graves on
peut citer ; les disparitions forcées, les arrestations
arbitraires, les assassinats, et la torture entraînant la mort ou des
séquelles physiques et psychologiques permanentes, les exécutions
hors la loi et l'exil forcé, qui ont eu lieu lors des
événements politiques et qui ont constitué des crimes
contre l'humanité.
Cependant grâce aux changements suite au militantisme
des victimes de la répression, des instances politiques et
démocratiques, du mouvement des droits de l'Homme national et
international, mais aussi grâce à l'évolution du contexte
international de l'après `'guerre froide'' qui a contribué
à la libération des prisonniers politiques, à la
création du Conseil Consultatif des Droits de l'Homme, les violations
se sont réduites.
Ainsi le Maroc au cours des quinze dernières
années a opéré d'impressionnants progrès en
matière de droits humains et s'est attaqué au problème des
crimes graves et systématiques commis dans le passé.
C'est dans ce contexte que sa majesté le roi Mohamed VI
procédé le 7 janvier 2004 à l'installation de l'Instance
Equité et Réconciliation (IER).
En fait c'est une commission nationale pour la
vérité, l'équité et la réconciliation des
graves violations des droits de l'Homme, créée en vertu de
l'approbation royale de la résolution du CCDH, ayant pour mission
d'établir la vérité des violations passées, de
réparer les préjudices subies par les victimes, d'asseoir les
fondements de la réconciliation et de proposer des garanties de non
reproduction des violations.
Il convient de signaler que l'expression `'violations graves
des droits de l'Homme'' semble très vague, puisqu'elle englobe dans une
première lecture toutes les violations des droits de l'Homme tels qu'ils
sont reconnus universellement et établis par la déclaration des
droits de l'Homme du 10 décembre 1948 ( par exemple violation du droit
à l'éducation).
Cependant, l'expression `'violations graves des droits de
l'Homme'' telle qu'elle figure dans le discours royal instituant l'IER va
cibler certaines types de violations graves des droits de l'Homme notamment
ceux qui ont revêtu un caractère massif tel que par exemple la
disparition forcée.
L'étude de l'IER en sa relation avec la
problématique des droits de l'Homme au Maroc revêt un
intérêt particulier pour plusieurs raisons, notamment c'est une
instance créée dans des contextes politiques nouveaux, il sera
donc intéressant de déterminer les caractéristiques de ces
contextes ainsi que l'ampleur de leur influence sur la création de
l'IER.
En plus l'IER n'est pas la première de son genre qui
soit créée, en fait plusieurs pays à travers le monde ont
procédé dans le cadre de ce qu'on appelle de nos jours `'la
justice transitionnelle'' à la création de commissions similaires
qui ont eu le même objectif que l'IER mais dont les mécanismes de
travail et l'approche sont différentes.
L'instance équité et réconciliation
conçue comme un mécanisme de justice transitionnelle a
été chargée de régler le dossier des violations
graves des droits de l'Homme du passé, de contribuer à asseoir
les fondements de l'Etat de droit et la consécration des droits de
l'Homme au Maroc.
Dès lors on peut se demander jusqu'à quel point
l'action de l'IER a contribué effectivement à la clôture du
dossier des violations graves des droits de l'Homme commises au
passé ? et quel est son apport au domaine des droits de l'Homme au
Maroc ?
Notre travail sera divisé en deux parties ; dans
la première partie qui sera consacrée à une
présentation de l'IER il y aura lieu tout d'abord de la définir,
avant de déterminer les contextes politiques interne et international de
la création de l'IER.
Alors qu'au cours de la seconde partie qui sera
consacrée à l'étude de la contribution de l'IER à
la consécration des droits de l'Homme au Maroc, il y aura lieu d'entamer
successivement l'apport du rapport final et une évaluation du travail
accompli par l'IER.
Première partie : Présentation de l'Instance
Equité et Réconciliation.
Chapitre I : Définition de l'IER.
Chapitre II : Les contextes politiques
interne et international de la création de l'IER.
Seconde partie : Contribution de l'IER à la
consécration des droits de l'Homme au Maroc.
Chapitre I : Apport du rapport final.
Chapitre II : Evaluation du travail
accompli par l'IER.
Chapitre I : Définition de
l'IER :
Il y aura lieu en présentant dans ce premier chapitre
l'instance équité et réconciliation, d'entamer
successivement ; la nature et statuts de l'IER (section 1) les
attributions (section 2) et enfin les activités de l'IER (section 3).
Section I : nature et statuts de l'IER :
L'instance équité et réconciliation
(IER) a été créée le 7 janvier 2004 en vertu de
l'approbation royale de la résolution du conseil consultatif des droits
de l'Homme et des statuts de l'IER publiés par dahir royal en date du 12
avril 2004.
Dans le discours royal prononcé à cette occasion et
qui constitue la référence d'orientation des activités et
le fondement de l'approche de l'IER, le souverain lui a confié des
responsabilités éminentes en la définissant comme une
commission pour la vérité, l'équité et la
réconciliation.
L'IER est composée d'un président et de 16 membres
de différentes sensibilités, issus pour moitié du CCDH,
tous unis autour des mêmes objectifs de protection et de promotion des
droits de l'Homme.
Afin de renforcer son indépendance, l'IER a
procédé elle-même à l'élaboration de ses
statuts, qui ont été approuvés par dahir en date du 10
avril 2004.
Dans ces statuts (comportant 27 articles répartis en six
chapitres) l'IER a précisé et détaillé les missions
dont elle est investie, les violations objet de son mandat et les
modalités d'organisation de son travail.
L'IER a disposé de 23 mois pour examiner une
période de 43 ans, période de référence couverte
par son mandat et qui s'est étendue du début de
l'indépendance du pays en 1956 à la date d'approbation par sa
majesté le roi de la création de l'instance indépendante
d'arbitrage en 1999.
Ses modalités d'action ont comporté
l'investigation, la recherche, l'évaluation, l'arbitrage et la
présentation de recommandations et de propositions de
réformes.
Les investigations ont porté sur les violations graves des
droits de l'Homme qui ont revêtu un caractère systématique
et/ou massif, ayant eu lieu durant la période précitée et
qui ont englobé la disparition forcée, la détention
arbitraire, la torture, les violences sexuelles, les atteintes au droit de la
vie du fait notamment de l'usage disproportionné de la force et l'exil
forcé.
Section II : les attributions de l'IER :
Les attributions de l'IER sont déterminées par les
articles 6, 7, 8 et 9 de ses statuts. Se sont en fait des attributions non
judiciaires c'est-à-dire qu'elles n'invoquent pas la
responsabilité individuelle dans les violations.
La compétence de l'IER est limitée à la
fois en ce qui concerne le temps et le type des violations ;
d'une part l'IER est compétente pour traiter des
violations commises durant la période allant de l'indépendance
à la date de l'approbation royale portant création de l'instance
indépendante d'arbitrage chargée de l'indemnisation des victimes
de la disparition forcée et la détention arbitraire.
D'autre part sujet de la compétence de l'IER sont la
disparition forcée (1) et la détention arbitraire (2) puisque ces
types de violation ayant un caractère systématique et/ou
massif.
(1) La disparition forcée est définie selon les
statuts « l'enlèvement ou l'arrestation d'une ou plusieurs
personnes et leur séquestration, contre leur gré, dans des lieux
secrets en les privant indûment de leur liberté, par le fait de
fonctionnaires de l'autorité publique, d'individus ou de groupes
agissant au nom de l'Etat, ou la non reconnaissance de ces faits et le refus de
révéler le sort qui leur est réservé les
soustrayant à toute protection juridique ». (Article 5).
(2) La détention arbitraire est définie
selon les statuts »est toute séquestration ou
détention non conformes à la loi et intervenant en violation
principes fondamentaux des droits humains, en particulier le droit des
individus à la liberté, à la vie et à
l'intégrité physique et ce, en raison de leurs activités
politiques ou associatives. (article5).
De façon globale les attributions de l'IER
comportent l'évaluation, l'enquête, l'investigation, l'arbitrage
et la proposition.
· l'évaluation : L'instance
Equité et Réconciliation procède à une
évaluation globale du processus du règlement du dossier de la
disparition forcée et de la détention arbitraire, en concertation
avec le gouvernement, les autorités publiques et administratives
concernées, les organisations des droits de l'homme, les victimes, leurs
familles et leurs représentant
· l'enquête et l'investigation :
l'IER procède à l'investigation, le
recueil d'informations, la consultation d'archives officielles et la collecte
auprès de toute partie, d'informations et de données utiles
à la révélation de la vérité.
· l'arbitrage : l'IER continue le
travail déjà entamé par l'instance indépendante
d'arbitrage en ce qui concerne la prise de décision en matière de
réparation des préjudices subis par les victimes des graves
violations et leur ayant droit.
· la proposition : dans le cadre de
cette compétence l'IER élabore un rapport final et propose des
recommandations destinées à préserver la mémoire et
garantir la non reproduction des violations.
L'IER assure, dans le cadre de ces attributions les missions
suivantes :
· Etablir la nature et l'ampleur des violations graves des
droits de l'homme commises par le passé, examinées dans leur
contexte et à la lumière des normes et valeurs des droits de
l'homme ainsi que des principes de la démocratie et de l'Etat de droit,
et ce par l'investigation, le recueil d'informations, la consultation
d'archives officielles et la collecte auprès de toute partie,
d'informations et de données utiles à la révélation
de la vérité ;
· Poursuivre les recherches sur les cas de disparition
forcée dont le sort demeure inconnu, déployer tous les efforts
pour enquêter sur les faits non encore élucidés,
révéler le sort réservé aux personnes disparues et
proposer les mesures adéquates pour les cas dont le décès
est établi ;
· Déterminer les responsabilités des organes
de l'Etat ou de toute autre partie dans les violations et faits objets
d'investigations ;
· Indemniser pour les préjudices matériels et
moraux subis par les victimes ou leurs ayants droit et ce, en poursuivant
l'action de l'ancienne Instance d'arbitrage indépendante chargée
de l'indemnisation et en statuant sur toutes les demandes :
Soumises à l'Instance précitée après expiration du
délai fixé auparavant à fin décembre 1999 ;
Soumises à l'Instance Equité et Réconciliation dans le
délai d'un mois nouvellement fixé du 12 janvier 2004 au vendredi
13 février 2004 ;
et soumises par les ayants droit concernant les cas des victimes de la
disparition forcée dont le sort est encore inconnu ou dont le
décès est établi et ce, après avoir
procédé aux enquêtes et investigations
nécessaires ;
· Veiller à la réparation des autres
préjudices subis par les personnes victimes de la disparition
forcée et de la détention arbitraire, et ce par la formulation de
propositions et de recommandations en vue d'assurer la réadaptation
psychologique et médicale, la réintégration sociale des
victimes susceptibles d'en bénéficier et le parachèvement
du processus de règlement des problèmes administratifs,
juridiques et professionnels et des questions relatives à la
récupération des biens ;
· Elaborer un rapport en tant que document officiel
énonçant les conclusions des enquêtes, investigations et
analyses effectuées aux sujets des violations et de leurs contextes, et
formuler des recommandations portant des propositions de mesures
destinées à préserver la mémoire et garantir la non
répétition des violations, remédier aux effets des
violations et restaurer la confiance dans la primauté de la loi, et le
respect des droits de l'homme ;
· Développer et promouvoir une culture de dialogue,
et asseoir les bases de la réconciliation orientées vers la
consolidation de la transition démocratique dans notre pays, le
renforcement de l'édification de l'Etat de droit et l'enracinement des
valeurs et de la culture de citoyenneté et des droits humains.
Section III : les activités de
l'IER :
Les diverses activités de l'IER durant la
période de son fonctionnement se ramènent à neuf domaines
stratégiques, mettant à l'oeuvre la compétence de cette
instance, définie par son statut et son règlement
intérieur, d'une manière qui a impulsé une dynamique
nouvelle des acquis en matière de droits de l'Homme.
· Le premier domaine de compétence de l'instance a
trait à la réception des demandes et de leur examen. L'IER a
reçu environ 20.000 demandes ou plaintes et
procédé à leur enregistrement, leur examen et leur
instruction. Pour faciliter cette tâche, l'IER a réalisé
une base de données informatisée et a mobilisé une
centaine de chercheurs pour effectuer un examen préliminaire des
demandes, ce qui a permis de constituer environ 14.000 dossiers
afférents à ces demandes. L'instance a pu progresser dans le
classement de ces demandes selon le type et la nature des violations et en
effectuer un recensement statistique général. C'est l'instance
qui a eu à décider de la méthode d'examen et de
préparation des dossiers, des critères sur la base desquels doit
s'effectuer la réparation des préjudices et des procédures
adéquates à la réalisation de ces opérations.
Cette activité, qui se situe au stade premier du
travail effectué par l'instance, a revêtu une grande importance
pour l'organisation des séances publiques d'auditions des victimes et a
revêtu la même importance pour l'élaboration du rapport
final.
· Le deuxième domaine concerne l'accueil et
l'orientation des plaignants, ainsi que les visites directes sur les lieux. A
cet égard l'instance a entrepris une politique de proximité et
procédé à l'écoute des plaignants, dont des
centaines ont été reçus dans ses locaux. Des groupes
constitués de ses membres et des cadres qui y officient ont
effectué des visites sur les lieux qui ont couvert plusieurs
régions du nord au sud du pays. Au cours de ces visites, les victimes
ont été entendues, les dossiers ont pu être
complétés de pièces et documents manquants, des
associations locales ont été consultées notamment au sujet
des anciens lieux secrets de détention, des lieux de sépulture
des personnes décédées et des moyens et voies de
revalorisation des communautés dans les régions qui ont souffert
des exactions.
· Le troisième domaine a trait aux investigations
relatives aux disparus et aux personnes au sort inconnu. A cet égard,
l'instance a achevé le travail de recoupement des informations diverses
et de mise à jour des listes des disparus et des personnes au sort
inconnu, y compris la liste établie par le groupe de travail de Nations
Unies chargé des disparitions forcées ou involontaires. De
même, elle a mené à cet effet des investigations
appropriées en entendant les témoins et les familles et en
effectuant des visites sur les lieux pour constater les lieux de
sépulture et obtenir des informations de différentes sources
pouvant conduire à la vérité.
· Le quatrième domaine est celui de la
collaboration avec les pouvoirs publics. en vue de parvenir à la
vérité, l'instance est entrée en concertation et en
communication avec les responsables gouvernementaux compétents. Ainsi,
a-t-on dû travailler avec les services du ministère de
l'Intérieur concernés au sujet des cas de disparition et des
lieux de sépulture dans les anciens lieux de détention et
suggérer des solutions. Ces initiatives ont été de
même présentées aux services concernés des Forces
Armées et de la Gendarmerie Royale. Un accord de partenariat a
été conclu avec le ministère de la Santé pour la
prise en charge des individus à la santé très
fragilisés ou relevant de l'urgence, ainsi que pour l'évaluation
des préjudices et des conséquences physiques et psychiques sur
les victimes.
· Le cinquième domaine a trait aux relations avec
la société civile et politique. A cet égard, l'instance a
organisé des rencontres et des actions concertées avec un grand
nombre d'associations, nationales et régionales, ainsi qu'avec des
universités et des organisations politiques et sociales
concernées, à travers diverses manifestations intellectuelles et
scientifiques en rapport avec leurs objectifs. De même, une
première rencontre de concertation a pu réunir les membres de
l'instance aux différents groupes parlementaires.
· Le sixième domaine concerne les rencontres
intellectuelles et scientifiques organisés par l'IER. Ces rencontres ont
successivement porté sur des thèmes tels que la
littérature née des écrits des prisonniers politiques, sur
le concept de vérité et bien d'autres thèmes. Ces
rencontres, auxquelles ont participé des intellectuels, des
universitaires et des praticiens, ont suscité l'intérêt des
gens et ont eu un écho positif dans les médias. L'instance a
également abrité la cinquième réunion du
réseau international des anciens responsables et membres des commissions
de vérité, en coopération avec le Centre international de
la justice transitionnelle.
· Le septième domaine concerne la communication et
les relations publiques. Depuis sa création, l'instance a
organisé des rencontres avec la presse, nationale et
étrangère, pour faire connaître ses structures, ses moyens
et ses mécanismes de travail. Elle a concerté avec les deux
chaînes nationales pour la programmation d'émissions en vue de
clarifier ses objectifs et de greffer sur les consciences les leçons
à tirer du processus de règlement du dossier des violations
commises dans le passé. Elle a également participé autant
que se peut à des manifestations nationales et internationales pour
faire connaître l'expérience marocaine en la matière.
· Le huitième domaine concerne la recherche
relative aux contextes historiques et politiques et la préparation du
rapport final. L'instance a cherché à porter un éclairage
sur les circonstances et les faits liés aux atteintes aux droits de
l'Homme, s'appuyant pour cela sur la recherche académique, les
investigations de terrain et le témoignage des victimes et des
témoins. Elle a visé à mettre en oeuvre une approche des
faits qui soit en faveur d'une vision de l'histoire ouverte et
équilibrée au bénéfice de la réconciliation
recherchée. L'instance a fini par avoir une vision cohérente du
rapport final, de sa méthodologie, de sa structure et du style dans
lequel il devra être rédigé.
· Le neuvième domaine concerne l'organisation des
séances d'audition publiques, pour lequel l'instance a mis en oeuvre une
approche et conçu une programmation, les séances en question
étant réservées au témoignage d'un
échantillon choisi parmi les victimes des violations des droits de
l'Homme commises dans le passé. Le but principal de ces séances
était en premier lieu la réhabilitation des victimes ; il est
ensuite celui de faire oeuvre pédagogique en faisant prendre conscience
aux gens des formes multiples d'atteintes aux droits de l'Homme et des
souffrances qui en sont la conséquence, de manière à ce
que les efforts conjugués de tout le monde fassent obstacle au retour
de telles pratiques.
Les auditions publiques ont constitué un tournant
intéressant dans le processus de règlement du dossier des graves
violations des droits de l'Homme dans notre pays.
En effet, l'instance a entamé, le 21
décembre 2004, l'organisation des séances publiques d'audition en
présence des différentes composantes de la société
et avec une large couverture des médias nationaux et internationaux.
Certaines séances ont été diffusées en direct sur
les écrans des chaînes publiques et sur les ondes de la radio
nationale et des radios régionales. Pour la première fois dans
l'histoire du Maroc, et à la faveur de l'opportunité remarquable
qu'ont constitué ces auditions effectuées publiquement et en
direct, il a été fait état des différentes sortes
d'exactions que notre pays a connues durant la période qui
s'étale entre 1956 et 1999.
En plus de l'intérêt large
dont ont bénéficié les séances publiques d'audition
sur le plan national et international, celles-ci ont constitué un signal
fort et un tournant décisif dans l'histoire du Maroc contemporain pour
au moins deux raisons :
- L'ouverture des médias publics et l'insertion de
ceux-ci dans le processus de la réconciliation, de la modernisation de
la société et de l'édification de la démocratie
;
- La transmission d'un message fort en faveur de la
réconciliation, pour laquelle les pouvoirs publics et les divers
acteurs politiques nationaux sont impliqués ; la condamnation par
l'ensemble de la société des années d'abus de pouvoir et
d'exactions .
chapitre II: les contextes politiques interne et
international de la création de l'IER :
l'IER a été créée dans un
contexte politique nouveau caractérisé par un ensemble de
transformations et des réformes touchant plusieurs institutions de
l'Etat, depuis 1990 et ce sont en fait ces réformes qui ont
préparé le terrain au travail de l'IER ( section 1), ensuite
c'est un contexte caractérisé par une régression de
l'usage de la violence ( section 2), enfin c'est un contexte
caractérisé par un engagement du Maroc sur le plan international
à la consécration des droits de l'Homme (section 3) .
Section I : La transition
démocratique :
L'IER a été créée dans une phase
très importante de l'histoire du Maroc contemporain, une phase
caractérisée par plusieurs transformations et plusieurs
réformes touchant tous les domaines.
En fait le Maroc s'est engagé dans la voie de la
consécration de l'Etat de droit depuis 1990, avec les réformes
introduites à l'époque par feu Hassan II.
Dans cette perspective le Maroc a vu naître depuis 1990
de nouvelles institutions consacrées aux droits de l'Homme, pour
consolider les structures judiciaires et administratives déjà
existantes.
Il s'agit du conseil consultatif des droits de l'Homme et du
ministère chargé des droits de l'Homme.
Le CCDH a été crée par le dahir n
1-90-12. Du 20 avril 1990 ; à cette nouvelle institution a
été confié le soin d'aider sa majesté le roi dans
toutes les questions relatives à la défense, la protection et la
promotion des droits de l'Homme, le respect et la garantie de leur plein
exercice.
Alors que le ministère chargé des droits de
l'Homme a été créé le 11 novembre 1993 et le
décret n 2-94-33 du 24 mai 1994 a fixé son organisation et ses
attributions.
La création de ce ministère, après
l'installation du CCDH a constitué un facteur important de l'ouverture
politique par feu sa majesté Hassan II au moment où les
ministères similaires se comptaient sur les doigts.
En dehors de ces institutions et en raison du rôle
particulier que joue la justice administrative dans la préservation des
droits et libertés, feu sa majesté Hassan II a
procédé à l'instauration des tribunaux administratifs par
les dispositions de la loi n 41- 90 promulguée par le dahir n 1- 91-255
du 10 septembre 1993. Cette création a constitué un saut
qualitatif important dans le domaine du contrôle des décisions
administratives par la justice, et par conséquent, dans la
préservation des droits des citoyens contre tout abus ou excès de
pouvoir.
L'ensemble de ces réformes ont constitué les
prémisses d'un processus de réconciliation nationale, ce
processus a été couronné par le vote positif par
l'opposition de la révision constitutionnelle de 1996, la formation du
gouvernement d'alternance et l'adoption d'un certain nombre de lois ayant trait
aux droits de l'Homme et à l'Etat de droit.
Avec l'intronisation de sa majesté Mohamed VI le pays
s'est engagé dans la voie de l'édification d'un Etat
démocratique respectueux des droits de l'Homme.
C'est ainsi que sa majesté a procédé
à la réorganisation du Conseil Consultatif des droits de l'Homme
pour l'harmonisation de ses statuts avec les principes de Paris, la
création de l'Instance indépendante d'arbitrage chargée de
dédommager les victimes de la disparition forcée et de la
détention arbitraire. Ainsi que la création de Diwan al Madhalim
par le dahir n 1-101-298 du 9 décembre 2001, ayant pour objectifs la
consolidation des acquis réalisés pour le triomphe des droits,
l'élimination des injustices et le parachèvement des missions
assumées par l'appareil judiciaire et le conseil consultatif des droits
de l'homme, chacun dans leurs domaines de compétence.
Cette dynamique s'est traduite par des réformes
législatives importantes, à commencer par les dispositions
organisant les libertés publiques, les élections, d'autres
abrogeant des textes datant du protectorat et enfin, le compromis historique
entre les différents acteurs politiques à l'occasion de la
réforme du code de statut personnel.
Ces mutations et réformes ont contribué
à une large prise de conscience quant à l'importance de la
participation des citoyens dans la gestion des affaires publiques, le
renforcement des libertés d'expression d'association et de
réunion.
Grâce à ces évolutions
politiques et institutionnelles également, le débat national sur
les droits de l'Homme a connu un progrès remarquable au niveau
intellectuel, ce qui a amené le mouvement marocain des droits de l'Homme
a s'ouvrir davantage sur les doctrines des nouvelles écoles en
matière de droit international et les expériences de justice
transitionnelle.
Section II : le dépassement de la
violence :
Comme nous l'avons signalé au cours de la section
précédente le progrès du Maroc en matière des
droits humains a commencé dès les dernières années
de règne de Hassan II, ce dernier a procédé A la fin des
années 80, à la libération de la plupart des prisonniers
politiques dont les présumés responsables du coup d'Etat de 1972
détenus depuis des années et bien après avoir accompli
leurs peines de prison dans la célèbre bagne secret de Tazmamart.
Ainsi, en 1991, le roi libère 270 personnes que les services secrets
avaient fait disparaître. En 1994, il amnistie plus de 400 prisonniers
politiques. De nombreuses personnalités de l'opposition rentrent au
Maroc après plusieurs années d'exil, l'un d'entre eux,
Abderahmane youssfi est nommé premier ministre par le roi Hassan II et
accomplit, de 1998 à 2002. En 2000, le roi Mohamed VI libère le
leader du mouvement islamiste non reconnu Justice et bienfaisance,
assigné à résidence depuis plus de dix ans.
En 1993, le Maroc ratifie la convention contre la
torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Après son accès au trône, sa
majesté le roi Mohamed VI a insisté sur une redéfinition
du concept d'autorité.
En fait l'autorité a pendant longtemps
été associée aux abus et à la violence ce qui a
abouti à un sentiment général de méfiance, voire de
rejet de tout ce qui incarne l'autorité.
Le mauvais usage de l'autorité a constitué
un danger pour la démocratie, dans un pays qui se réclame de
l'Etat de droit et du respect des libertés.
Le nouveau concept de l'autorité annoncé
par sa majesté le roi Mohammed VI lors du discours prononcé
à Casablanca le 12 octobre 1999, et réitéré dans le
discours du trône du 30 juillet 2000, exprime la perception royal que
devront désormais assumer les autorités publiques aux
différents échelons de la responsabilité tant national que
territorial.
Cette perception critique de ce qui a fort longtemps
sous-tendu l'action publique dans ses différentes expressions, part
d'une analyse globale ayant débouché sur un diagnostic pertinent
des véritables maux dont souffrent la mise en oeuvre de
l'autorité publique.
La nécessité de respecter
l'autorité eu égard aux données actuelles s'inscrit dans
le cadre d'un processus stratégiques évolutif, dont les
préalables constitués par les mises en place du Conseil
consultatif des droits de l'Homme et la création des tribunaux
administratifs pour réactiver le principe de légalité
conçu comme une limite- garantie.
De ce fait, l'IER en tant que philosophie et en tant que
création s'inscrit dans ce processus de redéfinition du
rôle de l'autorité publique et du dépassement de la
violence.
Section III : l'engagement du Maroc sur le plan
international à la consécration des droits humains :
En harmonie avec l'engagement constitutionnel du Maroc
d'inscrire son action dans le cadre des organisations internationales
auxquelles il adhère en tant que membre actif et dynamique, son
engagement en faveur des principes, droits et devoirs prescrits par les chartes
des organisations internationales et avec son attachement aux droits de l'homme
tels qu'ils sont reconnus universellement, notre pays accorde depuis quelques
années une place éminente aux dispositions juridiques
internationales relatives aux droits de l'homme dans les composantes du
système juridique marocain.
Ces dispositions traduisent les valeurs et les principes
partagés par la communauté internationale.
C'est dans cette perceptive que le Maroc a
ratifié ou a adhéré à la plupart des pactes et
traités internationaux relatifs aux droits de l'Homme notamment le pacte
international relatif aux droits civils et politiques ; le pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels ;la convention internationale contre la torture ; la
convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, la convention relative aux droits de l'enfant ; la
convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes.
Conformément aux dispositions de ces conventions, le
Maroc qui veille à respecter ses engagements relatifs à
l'élaboration des rapports périodiques a présenté
ses rapports concernant la mise en oeuvre des conventions ratifiées.
Hormis ces rapports, la situation des droits de l'Homme ainsi
que l'ampleur de l'engagement du Maroc à l'application des conventions,
font l'objet régulièrement de rapports élaborés par
des organisations internationales ou des ONG notamment Amnistie internationale,
l'association marocaine des droits de l'Homme.
Ces rapports mettent en exergue chaque année les
avancées réalisées ainsi que les abus commis par les
autorités marocaines en matière des droits humains.
On peut citer par exemple le rapport d'amnistie internationale
qui date de 2004 accusant le Maroc dans l'affaire du centre secret de
détention de Témara ; le rapport du ministère des
Etats-Unis chargés des affaires étrangères datant de 2005
qui met en relief les exactions commises par les autorités marocaines
dans la lutte contre le terrorisme suite aux événements du 16
mai ; le rapport de 2004 présenté par Human rights watch
montrant les étapes positives franchies par le Maroc en matière
de consécration des droits de l'Homme, notamment le déclenchement
du processus de règlement des violations graves des droits humains
commis au passé, avec la création de l'IER.
Il convient de signaler que depuis plusieurs années
des organisations internationales ainsi que des ONG incitent le Maroc à
déceler le sort des personnes disparues dans des circonstances
indéterminées et de réparer les victimes de la
détention arbitraire.
En fait ces organisations ont exercé une sorte de
pression à travers ses rapports. Autre point sensible, dans le contexte
d'après le 11 septembre on exige de plus en plus des Etats
(soupçonnés d'être la source des terroristes) d'effectuer
un effort en matière de consécration des droits de l'Homme et
d'asseoir les fondements de l'Etat de droit.
C'est dans ce contexte que les autorités marocaines
ont répondu à cette exigence en créant l'IER afin de
régler le dossier des violations graves, de tourner la page du
passé et de faire un pas considérable en matière de la
consolidation de l'Etat de droit.
Chapitre I : l'apport du rapport final :
Comme nous l'avons vu au cours de la
première partie de ce travail, l'IER a eu pour mission d'établir
la vérité, de réparer les dommages subis par les victimes
des violations passées des droits de l'homme, d'asseoir les fondements
de la réconciliation et enfin d'émettre des recommandations et
garanties de prévention et de non répétition.
Il convient alors de savoir jusqu'à quel
point l'IER a accompli la mission qui lui incombait, en se demandant : a-t elle
réussi à établir la vérité en ce qui
concerne les violations graves des droits de l'homme qui ont eu lieu durant les
années de plomb, et à déterminer les organes
étatiques responsables des violations ? Quelles est l'approche et
la méthode suivie par l'ier en matière de dédommagement
des victimes? A t elle parvenue à asseoir les fondements d'une
véritable réconciliation ?et enfin Quelle est la
portée des recommandations et des garanties de non
répétition?
Ce sont ces questions qui vont déterminer
notre démarche puisqu `on va traiter successivement de
l'établissement de vérité (section 1) la réparation
et la réconciliation (section 2) et enfin les recommandations (section
3).
Section I : Etablissement de la
vérité et détermination de la
responsabilité :
Paragraphe 1 : Dossier des personnes
présumées disparues :
L'absence dans le droit marocain d'une définition
précise de la disparition forcée et le fait que celle-ci
représente une violation complexe entraînant une atteinte à
tous les droits de l'homme protégés internationalement et en
premier lieu le droit à la vie, a eu pour conséquence de
désigner la notion de « disparition forcée »
par des expressions telles que « personnes au sort
inconnu », « personnes enlevées au sort
inconnu », « personnes enlevées ».
Cependant, ces qualifications n'englobent pas seulement la disparition
forcée telle que définie universellement, mais renvoient aussi
à d'autres formes de privation arbitraire de liberté, suivie,
dans plusieurs cas, de privation du droit à la vie.
En analysant les événements et les faits
liés aux cas de disparition forcée avérée
déterminés par l'Instance, on peut affirmer que le recours
à ce type de violation comme mode de répression avait pour
objectif d'intimider et de terroriser les opposants politiques et la
société dans son ensemble.
Ainsi grâce à l'analyse des dossiers qui lui ont
été soumis et aux résultats des investigations
menées, l'Instance est arrivée à la conclusion que la
disparition forcée a été exercée contre des
personnes et des groupes, lors d'événements politiques qui se
sont déroulés durant la période relevant de la
compétence temporelle de l'Instance ; ce qui lui a permis de
qualifier ces cas comme étant une disparition forcée, telle que
cette violation est définie dans ses statuts (3).
L'analyse des cas de disparition forcée relevant des
attributions de l'Instance a permis de constater que cette violation a
été commise de manière générale contre des
personnes isolées, enlevées de leur domicile ou dans des
circonstances indéterminées, et détenues dans des centres
illégaux.
Le travail de l'IER en matière d'établissement
de la vérité a pris plusieurs formes ;
( 3 ) La disparition forcée est définie par
les statuts de l'IER comme : « l'enlèvement ou
l'arrestation d'une ou plusieurs personnes et leur séquestration, contre
leur gré, dans des lieux secrets en les privant indûment de leur
liberté, par le fait de fonctionnaires de l'autorité publique,
d'individus ou de groupes agissant au nom de l'Etat, ou la non reconnaissance
de ces faits et le refus de révéler le sort qui leur est
réservé les soustrayant à toute protection
juridique » (article 5).
Les auditions publiques des victimes, les centaines de
témoignages enregistrés et conservés dans les archives de
l'Instance, les colloques académiques et les dizaines de
séminaires organisés par l'IER ou ONG de toutes natures ont
permis d'avancer de manière considérable dans
l'établissement de la vérité sur plusieurs épisodes
de cette histoire et types de violations, restés jusque là
marqués par le silence, le tabou ou la rumeur, dont notamment, la
question des disparitions forcées.
Cette notion a en effet couvert dans le débat national
sur la question des droits de l'Homme plusieurs catégories de personnes
dont le sort est demeuré inconnu. Afin de clarifier cette situation,
l'IER a adopté une méthodologie de travail en deux phases
parallèles.
Les enquêtes de terrain : qui
ont notamment comporté des entretiens systématiques avec les
familles des personnes portées disparues, le recueil de
témoignages d'anciens disparus « réapparus »
libérés, des visites de constatation in situ et d'enquête
dans les anciens lieux de détention ou de séquestration et
l'audition d'anciens gardiens ayant exercé dans ces lieux.
La recherche documentaire et l'examen des
archives : L'IER a ainsi rassemblé et analysé
l'ensemble des documents disponibles au niveau national et international
faisant référence, à un titre ou un autre à des cas
de disparition (listes des ONG marocaines, listes fournies par Amnesty
International) et procédé à l'examen des réponses
des forces de sécurité et de celles de l'armée ainsi que
les documents disponibles du Comité international de la Croix Rouge
(CICR).
Au terme de ce travail d'audition, de recoupement des sources
et d'examen des réponses reçues de la part des autorités,
l'IER a abouti aux résultats suivants :
L'IER a localisé avec précision les lieux de
sépulture et déterminé l'identité de 89 personnes
décédées en cours de séquestration à
Tazmamart (31), Agdez (32), Kal'at Mgouna (16), Tagounite (8), Gourrama (1) et
près du barrage Mansour Ad-Dahbi (1).
L'IER a localisé les lieux de sépulture et
déterminé l'identité de 11 personnes
décédées lors d'affrontements armés dont un groupe
de 7 personnes décédés en 1960 (Groupe Barkatou et Moulay
Chafii) et un autre de 4 personnes en 1964 (Groupe Cheikh Al Arab).
Les investigations de l'IER ont permis de déterminer
que 325 personnes, considérées pour certaines comme faisant
partie de la catégorie des disparus, sont en réalité
décédées lors des émeutes urbaines de 1965, 1981,
1984 et 1990, du fait d'un usage disproportionné de la force publique
lors de ces événements. Ce chiffre global se décompose
ainsi : 50 victimes durant les événements de Casablanca en
1965 ; 114 durant les événements de 1981 à Casablanca
et 112 à Fès en 1990. Pour les événements de 1984,
l'IER a abouti au chiffre global de 49 victimes réparties comme
suit : 13 victimes décédées à Tétouan,
4 à Ksar El Kébir, 1 à Tanger, 12 à Al Hoceima, 16
à Nador et les localités avoisinantes, 1 à Zaïo et 2
à Berkane. Une source médicale a indiqué à l'IER
que le chiffre global des victimes à Casablanca en 1981 est de 142.
Cette information reste à vérifier.
L'IER a pu déterminer dans certains cas et
l'identité et le lieu d'inhumation des victimes, dans d'autres les lieux
d'inhumation sans parvenir à préciser l'identité des
victimes, et enfin dans certaines circonstances l'identité des victimes
sans aboutir à localiser les lieux d'inhumation. A une exception
(Casablanca, 1981), l'IER a pu constater que les victimes avaient
été enterrées nuitamment, dans des cimetières
réguliers, en l'absence des familles, sans que le parquet ne soit saisi
ou n'intervienne.
L'IER a par ailleurs pu déterminer que 173 personnes
sont décédées en cours de détention arbitraire ou
de disparition, entre 1956 et 1999, dans des centres de détention tels
que Dar Bricha, Dar Al Baraka, Tafnidilte, Courbiss, Derb Moulay Chérif,
etc.), mais n'a pu déterminer les lieux d'inhumation. 39 cas
relèvent des événements des premières années
de l'indépendance, impliquant pour partie la responsabilité
d'acteurs non étatiques. Les années 1970 ont enregistré le
nombre le plus élevé de décès (109 cas) alors que
les décennies suivantes ont connu une nette régression : 9
cas pour les années 1980 et 2 cas pour les années 1990.
Dans le contexte du conflit dans les provinces du sud, les
investigations de l'IER ont permis de clarifier le sort de 211 personnes
présumées disparues. 144 d'entre elles sont
décédées durant ou à la suite d'accrochages
armés. Pour 40 d'entre elles, les identités, les lieux de
décès et d'inhumation, ont été
déterminées. Pour 88 autres, si l'identité a pu être
déterminée et le lieu de décès localisé, les
lieux de sépulture ne sont pas encore connus. 12 personnes
décédées n'ont pu être identifiées, alors que
4 autres, blessées, arrêtées et hospitalisées sont
décédées dans les hôpitaux et ont été
enterrées dans des cimetières localisés. Enfin, 67
personnes présumées disparues ont été reconduites
à Tindouf en Algérie par l'intermédiaire du Comité
International de la Croix Rouge (CICR) en date du 31 octobre 1996.
Les investigations de l'IER ont permis d'élucider 742
cas, toutes catégories confondues mais 66 cas de personnes
rassemblant les éléments constitutifs de la disparition
forcée ne sont pas encore élucidés et l'IER estime que
c'est à l'Etat de poursuivre les recherches entamés par ses
soins.
Paragraphe 2 : La détention
arbitraire :
Contrairement à la disparition forcée, dont le
but est de priver la victime de toute protection juridique, puisque tous les
actes la constituant se font en dehors du cadre légal et au
mépris du droit, la détention arbitraire est
généralement exercée dans un cadre légal avec
toutefois la violation de tout ou partie des dispositions de la loi.
Cette pratique a été caractérisée
en général par la violation des dispositions de la loi
régissant la garde à vue.
Durant la période précédant le
procès, les conditions dans lesquelles se déroulait ce qui
était supposé être une garde à vue, étaient
marquées généralement par des pratiques arbitraires
telles que L'obligation faite au détenu dès son admission
dans le lieu illégal de détention, de demeurer en permanence dans
une même position, les mains menottées et les yeux bandés,
sauf pendant des séances de torture, L'interdiction de communiquer entre
les détenus, La mauvaise qualité de
l'alimentation. L'absence de toute hygiène, et bien d'autres
pratiques.
Les investigations menées par l'Instance ont permis de
constater que, outre les centres utilisés aux fins de détention
en cas de disparition forcée, des centres légaux ou
illégaux ont été utilisés à des fins de
détention arbitraire.
Paragraphe 3 : Torture et mauvais
traitements :
L'analyse des dossiers soumis à l'Instance, ainsi que
les témoignages oraux lors des auditions publiques ou à huis
clos, ont révélé le recours systématique à
la torture, pratiquée sous des formes diverses pour arracher des aveux
aux détenus ou les punir. La torture prenait différentes formes
selon la nature de la souffrance qu'on voulait infliger, physique ou morale, ou
les deux à la fois.
Les formes de torture physique ont occasionné, dans
certains cas, des séquelles psychiques et des infirmités
permanentes, et débouché parfois sur des décès.
La torture morale et psychologique consistait quant à
elle en des menaces de mort ou de viol, l'injure et autres atteintes à
la dignité.
Le recours privilégié à la torture lors
de l'interrogatoire des détenus dans les affaires à
caractère politique avait pour but non seulement d'arracher des aveux,
mais aussi de les châtier et de les humilier physiquement et
moralement.
Les souffrances endurées par les femmes étaient
d'autant plus graves que les hommes puisqu'elles étaient exposées
à des formes spécifiques de torture.
Paragraphe 4 : Les atteintes au droit
à la vie du fait de l'usage excessif et disproportionné de la
force publique :
Les investigations menées par l'IER ont permis
d'établir dans la plupart des cas la responsabilité de
différents appareils de sécurité dans les violations
graves relevant de la compétence de l'IER.
L'analyse des dossiers ayant trait aux
événements survenus durant les années 1965, 1981, 1984 et
1990 soumis à l'Instance, ainsi que les investigations et les recherches
menées ont conduit aux conclusions suivantes :
Ces événements ont connu des violations graves
des droits de l'Homme dont notamment l'atteinte au droit à la vie.
Ces violations ont résulté du non-respect des
normes internationales, et notamment des principes de base sur le recours
à la force par les responsables de l'application de la loi.
Il a été établi que les services de
sécurité ont tiré dans de nombreux cas à balles
réelles et n'ont pas usé d'autres moyens permettant de
préserver des vies humaines tout en dispersant les manifestants.
L'Instance a pu constater qu'un nombre important d'enfants,
dont certains ayant moins de dix ans, figure parmi les personnes
décédées.
Dans certains cas, les services de sécurité ont
tiré des coups de feu à l'intérieur des maisons au travers
de fenêtres entr'ouvertes ou des portes, blessant des personnes, dont des
enfants, des vieillards et des femmes, et causant des morts.
Les dépouilles ont été entassées
et emmenées dans des camions, au mépris du respect dû aux
morts et les lieux de leur inhumation ont été maintenus
secrets.
Lors de ses investigations sur les lieux d'inhumation des
victimes des événements sociaux, l'Instance a constaté que
les mises en terre, se sont déroulées nuitamment et en l'absence
des familles. A Casablanca en 1981, le rituel religieux n'a pas
été observé et les victimes ont été
enterrées dans deux fosses communes.
Dans tous les cas ayant fait l'objet d'investigations, Les
opérations d'enterrement se ont déroulées à l'insu
du parquet général.
Section II : Réparation des
préjudices et la réconciliation :
Paragraphe I : la réparation des
préjudices
Dans son approche globale, l'Instance a lié la
réparation aux autres missions dont elle a été investie,
à savoir la divulgation de la vérité, l'instauration de
l'équité et la consolidation des fondements de la
réconciliation. En conséquence, l'IER a veillé à
conférer à la réparation des portées symboliques et
matérielles diverses qui concernent des individus, des
communautés ou des régions. L'Instance en a également fait
un des principaux éléments de la reconnaissance par l'Etat.
Il s'agit également d'un élément
essentiel des réformes visant à mettre en place des garanties de
non répétition.
L'Instance a accordé un grand intérêt aux
expériences des Commissions de vérité instituées
antérieurement à sa création ou en exercice durant son
mandat. L'Instance a entrepris, à cet égard, des études et
mené des consultations approfondies à propos de ces
expériences en matière de réparation, en collaboration
avec les experts du Centre International de Justice Transitionnelle, l'IER a pu
en conséquence intégrer dans son approche les avancées
réalisées par certaines Commissions de la vérité et
relever les lacunes d'autres expériences.
elle a procédé également en Se fondant
sur l'une des dispositions de ses statuts qui lui a assigné la mission
de procéder à une évaluation globale du processus de
règlement des violations graves des droits de l'Homme, dont notamment
l'expérience de la précédente instance d'arbitrage en la
matière.
L'approche adoptée par l'IER en matière de
réparation, y compris l'indemnisation, s'est basée sur les
éléments suivants :
Les principes de justice et
d'équité ;
Les dispositions du Droit international des droits de
l'Homme, les engagements internationaux du Maroc, les enseignements
tirés des expériences de justice transitionnelle dans le
monde ;
La reconnaissance des violations, l'établissement de
la vérité et la garantie de non
répétition ;
La prise de dispositions pour la réparation des
préjudices aux niveaux individuel et communautaire ;
L'adoption de l'approche genre en prenant en
considération la situation des femmes ;
L'implication de la société civile ;
La définition des engagements de tous les
partenaires en matière de réparation des préjudices aux
niveaux individuel et collectif ;
La restauration de la confiance ;
La réhabilitation des victimes et leur
rétablissement dans leur dignité, ainsi que l'enracinement de la
citoyenneté.
Après avoir déterminé les personnes
remplissant les conditions pour bénéficier de l'indemnisation,
l'IER a procédé à l'examen des dossiers dans la
perspective d'une indemnisation financière et d'autres formes de
réparation.
En fait l'approche adoptée par l'IER en matière
de réparation distingue entre deux types de réparation ; la
réparation à l'échelle individuelle et la
réparation communautaire.
En ce qui concerne la réparation à
l'échelle individuelle l'IER a pris les décisions
suivantes :
9280 victimes bénéficieront d'une indemnisation
dont 1895 victimes ont fait l'objet en outre d'une recommandation
supplémentaire portant sur d'autres modalités de
réparation (réintégration dans la fonction publique,
régularisation de situations administratives ou professionnelles,
réinsertion sociale et restitution des biens)
En outre, 1499 victimes ayant déjà
bénéficié entre 1999 et 2003 d'indemnisation de la part de
l'instance indépendante d'arbitrage, ont fait l'objet de la part de
l'IER de recommandations particulières concernant d'autres formes de
réparation.
L'IER aura ainsi positivement répondu aux demandes de
réparation de 9779 victimes.
En fait six critères ont été retenus par
l'IER pour fonder ses décisions :
· La privation de liberté ;
· La spécialité de la disparition
forcée (violation complexe portant atteinte à tous les droits
humains dont notamment le droit à la vie);
· Les conditions de détention ou de
séquestration ;
· La torture et tous les autres traitements inhumains
dégradants ou cruels ;
· Les séquelles physiques et psychiques ;
· La perte des opportunités et le manque à
gagner.
Dans toutes ses décisions l'IER a tenu
particulièrement comte de l'approche genre, en prenant en
considération les souffrances particulières des femmes victimes
des violations des droits humains.
En plus des formes de réparation à
l'échelle individuelle cités, la réhabilitation
médicale et psychique a pris une grande importance .en fait l'IER durant
son mandat a mis en place une unité médicale d'accueil et de
soutien pour les catégories de victimes nécessitant une
intervention urgente .elle a en outre procédé à une
analyse des dossiers de près de 9000 demandeurs ayant état dans
leurs dossiers de maladies suite à une violation.
L'IER a préconisé dans ses
recommandations :
· L'extension de la couverture médicale
obligatoire à toutes les victimes identifiées par l'IER et leurs
ayant droit ;
· La prise en charge immédiate et
personnalisée de près de 50 victimes souffrant de
séquelles graves et chroniques ;
· La création d'un dispositif permanent
d'orientation et d'assistance médicale des victimes de la violence et de
la maltraitance.
Partant du constat que certaines régions et
communautés ont souffert collectivement, de manière directe ou
indirecte, des séquelles des crises de violence politique et des
violations qui s'en sont suivies, l'IER a accordé une place
particulière à la réparation communautaire.
L'IER a ainsi :
· Organisé ou participé à des
séminaires dans diverses villes et régions (Figuig, Al Hoceima,
Errachidia, Khénifra, et d'autres villes) ;
· Tenu un forum national sur la réparation, en
présence de plus de 200 associations, une cinquantaine d'experts
nationaux et internationaux ;
· Procédé à de nombreuses
réunions de concertation tant avec des acteurs de la
société civile que les pouvoirs publics.
L'IER préconise dans ce domaine l'adoption et le
soutien de nombreux programmes de développement socio-économique
et culturel en faveur de plusieurs régions et groupes de victimes
(notamment les femmes) dans plusieurs villes dont notamment Casablanca et des
régions dont le Rif, la région de Figuig, Tazmamart, Agdez
-Zagora et le moyen Atlas.
Dans ses recommandations l'IER a recommandé
particulièrement la reconversion d'anciens centres illégaux de
détention, des mesures en ce sens ont d'ores et déjà en
cours d'exécution, ainsi par exemple la caserne située
près de Tazmamart a été évacuée par
l'armée.
Enfin pour conclure en ce qui concerne l'apport de
l'IER en matière de réparation voici un bilan global de l'action
de l'IER en matière de réparation à l'échelle
individuelle :
a- Nombre de dossiers soumis à l'Instance :
16 861
b- Classification des dossiers qui ont fait l'objet de
décisions positives :
Décisions prises
|
Nombre de dossiers
|
Pourcentage
|
Indemnisation financière
|
6385
|
37, 9
|
Indemnisation financière et réparation
d'autres préjudices
|
1895
|
11,2
|
Recommandation uniquement
|
1499
|
8,9
|
Total
|
9779
|
58
|
c- Classification des dossiers restants
Décisions prises
|
Nombre de dossiers
|
Pourcentage
|
Non compétence et saisie de la partie
compétente
|
66
|
0,4
|
Classement
|
18
|
0,1
|
Rejet
|
854
|
5,1
|
Décision d'omission
|
150
|
0,9
|
Irrecevabilité
|
927
|
5,5
|
Non compétence
|
4877
|
28,9
|
Dossiers incomplets
|
190
|
1,1
|
Total
|
6892
|
42
|
Bilan global de l'action de l'Instance en
matière de réparation à l'échelle
individuelle
Paragraphe 2 : La réconciliation
Il faut signaler qu'un processus graduel de
réconciliation a été initié au Maroc dès le
début des années 1990. Ce processus qui a notamment inclus des
réformes constitutionnelles, a été couronné par le
vote positif par l'opposition de la révision constitutionnelle de 1996,
la formation du gouvernement d'alternance et l'adoption d'un certain nombre de
lois ayant trait aux droits de l'homme et à l'état de droit.
Cette dynamique s'est traduite par des réformes législatives
importantes, à commencer par les dispositions organisant les
libertés publiques, les élections, d'autres abrogeant des textes
datant du Protectorat et la réforme du Code de statut personnel.
De même, le pays a renforcé les garanties
institutionnelles de protection des droits de l'homme, à commencer par
l'institution du Conseil Consultatif des Droits de l'Homme (CCDH) puis sa
réforme notamment par l'harmonisation de ses statuts avec les principes
de Paris, la création des tribunaux administratifs, de l'Institut Royal
de la Culture Amazighe (IRCAM), de Diwan al Madhalim (Ombudsman) et de la Haute
Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA).
Ces mutations ont constitué les prémisses du
processus de réconciliation des Marocains avec leur histoire.
Dans ce contexte, et conformément à la
volonté de réconciliation des Marocains avec leur passé
dans le cadre du règlement pacifique, juste et équitable des
violations ainsi que l'a affirmé l'important Discours Royal à
l'occasion de l'installation de l'IER, l'expérience marocaine a choisi
le recours à la justice restaurative à la place de la justice
accusatoire , et la vérité historique au lieu de la
vérité judiciaire, car la justice restaurative n'a pas pour lieu
l'espace restreint du prétoire, mais l'espace public dont l'horizon
s'étend pour contenir tous les domaines de l'action sociale, culturelle
et politique.
Considérant que la réconciliation est un
processus continu, l'Instance en a fait un objectif horizontal présent
dans tous ses programmes et activités. Ainsi, a-t-elle tenu, dès
le début de ses travaux, à créer les conditions d'un
débat pluraliste libre et responsable autour des fondements de la
réconciliation, en organisant un grand nombre de colloques. Pour ce
faire, l'IER a adopté l'action de proximité et de communication
dans ses dimensions informationnelle et sociale, associant divers intervenants
dans le but de parvenir à une lecture commune offrant des clés
permettant, d'une part, de comprendre les atteintes, dysfonctionnements et
violations du passé et d'autre part, de construire une mémoire
collective, mémoire qui a été souvent occultée
durant les périodes de répression que la société a
connues.
Conformément à ces orientations, l'Instance a eu
pour souci principal de faire bénéficier les victimes des graves
violations des droits de l'Homme des possibilités de réadaptation
et de réinsertion pour retrouver leur dignité et ce, en liant les
programmes conçus à cet effet à la réparation
communautaire afin de permettre à la société de s'engager
résolument, au plan local et national, dans l'action de consolidation
démocratique en cours.
l'Instance a retenu le principe d'établir publiquement
la vérité sur les violations graves des droits de l'homme, dans
un cadre de débat libre, serein et ouvert à toute la
société, en tant que choix stratégique pour
déterminer la responsabilité de l'Etat au lieu de la
responsabilité des individus.
L'une des manifestations les plus importantes de la
réconciliation est la volonté de mettre en place les garanties de
non répétition et de prévention. Pour cela, l'Instance
considère que la poursuite des réformes entreprises dès
les années 90 constitue une garantie de respect des droits de l'Homme et
de consolidation du processus d'édification de l'Etat de droit.
Mécanisme de révélation et aveu publics
.les auditions publics organisées par l'IER ont eu pour but de
rétablir les victimes dans leur dignité et de les
réhabiliter, de faire partager leurs souffrances, de soulager les
séquelles psychologiques qu'elles ont endurées et de
préserver la mémoire collective. Ces auditions publiques dont
certaines ont été transmises en direct par les média
audiovisuels publics ont joué un rôle pédagogique important
en direction des responsables, de l'opinion publique, de la
société et des nouvelles générations, et
constitué un moment de grande intensité sur la voie de
l'équité et de la réconciliation.
En plus des auditions publics l'IER a veillé Dès
le début de ses travaux, l'Instance a veillé à
créer les conditions propices à une discussion libre et à
un débat sérieux autour des fondements de la
réconciliation, et ce, à travers l'organisation de colloques,
rencontres et visites de terrain couvrant la majeure partie des régions
du pays.
l'IER estime enfin que La réconciliation avec
l'histoire nécessite également la levée des obstacles qui
empêchent la recherche sur cette histoire, la systématisation des
expériences accumulées au fil des générations,
ainsi que la consécration de la communication entre elles pour la
sauvegarde de la mémoire. Cela exige la révision globale de la
situation des archives publiques et la mise en place des conditions d'une
réforme profonde.
Ainsi les séances d'auditions publics, le dialogue
national sur les fondements de la réforme et de la réconciliation
et la préservation positive de la mémoire et le traitement de la
question des archives sont les préalables fondamentaux à la
réconciliation telle que conçue par l'IER.
Section III : Les recommandations et
garanties de non répétition :
Afin de garantir la non répétition des
violations graves des droits de l'homme et de consolider le processus de
réformes dans le quel le pays s'est engagé, l'IER a émis
une série de recommandations portant notamment sur des réformes
constitutionnelles et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de
lutte contre l'impunité.
Paragraphe 1 : la consolidation des garanties
constitutionnelles des droits humains :
Notamment par l'inscription des principes de primauté
du droit international des droits de l'homme sur le droit interne, de la
présomption d'innocence et du droit à un procès
équitable. L'IER recommande par ailleurs le renforcement du principe de
la séparation des pouvoirs, et l'interdiction constitutionnelle de toute
immixtion du pouvoir exécutif dans l'organisation et le fonctionnement
du pouvoir judiciaire.
Elle recommande d'expliciter dans le texte constitutionnel, la
teneur des libertés et droits fondamentaux, relatifs aux libertés
de circulation, d'expression, de manifestation, d'association, de grève,
ainsi que des principes tels que le secret de la correspondance,
l'inviolabilité du domicile et le respect de la vie privée.
L'IER recommande en outre de renforcer le contrôle de la
constitutionnalité des lois et des règlements autonomes
ressortant de l'Exécutif, en prévoyant dans la constitution le
droit d'un justiciable à se prévaloir d'une exception
d'inconstitutionnalité d'une loi ou d'un règlement autonome.
A l'instar de l'interdiction constitutionnelle
déjà ancienne du parti unique, L'IER recommande enfin la
prohibition de la disparition forcée, la détention arbitraire, le
génocide et autres crimes contre l'humanité, la torture et tous
traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, et l'interdiction
de toutes les formes de discrimination internationalement prohibées,
ainsi que toute forme d'incitation au racisme, à la xénophobie,
à la violence et à la haine.
Paragraphe 2 : L'adoption et la mise en oeuvre d'une
stratégie nationale intégrée de lutte contre
l'impunité :
L'IER estime que l'éradication de l'impunité
exige, outre des réformes juridiques, l'élaboration et la mise en
place de politiques publiques dans les secteurs de la justice, de la
sécurité et du maintien de l'ordre, de l'éducation et de
la formation permanente, ainsi qu'une implication active de l'ensemble de la
société. Cette stratégie doit avoir pour fondement le
droit international de droits de l'Homme, en procédant à
l'harmonisation de la législation pénale avec les engagements
internationaux du pays, et ce :
En intégrant dans le droit interne les
définitions, les qualifications et les éléments
constitutifs des crimes de disparition forcée, de torture et de
détention arbitraire.
En reprenant la définition de la
responsabilité et des sanctions encourues telle que définie dans
les instruments internationaux
En faisant obligation à tout membre du personnel
civil ou militaire chargé de l'application de lois de rapporter toute
information concernant les dits crimes, quelle qu'en soit l'autorité
commanditaire
En renforçant de manière significative la
protection des droits de victimes et des voies de recours.
Paragraphe 3 : L'IER considère que la
consolidation de l'état de droit exige en outre des réformes dans
le domaine sécuritaire, de la justice, de la législation et de la
politique pénales : Ainsi, elle recommande notamment :
I- La gouvernance des appareil sécuritaires,
qui exige notamment la mise à niveau, la clarification et la publication
des textes réglementaires relatifs aux attributions, à
l'organisation, aux processus de décision, aux modes d'opération
et aux systèmes de supervision et d'évaluation de tous les
appareils de sécurité et de renseignement, sans exception, ainsi
que des autorités administratives en charge du maintien de l'ordre
public ou ayant le pouvoir de recourir à la force publique.
II- Le renforcement de l'indépendance de la
justice, qui passe, outre les recommandations d'ordre constitutionnel, par
la révision par une loi organique du statut du Conseil supérieur
de la magistrature (CSM). L'IER recommande à cet égard de confier
la présidence du CSM par délégation au Premier
président de la Cour suprême, l'élargissement de sa
composition à d'autres secteurs que la magistrature, ...
III- La mise à niveau de la législation et
de la politique pénale, qui exige le renforcement des garanties de
droit et de procédure contre les violations des droits de l'homme, la
mise en oeuvre des recommandation du Colloque national sur la politique
pénale tenu à Meknès en 2004.
Chapitre II : Evaluation du travail accompli par
l'Instance Equité et Réconciliation :
Comme nous l'avons vu au cours du chapitre
précédent, l'IER a réalisé un travail
considérable en matière de consécration des droits de
l'homme au Maroc, son apport a été très positive et
dépasse ce qui a était attendu d'elle, en fait l'IER a
réussi à jeter la lumière sur les violations
passées des droits de l'homme, elle a adopté une approche
nouvelle en matière de réparation des préjudices et elle a
suggéré des garanties de non répétition qui s'elles
auront la chance d'être adoptées et appliquées, un grand
pas sera franchi dans le domaine d'édification de l'Etat de droit.
Mais si l'on était ainsi, ça n'empêche que
des contraintes ont entravé le travail de l'IER et par la même
l'établissement la vérité (sachant que l'IER n'a pas
décelé le sort de 66 cas personnes parmi lesquelles les
célèbres affaires de Ben Berka et El-manouzi). Et il est
évident qu'en absence de ces contraintes l'apport de l'IER aurait
été plus satisfaisant aux attentes des familles des victimes.
D'autre part l'IER a confié le suivi des
recommandations qu'elle a émises à une commission au sein du
conseil consultatif des droits de l'homme et la question qui se pose quelle est
l'ampleur de la capacité de cette commission consultative à
assurer un suivi efficace des recommandations.
Enfin l'objectif fondamental du travail de l'IER
était de garantir la non répétition des violations des
droits de l'Homme, mais malheureusement au moment où l'IER exerce son
mandat ces violations se sont réapparues et il est permis de douter de
l'utilité respective des garanties de non répétition.
Il y aura donc lieu en évaluant le travail accompli par
l'IER d'entamer successivement : les contraintes de l'IER (section 1) le
problème du suivi des recommandations (section 2) et enfin l'IER et les
abus du présent (section 3).
Section I : les contraintes de l'IER :
Malgré le travail considérable accompli par
l'IER en matière de règlement des violations graves du
passé, des critiques ont regretté les contraintes qui pesaient
sur l'IER et qui ont malheureusement entravé l'établissement de
la vérité.
En fait l'IER ne pouvait citer publiquement les noms de ceux
qui ont été impliqués dans les violations, ensuite son
mandat semblait se concentrer sur des formes bien déterminées de
violations à savoir la disparition forcée et la détention
arbitraire. Les critiques se sont interrogées également sur la
manière dont l'IER pouvait obtenir la coopération des
différents services de l'Etat en l'absence d'un pouvoir de contrainte en
cas de non coopération.
En fait malgré le fait que l'IER a recommandé
l'adoption et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale
intégrée de lutte contre l'impunité, elle n'a pas pu
elle-même, mettre fin à l'impunité dont jouissent toujours
les responsables des violations graves du passé au Maroc. Le mandat de
l'IER précise qu'elle n'est pas une instance judiciaire et ne peut
nommer les responsabilités individuelles.
Ce point qui apparaissait déjà dans la
recommandation du CCDH que le roi a accepté, a été
défendu à maintes occasions par le président de l'IER qui
a invoqué le fait que l'interdiction de nommer les responsables ne
s'appliquait qu'en ce qui concerne les interventions publiques de l'IER, et que
l'instance a noté les noms des présumés responsables,
toutefois la partie du rapport contenant ces noms a été rendue au
roi et non au public.
Dans cette perspective les membres de l'IER n'ont pas
cessé de rappeler que si l'instance ne pouvait révéler les
noms des responsables ou les sanctionner, rien n'empêche les marocains de
se tourner vers les tribunaux pour obtenir justice.
Mais si cette affirmation est juste dans une acceptation
générale, minimise l'absence d'indépendance de la justice
marocaine. Bien que la constitution garantisse l'indépendance de la
justice par rapport à l'exécutif et au législatif dans son
article 82, il est permis de douter de l'impartialité des tribunaux dans
les affaires des violations à caractère politique, en particulier
quand elle implique des responsables toujours en fonction.
En fait les tribunaux marocains n'ont pas besoin d'attendre
que les victimes ou des citoyens portent plainte pour des abus passés,
puisque la loi permet au parquet général d'initier des
enquêtes criminelles même en l'absence de plainte, mais aucun
procureur n'a jamais utilisé cette prérogative d'auto saisine.
En fait parmi les éléments qui expliquent la
performance de l'ex-expérience sud africaine, c'est que les
responsables impliqués dans les violations étaient introduits
devant l'instance et bénéficiaient de l'amnistie en contrepartie
d'aider l'instance à parvenir à la vérité.
En revanche le principe d'impunité et l'immunité
dont jouissent toujours les responsables des violations passées au Maroc
ont privé l'IER de beaucoup d'informations et par la même ont
entravé l'établissement de la vérité.
Mais il faut noter tout de même que si l'IER n'a pas pu
déterminer les responsabilités individuelles de façon
publique, elle a énuméré dans son rapport final les
institutions et les appareils de l'Etat responsables des violations.
Autre contrainte qui pesait sur l'instance était
constitué par les limites arbitraires. En fait les statuts de l'IER
précisent que son mandat se limite à deux types de violations
graves à savoir la disparition forcée et la détention
arbitraire, sans clarifier ses responsabilités envers les autres types
d'abus et leurs victimes. Une victime est définie selon les statuts de
l'IER comme « toute personne ayant fait l'objet d'une disparition
forcée ou d'une détention arbitraire ». la
réparation des préjudices s'entend comme « l'ensemble
des mesures prises au profit de la victime (...) suite à la disparition
forcée ou à la détention arbitraire ».
En fait l'IER a essayé d'atténuer cette
contrainte en donnant une interprétation plus large aux violations
entrant dans son mandat. Désormais le mandat de l'IER englobe les
violations graves les violations graves des droits de l'homme qui ont
revêtu un caractère systématique et/ou massif, sachant que
les attributions de l'IER en matière d'investigations et de
détermination de la vérité lui permettent d'établir
les catégories, la gravité et le caractère massif et/ou
systématique des violations passées des droits de l'homme.
(4).
Cette interprétation faite par l'IER lui a permis
d'élargir son champ de compétence, en englobant à la fois
las cas de personnes décédées lors des
événements de contestation ou d'émeutes à
caractère social suite aux interventions de maintien de l'ordre et
à l'utilisation excessive ou disproportionné de la force
publique, et les personnes décédées suite aux mauvais
traitements à la torture ou aux conditions de détention en
période de garde à vue puisque ces cas de violations ont un
caractère systématique et/ou massif.
Cependant, l'IER semble abandonner les réparations pour
d'autres types d'exactions dans la mesure ou elles ne revêtent pas
le caractère systématique et/ ou massif, c'est le cas par
exemple des exécutions sommaires.
En fait on ne comprend pas pourquoi
l'éligibilité à la réparation devrait
dépendre du caractère systématique ou non de la violation
subie par une personne. En matière de réparation, les politiques
ne devraient pas discriminer les victimes des exactions
perpétrées par l'Etat si ce n'est en terme de la gravité
de la violation subie.
Si l'IER s'est estimé statutairement limitée au
regard des victimes qu'elle peut indemniser, elle devait néonmoins
défendre le droit de toutes les victimes des violations graves de
bénéficier d'une égale considération des
institutions de l'Etat en termes de réparation.
En plus de l'impunité et les limites, les critiques se
sont interrogées sur la manière dont l'IER pouvait obtenir la
coopération des différents services de l'Etat en l'absence d'un
pouvoir de contrainte en cas de non coopération.
On sait que la plupart des services de sécurité
marocains (police, armée, gendarmerie, services secrets) sont
impliquées dans les exactions commises entre 1956 et 1999, et la
recherche de la vérité assignée à l'IER semblait
dépendre de l'accès aux archives et autres documents de ces
services et sur les témoignages d'anciens ou d'actuels agents et de
leurs supérieures. Mais parce que ces documents et ces
témoignages peuvent mettre en cause ces agents, ils ont
été réticents à répondre aux demandes de
coopération de l'IER.
Au regard du processus de vérité et de
réconciliation sud africaine, le Maroc n'a pas offert aux agents de
l'Etat la possibilité d'une amnistie en échange de
révélations complètes de crimes commis dans l'exercice de
leurs fonctions.
Les statuts de l'IER ne la dotent d'aucun pouvoir pour
contraindre les agents de l'Etat à coopérer avec elle, à
lui fournir des témoignages ou des documents. Au mieux ces statuts
enjoignent les institutions de l'Etat d'aider l'IER à accomplir son
travail. (5).
Cette absence de pouvoir coercitif contraste avec la loi sur
les commissions d'enquêtes parlementaires qui prévoient des peines
de prison ferme pour toute personne refusant de coopérer avec lesdites
commissions.
( 5) L'article 7des statuts de l'IER dispose que
« en vue de réaliser les objectifs prévus par ces
statuts et de mettre en oeuvre la haute décision royale portant
création de l'IER toutes les autorités et institutions publiques
apportent à l'instance leurs concours et lui fournissent toutes les
informations, données lui permettant d'accomplir ses missions.
On doit signaler qu'un an après la
création de l'IER, son président a confirmé «
la coopération avec les différents services de l'Etat a
été effective, dans la mesure ou nous avons visité les
anciens centres de détention secrets et établi des programmes
sociaux et de réhabilitation pour les communautés vivant autour
de ces centres. Sans cette coopération, nous n'aurions pu faire tout ce
que nous avons fait ». ( 6 ) .
Quelques mois après et en contradiction avec ce qu'a
affirmé Mr Benzekri, le rapport final de l'IER a précisé
que parmi les difficultés qui ont entravé la recherche de la
vérité, figure notamment la coopération inégale des
appareils de sécurité, l'imprécision de certains
témoignages d'anciens responsables et le refus d'autres de contribuer
à l'effort d'établissement de la vérité.
Il est donc évident que certains appareils de l'Etat
ont refusé de coopérer en l'absence d'un pouvoir de contrainte ou
des sanctions. Et on regrette le fait que l'IER s'est abstenue dans son rapport
final de mettre en exergue les appareils de l'Etat qui ont refusé de
coopérer, sachant que ces appareils n'ont pas seulement entravé
l'établissement de la vérité, mais aussi n'ont pas
obéi aux instructions royales.
(6) Lors d'un interview avec human rights watch le 6 avril
2005.
Section II : le problème du suivi des
recommandations :
L'un des objectifs principaux de l'action de l'IER
résidait dans la présentation de recommandations en vue de la
réforme des institutions de l'Etat, dictées par la
nécessité de remédier aux violations, inspirées des
principes standard en matière de respect des droits de l'Homme visant
à consolider l'arbitrage du droit comme solution aux conflits politiques
ou de toute autre nature.
Les recommandations de l'IER ont figuré dans le rapport
final, et ce même rapport a prévu la création d'une
commission de suivi des recommandations au sein du CCDH afin de poursuivre
l'exécution de ces recommandations.
Certes le rapport de l'IER de plus de 700 pages a
été remis parlement, aux institutions gouvernementales, aux
parties politiques, aux syndicats, aux associations des droits de l'Homme,
ainsi qu'aux différents acteurs de la société civile afin
que son contenu soit débattu et examiné et chaque partie puisse
identifier les voies à même de contribuer à la
consécration et à l'édification des fondements de l'Etat
de droit, mais il n'en reste pas moins que la création d'une commission
de suivi reste nécessaire en tant que cadre garantissant l'application
des recommandations sur la voie de ce qui a été entamé par
l'IER.
L'IER a précisé qu'une telle commission va
siéger au sein du CCDH, une institution essentielle dans le domaine des
droits de l'Homme disposant de l'assise juridique nécessaire, outre le
caractère institutionnel du conseil qui permettra d'inclure l'action de
cette commission dans le cadre des activités de suivi et de
contrôle et dans ses rapports périodiques sur l'action du
parlement et du gouvernement en matière notamment législative et
exécutive.
L'IER a recommandé dans son rapport que cette
commission se chargera du suivi de :
· L'application des recommandations relatives à
l'indemnisation et des autres formes de réparation des victimes en
matière sanitaire et psychologique.
· La mise en oeuvre des recommandations relatives
à l'établissement de la vérité sur les cas qui
n'ont pas été clarifiés (il s'agit de 66 personnes dont le
sort reste inconnu).
· La poursuite du processus de consécration des
libertés sur la base des recommandations et des pistes de recherches
ouvertes par l'IER et d'informer les familles des résultats
réalisés à ce propos.
Toutefois la question de suivi des recommandations pose un
problème, puisqu'il est permis de douter de la capacité d'une
telle commission issue du CCDH (organe ne disposant même après son
réorganisation en 2001 que de compétences consultatives)
d'assurer un suivi efficace des recommandations émises par l'IER. En
plus étant un organe consultatif aucun texte n'oblige les
autorités à lui obéir ou à prendre au
sérieux ses recommandations.
Il est donc attendu du conseil consultatif des droits de
l'Homme à qui a été confié le soin d'assurer le
suivi des recommandations, qu'il développe ses structures, ses
programmes et ses méthodes de travail pour qu'il soit possible de
participer dans le cadre de ses attributions à la mise en oeuvre des
recommandations de l'IER.
Section III : l'IER et les abus du
présent :
L'IER elle-même fruit des progrès
enregistrés par le Maroc en matière de droits humains, a
été installée à un moment ou ces acquis
étaient sapés par des abus de la part des autorités, ce
qui nous a rappelé d'une certaine manière les violations graves
du passé qui sont au coeur du mandat de l'IER.
La fragilité des acquis au plan des droits humains au
Maroc est apparue avec la réponse de l'Etat aux premières
attaques terroristes de masse qui se sont produits la nuit du 16 mai 2003.
Moins d'une semaine après le parlement a adopté à
l'unanimité la loi anti-terroriste (loi 03-03) qui avait suscité
une levée des boucliers des associations de défense des droits
humains. Cette loi a introduit une définition très large du
terrorisme, sur laquelle le gouvernement s'est appuyé pour condamner des
certaines de membres présumés de cellules terroristes, ainsi que
plusieurs journalistes accusés de faire l'apologie de la terreur.
Plusieurs organisations de droits de l'Homme ont montré
que les droits des présumés islamistes, détenus dans les
semaines qui ont suivi les attentats avaient largement été
bafoués. La plupart ont été maintenus au secret pendant
des semaines et ont été soumis par des policiers, à
différentes formes de mauvais traitements, voire à des actes de
torture afin de leur soutirer des aveux.
Les tribunaux leur ont refusé le droit à un
procès équitable, refusant d'entendre les témoins de la
défense et d'ordonner des expertises médicales à ceux qui
affirmaient avoir été torturés.
Le 11 juillet 2003 un tribunal a condamné Mustapha
Alaoui, directeur de publication de « Al-Ousbou » à
un an de prison avec sursis et à la suspension de sa publication pour
trois mois, pour « apologie d'actes terroristes par voie de
publication ».le 4 août 2003 le rédacteur et
rédacteur en chef de l'hebdomadaire Ash-Sharq et le rédacteur de
l'hebdomadaire Al-Hayat Al maghribiyya sont condamnés à des
peines de un à trois ans de prison pour « incitation à
la violence ».
La traque des présumés islamistes a
constitué une détérioration alarmante des conditions des
droits des personnes. Cependant, ce n'est pas le seul domaine ou continuent de
s'exercer les violations au Maroc et ou les autorités
instrumentalisent les tribunaux à des fins politiques.
Liberté de rassemblement, d'association et d'expression
sont tolérées jusqu'un certain point. Les manifestations
pacifiques et les sit-in de protestation sont monnaie courante à Rabat
mais peuvent être parfois interdits par le ministère de
l'intérieur et violemment dispersés par la police.
Ainsi par exemple le 28 janvier 2004, la police a
dispersé une manifestation de protestation contre la signature de
l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis.
Ali Lmrabet a passé sept mois de prison en 2003. En
avril 2005, seize mois après que le roi l'a gracié, Lmrabet est
condamné pour diffamation et interdit d'exercer sa profession de
journaliste pendant 10 ans.
Dans les provinces sahariennes, les autorités ont
fermé la section locale du forum vérité et justice en
2003. Alors que l'AMDH n'a obtenu la reconnaissance officielle de sa section
locale de laàyoune qu'en 2005.
En mai 2005, des manifestations à laàyoune ont
dégénéré en affrontements avec les forces de police
dans plusieurs villes. Les ONG de défense des droits de l'Homme ont
accusé la police de torture et de mauvais traitements à
l'égard de ceux qui ont été arrêtés dans le
cadre de ces manifestations. Au cours d'un autre incident en 2003, dans la
ville côtière de Safi, des policiers ont torturé dans
l'exercice de leurs fonctions un militant des droits humains Mohamed Chrii de
l'AMDH.
Benyam Mohamed le ressortissant anglais
soupçonné d'appartenir à Al-Qaida a été
torturé pendant 18 mois dans un centre secret de détention
à Témara (c'est-à-dire à 8 km seulement de la
capitale où siège l'IER).
Plus récemment Hassan Zoubairi est mort sous la torture
dans l'affaire du vol des ustensiles du palais royal.
De manière générale, toutes ces
violations actuelles critiquées par de nombreuses organisations de
droits humains ainsi que par le comité des droits de l'Homme de l'ONU,
montrent que les forces de sécurité continuent d'agir dans un
climat d'impunité et de mépris de la loi et que l'exécutif
continue d'exercer une influence sur les tribunaux.
A vrai dire il est injuste d'attendre de l'IER qu'elle
enquête ou fasse des déclarations sur les pratiques
récentes, puisque son mandat couvre les abus commis de 1956 à
1999.
Par ailleurs, une autre institution étatique a la
responsabilité d'examiner les abus du présent, c'est le CCDH qui
selon le dahir du 10 avril 2001 doit « examiner de sa propre
initiative ou sur requête de la partie concernée, les cas de
violations des droits de l'Homme qui lui sont soumis et faire les
recommandations qui s'imposent à l'autorité
compétente » (7).
(7) Dahir 1-00-350 du 10 avril 2001 portant promulgation du
CCDH .article 2
http://www.ccdh.org.ma/fr article .php? Id article=82.
Cependant si la responsabilité de
l'évaluation des abus actuels et de la réponse à y
apporter revient au CCDH, les statuts de l'IER établissent un lien
entre l'examen du passé et ses obligations envers le futur, et ce lien
passe inévitablement par le présent, puisqu'il est demandé
à l'IER de « proposer des garanties de non
répétition de ces violations » comme elle doit
« restaurer la confiance dans la primauté de la loi et le
respect des droits de l'Homme ».
En fait les recommandations de l'IER pour éviter un
retour au passé auraient été plus contraignantes si l'IER
a préconisé dans son rapport final et ses déclarations
publiques que les pratiques « passées » semblent
persister actuellement, et que les structures qui les ont rendues possibles
sont apparemment toujours en place.
Conclusion :
L'IER a réussi à établir de
façon publique, la vérité des violations graves des droits
de l'Homme qui se sont passées dans la période allant du
début de l'indépendance à la date d'approbation royale de
la création de l'instance indépendante d'arbitrage.
En matière de réparation l'IER a
adopté une philosophie propre et une approche globale et elle a
réparé par indemnisation matérielle les victimes des
violations graves des droits de l'Homme.
Elle a réussi à asseoir les fondements de la
réconciliation des marocains avec leur histoire et à la diffusion
de la culture des droits de l'Homme. Et enfin elle a proposé de fortes
recommandations et des garanties de non reproduction des violations graves du
passé, qui s'elles auront la chance d'être adoptées par les
autorités, une grande pas sera franchi vers l'édification de
l'Etat de droit.
Ainsi l'IER a contribué effectivement à
l'enracinement de l'expérience marocaine en matière de justice
transitionnelle.
Son apport a été aussi positif qu'on sent
effectivement une amélioration de la situation des droits de l'Homme
grâce au dynamique qu'a engendré l'action de l'IER.
Toutefois une évaluation complète et globale
de l'apport de l'IER doit attendre car le legs de cette instance dépend
dans une large mesure de la manière dont les autorités marocaines
vont suivre les recommandations.
D'autre part si les autorités marocaines
présentent l'IER comme un accomplissement important pour la
consolidation de la transition démocratique et une preuve
évidente des progrès réalisés en matière de
droits humains, il convient de signaler que l'IER a fonctionné au cours
d'une période ou ces acquis avaient enregistré des reculs tels
les violations qu'a occasionné la lutte anti-terroriste, la poursuite
des journalistes et l'utilisation de la force pour disperser les manifestations
pacifiques.
En fait une commission de vérité peut
conseiller, mais garantir que les forces de sécurité sont
responsables de leurs actions, que les marocains jouissent pleinement de leur
liberté d'expression, d'association et que les tribunaux garantissent
à tous les suspects des procès équitables, est une
responsabilité qui incombe à l'Etat, les parties politiques, les
associations des droits de l'Homme, ainsi que les composantes de la
société civile.
Annexe :
Texte intégral du discours prononcé
par SM le Roi à l'occasion de l'installation de l'Instance Equité
et Réconciliation.
"Louange à Dieu Paix et salut sur Son Prophète,
Sa Famille et Ses Compagnons
Mesdames, Messieurs,
Concrétisant Notre ferme volonté Royale d'aller
toujours de l'avant dans la promotion des droits de l'Homme, dans la pratique
et en tant que culture, nous voilà aujourd'hui, procédant
à l'installation de la Commission Equité et
réconciliation, et posant ainsi le dernier jalon sur un parcours devant
conduire à la clôture définitive d'un dossier
épineux, au terme d'un processus entamé au début des
années 1990 et dont l'affermissement a fait l'objet de la toute
première décision que Nous ayons prise au lendemain de Notre
intronisation.
En ayant à l'esprit la diversité des
expériences internationales en la matière, force est de
reconnaître que le Maroc a pu instituer, avec sagesse et courage, un
modèle qui lui est propre et qui lui a permis de réaliser
d'importants acquis, dans le cadre de la pérennité de sa
Monarchie démocratique et constitutionnelle, qui est le garant de
l'inviolabilité de l'Etat et des Institutions, ainsi que de la
dignité et des libertés des citoyens. Cette démarche s'est
notamment traduite par la grâce accordée aux détenus
politiques, la régularisation de leur situation professionnelle et
administrative, le retour des exilés et expatriés,
l'indemnisation des victimes des détentions arbitraires et des
disparitions forcées, ainsi que les recherches sur le sort des personnes
portées disparues.
A tous ceux qui, au sein de l'Etat ou de la
société en général, ont permis la
réalisation de ces acquis, Nous tenons à rendre un vibrant
hommage. A cet égard, Nous Nous inclinons, avec humilité et
déférence, devant la mémoire de l'initiateur de ce
processus, Notre Auguste Père, Sa Majesté le Roi Hassan II, que
Dieu L'ait en Sa sainte miséricorde. Nous saluons également tous
ceux qui, parmi les autorités publiques, les partis politiques, les
syndicats et les réseaux associatifs, ont contribué à
l'oeuvre accomplie.
Nous Nous félicitons également de l'action
louable que l'Instance indépendante d'arbitrage a menée en
matière d'indemnisation pour préjudices matériels et
moraux subis, et qui a permis à notre pays de réaliser des
avancées significatives, reconnues aux plans national et international.
De ce fait, la Commission Equité et Réconciliation disposera
d'une base solide pour mener à son terme l'oeuvre engagée par
l'organe auquel elle succède aujourd'hui.
Nous demeurerons attaché à la clôture
définitive de ce dossier en favorisant le règlement
extrajudiciaire équitable, et en veillant à ce que les
préjudices du passé soient réparés et les blessures
pansées. Nous adopterons, à cette fin, une approche globale,
audacieuse et éclairée, fondée sur l'équité,
la réhabilitation et la réintégration, outre la
volonté de tirer les enseignements qui s'imposent et d'établir
les faits. Notre objectif est que les Marocains se réconcilient avec
eux-mêmes et avec leur histoire, qu'ils libèrent leurs
énergies, et qu'ils soient partie prenante dans l'édification
d'une société démocratique et moderne, gage de
prévention de toute récidive.
Le travail accompli par la Commission précédente
et le rapport final que vous allez élaborer pour l'établissement
des faits, dans un délai déterminé, font que nous
considérons votre instance comme une commission de la
vérité et de l'équité. A cet égard, Nous
avons conscience que, sans jamais être parfaite, la vérité
ne peut être que relative, même pour l'historien le plus
intègre. En effet, la vérité absolue n'est connue que de
Dieu, le Très Haut, qui dit dans le Saint Coran : " Dieu
connaît les yeux perfides et ce que les coeurs recèlent ".
Aussi, cette Commission trouvera-t-elle auprès de Notre
Majesté, appui et sollicitude, eu égard aux délicates
tâches qui l'attendent et au fait que son président M. Driss
Benzekri et tous les autres membres de la Commission ont une réputation
avérée d'objectivité, d'intégrité morale et
d'attachement sincère aux droits de l'Homme, qualités auxquelles
ils allient de hautes aptitudes dans le vaste domaine où la Commission
est appelée à exercer ses attributions. Nous avons tenu à
ce que ce soit une Commission ouverte, composée, pour moitié de
membres du Conseil Consultatif des Droits de l'Homme, et pour moitié
d'éléments aux profils et spécialités
variés, mais unis tous par une communauté de dessein, à
savoir la défense de ces droits.
Nous tenons ici à dire toute Notre émotion et
à exprimer Nos remerciements les plus chaleureux aux membres de la
commission qui ont tous adhéré avec ferveur à Notre
démarche et accepté avec confiance et dévouement
d'apporter leur contribution à la réussite de cette noble
mission.
Nous sommes convaincu que Notre Commission qui se
prévaut de personnalités aussi éminentes parviendra avec
l'aide de Dieu, dans les délais impartis, à rétablir les
victimes dans leur dignité, à apporter réconfort à
leurs familles, et à réaliser la réconciliation apaisante.
Elle saura, Nous en sommes persuadé, tirer le meilleur parti des
réalisations antérieures et consolider les acquis pour parvenir
à un règlement juste et équitable, humain, civilisé
et définitif de ce dossier.
En élaborant son règlement intérieur, et
en conduisant la noble mission qui lui est dévolue, la Commission aura
à coeur de se conformer à la décision portant
création de cette instance, ainsi qu'aux conventions internationales des
droits de l'Homme et aux idéaux de l'Islam prônant la
tolérance et le pardon.
Telle est la voie à suivre pour consolider l'esprit de
citoyenneté positive et pour que la démocratie, le patriotisme et
la dissémination de la culture des droits et devoirs de l'Homme,
s'érigent comme le meilleur rempart pour prémunir notre
société contre les tendances extrémistes et terroristes,
que Nous sommes déterminé, du reste, à combattre avec la
ferme volonté de ceux qui veillent à la sécurité et
à la stabilité, dans le cadre de la primauté de la loi.
Nous entendons, en effet, libérer les énergies qui permettront
à tous les Marocains d'être parfaitement en phase avec les
aspirations de leur patrie et de relever les défis internes et
externes.
Nous considérons que cette réalisation constitue
l'aboutissement et le couronnement d'un processus exemplaire et inédit,
accompli par tous, avec assurance, audace et pondération, et aussi
grâce à l'adhésion démocratique d'un peuple qui
assume courageusement son passé et qui, au lieu de rester prisonnier de
ses aspects négatifs, s'attache à y puiser la force et le
dynamisme nécessaires pour bâtir une société
démocratique moderne, où tous les citoyens puissent exercer leurs
droits et s'acquitter de leurs devoirs, dans la liberté, avec
responsabilité et dévouement.
Wassalamou alikoum warahmatoullah wabarakatouh."
Texte intégral du discours Royal à
l'occasion de la fin du mandat de l'Instance équité et
réconciliation et de la présentation de l'étude sur le
développement humain au Maroc.
"Louange à Dieu.
Prière et salut sur le Prophète, Sa Famille et
Ses Compagnons.
Mesdames et Messieurs.
Cher peuple.
Je t'ai fait le serment, cher peuple, de M'adresser à
toi au terme de chaque étape franchie dans ta marche résolue sur
la voie du progrès, et à l'amorce de toute nouvelle phase
où la mobilisation, la confiance et l'espoir sont d'autant plus forts
que tu te montres uni dans l'action, soudé autour de ton Roi, qui est
ton Premier Serviteur.
Si Je M'adresse, donc, à toi aujourd'hui, c'est bien
parce que nous nous trouvons à un moment décisif constituant une
ligne de démarcation dans notre parcours historique.
Nous faisons, en effet, nos adieux au demi-siècle qui
s'est écoulé depuis l'indépendance, avec tous les
succès, les revers et les espérances ayant accompagné le
processus de mise en place d'un Etat moderne.
C'est le moment aussi où nous nous apprêtons,
avec l'aide de Dieu, à livrer la bataille du parachèvement de
l'édification du Maroc de l'unité, de la démocratie et du
développement.
En évoquant le cinquantenaire que nous venons de
quitter, Nous n'entendons pas Nous ériger en juge de l'Histoire,
où s'entremêlent indissociablement l'actif et le passif.
Seuls les historiens sont habilités à
évaluer la marche de l'Histoire avec l'impartialité et
l'objectivité requises, et à l'abri de toute considération
politique conjoncturelle.
Cela ne signifie pas pour autant que nous devons regarder
cette tranche de l'Histoire comme un épisode révolu et
enterré à tout jamais, ni que nous en restons
éternellement prisonniers.
Nous la considérons plutôt comme une composante
intrinsèque d'un patrimoine dûment consigné dans le
registre de l'Histoire séculaire de notre nation. Nous tenons, en effet,
à ce que l'Histoire demeure, pour l'ensemble des Marocains, un
instrument efficace pour connaître le passé, cerner le
présent et se projeter avec confiance dans l'avenir.
C'est dans cette optique et dans le souci d'en informer
l'opinion publique que Nous avons décidé de faire publier le
Rapport final de l'Instance Equité et Réconciliation et l'Etude
sur le bilan et les perspectives d'avenir du développement humain dans
notre pays.
A cet égard, outre le devoir de conserver cette
période dans la mémoire collective de la nation, dans la mesure
où elle fait partie intégrante de son Histoire, il appartient
à chacun de nous d'en tirer les enseignements qui s'imposent, afin de se
doter des garanties nécessaires, pour éviter que certains
écarts du passé ne se reproduisent et pour combler certaines
lacunes antérieures.
Cela dit, ce qui importe le plus, c'est bien de se tourner
vers l'avenir dans une démarche prospective et constructive, apte
à galvaniser nos énergies pour nous focaliser sur le
règlement des questions majeures qui préoccupent instamment notre
peuple, afin de favoriser l'essor et le progrès de notre pays.
Nombreux, en effet, sont les chantiers en cours ou en
perspective, surtout après l'action engagée pour que le train du
développement humain atteigne sa vitesse de croisière.
Notre dessein, en définitive, est de consolider les
fondements de la société solidaire qui, dans le respect d'un
parfait équilibre et une totale concomitance entre les droits à
exercer et les devoirs à assumer, assure à tous ses fils les
conditions d'une vie digne et d'une citoyenneté responsable. Sans cela,
nous ne saurons être ni à l'écoute de notre jeunesse, ni en
phase avec les impératifs de notre époque.
Au nom des générations montantes Je dis :
trêve d'égoïsme et d'introversion, halte au gaspillage de
précieuses opportunités et à l'hémorragie des
ressources englouties dans des combats de chimère.
Il est grand temps de prendre en mains le présent et
l'avenir de nos enfants, car nos jeunes comprendraient mal qu'il n'y ait pas de
répondant aux aspirations légitimes qui les animent pour vivre
librement et dignement. Nous ne pourrons, toutefois, y pourvoir que si nous
consentons à mettre le coeur à l'ouvrage, prenant le relais des
sacrifices consentis par la génération de l'Indépendance
et de la Marche Verte.
Il nous faut donc aller résolument de l'avant dans la
mise en oeuvre d'une réforme globale, processus dans lequel il
échoit aux jeunes générations un rôle central pour
la concrétisation des objectifs de développement humain, dans un
attachement sans faille à l'identité nationale, à
l'intégrité territoriale et à la monarchie citoyenne.
Cher peuple.
Nous avons entrepris résolument, avec courage et
sagesse, de parachever le règlement équitable de la question des
violations passées des droits de l'Homme, dans le cadre d'un processus
dont la dynamique avant-gardiste fut enclenchée au début des
années 90 par Notre vénéré Père, Sa
Majesté le Roi Hassan II, que Dieu sanctifie son âme. C'est avec
émotion et déférence que Nous nous rappelons encore
comment, du haut de la tribune parlementaire, à l'occasion de
l'ouverture - Sa dernière - de la législature d'octobre 1998, le
regretté Souverain insistait sur la nécessité d'une
clôture définitive de tous les dossiers en suspens.
Cela, disait-Il, afin que le Maroc cesse de traîner une
réputation qui n'est pas la vérité, ne correspond pas
à sa réalité et ne présente, pour son avenir,
aucune utilité.
Lorsque, par Sa providentielle volonté, Dieu le rappela
à Lui, il Nous est échu le devoir de poursuivre cette mission,
empruntant, pour cela, un parcours exemplaire, unique en son genre.
Les dossiers épineux ont pu être apurés
dans le cadre du principe du changement dans la continuité qui
caractérise notre régime monarchique.
En successeur de Mon vénéré Père,
dépositaire de cette charge suprême, Je ne peux que rendre
grâces à Dieu qui nous a permis de mener cette mission à
bonne fin.
Au nom de tout le peuple marocain, J'annonce donc cette
heureuse et réconfortante nouvelle, en espérant la voir parvenir,
par l'entremise des Anges du Miséricordieux, à l'âme
immaculée de Mon vénéré Père et au coeur de
toutes les victimes, les personnes ayant subi des préjudices et les
familles endeuillées, que Nous entourons assurément de Notre
sympathie et de Notre sollicitude.
Tout en nous félicitant des efforts sincères
déployés par l'Instance Equité et Réconciliation,
sa présidence ainsi que ses membres, Nous chargeons le Conseil
Consultatif des Droits de l'Homme d'assurer la mise en oeuvre des
recommandations de l'Instance. ,
Nous invitons aussi toutes les autorités publiques
à poursuivre leur collaboration fructueuse avec le Conseil, afin de
donner une illustration concrète de Notre ferme attachement à la
consolidation de la vérité, de l'équité et de la
réconciliation.
Je suis certain que l'oeuvre de réconciliation
sincère que nous avons accomplie ne signifie pas qu'il faille faire
table rase du passé, car l'histoire est têtue et ne s'oublie
pas.
Elle est, en fait, une réponse à l'injonction
divine "Absous d'une belle absolution". C'est un geste gracieux de pardon
collectif, à même de constituer un solide pilier de la
réforme institutionnelle, une réforme profonde susceptible
d'aider notre pays à s'affranchir des défaillances du
passé concernant les droits politiques et civiques.
Nous aurons ainsi préparé la voie pour
accueillir le deuxième cinquantenaire de l'Indépendance, et
partant, nous consacrer à un chantier laborieux et déterminant,
celui de la promotion des droits économiques, sociaux et cultuels, au
profit de tous nos concitoyens, en particulier ceux qui souffrent des affres de
la pauvreté, de l'analphabétisme, du chômage et de la
marginalisation.
Aussi, eu égard à Notre volonté de
concrétiser Notre conception globale des droits de l'Homme, et à
Notre vision stratégique fondée sur l'action cohérente et
concertée de l'Etat, un Directoire regroupant un panel d'éminents
penseurs et experts, organisé en un Comité scientifique et des
groupes thématiques, a reçu pour mission d'élaborer une
étude globale sur le bilan de cinquante années de
développement humain et ses perspectives d'avenir.
A cet égard, Nous tenons à rendre hommage
à ceux qui ont supervisé cette importante réalisation,
ainsi qu'aux compétences nationales qui y ont contribué.
Nous espérons aussi que cette étude, avec les
apports imaginatifs qui y ont été investis à titre
individuel et collectif, aura un effet incitatif qui poussera l'élite,
dans la diversité des sensibilités qui la composent, à
renouer avec son rôle de précurseur balisant la voie du renouveau
national et favorisant l'émergence d'une pensée
stratégique. Elle permettra, en outre, d'ouvrir un débat pluriel
et constructif sur des projets sociétaux différenciés et
clairs, entre les instances constitutionnelles, politiques, syndicales et
associatives, auxquelles il incombe comme toujours de donner corps à ces
projets et d'en assurer la mise en oeuvre conformément à la
volonté populaire librement exprimée.
Mesdames, Messieurs.
Cher peuple.
J'ai jugé bon de focaliser ce discours sur les
orientations d'avenir qu'il convient de suivre pour parachever la construction
de la citoyenneté digne.
C'est une entreprise qui requiert le renouvellement du pacte
pour la réalisation du chantier de règne, qui est celui du
développement humain, ainsi que la mobilisation totale des
potentialités de nos jeunes.
Cela suppose, aussi, de laisser toute latitude aux initiatives
génératrices de richesses économiques et novatrices dans
tous les domaines scientifiques et artistiques, à l'intérieur du
Maroc comme à l'extérieur. Notre but ultime réside dans
l'édification d'un Maroc d'égalité des chances et de
partage des responsabilités.
Nous demeurons attaché à ce que l'Etat
déploie tous les efforts nécessaires à la
réalisation de cet objectif, et veillerons également à
assurer à tous les Marocains les conditions d'une vie digne et
décente.
A cet effet, nous menons des actions avec la contribution de
l'Etat et de l'ensemble des acteurs du secteur privé, de la
société civile, des corps constitués, des
autorités, des individus et des collectivités.
Pour y parvenir, il n'est d'autre voie pour nous que d'oeuvrer
à l'ancrage des vertus du labeur, de la rectitude et du mérite,
et à la mise en oeuvre des mécanismes de contrôle, de
responsabilisation et de transparence, dans le respect de la primauté de
la loi et des valeurs de citoyenneté agissante.
Nous entendons ainsi maintenir le cap pour conduire le
vaisseau Maroc à bon port et, à force de réformes
successives, plus profondes les unes que les autres, l'arrimer solidement au
progrès et à la prospérité, dans la
sécurité et la stabilité.
Nous veillerons à ce qu'il puisse continuer à
voguer dans l'environnement international, en toute quiétude et en toute
sécurité, avec assurance, courage et détermination.
Wassalalou Alaikoum Wa Rahmatou Allah Wa Barakatouh".
Bibliographie :
Les sites :
www.ier.ma
www.ccdh.ma
Les rapports :
Rapport annuel du CCDH sur la situation des droits de
l'Homme au Maroc de 2003.
Rapport annuel du CCDH sur la situation des droits de
l'Homme au Maroc de 2004.
Rapport de l'AMDH sur la situation des droits de l'Homme
au Maroc de 2003.
Rapport de Human rights watch sur la situation des droits
de l'Homme au Maroc de 2004.
Rapport du ministère des affaires
étrangères des Etats-Unis sur la situation des droits de l'Homme
au Maroc de 2005.
Rencontre :
Rencontre avec Mr Lhiba Mahjoub (ancien membre de l'IER et
secrétaire général du CCDH).
Introduction
..............................................................................3
Partie I : Présentation de l'Instance
Equité et Réconciliation......................8
Chapitre I : Définition de
l'IER.....................................................9
Section I : Nature et statuts de
l'IER..........................................9
Section II :
Attributions.........................................................11
Section III : Activités de l'IER
.................................................15
Chapitre II : Les contextes politiques interne et
international de la création de
l'IER.................................................................22
Section I : La transition
démocratique .......................................23
Section II : Le dépassement de la
violence ..................................26
Section III : L'engagement du Maroc sur le
plan international à la consécration des droits de
l'Homme............................29
Partie II : Contribution de l'IER à la
consécration des droits de l'Homme au
Maroc...................................................................32
Chapitre I : Apport du rapport
final...............................................33
Section I : L'établissement de la
vérité et détermination de la
responsabilité....................................................34
Section II : La réparation des
préjudices et la réconciliation.............44
Section III : Les recommandations et
garanties de non répétition.......56
Chapitre II : évaluation du travail
accompli par l'IER.........................60
Section I : Les contraintes de
l'IER.........................................62
Section II : Le problème du suivi
des recommandations..................69
Section III : L'IER et les abus du
présent...................................72
Conclusion
.........................................................................77
Annexe
..............................................................................79
Bibliographie.......................................................................90