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L'ONU et la démocratie

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par Salwa HAMROUNI
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis - D.E.A. de droit public et financier 1996
  

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B. Un principe qui heurte la règle de non ingérence dans les affaires intérieures des États

Souverains par définition, soucieux de se voir imposer un certain comportement à l'égard de leur population, les États se sont montrés prudents lors de l'adhésion aux instruments internationaux relatifs aux droits des personnes.

Cette prudence s'explique par l'idée que ces États craignent toute ingérence dans leurs affaires intérieures qui peut se justifier éventuellement par l'engagement de cet État à promouvoir ou à respecter les droits des personnes proclamés dans ces textes internationaux.

Avant de vérifier si le principe d'élections périodiques et honnêtes contredit le principe de la non ingérence, principe bien ancré en droit international général, une définition doctrinale de ce dernier principe est de nature à écarter quelques ambiguïtés sur la question.

Ainsi nous pouvons confirmer que "... l'ingérence ou intervention au sens non matériel du terme, se limite à une interférence dans la sphère d'action de l'État, sans autorisation de celui-ci; elle peut prendre la forme d'une simple prise de position (...) mais aussi à un degré supérieur, celle d'une invitation à agir dans un sens déterminé, éventuellement assortie d'une pression destinée à contraindre le destinataire à le faire"60. Une précision s'impose à propos de cette définition. En effet, l'autorisation dont parle l'auteur peut être ponctuelle mais elle peut aussi être indirecte ou implicite par le fait que l'État s'engage, sur le plan international, à agir dans un sens ou dans un autre.

A partir de cette définition deux possibilités nous sont offertes pour traiter ce problème.

La première approche consiste à se demander si la promotion du principe d'élections périodiques et honnêtes ne constitue pas une ingérence ou une intervention au sens de l'article 2 paragraphe 7 de la Charte de l'O.N.U. ?

60 COMBACAU (J) et SUR (S), Droit international public, Paris, Montchrestien, 1995, p. 262

Cet article dispose qu'aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État...".

Bien que faisant l'objet d'engagements internationaux des États, la matière électorale a été généralement considérée comme faisant partie intégrante du système politique, qui lui, relève de la compétence discrétionnaire de l'État ou du domaine dit réservé aux États.

Si on se base sur la doctrine du domaine réservé, nous pouvons dire que les États restent libres de réglementer une matière tant qu'elle n'a pas été régie par le droit international. La CPJI, dans son avis relatif à l'affaire des décrets français sur la nationalité en Tunisie et au Maroc, a considéré que "La question de savoir si une certaine matière rentre ou ne rentre pas dans le domaine exclusif d'un État est une question essentiellement relative : elle dépend du développement des rapports internationaux"61. Par conséquent, toute ingérence dans une matière non régie par le droit international constitue une intervention illicite.

Pour ce qui est du principe d'élections périodiques et honnêtes nous avons déjà vu qu'il a fait l'objet d'une certaine réglementation internationale. Or, très tôt, dans sa résolution 285 du 25 avril 1949, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a, selon un auteur, reconnu que les "les questions de la protection des droits de l'Homme dans la communauté internationale universelle ne sont plus des "affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État" car elles sont en principe régies par le droit international, bien que ce soit encore le droit interne qui les règle normalement"62. Donc étant l'un des droits régis par le droit international, le droit aux élections périodiques et honnêtes doit être promu par les États qui ont manifesté leur consentement à son propos.

61 In. LAGHMANI (S), Répertoire élémentaire de la jurisprudence internationale, CERP, 1993, p. 180.

62 VERDROSS (A), "Le principe de la non intervention dans les affaires relevant de la compétence nationale d'un État et l'article 2 (7) de la Charte des Nations Unies", in. Mélanges ROUSSEAU (CH), La communauté internationale, Paris, Pedone, 1974, p. 272.

On peut penser à ce propos que même si l'État s'engage juridiquement à garantir un droit, dans ce cas le droit aux élections périodiques et honnêtes, cela ne veut pas forcement dire que la matière électorale échappe à la compétence de cet État. A la limite, nous pouvons concevoir que cette compétence devient "concurrente"63. L'obligation de respecter ce principe existe, certes, et découle du caractère consensuel du droit international mais cette obligatoriété n'autorise pas l'O.N.U. à prendre une action quelconque afin d'obliger un État à respecter ce principe. En effet, la Charte des Nations Unies s'est référée aux droits de l'Homme à plusieurs reprises mais aucune disposition n'a habilité l'O.N.U. à obliger un État au respect de ces droits64.

La seule possibilité de droit commun qu'offre le droit international en cas de violation d'un engagement international est la mise en oeuvre de la responsabilité étatique. Cette solution a été prévue par l'Institut du droit international dans sa résolution sur la "protection des droits de l'Homme et le principe de non intervention dans les affaires intérieures des États"65.

A la question de savoir si l'encouragement de l'O.N.U. pour le respect du principe d'élections périodiques et honnêtes constitue une ingérence ou une intervention au sens de l'article 2 (7) de la Charte; une réponse négative nous est fournie par une partie de la doctrine Ainsi "l'ingérence commence là où un État, un groupe d'États, une organisation internationale, "se mêlent de ce qui ne le regarde pas", c'est-à-dire de ce que fait un État dans un domaine qui relève de sa compétence (...) et où ses pouvoirs sont discrétionnaires. C'est habituellement le cas en ce qui concerne le choix de "son système politique, économique, social et culturel" (...) mais pas nécessairement car rien ne l'empêche de renoncer à cette liberté primitive"66. Nous dirons à propos de cette réponse qu'a contrario si l'État n'a pas renoncé à cette "liberté primitive", une organisation internationale qui l'incite à adopter un système quelconque s'ingère dans les affaires de cet État.

63 L'expression est empruntée à COMBACAU (J) et SUR (S), op. cit., p. 255.

64 Voir notamment le préambule de la Charte, l'article 1 (3), l'article 13 (1-b), l'article 55 (c), l'article 62 (2), l'article 68 et l'article 76.

65 Résolution adoptée à la session de Saint-Jacques de Compostelle le 13 septembre 1989, in. A.LD.I. volume 63 - II, Paris, Pedone, 1990, pp. 224-225 et 338-344

66 COMBACAU (J) et SUR (S), op. cit. p. 255.

La deuxième voie qui nous permet d'analyser la question des élections par rapport au principe de la non ingérence, consiste à soustraire la doctrine du domaine réservé de notre raisonnement dans la mesure où le problème ne consiste plus à savoir si le principe d'élections périodiques et honnêtes relève du droit interne ou du droit international; cette question étant résolue par le fait que le droit international a consacré le droit de la personne à choisir librement ses gouvernants par des élections périodiques et honnêtes.

Le problème qui se pose est donc celui de savoir s'il y a une équation entre ce droit, intimement lié aux choix du système politique, et un autre droit qui garantit précisément aux États le libre choix de leur système politique, économique, social et culturel.

Le droit international charge donc l'État de garantir aux personnes, un droit aux élections périodiques et honnêtes mais en même temps il lui reconnaît son droit au libre choix de son système politique, économique, social et culturel. Or, il est certain que le système électoral constitue une partie intégrante du système politique d'un État.

Il s'agit donc dans ce cas d'un "conflit positif de deux séries de règles du droit international dont les unes accordent à l'État un droit et une liberté alors que les autres impliquent à sa charge une obligation et ce dans le même domaine, le domaine de son organisation politique"67.

La résolution de ce conflit semble être conditionnée par un rapport de force favorable à la démocratie libérale, un rapport de force qui tend à éliminer l'un des termes de cette contradiction qu'est le libre choix du système politique.

Du reste, ce conflit a été manifeste dans les résolutions prises par l'Assemblée Générale de l'O.N.U. à propos des élections et qui ne font que témoigner de l'attitude indécise des États et de la portée ambivalente du principe d'élections périodiques et honnêtes.

67 LAGHMANI (S), "Vers une légitimité démocratique ?", in. Les nouveaux aspects du droit international, dir. BEN ACHOUR (R) et LAGHMANI (S), Paris, Pedone, 1994, p. 256.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery