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L'ONU et la démocratie

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par Salwa HAMROUNI
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis - D.E.A. de droit public et financier 1996
  

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B. Des résolutions contradictoires entre elles

A partir de sa quarante quatrième session, et au même jour où elle a adopté sa résolution 44/146 relative au "renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes", l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a adopté la résolution 44 /147 du 15 décembre 1989 portant le titre "Respect des principes de la souveraineté nationale et de la non ingérence dans les affaires intérieures des États en ce qui concerne les processus électoraux". Contrairement à la première, la résolution 44/147 n'a pas été adoptée par consensus mais par une majorité de 113 voix pour, onze abstentions et 23 votes contre.

Parmi les États qui se sont opposés à cette résolution nous pouvons citer les États Unis d'Amérique, le Canada, le Japon et les douze membres de la Communauté européenne. Il n'est pas difficile de deviner que cette opposition est due à ce que la résolution 44/147 vient presque neutraliser la précédente.

En effet, dans le préambule, l'Assemblée Générale a pris le soin de rappeler les dispositions de l'article 2 (7) de la Charte de l'O.N.U. Elle a considéré par conséquent que "les principes de la souveraineté nationale et de la non ingérence dans les affaires intérieures de tout État doivent être respectés

lors du déroulement d'élections"77 . De plus, l'Assemblée Générale a considéré dans le préambule de cette résolution "qu'il n'existe pas de système politique unique de processus électoral convenant également à toutes les nations et à tous les peuples et que les systèmes politiques et les processus électoraux sont conditionnés par des facteurs historiques, politiques, culturels et religieux".

Cette disposition se justifie si on garde à l'esprit qu'elle a été proposée par les pays en développement78. D'ailleurs, un auteur a considéré que cette résolution "reflétait l'inquiétude des États totalitaires et autoritaires appuyés par de nombreux pays du tiers monde, devant cette avancée démocratique des Nations Unies"79.

Nous dirons, à propos de cette affirmation, qu'abstraction faite du mobile politique de ces États "totalitaires", la résolution objet de ce commentaire s'est limitée à rappeler des principes fortement ancrés en droit international positif que sont les principes de la souveraineté et de la non ingérence dans les affaires intérieures des États.

La référence faite, dans cette résolution, aux facteurs historiques, politiques, culturels et religieux a été jugée "en opposition avec la conception universaliste des droits de l'Homme et de la démocratie"80. Or, par définition, la démocratie exige la diversité et la différence faute de quoi cette "avancée démocratique des Nations Unies" risque de se transformer en un dogme et par conséquent préparer sa propre négation.

Par ailleurs, l'Assemblée Générale a réaffirmé dans le dispositif de cette résolution que "tous les peuples ont le droit de déterminer librement et sans ingérence extérieure leur statut politique et d'assurer librement leur développement économique, social et culturel et que chaque État a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte"

77 Résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa quarante quatrième session, volume I, 19 septembre - 29 décembre 1989, documents officiels, supplément N° 49.

78 C'est une résolution proposée par l'Afghanistan, l'Angola, Cuba, le Yémen, l'Irak, la Libye, le Nicaragua, la Tanzanie, le Vietnam, la Zambie et la Chine. voir BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 56.

79 BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 58.

80 Ibid. op. cit. loc. cit.

et qu' "il appartient aux seuls peuples de décider des méthodes à suivre et des institutions à mettre en place aux fins du processus électorale, ainsi que des moyens de mettre ce processus en oeuvre conformément à la constitution et à la législation nationales".

Nous le constatons donc, la résolution ne nie pas les droits relatifs aux processus électoraux, seulement, ces droits doivent s'exercer en dehors de toute ingérence extérieure et de toute pression internationale.

Une autre remarque s'impose à propos de ces extraits. En fait, cette résolution qui constitue une riposte à la résolution 44/146 relative au "renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes" n'a pas non plus reconnu expressément aux États le libre choix de leurs systèmes politiques et de leurs institutions électorales.

Désormais, c'est au peuple qu'appartient le droit de choisir ses méthodes électorales, ce choix, notons-le, doit s'exercer dans le cadre et les limites du droit national.

Donc, paradoxalement, une résolution portant le titre "renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes" reconnaît expressément dans son préambule que le droit de choisir et de développer librement leur système politique, économique, social et culturel est un droit qui appartient aux États alors que ce même droit est reconnu aux peuples dans le dispositif d'une résolution intitulée "Respect des principes de la souveraineté nationale et de la non ingérence dans les affaires intérieures des États en ce qui concerne les processus électoraux".

Ce paradoxe ne peut être résolu que si on considère que "la logique du droit international n'est pas de faire prévaloir le droit des peuples ou les droits de l'Homme sur la souveraineté, mais de faire en sorte que la souveraineté des États soit une émanation du droit des peuples et que celui ci soit une manifestation collective des droits politiques de l'Homme. Une véritable synthèse de la contradiction ne peut être qu'immanente. Elle ne peut se réaliser par l'élimination d'un de ses termes, en l'occurrence la

souveraineté, mais par la réalisation de l'harmonie naturelle qu'il y a entre... "81.

Cependant, il ne nous semble pas que cette "harmonie" soit évidente dans tous les cas, il nous suffit de voir le nombre d'États où les droits fondamentaux de la personne, auxquels aucune dérogation n'est permise, sont bafoués; à plus forte raison les droits civils et politiques sont- ils loin d'être garantis aux gouvernés.

Ajoutons, enfin, que mise à part la résolution dont nous venons d'analyser la portée, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a, depuis cette date, adopté à chaque session une résolution portant le même titre. C'est ainsi qu'elle a adopté la résolution 45/151 du 18 décembre 1990, une reproduction intégrale de sa précédente, la résolution 46/130 du 17 décembre 1991, la résolution 47/130 du 18 décembre 1992, la résolution 48/124 du 20 décembre 1993 et la résolution 49/180 du 23 décembre 1994.

Ces résolutions sont identiques dans la plupart de leurs termes. Seulement, on peut remarquer que dans la résolution 48/124 figure l'idée que les "États devraient instituer les mécanismes et les procédés nécessaires pour garantir la pleine participation des peuples aux processus électoraux"82.

Cette disposition a été reprise dans la résolution 49/180. Elle nous paraît significative dans la mesure où l'emploi du conditionnel nous prouve que l'Assemblée Générale n'entend pas créer une obligation aux États de garantir le droit aux élections périodiques et honnêtes à leurs gouvernés et qu'il s'agit, pour reprendre l'expression de M. Rafâa BEN ACHOUR de normes souhaitables de lege ferenda relatives aux élections83 ou d'un "droit vert relatif aux élections"84.

81 LAGHMANI (S), art. cit. P. 277.

82 Résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa quarante huitième session, volume I, 21 septembre - 23 décembre 1993, documents officiels, supplément N° 49.

83 BEN ACHOUR (R), "Normes internationales souhaitables de lege ferenda relative aux élections",in. Liberté des élections et contrôle international des élections, op. cit, pp. 197-210.

84 VASAK (K), "Les normes internationales existantes relatives aux élections et leur mise en oeuvre", in. Liberté des élections et observation internationale des élections, op. cit. L'auteur parle dans cet article de droit vert relatif aux élections qui se forme au sein de l'O.N.U. contrairement a un droit mûr établi par les instruments internationaux.

Pour conclure nous pouvons affirmer que ces résolutions adoptées par l'Assemblée Générale de l'O.N.U. et qui concernent les élections n'ont pas imposé aux États une obligation juridique de garantir à leurs citoyens un droit aux élections périodiques et, honnêtes et par suite, d'établir un régime démocratique.

Toutefois, il y a là "des tendances nouvelles, dont il est probablement prématuré d'affirmer qu'elles aboutiront à la formation de normes juridiques indiscutables, en tout cas au plan universel, mais qui n'en témoignent pas moins d'un changement d'état d'esprit"85.

En tout cas, la seule conséquence concrète de ces résolutions qui ont visé la promotion de la démocratie par le renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes, s'est manifestée sur le plan de l'action de l'O.N.U. par l'assistance qu'elle a apporté aux États au cours de leurs processus électoraux.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld