WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Identification des contraintes et stratégies des structures de recherche face à la problematique de la recherche dans les universités sénégalaises:Cas des laboratoires de recherche de l Université Gaston Berger de Saint Louis


par Abdoulaye Dramé
Université Gaston Berger de Saint Louis - Maitrise 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I.2. Position du problème

« Les cerveaux fuient pour sauver la recherche »42 . Ce constat de Abdoulaye Niang pose le problème délicat de la recherche dans les universités africaines.

41B.LY, Op.cit:72.

42A.NIANG, (17 Février 2003), « Les cerveaux fuient pour sauver la recherche » in Walf Fadjri, www.refer.sn.

En effet, comme le note Abdoulaye Niang, la recherche scientifique pour se réaliser nécessite la mise sur pied d'un certain nombre de pré-requis qui lui sont vitaux. Ceux-ci sont « une situation de paix, ainsi que de bonnes conditions matérielles de travail et de recherche et d'une forte mobilisation de la part de ceux qui la portent »43.

L'histoire de l'humanité et plus particulièrement celle de l'Europe montre à quel point recherche scientifique et stabilité politico-économique sont liées. A juste titre, rappelons la fuite des savants occasionnée par la seconde guerre mondiale, surtout avec la politique ségrégationniste de Hitler. Bref, pour faire de la recherche, « le chercheur a besoin de tout un espace politique, social et juridique qui lui garantit sont plein épanouissement »44.

La recherche est exigeante et nécessite la mobilisation non seulement des hommes qui s'y consacrent mais surtout des moyens qui doivent permettre aux chercheurs de pouvoir se consacrer à fond à la recherche.

A ce titre, elle cesse d'être simplement l'affaire du chercheur et interpelle ainsi toutes les composantes de la société : la finalité première de la recherche universitaire est d'abord sociale (assurer le bien-être de la population). Dès lors, « oser penser qu'on peut développer l'Afrique et y réduire la pauvreté structurelle en marginalisant l'enseignement supérieur est un échec programmé. Car aucun pays au monde ne semble avoir résolu ses problèmes de développement en assurant la seule éducation de base tout en laissant dépérir son enseignement supérieur »45 .

Conscients de ses enjeux, les jeunes nations africaines ont manifesté avec le « Plan de Lagos »46 en 1978 leur volonté de soutenir et d'accroître son autonomie. Dans ce plan, les pays africains adoptent deux décisions majeures. Ainsi, chaque pays doit :

- accorder à la recherche 0,5% de son Produit National Brut (PNB) dans le but d'arriver à 1% en 1980 ;

43A.NIANG, Op.cit.

44T.THIOMBIANO, (1990), « Les conséquences d'une absence de libertés académiques sur la formation et la recherche scientifique », in Symposium sur liberté académique, Recherche et Responsabilité sociale de l'intellectuel en Afrique, Dakar, CODESRIA (à revoir).

45F-M.AFFA'A. et T.DES LIERRES, (2002), « L'Afrique noire face à sa laborieuse appropriation de l'université. Le cas du Sénégal et du Cameroun », l'Harmattan, les Presses de l'université de Laval : 22.

46 Pour plus de détails sur le Plan Lagos, voir B.SCHNEIDERS, (1987), « L'Afrique face à ses priorités », Paris, ed. Econmica, pp. 113-118.

-avoir en 1980 une proportion de 200 scientifiques par million d'habitants.47

Au finish, l'examen de la place de l'Afrique dans la production scientifique montre l'échec du « Plan de Lagos ». Selon le Pr. Issoufou48 du Bénin, le continent africain dispose de 0.4% du potentiel mondial de recherche et ne produit que 0.3% des travaux scientifiques. William.S.Saint49 ajoute que, dans les domaines spécifiques des sciences naturelles et de la biologie, les chercheurs africains ne produisent que tous les 7ans. Il ne peut en être autrement si l'on essaie de comprendre les conditions moyenâgeuses dans lesquelles se meuvent les chercheurs africains qui sont encore fidèles aux moyens rudimentaires de travail, au moment où la science et la technologie ont simplifié la recherche scientifique.

Les quelques phrases qui suivent, aussi ironiques qu'elles puissent paraître, retracent les conditions dans lesquelles travaillent les étudiants africains (nigériens en particulier) : « nous sommes censés faire fonctionner un laboratoire de Physique sans électricité, réaliser des expériences de Biologie et de Zoologie sans eau et faire des observations précises avec des microscopes que l'usage et les ans ont rendus aveugles. Et on n'imagine pas la pénurie de produits chimiques. Il résulte de tout cela que nous avons un laboratoire de Chimie qui ne produit pas de l'eau distillée et que certains étudiants en Sciences obtiennent leur diplôme sans avoir jamais vu la moindre expérience »50.

Dans d'autres pays, en sus de ces problèmes cités ci-dessus, s'ajoute un manque d'infrastructures, de moyens techniques, de documents récents entre autres. Devant une telle raréfaction des moyens, les chercheurs ont fini par perdre espoir en la recherche, et sont même devenus des « complexés » surtout si l'on sait que « les avocats, médecins ou administrateurs sont non seulement mieux rémunérés mais également bénéficient d'un statut social plus élevé. Toutes ces raisons empêchent le bon développement de la recherche en Afrique »51 .

47P.J.M.TEDGA, (1988), « Enseignement supérieur en Afrique noire francophone. La catastrophe », Paris, L'harmattan, 223 p.

48 Le Soleil N°10159 du Mardi 13 Avril 2004.

49W.S.SAINT, (1993), « Les Universités en Afrique. Pour une stratégie de stabilisation et de revitalisation », in Document technique de la BM numéro 194F, 156 p.

50A.B. SAMB, (Décembre 2003), « Impact du financement des Institutions financières Internationales (IFI) pour l'amélioration de l'enseignement supérieur au Sénégal : Cas de la Banque Mondiale », Mémoire ENEA : 8.

51P.J.M.TEDGA, Op.cit :89.

Dans des conditions pareilles, l'on se demande comment la recherche, se faisant à travers des moyens rudimentaires, peut-elle être vecteur de développement ? Ou encore, par quels mécanismes peut-on étendre les activités des universités au secteur productif ?

C'est à ces niveaux que résident toute la problématique et les défis à relever afin de permettre aux chercheurs de participer pleinement au développement du continent. La recherche consiste à cerner d'abord les contraintes qui empêchent la recherche d'étendre ses tentacules. Les spécialistes en ont retenu trois :

-L'absence de politique scientifique (institutionnelle et organisationnelle) : elle se manifeste à travers l'absence de services compétents chargés de la gestion et de la coordination des programmes de recherche se menant dans les pays africains52. Cette situation entraîne un manque de suivi de la recherche. Tout se fait alors comme si les résultats doivent être tenus secrets .Ce n'est donc point une surprise si les structures de recherche peinent à faire des rapports d'activités scientifiques. L'évaluation de la qualité de la recherche et son suivi dans le monde scientifique constitue une préoccupation mineure de l'Etat et des laboratoires.

C'est pourquoi, très souvent, l'on est toujours confronté à des difficultés lorsqu'il s'agit de savoir le nombre de structures de recherche, les thèmes de recherches abordés par les diverses centres de recherche sur le continent. Depuis quelques années, des efforts sont en train d'être faits pour mettre fin à la dispersion des scientifiques du continent. Le Conseil pour le Développement de la Recherche Scientifique en Afrique (CODESRIA)53 , depuis sa création, milite pour le développement des sciences sociales en Afrique et de la reconnaissance des chercheurs africains. Nous croyons que « l'ère des destinées singulières est révolue », l'Afrique après la création de l'Union Africaine doit songer à mettre sur place des structures régionales pour en arriver à une structure continentale. Les thèmes de recherche prioritaires sur la base d'un appel d'offre régional ou continental se verront confier à des laboratoires.

52 Avant CASTAFRICA (Conférence des ministres de la Science et de la Technique d'Afrique) I (1974), seuls cinq pays africains avaient des programmes scientifiques et technologiques à un niveau politiquement élevé, in M.N.B.AYIKU (1990), Liens entre l'université et le secteur productif. Examen de la situation en Afrique, Accra, AUA, 95p.

53 Le CODESRIA, né en 1973, a pour mandat d'oeuvrer pour le développement de la recherche multidisciplinaire, la promotion de publications issues de la recherche, le renforcement des compétences des chercheurs africains. Toutefois, son champ d'action se trouve être les sciences sociales.

La politique africaine de la recherche doit aller au-delà de la création de structures à l'image du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)54, mais aussi donner du tonus au métier de chercheur en lui conférant un statut juridique ainsi que tous les avantages qui l'accompagnent. En « consacrant 75% au moins de leur temps à la préparation et à la présentation des conférences, à la conduite des « tutorials », à la préparation et à la correction des devoirs »55, les enseignants de l'université font difficilement de la recherche.

- L'absence d'entretien des structures de recherches (gestion de l'existant) : la logistique à savoir les laboratoires, les équipements, les bâtiments entre autres, sont « la parente pauvre dans cette bataille pour le savoir moderne en Afrique »56 Héritées la plupart de la colonisation, les structures de recherche sont désuètes. Beaucoup d'universités africaines sinon la plupart souffrent du manque chronique de documents récents surtout dans les domaines de la recherche de pointe. L'équipement n'est composé que de quelques ordinateurs difficilement connectés à Internet. Or, il s'agit d'un facteur décisif. La pauvreté de l'équipement scientifique des laboratoires finit par freiner la recherche.

Si nous nous intéressons au budget alloué à la recherche et la part réservée à l'entretient du matériel et à l'achat des équipements, on est édifié sur la modicité de la part qui lui est attribué. En Guinée « en 1988 si 98% du budget de l'éducation va aux salaires du personnel, 2% seulement va à l'entretien du matériel. Les documents du budget prévisionnel de l'Université Nationale de Cote d'Ivoire pour 1987 révèlent que les installations et les équipements datent pour la plupart de plus de 19ans. D'où les coûts de maintenance et de réparation très élevés »57.

- Enfin, une absence de la gestion du budget alloué à la recherche : sur ce chapitre, beaucoup d'études attestent que les Etats africains fournissent des efforts considérables, surtout financier, pour faire fonctionner les institutions d'enseignement supérieur.

54 Le Centre National de la Recherche Scientifique, créé en 1939, est un organisme public français ayant pour mission de développer et de coordonner les recherches scientifiques dans tous les domaines, notamment en Physique Nucléaire (PNC), Sciences Physiques et Mathématiques (SPM), Sciences pour l'Ingénieur (SPI), Sciences Chimiques (SC), Sciences De l'Univers (SDU), Sciences De la Vie (SDV) et Sciences de l'Homme et de la Société (SHS). Pour ce faire, il travaille en étroite collaboration avec les Universités et les Grandes écoles.

55 T.M.YESUFU, Op.cit:89.

56J.KI-ZERBO, (1990), Eduquer ou périr. Impasses et perspectives africaines , UNESCO-UNICEF : 31 57J.KI-ZERBO, Op.cit :32.

Certains sont allés jusqu'à dire que les universités coûtent trop chères pour les pays sous ajustements. En effet, « les Etats d'Afrique noire allouent 5,2% de leur PNB à l'éducation. Cette somme signifie que 0,7% de leur PNB est consacré à l'enseignement supérieur. Un tel chiffre se situe à un niveau respectable si on considère que beaucoup de grands pays occidentaux en font moins. La RFA par exemple consacre 0.61% de son PNB à l'enseignement supérieur contre 0.5% pour la France. Cet effort financier montre que les pays africains consentent beaucoup de ressources pour le fonctionnement de leurs universités 58».

Ce constat suscite chez nous naturellement un certain nombre de questions, d'inquiétudes. Pourquoi les universités occidentales sont plus rentables sur les plans production scientifique et réponse aux attentes de leurs populations ? Comment sont alors gérés les budgets des universités africaines ? Quel rang occupe la recherche dans l'échelle des priorités dans les universités africaines par rapport au budget de fonctionnement ? En somme, comment sont utilisées les ressources financières mises au service de la recherche ?

Au niveau du financement et de la gestion, les responsabilités sont partagées et se situent tant au niveau des pouvoirs étatiques qu'au niveau de l'administration universitaire et des enseignants-chercheurs. C'est pourquoi une analyse substantielle du budget des universités s'avère nécessaire pour saisir l'autre facette des chiffres et comprendre son utilisation par les ayants droits. Aussi considérables que soient les efforts déployés par le pouvoir étatique pour entretenir le fonctionnement de l'université, l'état des lieux révèle à grands traits que les budgets alloués ne se limitent cependant qu' à quatre rubriques essentiellement (administration, salaires des enseignants, dépenses de matériel et bourses ou aides sociales diverses destinées aux étudiants) alors qu'on voudrait paradoxalement faire de la recherche un vecteur clef de développement.

A ce propos, la meilleure chose à faire est de citer les mots de Orivel François qui a souligné que « 55,5% en moyenne des financements constituent des bourses et des différentes aides sociales destinées aux étudiants tandis qu'une part très faible est orientée vers les dépenses de matériel (2,7%) comme si la tache première de cet

58P.J.M.TEDGA, Op.cit: 126.

enseignement était d'apporter à une certaine catégorie de la population, pas obligatoirement la plus nécessaire, de revenus plutôt qu'un savoir »59.

Une autre étude réalisée par l'AUA en 1991 révèle que les dépenses de recherches ne représentent que 2,7% du budget des universités. Donc dans l'échelle des priorités des universités, les dépenses à caractère social occupent la première place, suivies de celle de fonctionnement tandis quelques subsides reviennent à la recherche. C'est à ce niveau que se situe la responsabilité des états qui sont plus disposés à faire taire les conflits, revendications estudiantines et des enseignants plutôt que de déployer une véritable politique pour le développement de la recherche. Pour y arriver, les centres de recherche ne sauraient ignorer dans leur programme de recherche les préoccupations des entreprises, des Petites et Moyennes Entreprises. Ces derniers peuvent être de potentiels pourvoyeurs de ressources financières et propulseurs de la recherche tout en amoindrissant la charge de l'Etat.

Dans les pays occidentaux la recherche s'est développée c'est tout simplement parce que les chercheurs ont su intégrer dans leurs travaux les besoins réels des entreprises et être des pôles d'où émergent les grandes décisions. Sur ce plan, les enseignants-chercheurs africains doivent être inventifs, avoir l'esprit d'entreprise et pouvoir être à l'écoute de la société. C'est pourquoi le manque de dialogue entre le monde du travail et celui des chercheurs oblige les chercheurs à se ruer vers les bailleurs de fonds.

Le financement de la recherche par les bailleurs, bien que permettant aux chercheurs de s'adonner à la recherche, n'est pourtant pas exempt d'inconvénients. Il est l'une des causes de l'assujettissement intellectuel du chercheur qui ne fait qu'exécuter le plus souvent le programme et suivre les directives du donateur qui est plus intéressé par le produit de la recherche. Au Kenya, par exemple, remarque William S. Saint « on a calculé que le financement étranger de la recherche était dix fois supérieur au financement national60 ».Le financement de la recherche, s'il ne fait pas défaut, est tout simplement sujet à une gestion des plus nébuleuses voire frauduleuses. Les maigres ressources destinées à la recherche sont déviées de leur objectif premier, à savoir servir la recherche, pour être un outil servant à assurer l'épanouissement du chercheur.

59P.J.M.TEDGA, Op.cit: 127. 60W.S.SAINT, Op.cit:29.

La production scientifique et son développement sont intrinsèquement liés à la déontologie de l'enseignant faite de rigueur et de ferme croyance en la recherche. Cependant, le comportement et l'utilisation des fonds destinés à la recherche par certains chercheurs deviennent embarrassants et constituent un élément de moins pour la promotion de la recherche. « La politique du ventre » et la logique de carrière font que certains enseignants se trouvant à certains postes stratégiques, dans l'optique de vouloir conserver les avantages que leur confère leur statut dans la station décisionnelle et financière, bloquent toutes tentatives des jeunes chercheurs à progresser.

C'est pourquoi, « quand on alloue un budget de recherche à l'un d'eux [chercheurs], ça voyage beaucoup à l'étranger, ça construit aussi sa maison, ça achète aussi sa voiture personnelle (...). Ce mal des professeurs africains n'est pas seulement grave parce que l'argent destiné à la recherche est dilapidé à d'autres fins, mais aussi parce que cette catégorie d'enseignants de haut niveau sont cramponnés à leurs privilèges et bloquent des jeunes éléments plus consciencieux et plus travailleurs qui sont prêts à véritablement s'investir dans la recherche pour avoir des résultats concrets »61.

Le conservatisme qui fait légion dans les universités africaines, en sus des autres contraintes citées plus haut, a entraîné le départ massif des chercheurs africains vers des cieux plus propices où ils pourront s'épanouir et prouver toutes leurs capacités de chercheurs. Ils sont nombreux à « fuir » ou du moins à émigrer vers l'Europe, l'Amérique et même le continent asiatique à la recherche d'une terre d'accueil où la recherche leur sera possible.

Le Sénégal, à l'instar des autres pays africains n'ayant pas été épargné par la fuite des cerveaux, est en train de vivre les conséquences de la crise de la recherche. Les enseignants, à travers leurs syndicats, bloquent de plus en plus l'enseignement supérieur et demandent de meilleures conditions de travail, d'avancement dans la carrière. Bien que les solutions proposées soient différentes, toutes visent peu ou prou à trouver une panacée à la lancinante question de savoir : quelle politique pour promouvoir la recherche dans les universités sénégalaises face au découragement des enseignants- chercheurs ?

61 P.J.M.TEDGA, Op.cit:86.

Avant d'aborder cette question, faisons d'abord l'état de la situation de la recherche au Sénégal. L'histoire de l'organisation du système national de recherche scientifique et technique, au Sénégal62, se décline en trois temps qui vont d'une période de balbutiement de la recherche, à un fléchissement de l'intérêt porté à la recherche, en passant par l'age de la maturité.

De 1960-1972, la recherche au Sénégal ne se faisait qu'à travers les structures héritées de la colonisation que sont l'ORSTOM, l'IFAN et l'IPM pour ce qui est de l'université. La recherche, ses préoccupations et ses orientations dépendaient du pays colonisateur à savoir la France. Ce ne sera qu'au cours des travaux préparatoires du deuxième plan de développement économique et social (1965-1969) que furent créée la « commission recherche scientifique » en charge de l'élaboration du volet « Etudes et recherches » du Plan économique et social avec un budget de 7milliards. Aussi, furent créés sous les injonctions de l'UNESCO, le Conseil Interministériel de la Recherche Scientifique et Technique (CIRST) et le Bureau des Affaires Scientifiques et Techniques (BAST) dépendant du Secrétariat Général de la Présidence.

Le second moment considéré comme l'âge d'or de la recherche scientifique au Sénégal, par rapport à l'organisation de la recherche, aux ressources qui lui sont allouées et à la volonté politique des autorités, va de 1974 à 1985. La première décision importante fut la création de la Délégation Générale à la Recherche Scientifique et Technique (DGRST) le 11 Décembre 1973. Cette structure a pour objectif d'impulser la recherche au plan national en misant sur trois aspects essentiels :

-La rationalisation dans l'organisation de la recherche ;

-La mise en cohérence des différents éléments du système gravitant désormais autour de la DGRST ;

-La création des services d'appui à la recherche, appelés Services Scientifiques et Technologiques (SST).

Pour parvenir à jouer pleinement son rôle, elle était représentée dans l'Assemblée de l'Université de la Commission Recherche et des Comités Scientifiques des Instituts.

62Pour cette partie traitant de l'histoire de la recherche scientifique au Sénégal, notre principal source documentaire reste le document de B.M.DAFFE, (24-26 Avril 1998), « Organisation du Système National de Recherche Scientifique et Technique. Historique- Atouts et Faiblesses- Perspectives d'avenir », Dakar, 35p.

En outre, elle disposait du Fonds d'Impulsion de la Recherche Scientifique et Technique (FIRST) qui consacrait plus de 95% de ses ressources parmi les 100Millions FCFA/an dont elle disposait à la recherche universitaire.

Ses prérogatives vont être accrues, le 9 Avril 1979, avec son érection en Secrétariat d'Etat auprès du Premier Ministre chargé de la Recherche Scientifique et Technique (SERST). Avec cette structure, la défunte DGRST voit son budget passer de 158Millions (1978-1979) à 215Millions (1979-1980). Avec ce budget et la coopération tous azimuts avec des pays tels que la France, la RFA, l'Italie, et les organismes internationaux tels que le PNUD entre autres, le potentiel de recherche des Instituts de Physique Météorologique (IMP devenu CERER) et celui de l'Institut Technique Nucléaire Appliquée (ITNA), sera considérablement renforcé.

Il faudra attendre le 3 Avril 1986, pour que la recherche ait un département ministériel de plein exercice sous l'appellation de Ministère de la Recherche Scientifique et Technique qui malheureusement ne fera pas long feu puisqu'il sera dissout le 2 Janvier 1986, PAS oblige, et pour toute explication : « le Ministère a été supprimé parce que la recherche a atteint ses objectifs »63.

De 1986 à 1997, la recherche au Sénégal connaît un fléchissement consacrant ainsi la destruction du Système National de Recherche. Le ministère disparaît et à sa place est érigée une Direction des Affaires Scientifique et Techniques (DAST) rattachée au ministère du Plan et de la Coopération, ce qui nous ramène à la situation qui prévalait en 1972. La DAST n'était chargée de la recherche que de nom puisqu'elle ne pouvait ni influer sur la formulation des projets encore moins sur l'orientation des programmes et politiques sectoriels de recherche.

Au total, « dans cet environnement caractérisé par des politiques déflationnistes et la poursuite d'objectifs purement économiques et financiers, la recherche cessait d'être une préoccupation des pouvoir publics, qui ne s'y intéressaient désormais qu'à travers les recherches d'accompagnement dans le secteur agricole ou les projets d'expérimentation dont celui des énergies renouvelables »64. La recherche universitaire constituait une préoccupation mineure des autorités.

63B.M.DAFFE, (24-26Avril 1998), Op.cit :13. 64B.M.DAFFE, Op.cit :13.

A la lecture de ce qui vient de précéder, quatre critiques essentielles peuvent être formulées à l'encontre du SNRST :

- D'abord, l'instabilité chronique dans laquelle se trouve les structures habilitées à diriger la recherche qui sont parfois des simples directions sans portefeuille ou des ministères. Finalement, cette situation finit par créer un flou au plan de l'organisation, de l'orientation et de la coordination de la recherche comme le note la Direction de la Planification dans ses Travaux Préparatoires du Xème Plan (2002-2007) ;

- Ensuite, au niveau des structures de recherche, seuls l'ISRA et l'ITA ont le statut d'établissement Publics à caractère scientifique et technique. Avec ce statut, ces structures de recherche ont vu leur situation améliorée sur le plan de la gestion administrative et financière. Les structures de recherche n'ayant pas de personnalité juridique, de l'avis des rédacteurs du Xeme plan, rencontrent des difficultés pour l'exploitation de toutes les potentialités dont elles disposent (développement de partenariat, constitution d'équipes pluridisciplinaires, diversification des sources de financement) ;

- Aussi, le financement de la recherche est-il largement dominé par les ressources provenant des donateurs. « Sur les 11 milliards FCFA que le Sénégal consacre annuellement à la recherche (tous secteurs confondus), plus de 60% sont fournis par les partenaires extérieurs. Une telle dépendance réduit les capacités nationales, de pilotages et de gestion de nos priorités de recherches »65 ;

- Enfin, pour ce qui est de la vulgarisation et de la valorisation des résultats de la recherche, le Sénégal fait face à un certain nombre d'obstacles. Il s'agit de l'absence d'un dialogue pérenne entre le monde universitaire et celui de l'entreprise, même si les autorités sénégalaises en un certain moment ont voulu amoindrir la distance en créant le Technopole qui jusqu'à ce jour n'arrive pas à remplir cette fonction.

Cependant, depuis l'avènement de l'alternance politique au Sénégal, les autorités ont posé un certain nombre d'actes pour le développement de la recherche universitaire. Ils l'ont affirmé ouvertement dans le Xeme plan en ces termes : « la recherche scientifique s'inscrit dans le plan de développement comme un des facteurs essentiels d'aspiration du pays à devenir une nation prospère et respectée. Il est en effet

65 Direction de la planification Travaux préparatoires du Xeme plan (2002-2007), Commission macroéconomique et de synthèse, 2001 :94.

largement établi qu'il ne peut y avoir de développement sans recherche »66. Toujours sur la même lancée, le Ministère de la Recherche Scientifique, annonce la création des Centre de Recherche et d'Essais (CRE). Avec ces centres, la recherche sera décentralisée à l'échelle locale c'est-à-dire de la région, du département, de la commune, de la communauté rurale, du village selon les besoins.

Est-ce encore des promesses non-tenues ou encore une véritable ère de rupture envers la recherche ?

Quoi que l'on puisse dire, l'enseignement supérieur au Sénégal n'est sujet à autant de débats, d'inquiétudes, et de grèves de la part des enseignants que de par le passé. C'est pourquoi, l'on peut être tenté d'affirmer que les universités Sénégalaises vont mal, le départ massif des enseignants de tous rangs vers d'autres cieux constituent l'illustration la plus parfaite du malaise de l'université Sénégalaise.« Les compétences académiques de tous rangs préfèrent partir dans les pays du Nord où elles jouissent davantage de considération et de respect et où elles pourront trouver des meilleures conditions pour leur exercice et leur développement »67.Professeurs, chercheurs et doctorants partent à l'étranger. « La grande saignée des enseignants » a coûté au Sénégal en moins de 10ans selon Abdel Kader Aidara68 , 105 départs de professeurs dont 15 postes sont déclarés vacants à l'Université Gaston Berger de Saint Louis.

Pour pallier la fuite des cerveaux au Sénégal, certains enseignants pensent qu'il faut essayer d'abord de trouver une solution à la question relative à l'avancement des enseignants dans la carrière. Cela pose le problème de la titularisation des maîtres assistants qui a suscité un débat houleux dans les milieux universitaires. Pour Sémou Pathé Guèye « la titularisation n'est pas une revendication digne de notre université »69. Face à la fuite des cerveaux, il pense qu' « il faut créer les conditions pour tous ceux qui veulent effectivement progresser : car à l'université, on est obligé de progresser si on ne

66 Direction de la planification Tavaux préparatoires du Xeme Plan, Recherche Scientifique et Technique et Nouvelles technologies Fiche technique n°64, Juillet 2001 :2.

67A.NIANG, (17 Février 2003), Op.cit, www.refer.sn.

68 Pour plus de détails sur cette question, consulter le site Internet www.refer.sn ou lire l'article de A.K.AIDARA, (24 Décembre 2002), « Universités du Sénégal : la grande saignée des enseignants », Le Soleil n°922.

69S.P.GUEYE., (24 Décembre 2002), « La titularisation n'est pas une revendication digne de notre université », Le soleil in www.refer.sn.

le fait pas, on est largué par le savoir qui, lui, progresse »70 . Donc, il faut mettre à la disposition des assistants stagiaires de la documentation fraîche et récente, permettre aux enseignants de faire des voyages d'étude et leur imposer un rapport à leur retour après les avoir assurée bien sur les moyens financiers nécessaires, revoir les charges horaires pour que le temps accordé à la recherche soit importante71, et promouvoir un encadrement adéquat aux jeunes chercheurs.

Par rapport à l'encadrement, Libasse Diop dégage quelques perspectives :

- Donner des Bourses de thèse aux assistants de la première catégorie ; cette Bourse leur permettrait, en semestrialisant leurs cours (premier semestre de la première année et deuxième semestre de l'année suivante), d'aller à l'étranger effectuer leurs recherches en vue d'une thèse (ceci est aussi applicable aux maîtres-assistants). Deux à quatre séjours ainsi définis permettraient aux uns de passer une thèse de troisième cycle et aux autres une thèse de doctorat d'Etat ;

-Donner les moyens matériels et financiers conséquents aux laboratoires et groupes de recherches qui s'engagent à encadrer un assistant ou un maître-assistant en vue d'une thèse ;

- Réactualiser l'arrêté du Recteur Niang72 et récompenser ceux qui essaient de faire de la recherche dans les conditions extrêmement difficiles de l'Université sénégalaise»73.

Les syndicalistes de leur coté soutiennent qu'il faut sécuriser les assistants en les titularisant d'office dans la fonction enseignante. Bien que les solutions de sortie de crise soient différentes, la solution à la crise universitaire passe d'abord par la satisfaction et la promotion de la recherche, car les enseignants continuent encore de migrer.

70 S.P.GUEYE, Op.cit, Le soleil in www.refer.sn.

71 L'indemnité de recherche des enseignants du supérieur au Sénégal s'élève à 105% de la solde mensuelle (Code 148). Paradoxalement un enseignant-chercheur qui ne fait pas de la recherche n'est pas sanctionné alors que l'enseignement est une obligation.

72 Le recteur Souleymane Niang « avait signé un arrêté tendant à récompenser financièrement les maîtres de conférences et Professeurs qui s'investissaient dans la recherche pour la formation des jeunes assistants, afin qu'ils puissent passer maîtres-assistants après la soutenance de leur thèse de troisième cycle, mais aussi des maîtres-assistants, afin qu'ils passent maîtres de conférences après la soutenance de leur thèse de doctorat d'Etat » .

73L.DIOP, (14 Janvier 2003), « À propos de la titularisation des assistants de l'université », Le Soleil in www.refer.sn.

Les destinations sont aussi bien les universités du Nord qui connaissent un manque criard en professeurs (conséquence du vieillissement de la population entre autres raisons), que des pays de la sous région74 comme la Cote d'Ivoire, la Mauritanie etc.... ou les enseignants sont mieux payés ou tout simplement deviennent des consultants. Selon le Syndicat Autonome des Enseignants du Supérieur (SAES) la recherche n'est pas une priorité dans les institutions universitaires.

A l'UGB, la recherche repose en premier chef sur les projets de recherche des sections et des professeurs qui ont créé des structures de recherche ou laboratoires. L'UGB dispose de structures de recherches multidisciplinaires avec des thèmes de recherche très variés. Les laboratoires de l'UGB sont au nombre de dix. Ces derniers sont :

· Laboratoire d'analyse Numérique et d'Informatique (LANI),

· Groupe d'Etude et de Recherche Constitutionnel Politique (GERCOP),

· Groupe d'Etude Linguistique et Littéraire (GELL),

· Groupe d'Etudes et de Recherche en Sciences Economiques (GERSEC),

· Observatoire pour l'Etude des Urgences, des Innovations et des Mécanismes du Changement Social (URIC),

· Groupe Interdisciplinaire de Recherche pour l'Appui à la Planification Régionale et au Développement Local (GIRARDEL),

· Laboratoire d' Etudes et de Recherches en Statistique et Développement (LERSTAD),

· Equipe de Recherche sur les Mutations du Rural Sahélien (ERMURS),

· Centre Interdisciplinaire d'Etudes et de Recherche de la Vallée (CIERVAL).

Comment ces laboratoires nés d'initiative individuelle ou collective des enseignants, parviennent-ils à fonctionner ? Faillent-ils les financer pour fonctionner ou ne faudrait-il pas prouver d'abord à travers des résultats concrets pour se financer/s'autofinancer ? Quel est l'état de la recherche à l' UGB ? En somme, quelles sont les contraintes et stratégies de recherche des laboratoires de l'Université Gaston Berger de Saint Louis ?

74 Lire à ce propos SAES -LIAISON, n°10 Janvier 2004 :7.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand