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Enjeux politiques et sociaux d'un changement spatial

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par Audrey LELONG
Université de Rouen - Master 2001
  

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Conseils de quartiers et participation

Les habitants voulant participer à la vie locale peuvent s'inscrire dans les conseils de quartiers. Ces conseils de quartiers sont divisés en différents groupes de travail. Par exemple, un groupe de travail sur le patrimoine. Les personnes qui y participent peuvent donner leur avis ou être consultés.

Seulement, les conseils de quartiers sont souvent un lieu où chacun se plaint de ces problèmes quotidiens (voirie, propreté...).

Durant mes observations dans les réunions du conseil de quartier « Vieux-marché/ Cathédrale », j'ai remarqué une forte homogénéité des membres qui y étaient présents et je me suis interrogée sur la légitimité des conseils de quartiers si tous les habitants n'y sont pas représentés.

D'après les caractéristiques des participants, l'âge, la profession ainsi que le diplôme paraissent offrir le meilleur moyen pour intégrer un conseil et exposer les problèmes de sa ville et de proposer des solutions.

Quoiqu'il y ait la parité homme/femme dans les conseils de quartiers, on observe des membres « stéréotypés ». En effet, sur 412 conseillers inscrits lors du renouvellement de février 200454(*), on comptait 38% de retraités. Les actifs qui étaient 58% au 31 décembre 2005 ont des caractéristiques communes, c'est-à-dire un niveau d'études élevé et ils ont pour la plupart des professions libérales.

Les jeunes sont en revanche faiblement représentés : 1% des membres ont entre 18-25 ans et 13% ont entre 25-39 ans.

Fréquentation des conseils de quartiers 2004-2007

Retraités

38%

Actifs

58%

Inactifs

4%

18-25 ans

1%

25-39 ans

13%

39-50 ans

38%

50-75 ans

48%

Données recueillies sur le site www.rouen.fr

Pour être membre d'un conseil de quartier, il n'y a pourtant aucune contrainte et le droit d'expression est ouvert au plus grand nombre. Cela voudrait alors dire qu'il y a une « sélection  naturelle » des habitants, chacun sachant quel est son rôle. Pour y remédier, il me semble qu'il serait bien d'effectuer des tirages aux sorts pour désigner les personnes qui seront dans le conseil de quartier. Ainsi, chaque habitant est susceptible d'être choisi et le conseil assurerait une représentation plurielle de la population. Mais cette solution du tirage au sort suppose que tous les habitants veulent participer à l'élaboration de sa ville, seulement, beaucoup d'habitants ne sont pas intéressés par les évolutions de leur ville. Par exemple, « lors d'une réunion entre la municipalité et les habitants de la rive gauche, lorsque le Maire en est venu à parler du Palais des Congrès, pas un mot. Personne dans le public n'a souhaité obtenir de précisions sur le projet d'espace Monet-Cathédrale. Visiblement, la polémique n'intéresse pas la rive-gauche car la place de la Cathédrale semble loin. Mais il est aussi possible que les habitants n'osent rien dire car ils pensent que ce n'est pas leur rôle ». (Édition du 09.06.2006, Paris Normandie)

La sociologie de la domination a montré que l'inégal accès à certains espaces publics était indexé à la distribution différenciée des capitaux sociaux et culturels. L'autorité de la parole serait alors corrélée à l'autorité sociale du locuteur.

L'espace public est donc « restreint » à une tranche de la population et fermé sur une élite informée, concernée et éclairée.

Tous les membres du conseil sont au courant de tout ce qui se passe dans la ville et se sentent en effet très concernés par les évolutions urbaines.

L'adhérence au conseil de quartier est la plupart du temps un moyen de se faire entendre, de se sentir utile comme le dit un membre interrogé :

« Ici on parle de tout, ce qui nous dérange. Il y a toujours quelqu'un de la mairie pour écouter. Ce qu'on dit c'est rapporté plus haut. C'est un peu le seul moyen qu'on a de se faire entendre. Et puis quand on doit donner un avis sur un projet, on le donne et dans ces cas là, on sent qu'on met notre empreinte dans les futurs projets », (Nicolas, dentiste, entretien n°1).

Cette participation satisfait une partie de la population seulement, car les conseils de quartiers sont créés pour qu'ils émettent des avis consultatifs, c'est-à-dire qu'ils n'ont aucune décision à prendre. La municipalité peut prendre en compte ce qui ressort des réunions mais peut également passer outre. Les conseils de quartiers n'ayant aucun moyen pour s'opposer aux décisions prises.

Le fait que ce soit les élus qui aient le pouvoir de tout décider met à mal la théorie d'Habermas selon laquelle les citoyens ont des recours pour émettre leur avis.

Nous sommes dans ce que Weber appelle la domination légale-rationnelle, caractéristique des sociétés modernes. Des règles sont rationnellement établies pour accéder au pouvoir et celui qui l'exerce a un statut légal. L'Etat peut exercer le « monopole de la violence légitime » ; par conséquent, il exerce une domination sur la population, mais cette domination est rationnelle et fait le moins possible appel à la violence.

La liberté de parole des individus pour participer à la production de la ville pourtant prônée par Pierre Albertini,, est en fait une « liberté négative »55(*) qui a remplacé la confiance qu'accordait l'Etat aux individus par une méfiance prudente, car la confiance en les habitants était vue comme dangereuse. La « liberté négative » a également eu comme conséquence de demander la participation des habitants pour la recherche de garanties pour la municipalité au lieu de rechercher ce qu'ils veulent vraiment.

Selon les habitants, Ivon Robert faisait plus de choses en les annonçant aux habitants. « Albertini lui, fait des effets d'annonces, il met les gens devant le fait accompli, il décide de choses tout seul. (Exemple du projet du rond point place cauchoise). Avec Albertini on ne sait jamais où on va », (Nicolas, Négociateur immobilier, membre de l'association « p'tit pat Rouennais, entretien n°2).

C'est pour cette raison de domination de l'Etat sur les dominés que sont les habitants, que des associations se sont crées, comme celle du « P'tit Pat Rouennais » car elles ont une reconnaissance juridique.

« Avant quand j'étais dans le conseil Cathédrale, j'étais dans le groupe de travail « patrimoine », c'était pas mal, j'ai appris beaucoup et je pense avoir aussi beaucoup apporté. Mais au final, un conseil de quartier c'est plutôt pour parler de ses petits problèmes quotidiens (...) et même quand on veut réellement être puissant, on ne peut pas car la municipalité fonce bille en tête sans nous écouter, et franchement on n' a rien à dire à cela, alors j'ai créé mon association sur le patrimoine, et maintenant je me sens plus puissant », (Daniel, retraité, Président de l'association « P'tit Pat Rouennais », entretien n°11).

Dans une ville, seules les associations peuvent aller en justice si elles sont en parfait désaccord avec les projets de la municipalité. Elles ont donc un pouvoir qui peut avoir un effet sur l'évolution de la ville. Dans une association on agit, alors que dans le conseil de quartier on donne un avis consultatif.

Notre analyse sur la participation des habitants nous donne une réponse précise pour répondre à notre deuxième hypothèse. En effet, bien que les habitants soient parfois consultés par la municipalité sur différentes questions, il est indéniable que leur rôle s'arrête là. Le fait d'émettre son avis en conseil de quartier ne donne pas au citoyen un rôle fondamental vu que son avis est seulement consultatif. L'effort de démocratie participative, tel qu'il est qualifié, ne change pas le fonctionnement interne de la municipalité qui dirige toujours seule.

* 54 Observatoire de la démocratie locale, Bilan 2005.

* 55 Tourraine A., Qu'est-ce que la démocratie ?, Fayard, Le Livre de Poche, 1994, p.36.

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